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La revue Jump Cut

Revue de cinéma par guillaume Gélinas. Projet réalisé dans le cadre du cours "Projet en Cinéma", Département de Communication du cégep André-Laurendeau. 2015

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Incluant plusieurs critiques, dont celle d’El Topo et de Enter The Void<br />

Table des matière <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

<strong>La</strong> <strong>revue</strong><br />

<strong>Jump</strong> cut<br />

Novembre 2015, numéro 1<br />

<strong>La</strong> <strong>revue</strong> alternative au<br />

cinéma hollywoodien<br />

Dossier spécial: Les jeunes dans le cinéma contemporain


Table des matière <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015


Table des matière <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Table des matières p.3<br />

Présentation p.4<br />

Dossier: les jeunes dans le cinéma contemporain<br />

<strong>La</strong> voix de la dissidence p.5<br />

Portrait du cinéma contemporain américain p. 11<br />

Le déclin de l’empire américain? p.11<br />

L’impérialisme culturel destiné aux jeunes p.16<br />

Portrait comparatif du cinéma américain contemporain p. 21<br />

Critiques de films<br />

Faites l’amour et non la guerre! p.25<br />

Pour l’amour d’une femme p.27<br />

Vive la Palestine libre! p.29<br />

Triste comédie musicale p.31<br />

Sous LSD p.33<br />

Le cinéaste <strong>La</strong>rs Von Trier


Présentation <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Présentation<br />

Dans le cadre de mon cours Projet en cinéma, j’ai eu la chance de faire cette <strong>revue</strong>, qui synthétise<br />

mes 3 années d’apprentissage dans le programme de cinéma et communication au Cegep André-<br />

<strong>La</strong>urendeau. Par rapport à la réflexion intellectuelle présent dans les textes et à sa forme, elle se situe<br />

à un niveau pré universitaire. Afin de mettre en valeur une variété de films, la <strong>revue</strong> sera divisée en<br />

deux parties :<br />

<strong>La</strong> première partie contient des analyses approfondies sur trois œuvres contemporaines, qui<br />

proposent chacune à leur manière une vision de la jeune génération. D’une part, j’ai décidé de<br />

consacrer une analyse assez complète sur mon propre court métrage sorti en août dernier. Ce texte<br />

sert en quelque sorte à synthétiser mes réflexions et mes analyses (par rapport à mon propre film) et<br />

à présenter ma démarche cinématographique, qui par ailleurs, peut permettre d’introduire le type<br />

d’œuvre qui sera analysé dans cette <strong>revue</strong> : des films formellement différents, par rapport au cinéma<br />

dominant et qui aborde, généralement, des thématiques politiques. Les deux autres textes constituent<br />

une analyse comparative entre deux films américains : Spring Breakers et Projet X. Le but de cette<br />

analyse est d’être en mesure de cerner la vision respective des deux réalisateurs et de mettre en<br />

opposition le cinéma commercial et le cinéma d’auteur indépendant (américain). <strong>La</strong> partie analyse se<br />

conclut par un texte synthèse qui cherche à relever les caractéristiques du cinéma contemporain, à<br />

partir de mes trois analyses précédentes.<br />

<strong>La</strong> seconde partie concerne davantage la critique de cinq films qui couvrent le<br />

cinéma des années 60 à aujourd’hui. Toutefois, les œuvres sélectionnés peuvent<br />

être particulièrement difficiles d’accès. D’une part, j’ai toujours été attiré vers les<br />

choses peut conventionnelle et marginaux et le cinéma ne fait pas exception à la<br />

règle. D’une autre part, je considère que chacune des œuvres sélectionnés<br />

méritent d’être connue et vue, par le plus grand nombre de gens. En fait, le but<br />

ultime de la <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> correspond à une valeur qui me tient à cœur, celle de<br />

l’ouverture d’esprit. Pour cette raison, la mission fondamentale que je me suis<br />

donnée tout au long de ce projet est de démontrer que le cinéma ne se limite pas<br />

aux superproductions hollywoodiennes et qu’il existe une multitude de<br />

conception et de manière de faire un film. Cette mission m’amène à proposer au<br />

lecteur des textes le plus clairs et rigoureux possible, afin de le permettre d’avoir<br />

des exemples concrets d’œuvre provenant de différents courants<br />

cinématographiques. Au final, j’espère contribuer, modestement, à une prise de<br />

conscience et à une libération des esprits par rapport à l’hégémonie<br />

hollywoodienne.<br />

Le cinéaste Gaspar Noé<br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

<strong>La</strong> voix de la dissidence<br />

Analyse filmique du court métrage Québec socialiste<br />

Depuis plusieurs années, nous pouvons observer une dépolitisation du cinéma québécois<br />

et mondial, symbolisant une société elle-même dépolitisée et cynique. Souvent, les<br />

œuvres se retrouvent à mettre en scène des problèmes personnels, symptôme d’une<br />

société gangréné par l’individualisme et le culte du « je » au détriment du « nous. »<br />

Mais à l’opposé à cette tendance cinématographique, certain cinéaste plus marginal<br />

cherche à proposer des œuvres à caractère sociales, qui reflète et critique la société actuelle. C’est le cas<br />

du jeune cinéaste Guillaume Gélinas avec son premier court métrage Québec socialiste. Ce film suit des<br />

jeunes engagés politiquement, qui nous parle de leur mouvement politique visant à conscientiser la<br />

jeunesse sur les enjeux actuels. Aussi, ils tentent de nous proposer une alternative au néolibéralisme. Cette<br />

œuvre, qui se situe en marge des productions cinématographiques dominantes, cherche à réhabiliter un<br />

type de cinéma qu’on croyait mort et enterré : le cinéma militant. En effet, le court métrage propose une<br />

vision et une fonction très spécifique que le cinéma devrait avoir : celle de conscientiser la population et<br />

remettre radicalement en question l’ordre établi. Par sa forme à la fois moderne, pour son côté subjectif et<br />

autoréférentiel, c’est-à-dire, qu’il fait référence à lui-même et contemporaine, pour son côté hybride entre<br />

la fiction et le documentaire, ce film donne la parole à la jeune génération, surtout, la frange la plus active<br />

politiquement.<br />

Une œuvre consciente d’elle-même<br />

Afin de nous transmettre le message du<br />

mouvement, l’équipe de tournage se veut nontransparente<br />

et participe à l’action du film. Tout<br />

d’abord, ce procédé stylistique cherche à<br />

éradiquer le quatrième mur qui sépare<br />

normalement l’équipe de tournage (ainsi que le<br />

spectateur) et les acteurs. Par l’utilisation de la<br />

voix off et l’effet miroir, qui nous permet de la<br />

voir à travers les vitres, Québec socialiste installe,<br />

d’une manière très subtile, une mise en abime, qui<br />

nous permet d’assister à la captation d’un «<br />

documentaire engagé » sur des jeunes militants<br />

politique. Au final, ce procédé fortement<br />

autoréférentiel amène Québec socialiste à être<br />

conscient de lui-même (en tant qu’œuvre), ce qui<br />

permet au court métrage de se distinguer des<br />

autres productions, surtout les plus commerciaux.<br />

Par ailleurs, les choix stylistiques jouent un rôle<br />

important dans cette non-transparence, en<br />

particulier dans l’utilisation de la caméra et du<br />

son. Tout d’abord, les plans sont filmés en caméra<br />

portée et parfois on sent la présence du<br />

caméraman, en particulier, lorsque le zoom est<br />

utilisé pour focaliser et recadrer un personnage.<br />

Parfois même, on peut entendre la caméra faire le<br />

zoom ou bouger, surtout lors des scènes qui se<br />

déroulent à l’intérieur. De manière générale, on<br />

pourrait ajouter que la caméra filme près de<br />

l’action, comme lorsque Stéphanie arrive en<br />

courant, à la fin du film, pour dire à Maxime et à<br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Charles que : « <strong>La</strong> police s’en vient! »<br />

Contextuellement, celle-ci est utilisée pour «<br />

capté » la contestation que le Québec connaît<br />

depuis quelques années. Dans ce sens, la caméra<br />

est utilisée pour donner la parole à la dissidence<br />

politique, surtout chez les jeunes, pour qu’ils<br />

expriment leur désaccord par rapport à la société<br />

québécoise actuelle. Ensuite, la captation du son<br />

aborde dans le même<br />

sens. En effet, celleci<br />

« capte en direct »<br />

le point de vue des<br />

m i l i t a n t s d u<br />

mouvement et<br />

permet qu’on puisse<br />

entendre leur piste<br />

de solution pour<br />

améliorer la société<br />

actuelle. Toutefois,<br />

les bruits de fond, en particulier lors des scènes<br />

qui se déroulent à l’extérieur, peuvent prendre<br />

autant de place que les dialogues. Si cette<br />

problématique peut sembler un défaut de<br />

production, cela relève davantage du choix<br />

esthétique principale de garder le tout, le plus<br />

naturel possible. Paradoxalement, ce point faible,<br />

à première vue, participe à rappeler au spectateur<br />

que le son est capté par un perchiste, surtout<br />

lorsque le vent souffle dedans. Le tout participe à<br />

faire rappeler que le film est tourné. En sommes,<br />

la caméra et le son sont les armes qui sont<br />

utilisées, par le réalisateur, pour symboliser la<br />

d i s s i d e n c e p o l i t i q u e , p a r r a p p o r t a u<br />

néolibéralisme et participe à la non-transparence<br />

de l’équipe de tournage.<br />

Une autre chose qui est importante d’analyser est la<br />

fonction que le réalisateur pourrait avoir dans le film. <strong>La</strong><br />

première fonction serait celle d’informer et d’incarner<br />

(indirectement) le spectateur. En effet, celui-ci pose des<br />

questions scolaire, le réalisateur les relances pour savoir<br />

comment il compte financer leurs projets. D’ailleurs, ce<br />

style pourrait se rapprocher du journalisme, dans la<br />

mesure où l’on part à la rencontre des gens et on cherche<br />

à informer le public sur des enjeux actuels.<br />

Ce style, qui caractérise le cinéma<br />

contemporain, cherche à se « métisser »<br />

avec d’autres influences extérieures à celuici.<br />

Dans cette perspective, il s’agit d’un<br />

hybride entre le cinéma de fiction et le<br />

journalisme, ce qui relève davantage du<br />

postmodernisme cinématographique,<br />

puisqu’on mélange des styles, parfois<br />

opposé. Au final, le réalisateur pourrait être<br />

considéré comme un personnage, au même<br />

titre que les acteurs, puisqu’il participe à l’action du film<br />

et inter agie avec eux, sans qu’on puisse le voir.<br />

Finalement, les regards caméras occupent une place<br />

importante dans les choix stylistiques. En effet, ceux-ci<br />

pourraient avoir deux fonctions distinctes : <strong>La</strong> première<br />

servirait à faire rappeler au spectateur la présence de<br />

l’équipe de tournage. Par exemple, lorsque le réalisateur/<br />

caméraman pose une question, souvent, les personnages<br />

répondent en regardant dans la caméra. Cela permet une<br />

interaction entre l’équipe de tournage et les militants du<br />

mouvement et contribue à la non-transparence de celleci.<br />

<strong>La</strong> seconde concerne un renvoi à notre position de<br />

spectateur, en vue de nous obliger à nous positionner sur<br />

les différents enjeux soulevés. En effet, le but du film est<br />

de conscientiser le spectateur et ce procédé, qui détruit<br />

toute distanciation, emmène une fonction davantage<br />

participative, au niveau intellectuel. De plus, on pourrait <br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

rajouter que les personnages peuvent s’adresser<br />

directement au spectateur, en particulier lorsque<br />

Maxime cri après un « fédéraliste de gauche.» Au<br />

final, le regard caméra est le procédé le plus<br />

important qui est utilisé, pour remplir la fonction<br />

militante du film.<br />

<strong>La</strong> manipulation du spectateur ?<br />

L’un des points fondamentaux qui<br />

caractérisent le faux documentaire est de faire<br />

passer une fausseté pour quelques choses de<br />

réelle. Pour ce faire, les<br />

procédés qui y sont<br />

utilisés doivent<br />

pratiquement relever de la<br />

fiction hyperréaliste.<br />

Dans cette perspective,<br />

Québec socialiste opte<br />

pour une esthétique très<br />

naturelle, dont on sent<br />

certaines influences provenant du dogme 95.<br />

Premièrement, les choix de mise en scène<br />

vont dans ce sens et s’incarnent plus précisément<br />

dans les choix de décors et d’éclairage. Tout<br />

d’abord, on cherche à recréer le mode de vie des<br />

jeunes. Par exemple, lors de la première rencontre<br />

avec le réalisateur, les décors cherchent à recréer<br />

l’univers de deux jeunes adultes qui vivent<br />

ensemble. Ensuite, l’éclairage est entièrement<br />

naturel et n’utilise aucun effet artificiel. Par<br />

exemple, l’éclairage de la scène avec Stéphanie et<br />

Maxime s’appuie sur la lumière du soleil et donne<br />

un éclairage de jours. Toutefois, ce choix entraine<br />

certaines faiblesses esthétiques, comme les<br />

moments qui sont sous-éclairés dans la voiture de<br />

Maxime, qui fait presque disparaitre le<br />

personnage. Ensuite, le jeu des acteurs est<br />

très naturel à un point qu’on oublie, par moment,<br />

qu’ils sont des comédiens. On pense, par <br />

exemple, à la scène du souper d’amoureux entre<br />

Stéphanie et Maxime, ainsi que la discussion dans<br />

la voiture du personnage principal. En sommes, la<br />

crédibilité du court métrage repose en grande<br />

partie sur ces choix de mise en scène.<br />

D e u x i è m e m e n t , l e m o n t a g e e s t<br />

principalement rattaché au<br />

propos du film. Tout d’abord, la<br />

temporalité du récit se veut<br />

linéaire et cherche à démontrer<br />

que l’équipe de tournage à<br />

passer plusieurs jours, voire<br />

même plusieurs semaines à<br />

côtoyer le mouvement. Malgré<br />

cette linéarité, par rapport à la<br />

structure temporelle du récit, cela n’empêche pas<br />

de briser la continuité visuelle, fait de manière<br />

intentionnel par le montage. Par exemple, la scène<br />

de Stéphanie et Maxime contient un montage en<br />

parallèle qui vient interrompre les parties typiques<br />

au « documentaire » : ent<strong>revue</strong> presque<br />

journalistique avec les personnages, discours<br />

explicitement politique et militant, etc. De plus,<br />

on retrouve beaucoup de <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong>, dans un style<br />

godardien, lors des scènes de couples, qui sert<br />

aussi d’ellipse, par rapport au montage<br />

temporelles. Bien que la musique ne soit pas<br />

omniprésente dans le film, elle peut avoir<br />

certaines fonctions particulières. Par exemple,<br />

lors du souper d’amoureux, la chanson Take My<br />

Breath Away joue en musique extradiégétique, à<br />

l’extérieur de la scène et donc rajoutée au<br />

montage. Ce choix de pièce fait directement<br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

référence au film Top Gun, qui sera visionné<br />

un peu plus tard dans la scène. Sa fonction est à la<br />

fois autoréférentielle (par rapport au cinéma) et<br />

intertextuelle (par rapport au fait que cette<br />

chanson a obtenu un grand succès.) De plus, la<br />

chanson Toujours plus mais toujours moins du<br />

groupe québécois Anonymus critique les<br />

politiques d’austérité et accompagne<br />

des images (lors du générique du<br />

début), qui pourrait faire appelle à<br />

une révolte contre cette politique<br />

économique. Bref, le montage<br />

accompagne le propos du film et<br />

brise la continuité visuelle dans les<br />

scènes.<br />

Portait de la jeunesse militante<br />

À la suite de l’échec du référendum de 80,<br />

mais plus encore après celui de 95, les<br />

gouvernements, péquiste et Libéraux ont tous<br />

deux appliqué des politiques de « compression<br />

budgétaire », qui visait ultimement à démanteler<br />

le « modèle québécois.» Ces politiques de type<br />

néolibéral, dont les origines philosophiques<br />

proviennent du monde anglo-saxon, visent à<br />

diminuer l’intervention de l’État dans les sphères<br />

économiques et sociales. Les nombreuses<br />

suppressions de postes et la vision très marchande<br />

qu’entraine cette idéologie emmènent une forte<br />

contestation au sein de la population. L’un des<br />

exemples les plus éloquents a été la crise<br />

étudiante de 2012. Cet évènement majeur dans<br />

l’histoire du Québec a amené des centaines de<br />

milliers de jeunes à s’opposer à la hausse brutale<br />

des frais de scolarité, proposé par le<br />

gouvernement Charest. <strong>La</strong> base militante du<br />

mouvement du film, pourrait s’incarner dans cette<br />

jeunesse qui s’oppose farouchement au politique<br />

d’austérité, et qui a d’ailleurs essayé de partir un<br />

mouvement de grève en hivers 2015.<br />

En fait, Québec socialiste représente une tendance<br />

qu’on retrouve au sein de<br />

la jeunesse actuelle.<br />

D’une part, celle-ci est à<br />

la recherche de nouveau<br />

véhicule politique pour<br />

incarner ces aspirations,<br />

dont Option nationale<br />

(O.N.) et Québec solidaire<br />

(Q.S.) serait les plus<br />

connues, sur la scène<br />

politique provinciale.<br />

D’une autre part, le<br />

mouvement fictif cherche à proposer un projet<br />

politique actuel, qui se base sur des enjeux pouvant<br />

rassembler les jeunes comme l’environnement et<br />

d’autres enjeux sociaux. On pourrait ajouter que le<br />

projet politique du mouvement s’appuie sur une<br />

critique du capitalisme actuelle et de l’individualisme,<br />

qui l’amène à embrasser un socialisme démocratique<br />

comme principale alternative à la société actuelle.<br />

Toutefois, il est important de se demander si la jeunesse<br />

représente réellement un terreau fertile à ce type de<br />

projet.<br />

En effet, si les « carrés rouges » représentent la base<br />

militante du mouvement et que le court métrage<br />

symbolise cette frange de la jeunesse québécoise, il<br />

existe aussi d’autres jeunes, probablement autant<br />

politisés, mais qui ne partage pas nécessairement les<br />

idées véhiculées dans ce film. Selon certains sondages<br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

récents, le parti numéro 1 chez les jeunes<br />

serait le Parti libéral du Québec (P.L.Q.)<br />

Malheureusement, Québec socialiste aborde très<br />

peu cette réalité et se contente de prêcher aux<br />

converties, comme le fait, hélas, bon nombre de<br />

films engagés. De plus, les médias dominants<br />

dépeignent souvent les jeunes comme étant «<br />

individualistes » et<br />

des « citoyens du<br />

monde », tout en<br />

diabolisant ces<br />

fameux « carrés<br />

rouges », comme le<br />

montre de façon<br />

éloquente le<br />

traitement<br />

médiatique de la<br />

crise étudiante. Curieusement, cette vision de la<br />

jeunesse, qui nous est vendue par les médias,<br />

correspond aux valeurs du néolibéralisme. En fait,<br />

les médias dominants, qui sont souvent sous<br />

contrôle d’homme extrêmement riche, proposent<br />

une vision de la jeune génération qui correspond<br />

à leur projet politique. Dans ce sens, le court<br />

métrage représente une contre thèse de ce que les<br />

médias de masse nous projettent. De plus, il<br />

s’appuie sur la jeune génération pour porter une<br />

critique de la société actuelle. Au finale, cela<br />

révèle une seconde thématique centrale à l’œuvre,<br />

soit la marginalité politique.<br />

Un autre aspect qui est important à analyser,<br />

c’est le rapport du mouvement avec la question<br />

nationale. Celle-ci est à la base de leur alternative<br />

politique et correspond aussi à une tendance<br />

qu’on retrouve chez les jeunes, celle d’aborder<br />

concrètement l’enjeu de l’indépendance du<br />

Québec. Par exemple, Charles Beauregard<br />

nous explique que le meilleur moyen de contrer<br />

les accords de Libre-échange, qui donne des<br />

pouvoirs démesurés aux multinationales, est que<br />

le Québec puisse négocier lui-même ses propres<br />

traités. Toutefois, l’indépendance véhiculée par ce<br />

mouvement est conditionnée à un projet politique<br />

de type socialiste, dont le nom du<br />

film symbolise cette vision d’un<br />

éventuel pays. Ensuite, le<br />

nationalisme qu’on retrouve dans<br />

Québec socialiste aborde dans le<br />

même sens. En effet, le court<br />

métrage propose comme thèse que<br />

le néolibéralisme va à l’encontre<br />

de l’intérêt général (ou nationale).<br />

D a n s c e t t e p e r s p e c t i v e , l e<br />

nationalisme se veut un rempart contre le<br />

capitalisme actuel, puisqu’il serait apte à défendre<br />

les intérêts d’un plus grand nombre de gens. Au<br />

final, le nationalisme véhiculé dans ce film,<br />

représente l’une des formes qu’on pourrait y<br />

retrouver chez les jeunes : une adhésion au «<br />

Québec d’abord » (patriotisme), accompagné<br />

d’une forme d’internationalisme (un désir de<br />

s’ouvrir et de participer au monde.)<br />

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Analyse filmique <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Comme nous avons pu le constater, Québec socialiste est une œuvre anticonformiste tant<br />

par son propos que par certains de ses choix stylistiques, surtout en ce qui concerne la nontransparence<br />

de l’équipe de tournage et son caractère hybride. Dans un contexte marqué par<br />

le réveil d’une partie de la population et sa contestation, par rapport au politique d’austérité,<br />

le film cherche à donner la parole à des jeunes et à symboliser la révolte populaire, par sa<br />

tonalité extrêmement contestataire. Dans un sens, il s’agit d’utiliser le cinéma et ses divers<br />

procédés (caméra, son et mise en scène), au même titre que certaines personnes vont sortir<br />

dans la rue pour manifester. En sommes, il s’agit d’une autre façon, plus culturelle,<br />

d’exprimer son désaccord et sa vision du monde, qui certes, ne doit pas prétendre à convertir<br />

qui que ce soit, mais qui peut certainement contribuer modestement au débat public. De plus,<br />

la forme de cinéma que propose le réalisateur représente une sorte de cinéma militant « pur et<br />

dur », dans la mesure où le court métrage propose explicitement un projet politique au<br />

spectateur, auquel il cherche ultimement son adhésion. De ce point de vue, il s’agit de l’un<br />

des rares films québécois à être ouvertement pour l’indépendance du Québec et à proposer<br />

une sortie du capitalisme actuelle. Par rapport aux deux autres œuvres qui seront analysées<br />

dans les pages suivantes, le court métrage propose une vision politiquement engagée de la<br />

jeune génération et sont opposition, par rapport à la société actuelle.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Portrait du cinéma contemporain<br />

américain<br />

Analyse comparative entre Spring Breakers et Projet X<br />

Mise en contexte<br />

Il y a quelques années, sortaient deux films : Spring Breakers et Projet X, respectivement d’Harmony<br />

Korine et de Nima Nourizadeh. Ces deux œuvres, loin d’être des chefs d’œuvres du cinéma,<br />

représentent chacune à leur manière, ce qu’on pourrait appeler le cinéma contemporain. D’une part,<br />

l’aspect formel contient des éléments originaux, qui méritent notre attention. D’une autre part, les<br />

thématiques abordées sont le reflet de la société actuelle, en particulier celle que les jeunes entre 18 et<br />

30 ans ont grandie. L’analyse comparative suivante cherchera à dresser un portrait du cinéma<br />

contemporain, sur le plan stylistique et thématique, tout en essayant de distinguer la vision respective<br />

des deux réalisateurs. L’autre aspect qui sera analysé est leur rapport avec leur public cible, puisque<br />

comme nous allons le voir, certains de ces films ont eu un certain impact sur le public.<br />

Le déclin de l’empire américain?<br />

Analyse filmique de Spring Breakers réalisé par<br />

Harmony Korine<br />

Si le cinéma américain est surtout connu pour ces mégas productions, il existe<br />

néanmoins certains cinéastes qui cherchent à proposer des œuvres originaux et<br />

radicalement différentes de ce qu’on est habitué de voir. C’est le cas d’Harmony<br />

Korine qui rentre dans la catégorie des cinéastes indépendants. Tout d’abord, il a<br />

commencé sa carrière comme scénariste pour le film Kids réalisé par <strong>La</strong>rry Clark,<br />

qui fera aussi Ken Park, un autre film scénarisé par le cinéaste américain. Plus<br />

tard, il réalisera son premier long métrage, Gummo, considéré comme une œuvre<br />

d’avant-garde, ce qui est plus tôt rare aux États-Unis. Par la suite, il sortira<br />

d’autres œuvres qui déconstruisent les conventions du cinéma dominant, pour<br />

proposer quelques choses de beaucoup plus uniques et hors-norme. D’ailleurs, le cinéaste est très critique du<br />

cinéma actuel et trouve que les productions ressemblent trop à ce qu’on faisait à l’époque de Griffith (années<br />

1910), mais avec quelques évolutions techniques. Toutefois, Harmony Korine opère un virage « commerciale<br />

» avec son dernier film, Spring Breakers. Sortie en 2013, cette oeuvre raconte l’histoire de jeunes filles, qui<br />

durant leur congé scolaire (l’équivalent de la semaine de relâche aux Québec), décide d’aller au Spring Break,<br />

une sorte d’évènement festive ou la débauche est particulièrement au rendez-vous. Malheureusement, les<br />

quatre amies n’ont pas assez d’argent et décident d’aller cambrioler un restaurant, afin de payer leur voyage.<br />

Elles réussiront à s’y rendre et rencontreront, après quelques jours de fête intensive, un dealer de drogue<br />

locale surnommée Alien. Pour ce film, Harmony Korine décide de faire appel à des personnalités connues,<br />

comme Selena Gomez (chanteuse pop et vedette au Disney Channel), Vanessa Hudgens (aussi une vedette au<br />

Disney Channel), ainsi que James Franco dans le rôle d’un gangster.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Une oeuvre formaliste?<br />

D’entrée de jeu, Spring Breakers se présente<br />

comme une œuvre très formaliste et la<br />

construction des images vont dans ce sens et<br />

l’utilisation de la caméra sert ce but. Par exemple,<br />

à la fin du film, on retrouve un plan filmé à<br />

l’envers. Ces choix de cadrages, parfois<br />

originaux, mise clairement sur l’aspect formel de<br />

l’œuvre : on construit des belles images au<br />

détriment d’une<br />

symbolique plus<br />

profonde. En soi, il<br />

s’agit d’une<br />

caractéristique qui<br />

pourrait correspondre au<br />

maniérisme : on créer<br />

des œuvres maitrisé<br />

visuellement, mais sans<br />

contenue (message) réel. Certains choix, parfois<br />

très audacieux, comme cette caméra « libre », qui<br />

sort de nulle part pour aller filmer la scène où les<br />

ralentis vont dans ce sens. Cela pourrait expliquer<br />

la construction très esthétique des images, qui<br />

mise énormément sur les couleurs. Tel un tableau<br />

de peinture, les plans se présentent, visuellement,<br />

comme de véritables œuvres d’art. Par ailleurs,<br />

certains plans sont construits en mettant une<br />

fonction particulière aux couleurs choisies. On<br />

pense, par exemple, à la scène vers la fin du film<br />

ou les filles et Alien marchent sur un pont avec un<br />

Bikini et une camisole jaune. Cette couleur,<br />

cherche à mettre de l’emphase sur ces<br />

personnages pour nous indiquer qu’ils seront<br />

importants dans l’action à venir. En sommes, la<br />

caméra et l’image se présentent avec une grande<br />

maitrise esthétique.<br />

Ensuite, les choix de mises en scène servent<br />

généralement à nous plonger dans l’univers du<br />

film. Tout d’abord, les choix des costumes ne sont<br />

pas négligeables. D’une part, le fait que les quatre<br />

filles sont principalement en Bikini pourrait<br />

symboliser le caractère hypersexualisé du Spring<br />

Break. De plus, le côté « gangster » du personnage<br />

d’Alien (interprété de manière très réussie par James<br />

Franco) pourrait, quant à lui, symboliser le côté<br />

beaucoup plus violent du film. Ensuite, les choix de<br />

certains décors ou certains lieux peuvent avoir une<br />

signification particulière. Par exemple, le personnage<br />

d’Alien vit dans une grosse maison. Celle-ci pourrait<br />

signifier que son travail de dealer de drogue lui<br />

rapporte beaucoup d’argent. Aussi,<br />

le personnage collectionne les<br />

armes à feu. Comme nous le<br />

verrons, le personnage d’Alien<br />

symbolise les États-Unis et en<br />

particulier le rêve américain. Dans<br />

ce sens, il pourrait refléter la<br />

fascination qu’ont les Américains<br />

pour les armes à feu et la violence.<br />

Bref, la mise en scène est l’un des<br />

aspects les plus importants, afin de symboliser le côté<br />

sombre, hypersexualisé et particulièrement violent du<br />

film.<br />

Outre les choix de mise en scène, Korine opte pour<br />

une narration non conventionnelle et non linéaire. Ce<br />

choix, qui constitue l’une des forces stylistiques du<br />

film, s’incarne principalement dans une temporalité<br />

indéfinie ou l’on représente, parfois, une multitude de<br />

visions différentes de certains évènements. On pense,<br />

par exemple, à la scène du vol dans le restaurant ou<br />

l’on retrouve le point de vue à la fois extérieur de<br />

l’évènement, mais aussi à l’intérieur de l’action. En<br />

plus de mélanger les temporalités, le cinéaste<br />

déconstruit de manière radicale les règles très<br />

conventionnelles de la continuité visuelle et narrative.<br />

Résultat, le récit se veut extrêmement déstabilisant<br />

pour le spectateur et contribue à l’expérience<br />

cinématographique de celui-ci. En sommes, ce choix<br />

de structure narrative pourrait représenter celle d’un<br />

rêve, dans la mesure où celui-ci est structuré de<br />

manière illogique et fait éclater toute forme de<br />

temporalité.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Ensuite, le montage sonore est un aspect<br />

important dans Spring Breakers. Premièrement,<br />

on retrouve des voix extradiégétiques (over) des<br />

personnages qui viennent commentées ou<br />

amenées des réflexions personnelles. Ce procédé<br />

stylistique, avec le montage des plans, contribue à<br />

la multiplicité des points de vue. Deuxièmement,<br />

le choix des musiques et plus largement de<br />

l’ambiance sonore est omniprésente. Tout<br />

d’abord, il décide de faire appel à Skrillex pour<br />

composer la bande-son du film. Ce choix pourrait<br />

correspondre à<br />

l’aspect plus<br />

c o m m e r c i a l d u<br />

film, puisque le DJ<br />

est à son apogée et<br />

s o n s t y l e d e<br />

m u s i q u e , l e<br />

dubstep, est très<br />

apprécié par les<br />

jeunes. D’autre pièce, comme du hip-hop et des<br />

chansons plus pop figure aussi dans le film. Le<br />

choix de la musique va avec l’ambiance festive du<br />

film et pourrait plaire à un jeune public.<br />

Troisièmement, chaque séquence se termine avec<br />

un bruit de fusil en sourdine. Cela pourrait<br />

permettre, par rapport à sa fonction symbolique,<br />

de prédire et d’amener graduellement la suite du<br />

film et en particulier à la scène finale de fusillade.<br />

Bref, le son contribue à l’ambiance générale du<br />

film.<br />

Toutefois, le film contient aussi des influences<br />

issues du vidéoclip. On les retrouve surtout dans<br />

la séquence d’ouverture et dans celle du Spring<br />

Break. <strong>La</strong> première commence sur la chanson<br />

Scary Monsters et Nice Sprites de Skrillex. Le<br />

montage et le filmage des plans, avec un léger<br />

effet de ralentit, suit la rythmique, mi-tempo, de<br />

la chanson. Ensuite, la mise en scène nous plonge<br />

directement dans l’univers du Springs Break : le<br />

sexe et la consommation d’alcool seront au<br />

rendez-vous. D’ailleurs, le choix de faire des gros<br />

plans sur les seins et sur des simulations d’acte<br />

sexuel va dans ce sens. <strong>La</strong> seconde séquence<br />

contient un montage beaucoup plus rapide et suit,<br />

encore une fois, la rythmique de la musique. D’une<br />

manière générale, cette séquence cherche à mettre<br />

de l’emphase sur le côté excitant de l’évènement,<br />

surtout par sa rapidité et par les mouvements,<br />

parfois rapides, de la caméra. En sommes, les<br />

séquences influencées par le vidéoclip reprennent<br />

les codes (tel un pastiche) de celle-ci : montage<br />

plus ou moins rapide selon la musique, emphase<br />

sur le caractère érotique de la<br />

f e m m e , p r o m o t i o n d e<br />

l’hédonisme, etc. D’ailleurs,<br />

nous avons presque<br />

l’impression de regarder un<br />

clip musical à musique plus,<br />

q u ’ u n f i l m d ’ a u t e u r s<br />

américains. Finalement, il<br />

s ’ a g i t d ’ u n s t y l e t r è s<br />

monstratif, qui caractérise les vidéoclips des<br />

chansons plus commerciales.<br />

Génération Britney Spears<br />

Spring Breakers représente la jeune génération qui<br />

à grandit dans la première décennie des années<br />

2000. Cette « génération Britney Spears » se<br />

caractérise, notamment par l’hypersexualisation<br />

des jeunes filles. On le remarque particulièrement<br />

lors des scènes de fêtes ou les filles, très peut<br />

habiller, parfois même sein nu, se livre à des actes<br />

sexuels de toute sorte. Sans toutefois être une<br />

dénonciation de l’érotisation des jeunes filles, le<br />

film de Korine agit comme un miroir en nous<br />

renvoyant directement l’image de la femme qui est<br />

projetée dans les publicités et dans les vidéoclips.<br />

On pense à ceux des chansons plus commerciales,<br />

qui par ailleurs, alimentent le répertoire musical de<br />

cette génération et du film en générale. En fait, on<br />

pourrait presque parler ici d’une radicalisation de<br />

la libération sexuelle, qui donne ce qu’on pourrait<br />

appeler, la femme émancipée à l’ère post-moderne.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Ensuite, on retrouve un côté « libertaire », qui<br />

représente l’esprit du Spring Break. Cette<br />

immense débauche se caractérise par l’idéologie<br />

de la transgression, qui cherche à briser toute<br />

règle morale et en particulier ceux des sociétés<br />

traditionnelles. Résultat, cette recherche du plaisir<br />

et des sensations amène les personnages à<br />

expérimenter toute sorte de choses, comme la<br />

consommation de drogue<br />

(cocaïne) et de sexe.<br />

Paradoxalement, cette<br />

hédoniste (recherche du<br />

plaisir) s’avère purement<br />

illusoire, comme nous<br />

a l l o n s l e c o n s t a t e r<br />

ultérieurement. Le côté «<br />

gangster » est aussi<br />

important et est incarné par une multitude de<br />

cliché : trafic de drogue, arme à feu, règlement de<br />

compte avec un rival, etc. Aussi, le film utilise<br />

l’intertextualité pour faire des références<br />

culturelles, qui pourrait interpeler la jeune<br />

génération. Par exemple, on retrouve une affiche<br />

de Lil Wayne sur un mur et de la musique Hip<br />

Hop, dans la bande son. Au final, Spring<br />

Breakers cherche à symboliser une jeunesse<br />

alimenter, par la culture dominante américaine et<br />

l’intertextualité dans le film occupe cette<br />

fonction. Le film représente propose une vision<br />

clairement libertaire de la jeunesse.<br />

<strong>La</strong> fin du rêve américain?<br />

Outre les thématiques énumérées précédemment,<br />

celle de l’évasion en est une centrale. Tout<br />

d’abord, le but de cette expérience, pour les<br />

quatre filles, repose sur une fuite de leur vie<br />

quotidienne. En effet, le Spring Break est centré<br />

sur l’idée de mettre une pause à ses études pour<br />

aller faire la fête pendant quelques jours. Cet<br />

aspect de la thématique de l’évasion est<br />

principalement représenté par les personnages de<br />

Brit, Candy et Cotty. Toutefois, le personnage de<br />

Faith représente un second sens à l’évasion, qui<br />

correspond davantage à la société traditionnelle.<br />

Comme nous pouvons le voir au début du film, le<br />

personnage de Selena Gomez est très religieux<br />

(chrétienne) et comme nous l’avons vue<br />

précédemment, le Spring Break représente la<br />

transgression au code<br />

morale. Dans ce sens, le<br />

film symbolise, dans une<br />

interprétation plus «<br />

conservatrice », l’abandon<br />

des repères plus<br />

traditionnels de la société<br />

(famille, religion, école,<br />

etc.) au nom de l’idéologie de la transgression, et<br />

de l’hédonisme. Au final, Spring Breakers pourrait<br />

être le reflet d’une société post-traditionnelle et<br />

hypermoderne.<br />

Ensuite, le personnage d’Alien prétend être<br />

l’incarnation du rêve américain. Celui-ci a été<br />

renvoyé de l’école et a perdu des membres de sa<br />

famille. Aujourd’hui, il a réussi à se relever, grâce<br />

au gangstérisme. Cette vision cherche à démontrer<br />

que n’importe qui vivant une vie difficile peut s’en<br />

sortir et devenir heureux. <strong>La</strong> fonction de ce<br />

personnage pourrait être d’incarner cette croyance<br />

chez beaucoup d’Américains. Toutefois, le film<br />

nuance cette vision en y apportant une symbolique<br />

assez percutante, dans sa façon dont elle pourrait<br />

être interprétée. En effet, lors du règlement de<br />

compte chez son rival, à la fin du film, le<br />

personnage d’Alien se fait tirer dessus et meurt. De<br />

plus, on l’entend, en voix over, parler de « rêve »<br />

quelques secondes avant. Puisque qu’Alien prétend<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

représenter le rêve américain, cette séquence<br />

finale pourrait directement évoquer la fin de ce<br />

rêve ou du moins, son potentiel déclin. Le côté<br />

illusoire du Spring Break pourrait aller dans ce<br />

sens. Tout d’abord, à la suite de leur arrestation et<br />

de leur libération par le gangster, les quatre filles<br />

vont connaitre une véritable décente en enfer<br />

(symboliser entre autres par la violence.) <strong>La</strong> scène<br />

où l’une d’entre elles se fait tirer dessus en est un<br />

bon exemple. Comme nous l’avons vue<br />

précédemment, la fonction symbolique du Spring<br />

Break est l’évasion par rapport à la société<br />

traditionnelle. Cette fuite vers le bonheur et une<br />

certaine jouissance camoufle la perte de repère<br />

dans nos sociétés, qu’elle soit reliée à la fois ou la<br />

famille, au nom d’un hypothétique plaisir qui<br />

serait interdit. Métaphoriquement, cela pourrait<br />

symboliser la société américaine en déclin, dont la<br />

« fête » (représenté par le Spring Break) permet<br />

de maintenir l’illusion du « bonheur » auprès de<br />

la population. Dans un sens beaucoup plus<br />

métaphorique, Spring Breakers pourrait<br />

représenter la décadence de la société américaine<br />

(et de la civilisation occidentale) et incarne une<br />

vision pessimiste de la société actuelle.<br />

En conclusion, Spring Breakers se présente comme une<br />

œuvre très artistique, par sa construction des images et très<br />

formaliste dans son montage non conventionnel. Par ailleurs,<br />

celle-ci contribue à placer formellement le film en<br />

opposition radicale au cinéma dominant et peut le rendre<br />

difficile d’accès auprès du spectateur qui s’attendrait à voir<br />

une œuvre plus classique. En terme de courant, ce long métrage pourrait être considéré comme un film maniériste,<br />

puisque l’aspect visuel et formel de l’œuvre est davantage mis en évidence au détriment du scénario et des<br />

personnages qui peuvent s’avérer particulièrement faibles, si on les regarde au premier degré. Par ailleurs,<br />

lorsqu’on prend le temps d’analyser cet aspect, le film devient beaucoup plus intéressant qui en a l’air à première<br />

vue. D’une part, l’œuvre semble porter un certain regard pessimiste, par rapport à la société actuelle, qu’on semble<br />

associer à une sorte de décadence festive. De plus, la construction des personnages est un reflet de notre société<br />

contemporaine. Par exemple, les personnages féminins incarnent une sorte de « girl Power » ou la femme<br />

s’émancipe radicalement des structures « oppressives » traditionnelles (famille et religion) pour embrasser sa<br />

libération totale (surtout au niveau des meurs). Cette image d’une femme libre et émancipée représente en quelque<br />

sorte la victoire du féminisme au sens classique du terme, qui prônait l’émancipation des femmes, dans les sociétés<br />

plus conservatrices. De plus, les personnages féminins représentent une version beaucoup plus « trash » et «<br />

hypersexualisée » des filles de 18 à 25 ans, ce qui peut rendre difficile l’identification des jeunes filles à ces<br />

personnages, sauf peut-être pour le côté « femme libre. » Finalement, Spring Breakers cherche à devenir LE film<br />

de la jeune génération. Les différentes références culturelles populaires, en passant par le choix des actrices<br />

(Selena Gomez) et du compositeur de musique (Skrillex) va dans ce sens et joue avec l’intertextualité et le<br />

pastiche (de vidéoclip) pour aller chercher son public cible. Malheureusement, le film est peut-être beaucoup trop<br />

formaliste et complexe (sur certains aspects) pour aller chercher un large public (chez les jeunes). Dans ce sens, il<br />

s’agit d’un film qui combine les deux extrêmes, le cinéma « commercial » et le film « underground. » Bref, Spring<br />

Breakers est un film commercial marginal.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

L’impérialisme culturel destiné aux jeunes<br />

Analyse filmique de Projet X réalisé par Nima Nourizadeh<br />

Dans un registre plus « commercial », Projet X est un film qui a eu un certain impact<br />

auprès du public, surtout chez les plus jeunes. D’entrée de jeux, il s’agit du premier long<br />

métrage de son réalisateur, Nima Nourizadeh. D’origine britannique et iranienne, ce jeune<br />

réalisateur a principalement œuvré à l’extérieur du monde du cinéma. En fait, il vient du<br />

domaine de la publicité et du vidéoclip, ce qui n’est pas négligeable et à un impact réel sur<br />

le film. Ensuite, Projet X a été écrit par Michael Bacall et Matt Drake et produit par Todd<br />

Phillips. Dans ce sens, il ne s’agit pas de « cinéma d’auteur », mais bien d’un film «<br />

commercial », puisque le réalisateur n’a pas de contrôle total sur les étapes de production, en particulier, pour<br />

l’écriture du scénario. Ensuite, ce « teen movie » raconte l’histoire de Thomas, un jeune, pas très populaire, qui<br />

s’apprête à célébrer son anniversaire. Ses amis, en particulier Costa, décident de lui organiser une fête chez lui.<br />

Malheureusement, le tout va commencer à dégénérer lorsqu’une armée de jeunes va débarquer dans son domicile<br />

pour venir fêter avec lui. Enfin, tous les acteurs de ce film ne sont pas des « vedettes » et la plupart d’entre eux<br />

gardent leur prénom pour leur personnage respectif.<br />

Un film hybride ?<br />

Pour commencer, Projet X se présente avec<br />

une sorte de non-transparence très assumée, ce<br />

qui peut assez surprendre, pour un film «<br />

commerciale. » Dès le départ, le personnage de<br />

Costa s’adresse directement au spectateur (par le<br />

regard caméra) pour nous annoncer que c’est<br />

l’anniversaire de son ami Thomas. Par ce procédé<br />

stylistique, il nous invite directement à participer<br />

à l’évènement et installe les bases du film : nous<br />

faire vivre le Projet X.<br />

Toutefois, cette non-transparence prend tout son<br />

sens, lorsque la mère de Thomas fait référence à<br />

la présence du caméraman. Cette caractéristique<br />

assez originale fait en sorte que le caméraman est<br />

un personnage dans le film (nommé Dax) et<br />

participe directement à l’action. Si on le voit que<br />

très peu, à l’exception de son reflet dans les vitres<br />

et quelques plans durant la fête, on rappelle<br />

constamment sa présence et les autres<br />

personnages interagissent avec lui. Celui-ci les<br />

répond en voix off, comme lorsque Costa lui offre<br />

un vers de shooter et qu‘il lui dit qu’il ne boit pas<br />

d’alcool. De plus, le summum de cette<br />

participation à l’action du film se produit lorsque<br />

Dax se fait donner un coup entre les jambes par<br />

un nain, en colère, qui sort du four. Enfin, le<br />

personnage de Dax pourrait correspondre à<br />

plusieurs fonctions dans le long métrage. <strong>La</strong><br />

première serait autoréférentielle, ce qui permet de<br />

nous rappeler que le film est tourné. <strong>La</strong> seconde<br />

serait celle d’un personnage, comme les autres,<br />

qui participe à l’action du film. <strong>La</strong> troisième et<br />

dernière serait d’incarner le spectateur, afin qu’on<br />

puisse vivre la fête de Thomas. Dans cette<br />

perspective, la fonction de celui-ci se veut<br />

beaucoup plus participative que contemplative et<br />

pourrait expliquer le processus d’identification du<br />

s p e c t a t e u r a u f i l m , q u i s e r a a n a l y s é<br />

ultérieurement.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

L’utilisation de la caméra sert à « capter »<br />

l’évènement. Tout d’abord, la caméra portée est<br />

amplement utilisée avec le zoom, surtout dans les<br />

parties qui pourraient faire penser à un<br />

documentaire. Toutefois, puisque le concept du<br />

film est d’enregistrer sur pellicule l’anniversaire<br />

de Thomas, il faudrait davantage parler d’un<br />

vidéo amateur que d’un documentaire sur la fête<br />

de quelqu’un. Ensuite, certains choix de cadrage<br />

cherchent à nous donner accès à des moments<br />

beaucoup plus intimes.<br />

C’est notamment le cas<br />

lorsque la caméra filme<br />

entre les cadres de portes.<br />

Par exemple, lorsque<br />

Thomas et Alexis<br />

s’apprêtent à coucher<br />

ensemble, la caméra les<br />

observe, ce qui donne une<br />

impression de violer leur<br />

intimité et possède un côté<br />

voyeurisme. De plus, on retrouve plusieurs types<br />

de caméra, comme ceux des « agents » de<br />

sécurité, celle des voitures de police et les<br />

caméras de télévision. En effet, cela porte à croire<br />

que Dax n’est pas le seul à avoir tourné le film et<br />

que Projet X a été filmé avec plusieurs caméras.<br />

Par ailleurs, cela nous donne accès à une<br />

multiplication des points de vue, surtout<br />

lorsqu’elles sont accompagnées de regard caméra,<br />

comme pour les « agents » de sécurité. En<br />

conclusion, ce procédé est largement rependu tout<br />

au long du film. D’une part, celle-ci est utilisée<br />

pour parler directement au caméraman et faire en<br />

sorte qu’il participe à l’action. D’une autre part,<br />

celle-ci sert au personnage du film pour qu’ils<br />

nous donnent leur point de vue ou leur<br />

témoignage sur la situation (surtout pendant la<br />

fête.) Finalement, celle-ci vient briser la<br />

distanciation entre le film et le spectateur et nous<br />

renvoie à notre position en faisant en sorte que les<br />

personnages s’adressent directement à nous.<br />

<strong>La</strong> mise en scène nous plonge, de manière<br />

réaliste, dans l’évènement. Tout d’abord, les<br />

décors sont naturels et démontrent un certain<br />

réalisme au film. On pourrait ajouter que les lieux<br />

de tournages symbolisent en soi le mode de vie du<br />

personnage : un jeune étudiant qui vit dans une<br />

famille aisée ou les parents, surtout le père, gagne<br />

bien leur vie. Les éclairages sont généralement<br />

naturels. Toutefois, il y a aussi des éclairages plus<br />

artificiels, surtout lors des scènes de fête. Ensuite,<br />

le jeu d’acteur est interprété de<br />

manière à ce que chacun d’entre<br />

eux incarne son personnage à la<br />

perfection. Malgré quelques<br />

clichés typiques des « teen<br />

movie », on se retrouve avec<br />

une capacité pour le spectateur<br />

de se reconnaitre dans les<br />

différents personnages. Au<br />

début du film, la réaction des<br />

autres jeunes, lorsqu’ils se font<br />

inviter à la fête de Thomas, cherche à nous<br />

démontrer que le personnage est inconnu de ses<br />

camarades. Par ailleurs, cette scène est très<br />

importante pour comprendre la suite, puisqu’on<br />

comprend qu’ils vont tenter d’inviter l’école au<br />

grand complet à participer à l’évènement. Enfin,<br />

le film contient quelques effets spéciaux<br />

(pyrotechnie), qui sert à rendre l’évènement<br />

encore plus chaotique, surtout vers la fin. Bref, la<br />

mise en scène est orchestrée pour nous faire vivre<br />

et nous donner envie de faire partie de<br />

l’évènement. Elle sert aussi à introduire les<br />

différentes thématiques du film, comme la quête<br />

de popularité et les diverses expérimentations.<br />

Ensuite, le montage mélange des styles. Pour<br />

commencer, la structure temporelle du récit est<br />

très classique, puisqu’elle est clairement divisée<br />

en trois actes : situation initiale (lorsqu’ils<br />

organisent la fête, invitent les gens, etc.), les<br />

péripéties (la fête de Thomas avec c’est différente<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

situation) et le dénouement (le lendemain<br />

lorsque les parents reviennent.) Ce schéma<br />

narratif très conventionnel constitue, en quelque<br />

sorte, l’empreinte des « majors » sur le film et<br />

place Projet X dans la catégorie des films<br />

commerciaux pouvant plaire à un large public.<br />

Toutefois, ce choix narratif va de pair avec le<br />

concept du film, qui est de « capter » la journée<br />

d’anniversaire de Thomas et fait partie du<br />

réalisme du long métrage. Dans ce sens, le<br />

montage des différentes scènes et des trois actes<br />

construit la temporalité du récit en 24 heures.<br />

Cependant, ce respect du montage du temps<br />

n’empêche pas de briser, intentionnellement, la<br />

continuité visuelle<br />

en mettant quelques<br />

faux raccords et des<br />

j u m p s c u t . O n<br />

r e t r o u v e<br />

principalement ce<br />

procédé stylistique,<br />

q u i d é c o u l e d u<br />

cinéma moderne,<br />

dans les scènes plus « Home movie.» On pense,<br />

par exemple, a lorsqu’ils prennent des choses<br />

dans les rangées au magasin. Ensuite, la<br />

musique occupe une place très importante dans<br />

le film et sert principalement à mettre de<br />

l’ambiance dans les différentes scènes. Les<br />

choix musicaux correspond principalement à du<br />

Hip-Hop et à des pièces plus dansantes pour<br />

accompagner la fête. Toutefois, on retrouve une<br />

chanson de Metallica, Battery, qui est joué<br />

lorsque le quartier prend en feux et que les<br />

policiers cherchent à disperser la foule. Ce choix<br />

de chansons participe à rendre la scène encore<br />

plus chaotique. Finalement, on retrouve un type<br />

de montage qui reprend le style du vidéoclip<br />

lors de certaines scènes de fête. Le montage des<br />

plans se veut beaucoup plus rapide et suit la<br />

rythmique des musiques sélectionnées. Par<br />

ailleurs, ces scènes, qui reprennent les codes des<br />

clips commerciaux, se veulent davantage<br />

monstrative et présentent les personnages en<br />

train de s’amuser. Bref, le montage témoigne du<br />

caractère hybride de Projet X.<br />

En sommes, Projet X mise sur la non-transparence<br />

(surtout du caméraman) pour nous rappeler et assumer<br />

le fait que le film est tourné. Par ailleurs, ce procédé,<br />

proche du modernisme cinématographique, distingue le<br />

film des autres productions américaines, surtout les<br />

Blockbuster. Toutefois, la structure temporelle du récit,<br />

bien que respectant le concept du film, le situe<br />

davantage dans le classicisme (structure en trois actes.)<br />

Ensuite, Projet X puise plusieurs de ses sources<br />

d’inspiration (surtout stylistique) à l’extérieure du<br />

cinéma. On pense par exemple au côté « film amateur »<br />

et aux influences vidéoclips. D’ailleurs,<br />

rappelons qu’il s’agit du premier film du<br />

réalisateur, Nima Nourizadeh et que<br />

celui-ci vient du milieu de la publicité et<br />

des vidéoclips. Ce qui nous amène à<br />

considérer Projet X comme une œuvre «<br />

métissé » qui sort de la forme<br />

conventionnelle du cinéma et cherche à<br />

créer une œuvre qui le transcende sur<br />

certain point. Autant, nous avons pu constater que le<br />

cinéma à influencer d’autre domaine, comme la<br />

télévision, autant, il est aujourd’hui lui aussi influencé<br />

par d’autres domaines, comme le vidéoclip. En fait, on<br />

pourrait presque parler ici d’inter influence, puisque<br />

chacun des médias audiovisuels (publicité, télévision,<br />

cinéma, etc.) reprennent les codes de l’autre pour les<br />

insérer dans son propre média. Par ailleurs, cela<br />

contribue à leur évolution respective (au niveau formel)<br />

et représente, contextuellement, l’emprise du discours<br />

sur le métissage dans nos sociétés. Finalement, nous<br />

sommes probablement en train de rentrer dans une<br />

époque où tous pourraient devenir réalisateurs de film et<br />

nous serions plus obligés d’avoir une expertise dans ce<br />

domaine. L’accessibilité des moyens de production<br />

(caméra moins couteuse, logicielle de montage<br />

accessible, etc.) est probablement la cause pour<br />

expliquer cette tendance. Bref, Projet X, par son<br />

mélange de style et d’influence pourrait rentrer dans le<br />

courant postmoderne.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Identification aux personnages<br />

<strong>La</strong> thématique centrale du film est la quête de<br />

popularité. Tout d’abord, on nous présente le<br />

personnage de Thomas comme un « loser » ou du<br />

moins, comme une personne qui ne se fait pas<br />

beaucoup remarquer par les autres. <strong>La</strong> fête, en soi,<br />

représente un moyen pour ce personnage d’être<br />

davantage connu, ce qui va fonctionner. Par ce<br />

personnage, on cherche à faire croire au<br />

spectateur que s’il<br />

veut être reconnu,<br />

il doit être prêt à<br />

prendre des<br />

risques. Toutefois,<br />

cela peut entrainer<br />

une identification<br />

du spectateur, à ce<br />

personnage, ce qui<br />

peut l’amener à<br />

faire comme lui.<br />

D’ailleurs, c’est<br />

dans cette identification aux personnages que le<br />

film frappe le plus. Ici, on cherche à illustrer la<br />

jeunesse avec tous ces différents clichés : le gars<br />

qui n’a pas beaucoup d’amis (Thomas), la « chick<br />

» de l’école (Alexis), l’adolescent qui veut vivre<br />

différentes expériences (Costa), etc. Cela pourrait<br />

amener le (jeune) spectateur à se reconnaître chez<br />

ces personnages et dans leur action.<br />

Les différentes expériences abordent dans ce<br />

sens. En effet, on nous présente diverses<br />

expérimentations qui pourraient être reliées à la<br />

jeunesse, dans la mesure où lorsqu’on est jeune,<br />

on est porté à expérimenter plusieurs choses.<br />

Toutefois, le film en fait l’apologie et montre que<br />

ça peut être « cool. » L’une d’entre elles<br />

correspond à la consommation d’alcool et de<br />

drogue. Celle-ci fait intégralement partie de la<br />

fête et contribue à sa dégénération. Dans ce cas,<br />

on cherche à démontrer des jeunes qui<br />

expérimente, de façon excessive la consommation<br />

d’alcool et qui en subissent les conséquences.<br />

Ensuite, la sexualité est aussi une autre expérience<br />

qui est abordée dans le film, puisqu’on voit des<br />

gens qui s’apprêtent à avoir des relations<br />

sexuelles ensemble. C’est notamment le cas de<br />

J.B. et de Thomas, avec Alexis. Cette thématique<br />

de la sexualité chez les jeunes correspond au<br />

traitement de l’hypersexualisation. En sommes,les<br />

différentes expérimentations contribuent à donner<br />

un portrait de la jeune génération et nous<br />

indiquent qu’elles sont en quête<br />

d’expérience de vie diverse.<br />

Américanisation de la jeunesse<br />

L’empreinte « major » se fait<br />

particulièrement sentir dans le<br />

message global du film. D’une<br />

part, on fait, plus ou moins<br />

explicitement, la promotion du<br />

rêve américain. Cela renvoie directement au<br />

personnage principal, qui cherche à passer d’un<br />

inconnu à quelqu’un de populaire. Cette vision,<br />

largement répandue dans les films américains, fait<br />

partie de l’idéologie principale véhiculée par<br />

Hollywood et contribue à nous vendre du rêve.<br />

De plus, l’aspect culturel est aussi omniprésent.<br />

C’est notamment le cas de la sélection des pièces<br />

musicales, qui proviennent toutes d’artistes<br />

américains (souvent commerciale) et contribuent<br />

à vendre la culture marchande à la jeunesse et à<br />

leur imposer une vision américanocentriste<br />

(seules la culture et les valeurs américaines<br />

doivent exister.) Ensuite, on semble promouvoir<br />

une vision hédoniste à la jeunesse, avec comme<br />

valeur suprême le plaisir et la transgression. Le<br />

tout est accompagné de l’individualisme, qui met<br />

de l’importance sur le « je ». Cette idéologie se<br />

reflète surtout dans le fait<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

que les jeunes ne pensent pas aux conséquences<br />

de leurs actes et cherche à tout prix à « jouir<br />

sans entrave » pour reprendre la formule de mai<br />

68. Dans cette perspective, le film véhicule<br />

abondamment l’idéologie libertaire. Toutefois,<br />

le film pourrait être aussi considéré comme une<br />

métaphore de la société de surconsommation.<br />

Par la consommation d’alcool et de drogue de<br />

manière excessive, on cherche à démontrer que<br />

plus qu’on consomme, plus qu’on va être «<br />

Dans cette seconde perspective, le film fait la<br />

promotion du capitalisme auprès de la jeunesse et<br />

plus précisément de l’idéologie de la<br />

consommation. De plus, le choix du quartier avec<br />

ses grosses maisons contribue aussi à promouvoir<br />

le capitalisme, en présentant des gens qui sont<br />

bien nantis. Enfin, malgré son côté « progressiste<br />

» au niveau formel, le film n’est pas si différent<br />

des autres productions hollywoodiennes et<br />

p r o m e u t l e s v a l e u r s a m é r i c a i n e s .<br />

Malheureusement, Projet X s’inscrit dans<br />

l’impérialisme culturel américain et participe,<br />

peut-être indirectement, à l’américanisation de<br />

la jeunesse.<br />

En conclusion, Projet X se présente comme une œuvre bien maitriser, voir même surprenante au niveau<br />

formel. Son caractère clairement hybride, par son mélange de style, le distingue des autres productions<br />

commerciales. Paradoxalement, cette maitrise formelle masque une faiblesse scénaristique et le récit se<br />

veut simple, mais efficace. Toutefois, le film met tout en œuvre pour nous donner envie de faire partie de<br />

la fête et même d’imiter celle-ci, notamment en faisant en sorte que le spectateur s’identifie au<br />

personnage ou aux évènements présenter tout au long du film. Cela n’est pas sans conséquence, puisque<br />

certaine personne, notamment ici au Québec, ont tenté de reproduire ce genre de fête et cela s’est mal<br />

terminés. Dans cette perspective, Projet X est la preuve que le cinéma peut avoir un impact réel sur les<br />

gens et à de quoi relancer le fameux débat sur l’influence qu’une œuvre peut avoir sur la vie des gens.<br />

Cependant, ce type d’événement a contribué à la renommer du film et probablement aussi, à sa<br />

popularisation. Métaphoriquement, le long métrage nous propose la vision d’une Amérique capitaliste et<br />

individualiste, par son adhésion au rêve américain. Bref, derrière ces apparences de « progressisme », on<br />

retrouve la véritable vocation du cinéma hollywoodien, soit de servir de bras idéologique à l’impérialisme<br />

américain.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Portrait comparatif du cinéma<br />

américain contemporain<br />

Retour sur Spring Breakers et Projet X.<br />

Malgré le fait que les deux films<br />

visent un public plus jeune, leur<br />

traitement stylistique et thématique<br />

se distingue sur certains points.<br />

Tout d’abord, la construction des<br />

plans et plus largement des scènes<br />

relève de deux styles très<br />

différents. Le premier (Spring Breakers) se<br />

distingue par sa construction artistique des images<br />

où le cadre est l’équivalent d’un tableau de<br />

peinture. Les différentes scènes misent<br />

énormément sur un éclairage artificiel coloré et<br />

sont très esthétiques. Alors que le second (Projet<br />

X) tant davantage vers une construction des<br />

scènes et des plans ancrés dans le réel (réalisme),<br />

afin de nous faire vivre un évènement fictif.<br />

Aussi, le choix de prises de vue se différencie sur<br />

certains aspects. D’une part, Harmony Korine<br />

utilise une caméra qui frôle la virtuosité, par<br />

moments, en particulier pour certains cadrages<br />

originaux et pour la caméra « libre. » D’une autre<br />

part, Nima Nourizadeh opte pour une prise de vue<br />

plus proche du film amateur, voire même du<br />

documentaire. De plus, il mise sur une nontransparence<br />

du caméraman (rappelle sa présence<br />

et participe à l’action). Cela n’est pas le cas chez<br />

Korine, malgré le fait qu’on peut deviner sa<br />

présence par certains mouvements de caméra,<br />

surtout lorsque celle-ci filme plus rapidement,<br />

comme dans la scène du vol de restaurant. Sur ce<br />

point, Projet X se présente comme une œuvre<br />

beaucoup plus moderne que Spring Breakers.<br />

Rappelons que le cinéma moderne cherche à<br />

rappeler au spectateur la fabrication du film<br />

(fonction autoréférentielle.)<br />

En sommes, la construction des plans et des<br />

scènes se veut beaucoup plus esthétique et<br />

artistique dans le premier et beaucoup plus<br />

réaliste dans le second.<br />

Un autre aspect qui les différencie est par<br />

rapport à la fonction que donnent ces deux œuvres<br />

au spectateur. D’une part, Harmony Korine désire<br />

que le spectateur soit davantage contemplatif<br />

devant son film, telle une œuvre d’art. Pour cette<br />

raison, il mise énormément sur le côté visuel et<br />

beaucoup moins sur le côté intellectuel, ce qui<br />

représente en soi la définition qu’on pourrait<br />

donner au maniérisme. D’une autre part, Nima<br />

Nourizadeh cherche à donner envie au spectateur<br />

de faire partie de l’évènement et donne un rôle<br />

beaucoup plus participatif au spectateur,<br />

notamment en utilisant Dax (le caméraman) pour<br />

incarner celui-ci. Toutefois, les deux réalisateurs<br />

se rejoignent en cherchant à créer une expérience<br />

cinématographique chez le spectateur, qui ne mise<br />

pas sur l’aspect intellectuel (ou réflexif, si on<br />

préfère.) Ensuite, chacun d’entre eux utilise sa<br />

mise en scène pour nous plonger dans l’univers de<br />

son film respectif. Le premier cherche à incarner<br />

u n m o n d e v i o l e n t o u l a f e m m e e s t<br />

particulièrement érotisée, tandis que le second<br />

cherche à nous faire vivre l’anniversaire de son<br />

personnage principal. En sommes, les deux<br />

réalisateurs proposent une vision opposée de la<br />

fonction du spectateur, mais utilisent leur mise en<br />

scène respective pour nous plonger dans leur<br />

propre univers.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Le traitement du montage est aussi très différent<br />

d’un film à l’autre. Premièrement, le montage des<br />

plans est beaucoup plus visible dans le film de<br />

Korine que dans Projet X. Celui-ci utilise une<br />

structure non linéaire qui détruit pratiquement<br />

toute continuité visuelle et narrative. Sur ce point,<br />

c’est Spring Breakers qui se veut beaucoup plus<br />

moderne et audacieux en déconstruisant les codes<br />

du cinéma classique dominant. Pour sa part, le<br />

second film reprend une structure narrative<br />

beaucoup plus classique, principalement par<br />

souci de réalisme. En effet, le concept du film fait<br />

en sorte qu’on « capte » sur pellicule la journée<br />

d’anniversaire de Thomas. Pour cette raison, on<br />

utilise une structure temporelle qui se déroule en<br />

24 heures, alors que pour le premier film, la<br />

structure temporelle pourrait se passer en<br />

quelques jours ou en une semaine. Toutefois, les<br />

deux oeuvrent reprennent les codes du vidéoclip,<br />

surtout ceux des chansons plus commerciales et<br />

adopte un style beaucoup plus monstratif.<br />

Cependant, les influences de vidéoclips sont<br />

encore plus apparentes dans le film de Nima<br />

Nourizadeh, surtout qu’il s’agit du domaine dont<br />

ce réalisateur est issu. En sommes, le montage<br />

dans le premier film se veut beaucoup plus horsnorme<br />

que le second. Toutefois, les deux sont<br />

Même si les deux films misent davantage sur<br />

l’aspect formel que thématiques, les deux œuvres<br />

contiennent certaines thématiques semblables,<br />

mais traitées différemment. Tout d’abord, les<br />

thématiques centrales ne sont pas tout à fait les<br />

mêmes. S’ils ont en commun la thématique de la<br />

fête et de la transgression, le premier parle<br />

davantage d’évasion, alors que le second aborde<br />

celle de la quête de popularité. Ensuite,<br />

l’hypersexualisation occupe encore plus de place<br />

dans Spring Breakers, que dans Projet X, même si<br />

elle est abordée à travers les scènes d’acte sexuel.<br />

Les deux films sont aussi fortement imprégnés de<br />

l’idéologie libertaire. Toutefois, le second film<br />

semble davantage le promouvoir que le premier.<br />

Finalement, les deux œuvres proposent une vision<br />

diamétralement opposée de la société américaine<br />

contemporaine. Métaphoriquement, le premier<br />

symbolise le déclin et la décadence des États-<br />

Unis, alors que le second continue à faire vivre le<br />

rêve américain à travers ces personnages.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Comme nous l’avons vue tout au long de cette analyse, les deux œuvres ont une manière différente de traiter<br />

de leur sujet. Si à la base, le public cible s’avère être le même et qu’on nous parle de « party » et de débauche,<br />

ceux-ci n’ont pas eu le même impact. D’une part, Spring Breakers se présente comme une œuvre maniériste,<br />

dont la construction des différentes scènes ainsi que le montage s’avère être formellement, extrêmement<br />

maitrisé. Dans ce sens, le film pourrait facilement rentrer dans la catégorie du cinéma d’auteur et du cinéma<br />

indépendant, puisque ce type de film ne peut pas plaire à tous. D’une autre part, Projet X se présente comme<br />

une œuvre hybride, dont l’identification au personnage du film est l’une de c’est principale arme pour aller<br />

chercher son public. De plus, le film est formellement construit pour donner envie au spectateur de faire partie<br />

de la soirée. Dans ce sens, le film pourrait aller chercher un public beaucoup plus large, d’autant plus qu’il<br />

reprend certains codes du cinéma classique, alors que Spring Breakers cherche à les déconstruire<br />

radicalement. Ensuite, on pourrait davantage préciser le public cible, par les principaux protagonistes des<br />

films concernés. Le premier met en scène des personnages féminins, ce qui pourrait signifier que le film désire<br />

aller chercher davantage ce public. Toutefois, comme il a été mentionné dans l’analyse de cette œuvre,<br />

l’image de la femme est peut-être beaucoup trop « Trash » et « hypersexualisé » pour plaire largement à un<br />

jeune public féminin de 18 à 25 ans. De plus, si le film pourrait plaire à des « partys girls » qui aiment une<br />

certaine débauche, le long métrage est probablement beaucoup trop formaliste pour celle-ci. Au final, Spring<br />

Breakers s’avère être une œuvre difficile d’accès surtout qu’il ne faut pas le regarder au premier degré et peut<br />

être trop complexe (sur certains point) pour son public cible. Quant à Projet X, ces protagonistes pourraient<br />

davantage aller chercher un jeune public masculin. Toutefois, le film pourrait réussir à ratisser large, si son but<br />

fonctionne auprès du spectateur. Pour ces raisons et pour son côté divertissant le film pourrait être considérer<br />

comme une œuvre beaucoup plus commerciale, malgré certains choix stylistique un peu plus marginale<br />

(comme la non-transparence). Au final, le succès de Projet X auprès de la jeune génération pourrait<br />

s’expliquer par le fait que le long métrage semble vendre un gros fantasme de jeunesse : celle de vouloir tout<br />

transgresser et surtout, de s’amuser. Il se peut aussi que la jeune génération se reconnaisse dans cette œuvre.<br />

Dans cette perspective, l’identification du spectateur s’avère nettement réussie et efficace. Finalement, il est<br />

curieux de constater que le film d’auteur difficile d’accès utilise des personnalités connues dans son choix<br />

d’acteur, alors que le film commercial utilise des acteurs non professionnels. Comme quoi le choix de mettre<br />

des vedettes dans son film ne signifie pas automatiquement un énorme succès au box-office.<br />

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Analyse comparative <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Tentative de définir le cinéma contemporain<br />

D’entrée de jeux, il sera difficile d’énumérer des<br />

codes bien définis pour le cinéma contemporain<br />

étant donné son caractère hétérogène. Toutefois,<br />

on peut énumérer quelques composantes en se<br />

basant sur les œuvres analysés précédemment<br />

(incluant le court métrage Québec socialiste.)<br />

D’une part, le cinéma contemporain pourrait se<br />

caractériser par son côté hybride, voire même<br />

transcendantal. En effet, les œuvres<br />

contemporaines vont chercher des éléments qui<br />

sont extérieurs au cinéma. Résultat les films, à<br />

l’image de la société, se « métisse » et rend les<br />

frontières entre les différents genres et styles<br />

encore plus flous. De plus, chaque domaine, par<br />

cette hybridité, participe à s’influencer<br />

mutuellement et transforme radicalement ses<br />

propres codes. En sommes, le cinéma actuel<br />

cherche à se mélanger avec les autres domaines<br />

pour créer des œuvres qui pourraient, au final,<br />

transcender ses propres codes. On pourrait penser<br />

ici aux œuvres interactives ou à la réalité<br />

virtuelle.<br />

Une seconde caractéristique est sa conscience<br />

que quelques le précédé. Dans cet esprit qu’on<br />

pourrait associer au postmodernisme, le progrès<br />

n’est plus possible et toute nouvelle avant-garde<br />

s’avère difficile à concevoir. Dans cette<br />

perspective, certains cinéastes vont se<br />

réapproprier les codes de courants ou de genres<br />

déjà existants pour les mettre dans ses propres<br />

œuvres. Cela pourrait expliquer pourquoi certains<br />

cinéastes contemporains utilisent le pastiche<br />

(imitation de style) et la citation d’autres œuvres.<br />

Toutefois, certains cinéastes pourraient chercher à<br />

pousser ses codes encore plus loin, comme nous<br />

l’avons vue précédemment dans l’analyse<br />

consacrée à Québec socialiste, qui cherche à<br />

pousser plus loin l’héritage du cinéma direct, en<br />

s’inscrivant cependant dans une forme de<br />

documentaire plus actuelle. En sommes, le cinéma<br />

contemporain se veut conscient que quelques choses le<br />

précèdent et s’inscrit directement dans l’histoire du<br />

cinéma.<br />

Les thématiques sont tout aussi difficiles à<br />

cerner, puisqu’elles sont aussi très hétérogènes.<br />

Toutefois, en se basant sur les analyses<br />

précédentes (des deux films américains), on<br />

peut mentionner une certaine évolution par<br />

rapport aux mœurs. En effets, nous vivons dans<br />

une société ou l’image de la femme se veut<br />

particulièrement érotisée, notamment dans la<br />

publicité et dans les vidéoclips. Résultat, la<br />

thématique de l’érotisme et de la sexualité est<br />

probablement abordée de façon plus crue et<br />

sans pudeur, surtout si l’œuvre est influencée<br />

par l’industrie de la pornographie. Ensuite, une<br />

autre thématique pourrait être importante et<br />

c’est le rapport qu’entretiennent les œuvres<br />

avec la société de surconsommation. Comme<br />

nous le savons tous, le cinéma est parfois<br />

fortement relié au capitalisme (surtout les<br />

grosses productions). Résultat, les films se<br />

retrouvent à devoir prendre position, parfois<br />

favorablement et parfois défavorablement au<br />

capitalisme. Finalement, on pourrait ajouter une<br />

certaine tendance vers une forme<br />

d’individualisme dans la manière de traiter les<br />

différentes thématiques. C’est notamment le cas<br />

avec les deux longs métrages comparés<br />

précédemment, qui mettent de l’avant le plaisir<br />

individuel. En sommes, les thématiques dans le<br />

cinéma contemporain agissent comme un miroir<br />

de la société actuelle.<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Faites l’amour et non la guerre!<br />

Au cours des années 60, le<br />

c i n é m a a c o n n u u n e<br />

véritable révolution avec<br />

l’arrivée de la nouvelle<br />

vague. Le Québec ne fait pas<br />

exception à la règle et plonge<br />

lui aussi dans la modernité cinématographique.<br />

En 1969, le cinéaste Jean-Pierre Lefebvre sort<br />

Jusqu’au cœur, une<br />

f i c t i o n m o d e r n e<br />

mettant en vedette deux<br />

figures emblématiques<br />

de la culture<br />

québécoise : Robert<br />

Charlebois et Claudine<br />

Monfette. Ce film très<br />

complexe raconte<br />

l’histoire d’un homme<br />

(Robert Charlebois, dans le rôle de Garou) dont la<br />

société s’empare pour lui imposer le sens de la<br />

guerre. Avec ce long métrage, le cinéaste<br />

québécois réussit à faire une œuvre qui balance<br />

habilement l’aspect stylistique et thématique.<br />

Une première chose qui est frappante, c’est la<br />

maitrise du montage. Celui-ci se veut<br />

structurellement en opposition radicale avec le<br />

classicisme hollywoodien, par sa non-linéarité et<br />

son côté presque fragmenté. Par ailleurs, le<br />

montage introduit une certaine complexité à<br />

l’œuvre et force le spectateur à la réflexion<br />

intellectuelle pour en comprendre le sens. Par<br />

exemple, dans une scène où l'on voit Garou<br />

marcher dans la rue, le montage nous bombarde<br />

de publicité. Symboliquement, le cinéaste cherche<br />

à dénoncer l’aliénation des Québécois (représenté<br />

par Garou) par la société de consommation et<br />

critique aussi l’impérialisme culturel américain<br />

(symbolisé par les publicités de coca-cola.) Bref,<br />

le montage de Jusqu’au cœur se veut à la fois<br />

moderne et déstabilisant, pour le spectateur.<br />

Une autre chose marquante est la<br />

construction des images. Même si<br />

on pourrait reprocher un certain<br />

manque de virtuosité dans<br />

l’utilisation de la caméra, les images<br />

et particulièrement les couleurs sont<br />

bien réussies. En effet, le film varie<br />

entre des images colorées (vert,<br />

rouge, etc.) avec des plans en noir et<br />

blanc typiques de l’époque, ce qui<br />

apporte une certaine originalité dans<br />

la conception des images. Petite mention spéciale<br />

à ce long plan fixe de Mouffe, cadré en gros plan,<br />

face caméra, qui nous donne l’impression qu’elle<br />

nous regarde et s’adresse à nous. Ce plan est<br />

génial!<br />

Le film se démarque aussi par un message<br />

antiguerre et « peace and love.» En effet, cette<br />

œuvre cherche à refléter les mouvements de<br />

contestation, par rapport à la guerre du Vietnam et<br />

utilise l’amour d’un couple comme principal<br />

symbole d’opposition. De plus, certaines scènes<br />

cherchent à démontrer l’évolution des mœurs et<br />

l’ouverture à d’autre forme de sexualité, surtout<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

l’homosexualité, comme le démontre les images<br />

du couple gai et lesbien qui s’embrasse sur le<br />

divan. Bref, il s’agit d’un film qui représente la<br />

génération des années 60 et 70.<br />

Réal : Jean-Pierre Lefebvre Scén :<br />

Jean-Pierre Lefebvre Pays : Québec<br />

(Canada) Années : 1969 Courants :<br />

nouvelle vague québécoise.<br />

Finalement, Jean-Pierre Lefebvre nous livre une<br />

œuvre formellement et thématiquement bien<br />

maitrisée. De plus, il pourrait se démarquer des<br />

autres films québécois modernes, par le fait qu’il<br />

n’intègre pas d’éléments issus du cinéma direct.<br />

Encore aujourd’hui, Jusqu’au cœur demeure<br />

pertinent pour certaines de ses critiques sociales,<br />

en particulier celle qui concerne la société de<br />

consommation. Hélas, il est peut-être un peu trop<br />

complexe et difficile d’accès pour les amateurs de<br />

films commerciaux. Toutefois, pour ceux qui<br />

désirent découvrir le cinéma moderne, il s’agit<br />

d’un bon exemple, notamment en ce qui concerne<br />

la mise en évidence de certains procédés<br />

stylistiques (comme le montage) et de la<br />

subjectivité de l’auteur. En sommes, il s’agit<br />

d’une version québécoise de la nouvelle vague.<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Pour l’amour d’une femme<br />

Ce qui était censé être une<br />

œuvre cantonnée dans les<br />

marges du cinéma est vite<br />

devenu un film culte.<br />

Succédant le très<br />

déstabilisant Fando Y Lis<br />

(1968), qui causa une<br />

émeute lors de sa sortie au<br />

Mexique, El Topo de<br />

l’artiste multidisciplinaire Alejandro<br />

Jodorowsky propulsera le<br />

phénomène des Midnight<br />

Movie. Ces séances qui<br />

diffusaient des œuvres<br />

marginaux à minuit,<br />

principalement à New<br />

York. Ensuite, le film est<br />

divisé en deux parties : la<br />

première constitue la<br />

quête d’El Topo (joué par Jodorowsky) qui<br />

consiste à défier les quatre maitres du désert<br />

pour obtenir le cœur de Mara (qui lui a lancé le<br />

défi). <strong>La</strong> seconde partie consiste à creuser la<br />

sortie du tunnel pour libérer les habitants de la<br />

grotte. Pour ce film, Alejandro Jodorowsky nous<br />

présente une œuvre fascinante, dont l’amour<br />

d’une femme n’est qu’un prétexte pour nous<br />

p l o n g e r d a n s u n e q u ê t e s u r r é a l i s t e ,<br />

accompagnée de violence et d’érotisme.<br />

Premièrement, Jodorowsky utilise un tas de<br />

symbolisme, parfois percutant, pour faire passer<br />

ses messages. Tout d’abord, la violence est<br />

extrêmement présente et elle est souvent<br />

montrée<br />

de façon brutale, presque gore. On pense à la scène du début<br />

ou El Topo rentre dans un village bourré de cadavre et de<br />

bonhomme pendu. Contextuellement, cette œuvre, qui<br />

s’inscrit dans la contre-culture, pourrait chercher à exprimer<br />

de manière provocante une opposition à la guerre (comme<br />

celle du Vietnam), puisqu’on démontre souvent des innocents<br />

qui se font tuer. Ensuite, le film contient beaucoup<br />

d’érotisme et de symbolisme à caractère sexuel. On pourrait<br />

penser à la scène de fouettage entre les deux femmes, la<br />

sexualité entre celle-ci, ainsi qu’une<br />

roche qui « éjacule. » Dans son<br />

contexte, cela pourrait symboliser la<br />

libération des meurs et l’ouverture à des<br />

pratiques sexuelles plus marginale.<br />

Toutefois, le film contient de multiples<br />

références bibliques, comme les noms<br />

des chapitres (psaume, apocalypse,<br />

etc.), la « résurrection » d’El Top, etc.<br />

En sommes, il s’agit d’une œuvre en<br />

phase avec son époque et qui utilise souvent de façon<br />

brillante la mise en scène pour faire passer ses messages.<br />

Fidèle aux œuvres surréalistes, El Topo nous montre des<br />

images fortes, afin de marquer l’esprit du spectateur. Dans ce<br />

sens, il s’agit d’un film qui travaille à nous faire vivre une<br />

expérience inoubliable. On pense, entre autres, à la scène du<br />

massacre des êtres difformes dans le village. Aussi, une autre<br />

image marquante est lorsque la femme en noir liche un fruit,<br />

afin de simuler une relation sexuelle orale à Marra. De plus,<br />

on retrouve une scène où il dénonce l’esclavagisme des noirs,<br />

par la bourgeoisie. Par des scènes et des images fortes,<br />

Jodorowsky amène, dans certains cas, un regard critique sur<br />

la société.<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Au finale, El Topo est une œuvre fascinante qui<br />

fera vivre une expérience visuelle et intellectuelle<br />

au spectateur. Malgré son point de départ, la quête<br />

pour gagner le cœur d’une femme, il ne s’agit pas<br />

d’un film d’amour. Par ailleurs, cette thématique<br />

pourrait symboliser l’idée d’être prêt à tout pour<br />

être avec quelqu’un, qui finit par nous trahir.<br />

Outre la richesse thématique, l’aspect visuel<br />

surprend par moment pour certains choix de<br />

cadrages originaux (il filme par en dessous) et<br />

pour la bande-son, qui est parfois assez<br />

expérimentale et indépendante de l’image (un<br />

peu comme dans Fando Y Lis). Bref, El topo est<br />

un film culte qui faut voir au moins une fois<br />

dans sa vie, même si l’expérience n’est pas faite<br />

pour tout le monde.<br />

Réal : Alejandro Jodorowsky Scén :<br />

Alejandro Jodorowsky Pays : Mexique<br />

Années : 1971 Courants : Néo<br />

surréalisme<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

Vive la Palestine libre!<br />

Le cinéaste Jean-Luc<br />

Godard a profondément<br />

marqué le cinéma avec des<br />

œuvres comme À bout de<br />

souffle (1959) et <strong>La</strong><br />

chinoise (1967). En 1968,<br />

il crée le groupe Dziga<br />

Vertov, avec Jean-Pierre Gorin, consacré à des<br />

œuvres militantes maoïstes. En 1970, il reçoit<br />

avec la coréalisatrice Anne-Marie Miéville une<br />

commande de<br />

l ’ O r g a n i s a t i o n d e<br />

libération de la Palestine<br />

(OLP), pour faire un<br />

f i l m s u r l a l u t t e<br />

palestinienne intitulée,<br />

Jusqu’à la victoire.<br />

Toutefois, le projet fut<br />

inachevé et les<br />

principaux « acteurs »<br />

sont tous morts au combat. Quelques années<br />

plus tard, les images du projet avorté ont été<br />

reprises et le film Ici et ailleurs a vue le jour.<br />

Cette œuvre combinant reportage et fiction,<br />

retrace le processus de fabrication d’un film, en<br />

reprenant les images de Jusqu’à la victoire.<br />

Dans ce film, Jean-Luc Godard et sa<br />

coéquipière nous livre une œuvre à la fois<br />

engagée, tout en parlant de la fabrication de ce<br />

même film.<br />

Premièrement, les deux réalisateurs<br />

présentent de façon surprenante et moderne la<br />

conception d’une œuvre cinématographique. Tout<br />

d’abord, on utilise beaucoup de symbole et de référence<br />

en lien avec le cinéma. Par exemple, on voit une grosse<br />

caméra avec des « acteurs » qui se place devant avec<br />

des photos en main. Cette scène cherche à symboliser la<br />

prise de vue et la captation de l’image, tout en<br />

démontrant le fait qu’un film est, au finale, une<br />

construction visuelle. Une autre scène surprenante est<br />

lorsqu’on voit une jeune dame, face caméra, se faire<br />

diriger sous nos yeux par le réalisateur (en voix off). Ce<br />

procédé relevant de la non-transparence cherche à<br />

d é m o n t r e r q u ’ u n e œ u v r e<br />

cinématographique est en fait une<br />

manipulation du spectateur, puisqu’on<br />

cherche à nous faire croire quelques<br />

choses de fictives. En sommes, le<br />

spectateur découvrira comment on fait<br />

u n f i l m , d a n s u n s t y l e<br />

fondamentalement autoréférentiel.<br />

Deuxièmement, les thématiques de<br />

base font référence à une situation politique, celle du<br />

conflit israélo-palestinien. Il faut saluer le courage du<br />

groupe Dziga Vertov de prendre une position claire en<br />

faveur de la Palestine, ce qui est plutôt rare en Occident.<br />

En fait, il s’agit davantage d’une œuvre d’appuis à ce<br />

peuple opprimé, ce qui a été rarement fait au cinéma.Par<br />

contre, on pourrait reprocher aux deux réalisateurs le<br />

manque de « pédagogie » par rapport à ce conflit très<br />

complexe. Cela fait en sorte que le spectateur qui n’est<br />

pas automatiquement pro-palestinien ne pourra pas se<br />

faire une opinion sur le sujet. D’autant plus que<br />

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Critiques de films <strong>La</strong> <strong>revue</strong> <strong>Jump</strong> <strong>Cut</strong> Le 27 novembre 2015<br />

l’apologie de la révolution armée risque de créer<br />

une mauvaise image des « Arabes », que le<br />

spectateur pourrait associer au « terrorisme.»<br />

Bref, le gros défaut d’Ici et ailleurs est qu’il<br />

prêche aux converties.<br />

Au final, ce film engagé s’avère être une<br />

réflexion sur la fabrication d’un film et il est<br />

formellement bien construit. Toutefois, le film ne<br />

se base pas sur un récit avec des « personnages<br />

», comme c’est le cas habituellement. Dans ce<br />

sens, il s’agit d’une œuvre représentative du<br />

modernisme cinématographique, à la fois pour<br />

son côté autoréférentiel, ces thématiques<br />

politiques et sa structure narrative qui brise les<br />

règles de continuité. En sommes, cette œuvre<br />

plaira aux amateurs de cinéma et sera vénérée<br />

par les militants(e)s antisionistes (pro<br />

palestinien.)<br />

Réal : Jean-Luc Godard, Anne-Marie<br />

Miéville et Jean-Pierre Gorin (Groupe<br />

Dziga Vertov) Scén : Jean-Luc Godard,<br />

Anne-Marie Miéville et Jean-Pierre Gorin<br />

(Groupe Dziga Vertov) Année : 1974<br />

Pays : France et Palestine Courant :<br />

cinéma moderne<br />

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Triste comédie musicale<br />

.5<br />

En 2000, le cinéaste danois <strong>La</strong>rs Von<br />

Trier remportait la palme d’or à<br />

Canne pour son chef -d’œuvre,<br />

Dancers In The Dark. Ce film a été<br />

influencé, en partie, par le Dogme 95,<br />

un mouvement d’avant-garde créer<br />

par Von Trier lui-même et succède<br />

Les idiots<br />

(1998), une<br />

œuvre emblématique<br />

de ce mouvement. De<br />

plus, il met en vedette<br />

une panoplie d’acteurs<br />

dont les plus connues<br />

sont Catherine<br />

Deneuve et la<br />

chanteuse islandaise Bjork. L’histoire raconte<br />

celle d’une immigrante d’origine tchèque, Selma<br />

Jezkova (Bjork), qui est passionnée de comédie<br />

musicale. Son jeune fils possède une maladie<br />

visuelle dégénérative (comme elle) et Selma<br />

décide d’économiser de l’argent pour sa future<br />

opération. À la suite de nombreux évènement, elle<br />

sera condamnée, après un procès, à la peine<br />

maximale. Avec Dancers In the Dark, <strong>La</strong>rs Von<br />

Trier nous pond un véritable chef-d’œuvre, qui<br />

mélange habilement les genres et les styles, tout<br />

en ayant des thématiques fortes, qui feront<br />

réfléchir le spectateur.<br />

Tout d’abord, la prouesse technique du film se<br />

trouve dans son hybridité des genres et des styles.<br />

On retrouve, lors des séquences mélodramatiques,<br />

un filmage pratiquement documentaire. Par<br />

ailleurs, celle-ci est en partie influencée par le<br />

dogme 95 et elles se caractérisent par un très<br />

grand naturalisme, la marque de fabrique de Von<br />

Trier. De plus, la caméra portée est à la fois<br />

inspirante et hallucinante, puisqu’elle nous<br />

donne l’impression que nous sommes au cœur<br />

de l’action. Aussi, par ses mouvements et ses<br />

zooms constants, on peut<br />

avoir l’impression de<br />

sentir la présence du<br />

caméraman, qui filme la<br />

scène. Ensuite, les<br />

séquences de comédie<br />

musicale sont découpées<br />

mécaniquement, par les<br />

cent petites caméras numériques qui captent de<br />

façon simultanée la scène. De plus, on remarque<br />

une forte influence constructiviste dans le<br />

montage, qui peut faire penser à du Dziga<br />

Ve r t o v. S a n s o u b l i e r l ’ o r c h e s t r a t i o n<br />

impressionnante de la mise en scène, dont le<br />

cinéaste va même jusqu’à utiliser les bruits<br />

ambiants, afin de créer la rythmique, pour<br />

démarrer les chansons. On pense, par exemple,<br />

à la scène de l’usine où il utilise le bruit des<br />

machines. De plus, dans un style clairement<br />

postmoderne, il fait référence à d’autres œuvres<br />

et cite <strong>La</strong> mélodie du bonheur. Bref, <strong>La</strong>rs Von<br />

Trier se présente comme un génie dans sa<br />

maitrise technique.<br />

Ensuite, le film aborde des critiques sociales<br />

fortes qui feront réfléchir le spectateur. L’une<br />

d’entre elles correspond à la peine de mort. En<br />

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effet, le personnage de Selma est faussement<br />

accusé du meurtre de son voisin, Bill, qui lui a<br />

volé son argent qu’elle gardait pour l’opération de<br />

son fils Gene. Dans ce sens, le cinéaste danois<br />

s’attaque aux injustices du système carcéral<br />

(américain), puisqu’elles peuvent condamner à<br />

mort une personne innocente. Ensuite, à travers le<br />

personnage de Linda (la femme de Bill), Von<br />

Trier s’attaque aussi à la société de<br />

surconsommation actuelle, qui amène les gens à<br />

dépenser au point de s’endetter. Plus largement,<br />

c’est le capitalisme, à l’américaine, qui est visé<br />

dans cette critique sociale. Toutefois, le film parle<br />

aussi de lui-même et du cinéma en général<br />

(surtout des comédies musicales.) En fait, le<br />

cinéaste en vient à poser de manière habile une<br />

mise en abime sur son propre film, comme<br />

lorsque Selma dit qu’elle aimerait être actrice<br />

dans une comédie musicale. Bref, les thématiques<br />

de Dancers in the dark sont à la fois engagées et<br />

fortement autoréférentielles.<br />

Au final, <strong>La</strong>rs Von Trier nous livre un véritable<br />

chef-d’œuvre, par sa maitrise thématique et<br />

stylistique. De plus, ce film touchant possède un<br />

jeu d’acteur incroyablement émotionnel par<br />

moment, surtout celle de Bjork. Ensuite, il s’agit<br />

de l’un des meilleurs films du cinéaste danois et<br />

d’un incontournable pour quiconque s’intéresse<br />

au grand œuvre du cinéma. Finalement, il s’agit<br />

d’une œuvre inspirante qui marquera le spectateur<br />

par sa virtuosité.<br />

Réal : <strong>La</strong>rs Von Trier Scén : <strong>La</strong>rs Von Trier<br />

Pays : Pays-Bas, Suède, Danemark,<br />

Finlande, Islande, Allemagne, France, États-<br />

Unis, Royaume-Uni et Norvège. Année :<br />

2000 Courants : cinéma postmoderne.<br />

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Sous LSD<br />

.5<br />

Le cinéaste franco-argentin<br />

G a s p a r N o é a f a i t<br />

récemment parler de lui<br />

pour son dernier film Love<br />

(2015). Ce long métrage<br />

racontant une relation<br />

amoureuse passionnelle<br />

s’est fait remarquer pour ces scènes sexuellement<br />

explicites et filmées en<br />

3D. Dans ce contexte, il<br />

me semblait pertinent de<br />

découvrir ce cinéaste «<br />

provocateur », mais<br />

extrêmement talentueux,<br />

en visionnant son film<br />

précédent Enter The Void.<br />

Cette œuvre aborde, entre autres, le thème de la<br />

consommation de drogue et est inspirée du livre<br />

tibétain des morts, dont le personnage principal lit<br />

un exemplaire. Après sa mort, il se retrouve à vivre<br />

ce que le livre d’écrit : lorsqu’une personne meurt,<br />

son âme se détache de son corps et se met à flotter.<br />

De plus, il peut revivre les évènements de sa vie et<br />

rentrer dans les objets et les autres corps. Malgré<br />

quelques faiblesses d’ordre scénaristique, Enter<br />

The Void nous plonge dans un trip complètement<br />

hallucinante, dont le côté visuel est fortement<br />

maitrisé et extrêmement audacieux.<br />

<strong>La</strong> construction des images et plus largement<br />

l’ambiance des scènes relève pratiquement de la<br />

virtuosité technique. Tout d’abord, l’utilisation de la<br />

Tout d’abord, l’utilisation de la caméra subjective<br />

se veut plus que maitriser et, avec l’utilisation du<br />

son et du montage, il réussit à nous immerger<br />

dans la vie du personnage. Au début du film,<br />

Oscar se retrouve dans son appartement et se met<br />

à fumer de la drogue. Cette scène, par<br />

l’utilisation judicieuse de la caméra subjective,<br />

nous fait vivre l’expérience d’être sous l’effet<br />

d’une drogue hallucinogène. Un peu plus tard, le<br />

personnage principal se<br />

promène dans les rues de<br />

Tokyo et discute avec son<br />

ami du livre tibétain des<br />

morts. D’une part, cela nous<br />

donne l’impression d’avoir<br />

une discussion bien banale<br />

avec une personne et les<br />

regards caméras contribuent à amplifier ce<br />

sentiment immersif. D’une autre part, le dialogue,<br />

en soi, résume la suite du film et représente une<br />

sorte de mise en abime extrêmement subtile (on<br />

parle du film dans le film.) Finalement, une scène<br />

complètement hallucinante est celle de la relation<br />

sexuelle filmée en vision subjective. Celle-ci est<br />

accompagnée d’une ambiance sonore qui nous<br />

plonge directement dans la peau du personnage<br />

(cœur qui bat, bruit de respiration, etc.) Toutefois,<br />

cette scène est beaucoup plus provocante qu’elle<br />

nous laisse croire. En effet, la femme en question<br />

avec qui nous avons cette relation sexuelle est la<br />

sœur d’Oscar (Linda.) L’âme du personnage, qui<br />

flotte et peut rentrer dans les objets et les corps,<br />

entre dans celui d’un homme en train d’avoir une<br />

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une relation sexuelle avec sa sœur. Bref, cette<br />

scène évoque implicitement une relation<br />

incestueuse entre un homme et sa sœur.<br />

<strong>La</strong> caméra omnisciente, qui représente l’esprit<br />

d’Oscar, est tout aussi impressionnante. Celle-ci<br />

se présente comme un immense (faux) planséquence,<br />

dont le montage sert à effacer les cuts.<br />

Lorsqu’elle pénètre les objets, comme des lampes,<br />

les effets visuels sont extrêmement bien réussis et<br />

d o n n e u n e f f e t<br />

psychédélique au film,<br />

qui par ailleurs, pourrait<br />

être relié à la<br />

c o n s o m m a t i o n d e<br />

drogue. Ensuite, une<br />

scène extrêmement<br />

maitrisée au niveau<br />

visuel est celle du Love Hotel. En effet, la caméra<br />

omnisciente se promène d’une pièce à l’autre et<br />

nous montre explicitement des gens en train<br />

d’avoir différents actes sexuels. Malgré ces<br />

influences pornographiques, cette scène est<br />

fortement esthétisée, notamment avec l’éclairage<br />

généralement en rouge et les parties génitales qui<br />

sont illuminées. Finalement, une scène qui est très<br />

surprenante est lorsque la caméra entre dans le<br />

ventre d’une femme. En effet, Enter The Void<br />

nous montre de façon très audacieuse toutes les<br />

étapes de la conception d’un être humain. De la<br />

pénétration accompagnée de l’éjaculation, sans<br />

oublier la fécondation de l’ovule et la naissance<br />

du petit bébé, qui sera filmé en caméra<br />

subjective, tout y est. Bref, la caméra<br />

omnisciente, accompagnée du montage et des<br />

effets visuels, permet de créer plusieurs moments<br />

qui marqueront l’esprit du spectateur.<br />

Au final, Enter The Void est une œuvre extrêmement<br />

formaliste, qui cherche à procurer une expérience<br />

cinématographique, à la foi visuelle et sensorielle. Avec un<br />

style presque expérimental, pour ces nombreux effets<br />

visuels, Gaspar Noé nous offre l’un des films les plus<br />

impressionnants jamais faits. De plus, il a l’audace d’être<br />

filmé presque entièrement en caméra subjective et en planséquence,<br />

et ce, même lorsqu’on utilise la caméra<br />

omnisciente, puisque nous continuons à incarner le<br />

personnage d’Oscar, mais sous la<br />

forme d’un esprit. Toutefois, cette<br />

grande maitrise technique masque<br />

quelques faiblesses, comme un<br />

manque cruel d’action, qui,<br />

accompagné de la longueur du film,<br />

peut devenir un peu lassant. De plus,<br />

son manque de message et la<br />

simplicité du scénario peuvent être une autre grande<br />

faiblesse. Par contre, certains de ces défauts correspond à<br />

la définition qu’on pourrait donner au maniérisme, qui<br />

mise davantage sur la forme (l’aspect visuelle et<br />

technique) que sur le contenue (le message.) Bref, il s’agit<br />

d’une expérience cinématographique immersive et d’une<br />

œuvre unique dans l’histoire du cinéma.<br />

Réal : Gaspar Noé Scén : Gaspar<br />

Noé Pays : France, mais tourné à<br />

Tokyo et au Québec (Montréal.)<br />

Année : 2010 Courants :<br />

Maniérisme.<br />

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