You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
38 COVER<br />
Propos recueillis par Thomas Pueyo<br />
MARATHON DU MONT BLANC<br />
LE RETOUR<br />
DU PATRON<br />
Moins d’un mois après l’Everest, Kilian<br />
Jornet s’est imposé sur le premier rendezvous<br />
test de la saison de trail à Chamonix.<br />
Après son exploit himalayen, Kilian Jornet<br />
était attendu au tournant pour son vrai retour<br />
à la compétition en trail. Aurait-il récupéré<br />
de son épopée en haute altitude ? Comme<br />
à son habitude, Kilian Jornet a assumé la<br />
pression et remporté une victoire de grande<br />
classe, face à des rivaux qui l'ont poussé<br />
dans ses retranchements comme rarement.<br />
Certes, le Marathon du Mont Blanc devait<br />
cette année son seul prestige à la présence<br />
hégémonique des athlètes de Salomon, partenaire<br />
de l’événement. On avait pourtant là<br />
une partie des meilleurs traileurs du moment<br />
avec Stian Angermund (vainqueur de Zegama),<br />
Marc Lauenstein (vainqueur du Ventoux),<br />
Max King, Tom Owens… Seul Sage Canaday<br />
(Hoka) aurait pu s’immiscer dans ce championnat<br />
Salomon officieux, en vain (7 e ), et on<br />
peut regretter que d’autres n’aient pas<br />
essayé, montrant les limites d’un calendrier<br />
surchargé. Kilian Jornet, dès la ligne d’arrivée<br />
franchie dans le brouillard, nous a livré<br />
ses impressions sur sa course, les traits de<br />
son visage visiblement creusés par l’effort.<br />
Kilian, tu parviens encore à gagner le<br />
marathon, pour la quatrième fois. Étaitce<br />
la victoire la plus dure à arracher ?<br />
Oui, plus encore que 2013 où on avait bien<br />
bataillé avec Marco De Gasperi. Cette annéelà,<br />
nous n’étions que deux à la lutte pour prétendre<br />
à la victoire. Il y avait de petits<br />
moments de répit pour ce refaire un peu et<br />
respirer. Aujourd'hui (hier), pas du tout, on<br />
était tout le temps en prise, le plateau des<br />
élites était beaucoup plus dense, avec quatre<br />
à cinq coureurs à la bagarre tout le long pour<br />
la victoire. Ça n'était facile pour personne.<br />
Comment as-tu réussi à te détacher<br />
dans les derniers hectomètres ? Des<br />
trois coureurs qui t’accompagnaient à<br />
Trè le Champ, seul Stian te résistait<br />
encore dans la montée finale.<br />
Après la Flégère, j’ai réussis à reprendre<br />
mon souffle, ce qui m’a permis de relancer<br />
dans les petites montées et descentes. J’ai<br />
pu creuser un écart de dix puis vingt<br />
secondes. Jusqu'à la fin je n’étais pas sûr,<br />
je me suis souvent retourné.<br />
En pur compétiteur, tu t’es régalé…<br />
C’est les courses que j’aime. Je préfère mille<br />
fois une course animée comme ça, même<br />
si je fais deux ou trois, parce que c’est une<br />
bataille, un jeu. C’est plus excitant.<br />
L’ambiance de ce marathon était-elle<br />
particulière ?<br />
Beaucoup de monde nous encourageait aux<br />
points de passage ! Et comme j’ai habité un<br />
bout de temps à Chamonix, j’étais un peu<br />
à la maison, avec les amis qui m'attendaient<br />
au bord des chemins. Ça donne des ailes.<br />
Comment te sentais-tu dans les parties<br />
les plus roulantes ?<br />
C’est sûr que ce n’est pas moins point fort,<br />
et passer un mois à faire du « nordic walking »<br />
(sic) en Himalaya ne m’y préparait pas vraiment.<br />
Mais j’ai su gérer, rester au contact<br />
de la tête jusqu’à ce que le terrain me soit<br />
plus favorable.<br />
Comment appréhendais-tu la course,<br />
sans autant de kilomètres à pied que<br />
d’habitude depuis la fin de l’hiver ?<br />
Je ne savais pas trop où j’en étais depuis<br />
le retour de l’Everest. Certes j’avais fait une<br />
course sur route en Norvège, mais sans<br />
réel niveau. J'étais soulagé de voir dès le<br />
départ que les jambes répondaient bien et<br />
que je pouvais suivre Stian, Max, Sage. La<br />
concurrence était énorme et en forme, ce<br />
qui a vraiment durcit la course. C’était<br />
intense tout le temps !<br />
Ton état de forme montre que tu as très<br />
bien récupéré de l’Everest, comment<br />
l’expliques-tu ?<br />
Ça me conforte dans la manière dont je suis<br />
allé au Népal. Entre le départ et le retour<br />
chez moi, il ne s’est passé qu’un mois, ce<br />
qui est court. L’acclimatation a été réduite<br />
au minimum. C’est plus intéressant que de<br />
passer du temps au camp de base, et on<br />
revient beaucoup mois fatigué. On n’a jamais<br />
dormi en très haute altitude non plus, en<br />
faisant systématiquement l’aller-retour<br />
depuis le camp de base.<br />
La haute altitude aurait-elle été plus<br />
bénéfique que néfaste ?<br />
Je ne pense pas. Ça aide d’être à 4000 mètres.<br />
Être plus haut, ça peut aider au niveau cardio<br />
mais c’est tellement différent au niveau musculaire…<br />
Ça peut paraître bête de dire ça, mais<br />
courir est la meilleure prépa pour le trail !<br />
Pourquoi avoir préféré le 42 km au 80,<br />
alors que tes objectifs de fin d'été sont<br />
plutôt sur la longue distance ?<br />
Il y avait un plus gros plateau sur le marathon,<br />
c'est ça qui est excitant. Malgré l'UTMB<br />
fin août, j'ai aussi un gros objectif sur Sierre<br />
Zinal, où j'ai vraiment envie d'être performant.<br />
Je ne suis pas un spécialiste de la<br />
longue distance ou de la courte distance, je<br />
regarde avant tout la liste de départ. W