MAG AJL ONLINE NOVEMBRE 2016

MAITRE GILBERT GRUSS
ARTICLE d’Anne RIMLINGER-PIGNON
« avec l’aimable autorisation du Républicain Lorrain »
« La philosophie des arts martiaux, c’est l’amour de l’environnement,
c’est être en accord avec la nature ». Des usages
qui lui collaient à la peau.
Sa rencontre avec le karaté apparait anodine. Quelconque.
En septembre 1962, après avoir passé son baccalauréat
au lycée Charlemagne de Thionville, Gilbert Gruss
intègre la fac de médecine de Strasbourg. Au club étudiant,
les cours de karaté font leur apparition : « Un ami m’emmène.
Il me dit qu’on casse des planches et des briques et
il faisait moins neuf en hiver ». Première rencontre, presque
anecdotique. Il reprendra l’activité sportive trois années
plus tard.
La rencontre avec un karaté qui fait son service en Allemagne
et le besoin de se reconstruire après de sérieux
problèmes de santé lui ouvre une brèche. Le tatami présente
une porte de salut « Après la maladie, je ne faisais plus
que 68 kilos au lieu de 90 ». Besoin de se remuscler, besoin
de vaincre. L’opposition lui plait « On y retrouve l’envie
de battre, de gagner pour se surpasser ». Les forces sont
en lui. Il gravit les étapes les unes après les autres. Il
termine champion de ligue et gagne la deuxième marche
du podium du championnat de France, « alors que j’étais
un inconnu ».
Gilbert Gruss se veut maître de son âme. Et durant ses
années de vie, il s’est évertué à appliquer les sept grandes
vertus confucéennes associées au karaté do : droiture, bienveillance,
courage, politesse, sincérité, honneur et loyauté.
Entraineur national de la fédération allemande, de la
fédération française, directeur des équipes de France, le
fondateur et expert de la fédération européenne de karaté
traditionnel (FEKAMT) dispose d’un curriculum vitae
long comme une belle journée de printemps. Aujourd’hui,
il a transmis ses techniques en étroite communion avec les
approches psychologiques et mentales. Il a toujours préféré
l’esprit martial au sport. Celui qui enseignait « l’art
d’affronter la vie avec toutes ses difficultés ».
Quarante-trois ans plus tard, il se souvenait encore de
cette hargne. « A Paris, on m’appelait le casque à pointe,
je n’appréciais pas vraiment, c’est motivant pour la lutte
». Les victoires s’enchainent. Gilbert Gruss brûle les tatamis,
abandonne les études de médecine pour revenir à
Thionville. Pion à Charlemagne, il poursuit des études de
sciences nat’ et accumule les heures d’entrainement. Les
sentiers forestiers l’adoptent. Footing, travail technique, il
s’entraine seul. « Ce que je faisais, les autres ne le connaissaient
pas, c’était un atout. Le coup de pied circulaire de la
jambe avant, c’est moi qui l’ai introduit ». Le karaté s’est
immiscé dans les veines de l’Algrangeois. Il s’est plongé
dans les manuscrits.
A lu, relu les ouvrages inculquant des principes de
vie. Au point que ce pratiquant protestant abandonne ses
repères pour favoriser une philosophie extrême orientale
qui lui paraissait « plus humaine »,
8