Jean Bond 00 Dieu Chapitre 1
Deux auteurs se disputent le même héros : un agent secret qui doit sauver le monde. L'un, écrivain plutôt traditonnel, met en scène d'un bout à l'autre l'histoire, décide du nombre de filles à baiser, de coups à recevoir et à donner, etc. L'autre auteur, quant à lui, donne carte blanche à son héros et lui délègue tout pouvoir en le laissant décider en son âme et conscience de ce qui est juste et bon. Qui l'emportera des deux auteurs ? Et le monde en définitive sera-t-il sauvé par cet agent double tiraillé entre ses deux maîtres et cr
Deux auteurs se disputent le même héros : un agent secret qui doit sauver le monde. L'un, écrivain plutôt traditonnel, met en scène d'un bout à l'autre l'histoire, décide du nombre de filles à baiser, de coups à recevoir et à donner, etc. L'autre auteur, quant à lui, donne carte blanche à son héros et lui délègue tout pouvoir en le laissant décider en son âme et conscience de ce qui est juste et bon. Qui l'emportera des deux auteurs ? Et le monde en définitive sera-t-il sauvé par cet agent double tiraillé entre ses deux maîtres et cr
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L’impact des projectiles tout autant sans doute que la surprise firent sursauter le jeune<br />
liftier qui jeta un long regard incrédule à son agresseur avant de s’affaisser mollement<br />
au sol en glissant contre la paroi de la cabine dans une longue traînée de sang.<br />
-Ah, mon gaillard c’est comme ça que tu comptais me descendre, vociféra <strong>00</strong>2 en se<br />
penchant sur le corps de sa victime. Sans ascenseur mais avec beaucoup de plomb dans<br />
le coffre, ironisa-t-il en dégageant la main pâle que le petit liftier gardait à demi enfouie<br />
sous sa veste. Tu pensais utiliser une manière plus directe. Mais ce n’est pas un blanc<br />
bec de ton…<br />
La stupéfaction qui saisit <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> à cet instant l’interrompit net dans ses propos.<br />
Au lieu de l’arme qu’il s’était attendu à trouver, l’agent secret venait de découvrir un<br />
objet tout à fait insolite, dont il s’expliquait mal la présence. C’était une petite figurine<br />
en cuivre doré représentant une danseuse, jambes en l’air, dans la position du poirier, et<br />
dont la robe retroussée formait une large corolle dessous laquelle, en place de la tête,<br />
pendait une tige mobile terminée par un battant en plomb. Une sonnette. La main du<br />
petit liftier, rendue blanche par la crispation, agrippait encore désespérément les jambes<br />
fluettes de la figurine, comme s’il voulait une dernière fois avant de mourir faire vibrer<br />
encore sa petite clochette. Son visage émacié par la douleur présentait toute la solennité<br />
d’un enfant de chœur au moment de l’élévation du saint sacrement. Sentant que ses<br />
forces l’abandonnaient, le mourant tendit l’objet à <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> et lui dit en faisant une<br />
vague tentative pour se redresser : “Tenez, c’est à vous de prendre le relais. Qui que<br />
vous soyez, mon bon monsieur, merci de me débarrasser de mon enveloppe charnelle.<br />
Mais montrez-vous charitable une dernière fois je vous prie. Prenez cette sonnette et<br />
ayez soin un instant de mon âme. Assistez-la dans sa montée au ciel, c’est là ma<br />
dernière prière. Pour chaque coup que vous sonnerez, l’ascenseur montera d’un étage ;<br />
si.. sitôt que je serai mort, agitez la sept pffois…”. Sur ce mot hybride, à cheval entre<br />
“fois” et “pffuit”, le petit liftier se recroquevilla un peu plus sur lui-même et exhala son<br />
dernier souffle.<br />
Ou peut-être un dernier soupir ?<br />
<strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> regarda le cadavre d’un air perplexe et demeura un instant songeur. Dans<br />
quelle histoire venait-il encore d’être embarqué ? Décidément, il ne comprenait pas<br />
grand chose. Certes, il sentait bien que l’homme qu’il venait d’abattre ne ressemblait en<br />
rien aux méchants qu’il avait coutume de pourfendre. Mais même innocent, était-ce une<br />
raison pour finir d’une façon aussi théâtrale ? De faire tout un plat de sa mort et de<br />
profiter de son dernier souffle pour pomper aux vivants alentour un maximum<br />
d’oxygène ! Non mais quel sans-gêne !<br />
<strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> appréciait particulièrement les mourants qui savaient rendre leur âme sans<br />
en faire état. Dans son métier d’ailleurs, l’âme était le genre de détail dont on préférait<br />
ne pas s’encombrer. Et cette façon dont le petit liftier avait étalé la sienne avait quelque<br />
chose d’indécent.<br />
L’agent secret en était là de ses réflexions lorsqu’il aperçut distinctement une sorte<br />
de halo luminescent et vaporeux s’échapper du cadavre étendu à ses pieds.<br />
Quelque peu décontenancé par le phénomène, il regarda un instant évoluer la forme<br />
évanescente dans l’espace clos de l’ascenseur. Comme elle se rapprochait<br />
imperceptiblement de lui, il se ressaisit aussitôt et, en homme d’action aguerri à toutes<br />
les épreuves et adaptable à toutes les situations, il aspira avec force de l’air dans ses<br />
poumons dans l’intention de chasser la forme hors de la cabine d’un souffle puissant.<br />
Mais il s’arrêta là, bouche bée, dans son intention. A sa grande surprise, la forme<br />
vaporeuse et translucide qui semblait le chercher l’instant d’avant s’était subitement<br />
volatilisée comme si elle n’avait jamais existé.