MEME PAS PEUR Numéro 5
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Le Scoop de WATRIN<br />
JANVIER-FÉVRIER 2016 / Même pas peur N o 5 / 7<br />
Comment avoir peur (et se faire peur)<br />
des réfugiés sans bouger de<br />
son fauteuil ?<br />
Dominique Watrin<br />
C’est aujourd’hui visible comme le nez<br />
au milieu du visage, ou comme l’œil au<br />
milieu du front pour les riverains de la<br />
centrale de Tihange, les réfugiés nous<br />
envahissent. Ils progressent en colonnes<br />
de milliers de personnes, pour passer<br />
inaperçus dans la foule, et à pied sur des<br />
chemins de traverse à la limite du praticable,<br />
alors que l’avion est beaucoup plus<br />
sûr et plus rapide, à quoi réfléchissentils<br />
? Et, comme ça, mine de rien, vêtus<br />
de fripes très mal repassées pour mieux<br />
apitoyer les gardes-frontières extérieurs<br />
et les femmes d’intérieur, trimballant<br />
parfois des enfants exténués (que fontils<br />
là, alors qu’ils devraient être à l’école<br />
ou dans leur lit, on se le demande ?), ils<br />
s’insinuent chez nous.<br />
Pour celles et ceux que ces envahisseurs<br />
effrayent, pas de problème. Tous<br />
sont en éveil, prêts à filer à la frontière<br />
les bombarder de couques de Dinant, de<br />
fromages de Herve et de tartes al djote<br />
s’il le faut, pour les arrêter ; bref, ils sont<br />
vigilants. Malheureusement, il subsiste<br />
çà et là quelques incorrigibles naïfs qui<br />
clament, sans avoir l’air de déconner, que<br />
ces gens sont en détresse et qu’il faut les<br />
accueillir (ben voyons, est-ce que nous,<br />
on reste dans le pays des étrangers quand<br />
on y va en vacances ?). Pour achever de<br />
convaincre ces derniers candides d’avoir<br />
peur des réfugiés, voici quatre arguments<br />
imparables que vous pouvez leur<br />
répercuter, merci d’avance pour eux et<br />
pour la patrie !<br />
Premier argument :<br />
la menace anti-querelle<br />
D’abord, expliquez à ces pacifistes que,<br />
si les réfugiés s’installent dans notre Belgique,<br />
ceux-ci devront tôt ou tard décider<br />
s’ils sont Flamands ou Wallons. Et, avec<br />
leur volonté sournoise de déstabiliser le<br />
pays des autres, ces sans-gêne se répartiront<br />
à coup sûr inéquitablement sur<br />
notre territoire : les réfugiés courageux<br />
iront rejoindre les courageux Flamands<br />
et les fainéants grossiront les rangs des<br />
bons-à-rien wallons (même si, d’accord,<br />
il y a des exceptions, je le sais puisque<br />
j’en fais partie). De plus, dégât collatéral<br />
inévitable, en été, Blankenberge ne<br />
sera plus wallonne et Rochefort ne sera<br />
plus flamande : elles seront réfugiées.<br />
Pour que Flamands et Wallons puissent<br />
continuer à se quereller dans l’intimité<br />
sans que ces mêle-tout ne viennent perturber<br />
cette coutume nationale, brandissons<br />
le vrai danger : avec ces gens-là, on<br />
risque des attentats au cuistax-suicide à<br />
la côte et des accostages de kayaks surchargés<br />
de migrants, acheminés par des<br />
passeurs sans scrupule sur la Lesse, le<br />
chaos total ! Et posons bruyamment la<br />
question : à quand un double examen de<br />
« Vlaamse Leeuw » et de « Petite Gayole »<br />
obligatoire à la frontière pour refouler ces<br />
réfugiés de chez nous, en toute neutralité<br />
administrative ?<br />
Deuxième argument :<br />
la menace anti-sans-abri<br />
Nos concitoyens les plus sensibles à<br />
la misère des autres-qui-sont-tout-près<br />
le clament haut et (très) fort : halte au<br />
gaspillage de l’aide à ces réfugiés qui<br />
arrivent, alors qu’on peut aider nos sansabri<br />
à nous qui étaient pauvres prem’s !<br />
Mais, soyons lucides, la menace est beaucoup<br />
plus grave encore. Si ces réfugiés<br />
débarquent chez nous et deviennent des<br />
sans-abri pendant qu’on aide nos sansabri,<br />
comment pourra-t-on, dans quelque<br />
temps, faire la distinction entre, d’une<br />
part, nos sans-abri à aider et, d’autre part,<br />
les sans-abri réfugiés à ne pas aider tant<br />
qu’on n’a pas fini d’aider nos sans-abri à<br />
nous qu’on doit aider avant eux ? Il faut<br />
que ça se sache pour qu’on en frémisse<br />
ensemble !<br />
Troisième argument :<br />
la menace anti-moche<br />
La haine, c’est comme les salades et les<br />
boutons d’acné : ça se cultive, sinon, ça<br />
ne pousse pas. Les questions évidentes<br />
se bousculent donc. Quels étrangers vat-on<br />
rejeter si les étrangers ne sont plus<br />
des étrangers et, pompon de la pomponnette,<br />
s’incrustent chez nous ? Ces réfugiés<br />
risquent même plus tard d’épouser<br />
nos femmes et nos hommes célibataires,<br />
y compris les moches (ce qui est plutôt<br />
louche, convenons-en). Comment ces derniers<br />
accepteront-ils encore ensuite qu’on<br />
leur dise qu’ils sont moches si ces intrus<br />
leur affirment qu’ils sont beaux ? Craignons<br />
tous, dès à présent, le risque d’arrogance<br />
des moches à cause des réfugiés !<br />
Enfin, quatrième argument :<br />
la menace anti-boudin<br />
Il paraît que des gens le tiennent de<br />
source sûre : les réfugiés ne sont pas de<br />
vrais musulmans. Leur pseudo haro sur<br />
le jambon, c’est de la poudre aux yeux, ou<br />
plutôt aux papilles. En fait, cachés derrière<br />
ce paravent religieux, ces arrivants<br />
viennent exprès pour… manger notre<br />
boudin de Noël. Et celui qu’ils risquent<br />
de préférer, c’est celui avec les raisins<br />
dedans, justement le favori de nos compatriotes<br />
en période de fête. Avertissez,<br />
dès lors, tous les pacifistes qu’à défaut de<br />
pouvoir mener à bien ce noir dessein (plus<br />
noir encore que notre boudin), ces envahisseurs<br />
n’hésiteront certainement pas à<br />
transformer en boudin tout être vivant<br />
passant à leur portée : enfants (y compris<br />
les nouveau-nés, même si ça produit une<br />
plus petite quantité de boudin), jeunes<br />
filles (surtout si ce sont déjà des boudins<br />
d’avance), belles-mères (pour du boudin<br />
avarié dès sa fabrication) ou, pire encore,<br />
le chien ou le chat préféré de la famille.<br />
Du boudin de Gribouille ou de Poupette,<br />
l’atrocité de trop qui fera certainement se<br />
réveiller comme un seul homme tous les<br />
pacifistes endormis de la nation !<br />
Bonne peur à tous !<br />
Le monde appartient à ceux<br />
qui se lèvent tôt. L’ennui, c’est<br />
qu’après ça, les autres se lèvent<br />
aussi. Et c’est foutu.<br />
André Clette