PAYSAGES 2016 | Réimaginer les frontières du paysage
La revue annuelle de l'AAPQ | édition ∞11
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PÉRIPHÉRIES URBAINES : L’ENJEU DU LIEN<br />
DES HABITANTS À LEUR TERRITOIRE<br />
Les périphéries urbaines se caractérisent par une hétérogénéité<br />
peu propice à la construction d’une identité territoriale.<br />
Résultant d’un processus d’expansion spatiale plus ou moins<br />
ancien et marqué, el<strong>les</strong> comportent une diversité à la fois<br />
sociale et paysagère : sociale, par la variété des catégories<br />
socioprofessionnel<strong>les</strong>, par des habitants y résidant depuis plus<br />
ou moins longtemps, et in fine par des pratiques et attentes<br />
diversifiées ; paysagère, par la coexistence d’éléments renvoyant<br />
à différentes étapes d’évolution, habitats concentrés ou dispersés,<br />
villages, parcel<strong>les</strong> agrico<strong>les</strong>, zones d’activités in<strong>du</strong>striel<strong>les</strong>, commercia<strong>les</strong>,<br />
de loisirs, infrastructures de transport, espaces peu mis<br />
en valeur…<br />
En territoire périurbain, <strong>les</strong> modes de vie s’appuient sur cette<br />
diversité spatiale par une forte mobilité. Mobilités de travail et<br />
de vie familiale con<strong>du</strong>isent <strong>les</strong> habitants à fréquenter plusieurs<br />
lieux, ce qui influence leur ancrage dans le territoire et participe<br />
de l’émergence d’une « nouvelle forme urbaine » (Dubois-Taine,<br />
2007 ; Cailly, 2008 ; Berger et al., 2014).<br />
Les acteurs de l’aménagement y contribuent aussi lorsqu’ils<br />
travaillent à différencier ces territoires de la ville-centre et des<br />
autres périphéries, par <strong>les</strong> dimensions économique, culturelle,<br />
sportive… et paysagère.<br />
Dessin d’imagination d’un aménagement <strong>paysage</strong>r sur un rond-point<br />
(élève de Didier Michineau).<br />
Les ronds-points d’entrée de ville, visant à construire une<br />
image de celle-ci, sont des supports pertinents. Ainsi, à Cugnaux<br />
(Haute-Garonne, en France), une évocation de vignoble est installée<br />
alors que la vigne est très peu présente dans le <strong>paysage</strong><br />
local. L’aménagement évoque l’ancienne ceinture viticole de<br />
Toulouse à laquelle la commune appartenait.<br />
Son décryptage peut permettre aux enfants, notamment ceux<br />
dont <strong>les</strong> parents sont de nouveaux résidants, d’entrer dans<br />
l’histoire de leur commune et de comprendre dans quelle mesure<br />
la mémoire de ce passé agricole révolu intervient encore dans<br />
la construction d’une spécificité pour cette petite ville en cours<br />
d’intégration dans la métropole toulousaine. Loin <strong>du</strong> seul rôle<br />
de faciliter la circulation, cet aménagement acquiert ainsi de<br />
nouvel<strong>les</strong> fonctions dans le territoire.<br />
Les aménagements <strong>paysage</strong>rs sont en effet un levier pour<br />
construire, affirmer, réhabiliter l’identité d’un territoire. Le<br />
sens qu’ont voulu leur donner <strong>les</strong> commanditaires politiques et<br />
<strong>les</strong> concepteurs de l’aménagement n’est cependant pas toujours<br />
directement accessible aux habitants, notamment <strong>les</strong> jeunes.<br />
Travailler la compréhension des <strong>paysage</strong>s de son lieu de vie,<br />
le <strong>paysage</strong> au sens classique (ce qui est vu) comme <strong>les</strong> créations<br />
paysagères ponctuel<strong>les</strong> et chargées de symbolique, permet pourtant<br />
de mieux se situer dans son territoire.<br />
D’activités avec des élèves français (Vergnolle Mainar et al.,<br />
2011-2012, 2014 ; Julien et al., 2014), il ressort deux pistes de<br />
travail pour que <strong>les</strong> enfants se projettent mieux dans leur<br />
territoire en tant qu’acteurs.<br />
DONNER DU SENS À SON TERRITOIRE PAR UN<br />
DÉCRYPTAGE DES AMÉNAGEMENTS PAYSAGER<br />
En é<strong>du</strong>cation, <strong>les</strong> <strong>paysage</strong>s panoramiques remarquab<strong>les</strong> sont très<br />
valorisés, <strong>du</strong> fait de leur esthétique et parce qu’ils permettent<br />
de comprendre l’organisation spatiale d’un territoire. Ils ne<br />
sont cependant pas autant appropriés pour travailler la relation<br />
de l’habitant à son territoire que <strong>les</strong> <strong>paysage</strong>s ordinaires<br />
<strong>du</strong> quotidien.<br />
Les aménagements <strong>paysage</strong>rs qui marquent symboliquement<br />
un territoire pour forger son image sont des supports é<strong>du</strong>catifs<br />
intéressants, permettant de travailler <strong>les</strong> intentions sous-jacentes<br />
aux choix de gestion. Ce décryptage peut contribuer à développer<br />
un lien habitant-territoire, une territorialité.<br />
Par ailleurs, ces constructions paysagères peuvent aussi être le<br />
support d’une discussion sur leur réception par <strong>les</strong> habitants et<br />
usagers <strong>du</strong> lieu. La diversité des points de vue sur un territoire<br />
partagé peut alors être abordée.<br />
Christine Vergnolle Mainar est professeur des universités en géographie<br />
à l’Ecole Supérieure <strong>du</strong> Professorat et de l’É<strong>du</strong>cation (ESPE) Toulouse<br />
Midi-Pyrénées de l’Université Toulouse Jean-Jaurès (France).<br />
Ses activités de recherche, au sein <strong>du</strong> laboratoire GEODE UMR 5602<br />
CNRS – Université Toulouse Jean-Jaurès, portent sur l’é<strong>du</strong>cation à<br />
l’environnement, le développement <strong>du</strong>rable (notamment sur le <strong>paysage</strong><br />
et la projection des acteurs vers le futur de leur territoire) ainsi que<br />
sur la didactique de la géographie (considérée dans une perspective<br />
d’interdisciplinarité). En tant qu’enseignante, elle forme à l’enseignement<br />
de la géographie <strong>les</strong> professeurs des éco<strong>les</strong>, de collège, de lycée.<br />
—<br />
NOTES<br />
1. Barthes, A., et P. Champollion, (2011-2012), É<strong>du</strong>cation au développement<br />
<strong>du</strong>rable et territoires : évolution des problématiques, modifications des logiques<br />
é<strong>du</strong>catives et spécificités des contextes ruraux. É<strong>du</strong>cation relative<br />
à l’environnement : Regards – Recherches – Réflexions, 10.<br />
2. Dubois-Taine, G. (dir.), (2007), La ville émergente, résultats de recherche, Paris :<br />
CERTU et PUCA ; Cailly L. (2008). Existe-t-il un mode d’habiter spécifiquement<br />
périurbain ? EspacesTemps. http://www.espacestemps.net/document5093.html ;<br />
Berger, M., C. Aragau, et, L. Rougé, 2014, Vers une maturité des territoires<br />
périurbains ? Développement des mobilités de proximité et renforcement de<br />
l’ancrage dans l’Ouest francilien, EchoGéo, 27 https://echogeo.revues.org/13683<br />
3. Vergnolle Mainar, C., A. Calvet, L. Eychenne, , N. Marqué, D. Michineau, A. Thouzet,<br />
(2011-2012), Regards disciplinaires croisés sur <strong>les</strong> <strong>paysage</strong>s ordinaires de<br />
proximité : un enjeu pour enrichir le lien des élèves au territoire où ils habitent,<br />
É<strong>du</strong>cation relative à l’environnement, 10 http://www.revue-ere.uqam.ca/categories/volumes/volume10.html<br />
; Vergnolle Mainar, C., A. Calvet, D. Michineau, (2014),<br />
Le <strong>paysage</strong> en collège : entre construction de l’espace et symbolique des territoires,<br />
M@ppemonde, 113. http://mappemonde.mgm.fr/num41/artic<strong>les</strong>/art14102.html ;<br />
Julien, M.-P., R. Chalmeau, C. Vergnolle Mainar, J.-Y. Léna, A. Calvet (2014),<br />
Concevoir le futur d’un territoire dans une perspective d’é<strong>du</strong>cation au développement<br />
<strong>du</strong>rable, Vertigo, 14-1. http://vertigo.revues.org/14690<br />
RÉIMAGINER LES FRONTIÈRES DU PAYSAGE<br />
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