Surf Session 2017
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« LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI VU QUELQU’UN SURFER, J’AI CRU QUE<br />
C’ÉTAIT DE LA MAGIE. COMME MARCHER SUR L’EAU. »<br />
Le jour suivant, en chargeant la voiture, le Français demande :<br />
« Qui a de la musique ? ». Nos iPhone étant incompatibles avec<br />
ce vieux lecteur cassette, nous décidons de nous rendre au<br />
marché où nous débusquons des enregistrements pirates de 50<br />
Cent et Lucky Dube, entre des piles de fruits et de poissons. Ces<br />
deux cassettes allaient devenir la BO de notre aventure d’explorateurs<br />
à São Tomé. Notre mission : débusquer des chemins<br />
menant à des plages et baies inexplorées, sans assurance pour<br />
autant d’être les premiers à surfer ces vagues sur nos tambuas<br />
modernes.<br />
QUAND LE SWELL N’EST PAS AU RENDEZ-VOUS<br />
Les haut-parleurs crachent un rap oldschool pendant que nous<br />
grimpons vers les hauteurs du pays. Pas de swell aujourd’hui,<br />
nous décidons donc de partir en excursion dans les terres,<br />
coupant à travers le ventre de l’île. Nous débarquons à Pico<br />
Cão Grande (comprendre, le pic du grand chien), le plus haut<br />
de l’île, culminant à 663 m d’altitude. L’épine rocheuse élancée<br />
vers le ciel a été formée par l’explosion brutale d’un bouchon<br />
de roche volcanique sous la pression souterraine. Sur le chemin<br />
du retour vers la côte, John remarque des plants de cacao poussant<br />
des deux côtés de la route, avec leurs gousses oranges et<br />
pleines pendant au bout de fines tiges. Le cacao représente<br />
95 % des exportations de São Tomé, un héritage de son passé<br />
colonial, quand il était cultivé sur de larges plantations éparpillées<br />
sur l’île. Les fèves de cacao sont extirpées des cosses<br />
et exportées à travers le monde où elles sont transformées en<br />
chocolat et autres délices cacaotés. Mais ici, c’est la jungle, les<br />
plantes sont partout et grandissent librement à l’état sauvage.<br />
Alors que la houle refait son apparition, nous relions Radiation<br />
Point au nord de Santana, où George et Rarick avaient découvert<br />
une droite qui pourrait donner une idée du potentiel de São<br />
Tomé. Plus nous nous rapprochons, plus la route goudronnée<br />
se désintègre pour finalement se terminer en un chemin creusé<br />
d’ornières, où des fragments de toitures gisent entassés. La<br />
chaussée en mauvais état nous force à adopter une conduite<br />
très lente. Un flot d’enfants afflue des maisons dès que nous<br />
traversons le village. Ils s’élancent sur leurs skateboards et nous<br />
encerclent au moindre arrêt pour nous montrer fièrement leurs<br />
planches, qu’ils appellent trote. Le deck de la planche est un bloc<br />
de bois scellé à des trucks fait de branches dégrossies. De vieux<br />
roulements, sélectionnés avec minutie, ont été montés au bout<br />
de chaque branche : trop fin et le roulement se déloge ou bien la<br />
branche casse ; trop épais et la rotation est entravée. Les enfants<br />
poussent des cris de joie quand Beyrick et William testent les<br />
trote. « Oleo, oleo ! », s’égosille un petit garçon à peine âgé de<br />
huit ans. Il dégaine une bouteille plastique de son short, attrape<br />
l’un des skates et dépose quelque gouttes d’huile de moteur<br />
usagée sur les roulements. Puis, il retourne la planche et se met à<br />
skater avec aisance, les roues d’acier frappant le sol avec fracas.<br />
L’AVENIR DU SURF AFRICAIN EN MARCHE<br />
Nous plongeons sous une barrière décrépie et nous aventurons<br />
pour une marche de vingt minutes, entrevoyant ici et là des<br />
morceaux de vagues à travers les hautes herbes jaunes. « Non,<br />
non ! », crie un des surfeurs locaux alors que nous nous dirigeons<br />
vers les rochers pour entrer dans l’eau. Il pointe du doigt un<br />
massif d’oursins puis nous fait signe de le suivre vers une rigole<br />
où nous pouvons facilement nous jeter dans l’eau. Un groupe de<br />
surfeurs de São Tomé est déjà au line-up, surfant des boards de<br />
seconde main. Certains arrivent à engager des turns avec grâce,<br />
sans dérives. Les vagues déroulent sur une centaine de mètres,<br />
avec une section tranquille qui permet du noseride comme des<br />
gros virages, un peu comme la version africaine de Malibu.<br />
« C’est beau, hein ? », dit John, montrant d’un geste ample, les<br />
vagues, la baie et l’île toute entière.<br />
De retour à l’eau à Santana, Jéjé nous raconte que les surfeurs<br />
de son village et de Radiation Point surfent rarement ensemble.<br />
La longue marche d’une heure trente qui sépare les deux spots<br />
est éprouvante et personne ne possède de voiture. Mais lorsque<br />
l’un d’entre eux fait le chemin, les surfeurs sont heureux de<br />
se retrouver. « Il n’y a pas beaucoup de surfeurs à São Tomé »,<br />
dit-il. « Le surf moderne, ça commence tout juste ici. On se retrouve<br />
ensemble, on apprend ensemble. » Une série fait son apparition et<br />
Beyrick s’élance, dévale la vague et décolle en frontside air. Jéjé<br />
laisse échapper un cri admiratif avant de ramer vers la prochaine<br />
vague pour tenter un énorme alley-oop, pratiquement replaqué.<br />
Les enfants deviennent fous, émerveillées par le spectacle qui<br />
se déroule sous leurs yeux. Puis, ils s’élancent à leur tour dans<br />
la reforme sur leur planche de bois. L’un d’entre eux, plein de<br />
courage, se détache du groupe. Les yeux rivés sur Jéjé et Beyrick,<br />
il rame fort dans leur direction, ses jambes frappant l’arrière de<br />
son tambua. L’avenir du surf de São Tomé est en marche.<br />
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