<strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> <strong>00</strong> dieu ou les tribulations d'un agent double Philippe Ducourneau
I. L’agent <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> <strong>00</strong>2 passa hâtivement la tête dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre d’hôtel et, après avoir jeté un rapide coup d’œil des deux côtés du couloir, referma la porte derrière lui à double tour et se dirigea d’un pas pressé vers l’ascenseur, dont il pressa avec insistance le bouton d’appel. Une intense décharge électrique lui parcourut aussitôt tout le corps tandis qu’à l’un des étages inférieurs retentissait le timbre étouffé d’une sonnerie. Peu après, un jeune liftier apparut à l’étage, tout essoufflé encore d’avoir monté les escaliers avec précipitation. - Non mais en voilà un service, rugit l’agent secret, furieux. C’est comme ça que l’on traite la clientèle dans cet hôtel ? Mais où est donc ce foutu ascenseur ? - Que monsieur me pardonne, je suis vraiment con.. contrit, bredouilla l’employé en s’efforçant de récupérer son souffle. N’ayez crainte, l’appareil ne va pas tarder. Il faut l’excuser. C’est un modèle un peu vétuste qui n’obéit qu’à mon appel et selon un certain cérémonial. Rien ne l’agace tant que lorsqu’un étranger s’avise de titiller son petit bouton sans la moindre délicatesse. - Bon, ça suffit, pas tant de discours, je suis pressé, maugréa l’agent secret avec humeur. - Voilà, monsieur, je le fais venir tout de suite répondit l’employé, empressé, tout en appuyant à trois reprises sur le bouton d’appel. Au-dessus d’eux, un ronronnement feutré se fit entendre et quelques secondes plus tard l’ascenseur s’arrêtait à l’étage. Au moment de franchir la porte coulissante que lui tenait obligeamment le jeune liftier, <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> ne put se défendre d’un sentiment de gêne. Au cours de ses nombreuses aventures, il avait été confronté aux gens et aux situations les plus étranges, mais, aussi loin qu’il se souvint, rien qui ne ressemblât à celle-ci. Derrière l’air candide et les manières affables et trop policées du liftier de l’hôtel, l’agent secret semblait percevoir une sourde menace. D’une pression discrète du bras, il s’assura que l’arme qui sommeillait habituellement au creux de son aisselle était bien en place. Rassuré par la présence familière de son Walther PPK 7,65 mm, il prit place dans la cabine. Pour constater aussitôt que celle-ci ne comportait aucun bouton qui en commandât la marche. Tout son être fut aussitôt en alerte, et quand il vit le jeune liftier, face à lui, prêt à glisser une main dans l’entrebâillement de sa veste, <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> ne douta plus un instant d’être victime d’un traquenard. Tout au long de sa carrière, l’agent secret n’avait dû d’échapper au danger qu’à ses réflexes légendaires et à son instinct infaillible qui lui permettait d’anticiper les événements et les réactions de ses adversaires. Ce fut donc à la vitesse de la lumière, qu’il dégaina son arme et la déchargea jusqu’à la dernière balle dans la poitrine de l’homme qui lui faisait face.