La pensée sociale du pape François
(La pensée sociale du pape François, dans le prolongement de l’édition commentée de l’encyclique Laudato si’ publiée chez Lessius et Fidélité.) Dans la longue tradition de la pensée sociale, le pape François poursuit le dialogue de l’Église avec les «réalités nouvelles» qu’il rencontra d’abord en Amérique latine. Le nouvel évêque de Rome garde en effet le style pastoral du cardinal de Buenos Aires, qui envoya ses prêtres dans les périphéries, soutenant lui-même les sans-logis, les sans-emploi et les sans-terre. L’exhortation post-synodale Evangelii gaudium pose comme central le principe évangélique de l’option pour les pauvres. Plus récemment, l’encyclique Laudato si’ souligne le lien étroit entre les trois crises: crise écologique, crise sociale, crise éthique. «Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées » (56). Un lien qui paraît plus évident dans le contexte latino-américain qu’à Rome, comme en témoignait déjà le titre d’un livre de Leonardo Boff : Écologie, cri de la terre, cri des pauvres (1995). La théologie de la libération trouverait-elle enfin avec François sa pleine expression magistérielle ? Comment la pensée du pape est-elle en continuité avec la doctrine sociale de l’Église ?
(La pensée sociale du pape François, dans le prolongement de l’édition commentée de l’encyclique Laudato si’ publiée chez Lessius et Fidélité.)
Dans la longue tradition de la pensée sociale, le pape François poursuit le dialogue de l’Église avec les «réalités nouvelles» qu’il rencontra d’abord en Amérique latine. Le nouvel évêque de Rome garde en effet le style pastoral du cardinal de Buenos Aires, qui envoya ses prêtres dans les périphéries, soutenant lui-même les sans-logis, les sans-emploi et les sans-terre. L’exhortation post-synodale Evangelii gaudium pose comme central le principe évangélique de l’option pour les pauvres. Plus récemment, l’encyclique Laudato si’ souligne le lien étroit entre les trois crises: crise écologique, crise sociale, crise éthique. «Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées » (56). Un lien qui paraît plus évident dans le contexte latino-américain qu’à Rome, comme en témoignait déjà le titre d’un livre de Leonardo Boff : Écologie, cri de la terre, cri des pauvres (1995).
La théologie de la libération trouverait-elle enfin avec François sa pleine expression magistérielle ? Comment la pensée du pape est-elle en continuité avec la doctrine sociale de l’Église ?
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Intro<strong>du</strong>ction<br />
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cœur, rendant ainsi possibles de véritables décisions et actions indivi<strong>du</strong>elles<br />
et collectives. Bref, grâce au style de ses textes, si proche<br />
de sa manière de s’adresser oralement à ses interlocuteurs, il nous<br />
fait faire un véritable parcours “spirituel”, un parcours de conversion.<br />
» En d’autres termes, Evangelii gaudium (2013) et <strong>La</strong>udato si’<br />
(2015) expriment une nouvelle manière de comprendre l’enseignement<br />
social de l’Église en engageant des processus de transformation<br />
<strong>sociale</strong> et de conversion spirituelle.<br />
Grégoire Catta, jésuite, vient de soutenir une thèse sur la contribution<br />
théologique de la doctrine <strong>sociale</strong> autour des questions de<br />
développement. Il raconte l’enracinement latino-américain de l’option<br />
préférentielle pour les pauvres. Avec <strong>François</strong>, cette option<br />
devient inséparablement une option pour les pauvres et pour la<br />
terre. Plus qu’un principe pour un discernement éthique, le <strong>pape</strong><br />
invite à reconnaître que les pauvres « ont beaucoup à nous enseigner<br />
» (EG 198), qu’ils sont une « source », notamment pour la foi.<br />
Jean-Luc Brunin, évêque <strong>du</strong> Havre, est président <strong>du</strong> conseil<br />
famille et société de la Conférence des évêques de France (CEF).<br />
Ses intuitions de pasteur rejoignent celles de l’évêque de Rome :<br />
attention privilégiée au peuple, refus d’une culture de déchet, pari<br />
sur les nouvelles solidarités… Il est sensible à la méthode coopérative<br />
et dialogale <strong>du</strong> <strong>pape</strong> pour chercher de nouvelles conjugaisons<br />
<strong>du</strong> local et <strong>du</strong> global dans une visée vraiment intégratrice.<br />
Il peut paraître présomptueux de prétendre pleinement saisir la<br />
<strong>pensée</strong> d’un homme comme Jorge Mario Bergoglio, son originalité,<br />
son style… C’est un homme vivant dont la pro<strong>du</strong>ction spontanée<br />
et pléthorique nous surprendra encore. Mais surtout la force de<br />
cette <strong>pensée</strong> dépend de l’écho que nous lui donnons ; la force des<br />
paroles qu’il prononce dans les institutions internationales dépend<br />
de nos mobilisations ; l’impulsion qu’il veut donner dépend de nos<br />
pratiques, selon la formule heureuse <strong>du</strong> Compendium : « <strong>La</strong> doctrine<br />
<strong>sociale</strong> est de l’Église parce que l’Église est le sujet qui l’élabore, la<br />
diffuse et l’enseigne. Elle n’est pas la prérogative d’une composante<br />
<strong>du</strong> corps ecclésial, mais de la communauté tout entière. […] Toute<br />
la communauté ecclésiale — prêtres, religieux et laïcs — concourt<br />
à constituer la doctrine <strong>sociale</strong>, selon la diversité des devoirs, des
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