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PROGRAMME GOÛT DE LA FORÊT

Résultat d'une initiative de l'Economie Sociale et Solidaire, ce programme vise à produire un cacao de grande qualité, respectueux de l’environnement et porteur de développement humain. Il tend à prouver que la forêt amazonienne vaut plus sur pied, que coupée.

Résultat d'une initiative de l'Economie Sociale et Solidaire, ce programme
vise à produire un cacao de grande qualité, respectueux de l’environnement
et porteur de développement humain. Il tend à prouver que la forêt amazonienne vaut plus sur pied, que coupée.

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Photo: Wandel DA ROCHA<br />

Goût de la Forêt<br />

Programme pour une Économie Humaine, Sociale et Solidaire


”<br />

Ce Programme est fondé sur les<br />

valeurs humaines, agrémenté d’un<br />

brin d’audace. Il s’est forgé au fil<br />

de rencontres fortes, entre des<br />

personnages passionnés et déterminés.<br />

Il nous mène sur les chemins de<br />

l’excellence et de la solidarité.<br />

”<br />

Wandel DA ROCHA<br />

C<br />

’est au cœur de l’Amazonie brésilienne que s’achève le<br />

voyage de Wandel DA ROCHA, alarmé par un paysage<br />

défriché, des terres brulées et des pâturages à perte de vue.<br />

Cependant, ce voyage a commencé en<br />

Europe : France, Suisse, Pays-Bas, Italie<br />

et la Belgique. Pour bien comprendre<br />

les enjeux de la filière il a rencontré les<br />

plus grands chocolatiers, mais aussi<br />

les différents acteurs : économistes,<br />

chercheurs, industriels, négociants. Le<br />

Brésil doit être replacé dans le panorama<br />

mondial du cacao, avec une agriculture<br />

responsable, basé sur la qualité des<br />

fèves. Le but final est de formuler<br />

des propositions au gouvernement<br />

brésilien, afin d’offrir une perspective<br />

de développement aux planteurs, dans<br />

le cadre d’un plan stratégique global.<br />

Né à Rio de Janeiro, il rejoint un groupe<br />

industriel français avant même la fin de<br />

ses études à l’École polytechnique de Rio.<br />

Il devient le plus jeune expatrié brésilien<br />

quand il débarque à Paris en 2004, et<br />

complète sa formation avec une maîtrise<br />

en gestion internationale. Pendant ses<br />

18 années dans l’industrie des nouvelles<br />

technologies, il a pu parcourir 13 pays<br />

africains, presque autant en Amérique<br />

Latine, il a beaucoup observé, curieux de<br />

voir le monde de ses propres yeux. Il a<br />

beaucoup rencontré, prenant conscience<br />

que notre planète ne va pas bien, et<br />

que la financiarisation à outrance met<br />

en péril toutes les formes du vivant qui<br />

peuplent la Terre, y compris l’espèce<br />

humaine. Il décide de recentrer toute<br />

1<br />

Stéphane LE FOLL Ministre de l’Agriculture et de la Forêt<br />

Hôtel de Villeroy - 2014<br />

Le Salon du Chocolat<br />

Conférence Les forêts de chocolat - Paris 2015


sa vie sur l’Essentiel.<br />

Désireux de mettre son<br />

énergie, ses expériences et<br />

ses rencontres au service<br />

d’une cause, qui devient la<br />

pierre angulaire de sa vie, il<br />

crée l’Association CABRUCA<br />

COP21 en 2015, rebaptisée<br />

Association <strong>FORÊT</strong>S <strong>DE</strong><br />

CHOCO<strong>LA</strong>T pour la Nature<br />

et l’Humain. Une ONG<br />

qui s’appuie sur la passion<br />

universelle pour le chocolat<br />

pour mobiliser la société, les<br />

acteurs économiques<br />

de la filière cacao<br />

et chocolat, les<br />

responsables<br />

politiques et la presse<br />

dans une démarche active<br />

de responsabilité sociale,<br />

environnementale et<br />

pour la culture du<br />

goût. Elle compte<br />

parmi ses priorités<br />

la mise en œuvre<br />

d’une mission<br />

pédagogique, notamment<br />

auprès des jeunes publics.<br />

Aussi passionné d’œnologie,<br />

disciple de Michel BETTANE et<br />

Thierry <strong>DE</strong>SSEAUVE, Wandel DA<br />

ROCHA arpente tous les vignobles<br />

français, rencontre les grands vignerons<br />

des plus beaux domaines de ce pays.<br />

Apprend le vin, son élaboration et sa<br />

dégustation avec les meilleurs<br />

professionnels de la<br />

planète. L’univers du vin est<br />

d’une extraordinaire richesse<br />

et d’une complexité sans limite. Les<br />

hommes, leurs histoires, la géographie<br />

et les mille et une facettes du terroir,<br />

les techniques vitivinicoles, les modes<br />

et les gourous … rien ne lui échappe.<br />

Chaque fois qu’il a rencontré un<br />

chocolatier, ce dernier lui a mentionné<br />

le parallèle entre le vin et le chocolat,<br />

il commence à le croire. Si le cacao est<br />

pour le chocolat ce que le raisin est<br />

pour le vin, alors il doit aller plus loin.<br />

Parti à la recherche de ces cacaos<br />

d’exception, il est d’abord<br />

impressionné par la<br />

générosité de cette<br />

terre rouge sang,<br />

mère de cacaos peu<br />

connus des palais<br />

internationaux. Puis<br />

il s’est donné comme<br />

mission de valoriser ce<br />

terroir exceptionnel de la<br />

forêt amazonienne<br />

et prouver qu’elle<br />

doit valoir plus sur<br />

pied que coupée.<br />

Défenseur<br />

d’une forme<br />

émergente de<br />

l’économie sociale<br />

axée sur les initiatives<br />

de développement partagé,<br />

Wandel DA ROCHA adhère à<br />

l’Économie Sociale et Solidaire,<br />

placent donc l’Humain au cœur de<br />

ces préoccupations. Il décide<br />

alors de se lancer et<br />

crée le Programme<br />

Goût de la Forêt.<br />

Ségolène Royal - Ministre de l’écologie<br />

COP21 - Paris 2015<br />

Lycéens franciliens - COP21<br />

Conférence: Les forêts de chocolat - Paris 2015 2


3<br />

Goût de la Forêt


LE Programme<br />

Résultat d'une initiative de l'Economie<br />

Sociale et Solidaire, ce programme<br />

vise à produire un cacao de grande<br />

qualité, respectueux de l’environnement<br />

et porteur de développement humain. Il<br />

tend à prouver que la forêt amazonienne<br />

vaut plus sur pied, que coupée.<br />

Nous sommes tous conscients des<br />

conditions souvent dramatiques de<br />

la culture du cacao : Déforestation,<br />

utilisation de main-d’œuvre semiesclave<br />

et surtout le travail des enfants.<br />

L'industrie du chocolat, de manière<br />

générale, interpelle négativement l'opinion<br />

publique mondiale. Nous souhaitons de<br />

tout notre esprit et de tout notre cœur<br />

encourager l'émergence et l'incarnation<br />

d’une culture du cacao profondément<br />

ancrée dans les valeurs humaines et des<br />

principes responsables. Voici pourquoi le<br />

Programme Goût de la Forêt a été créé.<br />

Le programme a pour objectif de faire<br />

connaitre le cacao agroforestier, de haute<br />

qualité, produit à partir de pratiques<br />

responsables et renforcer l'attachement<br />

et le respect inconditionnel aux principes<br />

du travail décent. Ce qui selon<br />

l’Organisation internationale<br />

du Travail (OIT) veut dire:<br />

- Élimination de toute forme de<br />

travail forcé ou obligatoire,<br />

- Abolition effective du travail<br />

des enfants,<br />

- L’élimination de la<br />

discrimination en matière d'emploi<br />

et de profession.<br />

Notre action repose sur l’amélioration des<br />

revenus des familles qui se consacrent à<br />

la production du cacao agroforestier dans<br />

la région Transamazonienne et le Bassin<br />

du Xingu. Des objectifs de promotion<br />

économique de la région sont<br />

associés à des actions de solidarité<br />

et au développement partagé.<br />

Seul 1 à 2% de la production mondiale<br />

correspond au cacao fin de grande<br />

qualité. Dans cette optique, mobiliser les<br />

coopératives de l'agriculture familiale<br />

d’Amazonie vers l’excellence est un impératif.<br />

Ce programme permet aux chocolatiers de<br />

garantir un approvisionnement en cacao<br />

de la plus haute qualité, tout en offrant aux<br />

cacaoculteurs des revenus plus élevés, et<br />

en protégeant la forêt et l’environnement.<br />

Il s’agit d’un circuit court, une relation<br />

directe avec les agriculteurs, ces<br />

hommes et femmes, producteurs de cacao<br />

qui, au cœur de la forêt amazonienne,<br />

affrontent des conditions souvent pénibles<br />

sans jamais perdre le cœur à l’ouvrage.<br />

Nous mettons progressivement en<br />

place une mission de surveillance<br />

des engagements des cacaoculteurs<br />

de l'agriculture familiale brésilienne,<br />

notamment en ce qui concerne le principe<br />

« zéro déforestation ». Cela vise aussi<br />

à veiller au bien-être des agriculteurs<br />

et de leurs familles afin d’assurer des<br />

conditions de travail saines et sécurisées,<br />

et à agir de manière exemplaire d’un point<br />

de vue social, éthique et environnemental.<br />

Notre ambition est de faire découvrir<br />

toute la richesse et la diversité du<br />

cacao de la forêt amazonienne.<br />

José Miguel DA SILVA<br />

Connu comme "seu Zé Bie".<br />

cacaoculteur biologique à Uruará<br />

4


Brésil<br />

La récolte du cacao 1954<br />

Candido Portinari<br />

Huile sur toile - Collection privée à São Paulo<br />

5


TERRE <strong>DE</strong> CACAO<br />

L<br />

’appellation botanique du cacaoyer, Theobroma cacao, provient du<br />

terme grec Theo qui signifie Dieu et Broma qui signifie aliment. Rien<br />

d’étonnant alors à ce que le cacao soit appelé “la nourriture des dieux”.<br />

La plante des dieux qui nourrissait<br />

les divinités Olmèques est originaire<br />

d’Amazonie, mais le Brésil est connu pour<br />

ses plantations sur la côte bahianaise, à<br />

l’est du pays, qui datent du dix-huitième<br />

siècle. Selon le jésuite Joaquim da Silva<br />

Tavares (1866-1931), l’introduction<br />

du cacao dans la province<br />

de Bahia a été faite à<br />

partir des fèves de<br />

cacao ramenées de la<br />

province du Pará par<br />

le colon français Louis<br />

Frédéric Warneaux.<br />

Le cacaoyer s’est tellement<br />

bien adapté dans le sud de<br />

l’état de Bahia, qu’il a fait<br />

de ces cultivateurs, les hommes<br />

les plus riches du Brésil, les “barons<br />

du cacao”, propriétaires terriens avec<br />

des mœurs immorales et déviantes,<br />

immortalisés dans les œuvres du<br />

célèbre écrivain Jorge Amado (1912 – 2001).<br />

Dans les années 90, les cacaoyers<br />

bahianais ont été victimes d’un<br />

champignon, appelé Moniliophthora<br />

(Crinipellis) perniciosa, qui a causé la<br />

maladie dite “balai de sorcière”. Ce fléau<br />

a ravagé le verger cacaoyer et a réduit à<br />

néant les exportations de cacao du Brésil.<br />

Plus de deux siècles après<br />

l’introduction de la culture du<br />

cacao à Bahia, cette année,<br />

le Pará redeviendra le<br />

premier producteur de<br />

cacao au Brésil, avec une<br />

production estimée à<br />

120.000 tonnes en 2016.<br />

Cette position est temporaire.<br />

En effet, Bahia, le plus grand<br />

producteur du pays, souffre<br />

d’une grave période de sécheresse<br />

depuis plusieurs mois, provoquant<br />

une perte importante de production.<br />

Aujourd’hui le cacao est produit dans cinq<br />

autres Etats de la Fédération : Espírito<br />

Santo, Amazonas, Rondônia, Mato<br />

Grosso et, bien évidemment, dans le Pará.<br />

6


7<br />

Pará


LES PORTES <strong>DE</strong> L’AMAZONIE<br />

Tout au nord du pays, c’est une vaste zone recouverte par la forêt<br />

amazonienne, un territoire rempli de trésors naturels et humains,<br />

le rêve de l’aventurier qui sommeille en chacun de nous. Que ce soit<br />

le chant des animaux, la couleur des fleurs, la majesté des forêts,<br />

l’étonnant ballet des oiseaux, ou bien encore la puissance déchaînée<br />

des grandes pluies, ou l’immensité des grands fleuves. De quoi se sentir<br />

tout petit lorsque les beautés et les forces de la nature nous saisissent.<br />

C’est dans ces grands espaces que nous<br />

trouvons le pays du cacao, la nouvelle<br />

frontière, les nouveaux terroirs à<br />

découvrir, mais… Pas si nouveau que ça !<br />

Au début de la colonisation du Brésil,<br />

peu après la découverte, entre 1534<br />

et 1536, l’empire colonial portugais<br />

a créé une forme d’administration<br />

territoriale connue sous le nom de<br />

«capitaineries héréditaires», parmi<br />

celles-ci le Maranhão qui comprenait<br />

le territoire actuel de l’état du Pará.<br />

Genèse des inégalités foncières au<br />

Brésil, ce système de capitaineries a<br />

eu pour conséquence la concentration<br />

des terres et du pouvoir économique<br />

dans les mains d’un petit nombre de<br />

familles. Toute les terres de ce nouveau<br />

pays ont été attribuées à 15 capitainesgouverneurs,<br />

chargés de les occuper et<br />

de le peupler. Ils pouvaient concéder<br />

de vastes domaines à des familles de<br />

notables portugais : les sesmarias.<br />

En 1751 Maranhão a été rebaptisé<br />

l’Etat du Grão-Pará et Maranhão. Sa<br />

capitale a été transférée de São-Luiz, à<br />

Belém. En 1850, la province du Grão-<br />

Pará a été divisée en deux unités,<br />

formant les provinces Pará et Amazonas<br />

(ancienne capitainerie du Rio Negro).<br />

Au cours du XVIIIe siècle, le cacao<br />

était le principal produit d’exportation<br />

de l’Amazonie portugaise. Durant<br />

l’administration jésuite, chaque<br />

année ont été expédiées au Portugal<br />

80 000 arrobes (1 200 tonnes).<br />

« sans tenir compte de ce qui<br />

restait par terre, et encore plus,<br />

de ce qui périssait par manque de<br />

navires pour le transporter »<br />

jésuite João Daniel 1722 - 1776<br />

Dans les années qui ont suivi, ce volume<br />

a diminué de moitié, et malgré cela, entre<br />

1756 et 1777, le cacao représentait 61%<br />

de la valeur de toutes les exportations<br />

de la Société Générale de Commerce<br />

du Grão-Pará et Maranhão, à Belém.<br />

A la fin du XIXe et au début du XXe<br />

siècle, la culture du cacao d’Amazonie<br />

connaît un déclin, notamment à cause<br />

de l’émergence, très rentable, de<br />

l’exploitation du latex pour la fabrication<br />

Crédits : Arnoldo RIKER<br />

Les plages du fleuve Tapajós<br />

Crédits : YANN ARTHUS-BERTRAND<br />

Orage sur la forêt amazonienne<br />

8


Carte de l’Amérique du. XVIèmee siècle<br />

de caoutchouc. L’économie se développe<br />

rapidement. Les villes de Belém et<br />

Manaus connaissent une urbanisation<br />

accélérée et un embellissement<br />

certain. Cette « Belle Époque » est<br />

”<br />

marquée par le développement de<br />

l’Art nouveau. Les constructions du<br />

théâtre de la Paix (Belém) et du théâtre<br />

Amazonas (Manaus) témoignent de la<br />

richesse et du faste de cette époque.<br />

Les nababs de Manaos, ceux de Belém aussi, engraissés du sang<br />

des cinq cent mille miséreux qui meurent pour que coule la<br />

sève fantastique, font blanchir leurs chemises à Paris, à Londres.<br />

Dans les palaces de la jungle, des maîtres d’hôtel importés<br />

de Londres ou de Rome ordonnent les nuits amazoniennes.<br />

Dictionnaire amoureux du Brésil - Gilles <strong>LA</strong>POUGE<br />

”<br />

C<br />

entré autour de l’estuaire de<br />

l’Amazone, avec une superficie<br />

de 1.247.689 km 2 (plus de deux fois<br />

la France), le Pará est aujourd’hui le<br />

deuxième État du pays en superficie.<br />

A l’image du Brésil, l’occupation<br />

actuelle du Pará est très déséquilibrée,<br />

géographiquement et socialement,<br />

prédominance de l’urbain très pauvre.<br />

Une large partie de la population<br />

9<br />

L’art Marajoara<br />

considéré comme le plus ancien art de la céramique du Brésil<br />

crédit photo: Wellington Maciel<br />

Ver-o-Peso - Belém - Pará 2009


vit dans des bidonvilles.<br />

Ses principales activités<br />

économiques<br />

sont<br />

destructrices des ressources<br />

et des fonctions des<br />

écosystèmes forestiers.<br />

On a construit de grands<br />

barrages hydroélectriques,<br />

comme la désastreuse<br />

usine de Belo Monte, alors<br />

que, 40% de la population<br />

amazonienne ne bénéficie<br />

pas de l’énergie électrique.<br />

On exploite des ressources<br />

minières telle que<br />

l’exemple terrifiant de<br />

Carajas, en provoquant<br />

le défrichement de plusieurs<br />

dizaines de milliers d’hectares.<br />

Cependant, c’est l’élevage bovin le<br />

premier moteur de la déforestation au<br />

Pará, car 80 % des terres déforestées sont<br />

converties en pâturage. La destruction<br />

du très complexe écosystème amazonien<br />

amène à une dégradation irréversible<br />

du pâturage, puis l’abandon massif des<br />

terres (20 % des terres déforestées en<br />

Amazonie seraient « abandonnées »).<br />

La déforestation a commencé avec<br />

l’histoire du Brésil. Dès le début de<br />

la colonisation, les portugais ont<br />

exploité le Pau-Brasil (Caesalpinia<br />

echinata Lam.), Le nom de bois-brésil<br />

lui a été donné en raison de la teinture<br />

utilisée dans l’industrie textile, rouge<br />

comme la braise, qu’on en extrayait.<br />

Le commerce du Pau-Brasil exporté<br />

vers l’Europe a été l’une des premières<br />

activités économiques de ce pays.<br />

L’exploitation intensive, a causé<br />

la disparition rapide de l’arbre<br />

qui a donné son nom au pays.<br />

Enfin, on parle de l’échec social<br />

des programmes mis en œuvre,<br />

car le Pará se caractérise par des<br />

processus de concentration foncière<br />

immorale, à l’origine de conflits<br />

et d’invasions de terres sans fin.<br />

”<br />

Mais il y a de l’espoir ! Au Pará, il existe dans<br />

la Forêt amazonienne, des hommes et des<br />

femmes vaillants qui ont à cœur, de cultiver selon<br />

le modèle agricole le plus vertueux au monde : La<br />

culture biologique du cacao en agroforesterie.<br />

”<br />

crédit photo: Wellington Maciel<br />

Ver-o-Peso - Belém - Pará 2009<br />

crédit photo: Gustavo Frazão<br />

Fleuve Guama - Pará<br />

10


Transamazonienne<br />

11<br />

crédit photo: GEORG GERSTER / PANOS


UNE ROUTE DU CACAO<br />

Avec l’objectif ambitieux d’être la « route de l’intégration nationale »,<br />

la construction de la BR-230 a commencé en 1970, sous la dictature<br />

militaire. Le projet initial était de faire une route reliant Cabedelo, sur la côte<br />

Atlantique (Etat de Paraíba), à la ville brésilienne de Benjamin Constant<br />

située à la jonction des frontières avec le Pérou et la Colombie. Elle devait<br />

se poursuivre à travers le Pérou jusqu’à l’Océan Pacifique, afin d’exporter<br />

la production agricole et minière du Brésil. Dans sa partie brésilienne la<br />

route n’a jamais été terminée, elle s’arrête à Lábrea (Etat d’Amazonas).<br />

La Transamazônica est une route de<br />

5000 km qui traverse le cœur de la<br />

forêt amazonienne. Elle faisait partie<br />

du programme de développement<br />

économique et de réaménagement, le<br />

plus ambitieux jamais conçu, et fut l’un<br />

des plus grands échecs de la région.<br />

Le projet a été développé, après<br />

qu'Emílio GARRASTAZU MÉDICI,<br />

le général-dictateur du Brésil en<br />

1969, a visité le nord-est pauvre du<br />

pays qui, à cette époque, souffrait de<br />

sécheresses périodiques. L’histoire<br />

officielle raconte que « ce qu’il a vu l’a<br />

choqué et bouleversé profondément ».<br />

La réforme agraire, une solution<br />

évidente à la détresse des paysans, était<br />

hors de question, car les militaires au<br />

pouvoir dépendaient du soutien des<br />

propriétaires fonciers. La redistribution<br />

des terres étant impossible, le général<br />

MÉDICI a décidé de relocaliser<br />

la population rurale pauvre.<br />

Il a été décidé que la population des<br />

paysans du nord-est où la sècheresse<br />

sévissait serait relocalisée. La route<br />

devenait un impératif afin d’ouvrir la<br />

colonisation. Les promoteurs étaient<br />

persuadés qu’au début des années 1980,<br />

la région deviendrait animée grâce à<br />

l’installation de dix millions de personnes.<br />

Selon les plans officiels, les colons se<br />

verraient attribuer des parcelles de 100<br />

hectares, un salaire minimum pendant<br />

six mois, et un accès facile aux prêts<br />

agricoles, en échange de leur installation<br />

le long de la route et de la conversion<br />

de la forêt tropicale environnante en<br />

terres agricoles. Ces familles, toujours<br />

selon ces plans, devaient gagner des<br />

millions de dollars grâce à l’exportation<br />

de café, de cacao, de poivre, d’oranges<br />

et d’autres cultures. Et ainsi être<br />

capable de s’approvisionner en denrées<br />

alimentaires de base (des millions de<br />

tonnes de haricots, de riz et de maïs).<br />

Le projet ne se préoccupait en rien<br />

de la préservation du fragile système<br />

de la forêt amazonienne. Le sol de<br />

l’Amazonie se compose essentiellement<br />

de sédiments, ce qui rend la plate-forme<br />

Crédits : Roberto Stucker<br />

à gauche Emílio GARRASTAZU MÉDICI - le général-dictateur inaugure la route - Altamira 1972<br />

La Transamazonienne se transforme en un bourbier<br />

12


Image satellite de la route Transamazonienne<br />

instable et sujette aux inondations<br />

lors de fortes pluies. Ainsi, certains<br />

tronçons de la route étaient inutilisables<br />

pendant six mois chaque année. Les<br />

pionniers étaient coupés du reste de<br />

la région et perdaient leurs récoltes.<br />

En outre, les rendements étaient<br />

décevants, car l’Amazonie est un<br />

système complexe. Une fois que la<br />

végétation est supprimée, la couche<br />

fertile du sol amazonien se dégrade,<br />

et ses éléments nutritifs s’épuisent<br />

rapidement. Pour y remédier, la solution<br />

consiste à défricher une parcelle un<br />

peu plus loin, entraînant ainsi une<br />

croissante dégradation des sols.<br />

En plus des échecs économiques et<br />

sociaux, les coûts environnementaux<br />

à long terme étaient catastrophiques.<br />

Après la construction de la route<br />

Transamazonienne, la déforestation au<br />

Brésil a grimpé à des niveaux jamais<br />

vus auparavant. Au fil des ans, les forêts<br />

vierges ont fait place à des ranchs de bétail,<br />

des stations d’exploitation forestière<br />

et des mines d’or. La déforestation de<br />

l’Amazonie, déclenchée par la route, a<br />

continué. Pendant les périodes extrêmes<br />

dans les années 1990 et au début des<br />

années 2000, plus de 25 000 kilomètres<br />

carrés de forêt ont été abattus par<br />

an (240 fois la superficie de Paris).<br />

13<br />

crédit photo: Coen Wubbels<br />

crédit photo: Coen Wubbels


Le projet initial de colonisation<br />

et de construction de la route<br />

a été abandonné en 1974.<br />

Environ 20 000 familles<br />

étaient arrivées dans la<br />

région. Privés du soutien du<br />

gouvernement, ces colons se<br />

sont retrouvés dans la misère<br />

la plus abjecte. A l’exception<br />

de quelques tronçons isolés,<br />

la route n’a que très peu de<br />

trafic aujourd’hui. Certaines<br />

parties sont asphaltées, mais<br />

la majorité de la route est constituée de<br />

terre et d’une mince couche de gravier fin,<br />

qui ne résiste pas aux pluies torrentielles<br />

qui s’abattent sur l’Amazonie d’octobre à<br />

mars. Pendant cette période, les sections<br />

non goudronnées sont impraticables.<br />

Dernièrement, les travaux de<br />

modernisation et de goudronnage<br />

ont repris et aujourd’hui il est difficile<br />

de dire combien de temps il faudra<br />

pour ouvrir l’ensemble de la route<br />

Transamazonienne et à quel coût. 1<br />

Aujourd’hui, le Programme Goût<br />

de la Forêt ouvre une voie<br />

d’espérance pour cette région, celle<br />

d’une autre forme d’agriculture,<br />

d’une agriculture respectueuse<br />

de l’environnement, porteuse du<br />

développement humain, attachée à la<br />

sécurité alimentaire et à la santé des<br />

populations, opposée à la concentration<br />

de la propriété des terres productives<br />

et à l’exploitation des travailleurs.<br />

Dans les communes de: Altamira,<br />

Anapu, Brasil Novo, Medicilândia,<br />

Uruará, Placas, Rurópolis, Vitória do<br />

Xingu et Pacajá, nous avons rencontré<br />

un certain nombre d’hommes et des<br />

femmes porteurs de ces valeurs et de<br />

ces pratiques. La grande majorité reste<br />

hésitante, cependant le Programme<br />

leur permettrait de passer à l’action<br />

et de faire connaître leur travail<br />

Le Programme Goût de la Forêt a<br />

pour ambition de fédérer les paysans<br />

autour des valeurs fortes, les sensibiliser<br />

à l’importance de la qualité, de surveiller<br />

leurs engagements et, de promouvoir<br />

les fruits du travail bien fait.<br />

1 - Extraits de textes du site web: Chambre 237<br />

crédit photo: Photo: Hans Silvester<br />

crédit photo: Girardin Aquaverde<br />

14


Xingu<br />

Altamira<br />

Medicilândia<br />

15


LE CARREFOUR <strong>DE</strong> TOUTES LES CONVOITISES<br />

Le bassin du Xingu représente une des plus vastes zones<br />

protégées au monde. Elle abrite une mosaïque unique<br />

représentative de la diversité culturelle brésilienne, combinant<br />

des territoires indigènes et des zones de conservation.<br />

Grand affluent méridional de l’Amazone,<br />

le Rio Xingu mesure 2 260 km et<br />

traverse les États du Mato Grosso et<br />

du Pará. Son bassin couvre 510 mille<br />

kilomètres carrés, l’équivalent de la<br />

surface de la France. Seulement 56,9%<br />

du bassin sont des zones protégées.<br />

Il s’agit d’un carrefour de la biodiversité.<br />

Les deux plus grands biomes brésiliens<br />

se rencontrent, le Cerrado (la plus<br />

riche savane en biodiversité de notre<br />

planète), et la forêt amazonienne.<br />

Des plages tranquilles aux rapides<br />

rocheux très violents, des hauts plateaux<br />

aux plaines inondables, les paysages sont<br />

nombreux. La flore est luxuriante, la<br />

faune est abondante. Au bord du fleuve,<br />

vivent depuis toujours, plus de 25.000<br />

indigènes appartenant à 18 groupes<br />

ethniques différents, de nombreux<br />

autres habitants ont immigré dans cette<br />

région depuis plusieurs générations.<br />

Toutes ces populations sont victimes<br />

d’une véritable guerre économique,<br />

car ces vastes espaces, et les sous-sols<br />

des terres où ils vivent, recèlent des<br />

richesses convoitées par l’agrobusiness,<br />

les multinationales et les États. La<br />

forêt laisse place à des pâturages pour<br />

l’élevage extensif, des plantations de soja<br />

en agriculture intensive. L’exploitation<br />

des bois précieux, des minerais participe<br />

aussi à la déforestation. C’est la ruée vers<br />

l’or, mais aussi vers les diamants issus<br />

de l’Amazonie, et encore vers la bauxite,<br />

les minerais de fer et d’uranium.<br />

est au carrefour entre le Xingu<br />

C’ et la route Transamazonienne,<br />

que se trouve le centre de gravité<br />

d’une région cacaoyère unique,<br />

l’agglomération d’Altamira, une ville<br />

construite dans la jungle, à l’intérieur<br />

de la « grande boucle » du Xingu,<br />

un méandre naturel du fleuve.<br />

Altamira est la plus vaste municipalité<br />

du Brésil, avec une superficie de 160<br />

millle km² (1/3 de la France), ce<br />

qui en fait la troisième plus grande<br />

municipalité dans le monde (les deux<br />

autres sont situeés au Groenland).<br />

Cependant, ce ne fut pas à cause du<br />

cacao qu’Altamira a été propulsée sur<br />

le devant de la scène internationale.<br />

Autrefois bourg très pauvre et paisible,<br />

depuis 2011, Altamira est devenue,<br />

malgré elle, une ville-champignon<br />

à cause de la désastreuse usine<br />

hydroélectrique de Belo Monte.<br />

Le troisième plus grand barrage au<br />

Crédits : Margi Moss<br />

Crédits : Eric Royer Stoner<br />

Tribu Yawalapiti<br />

16


Crédits: Marizilda Cruppe<br />

Barrage de Belo Monte<br />

17<br />

”<br />

monde. Un chantier, pharaonique, qui<br />

a mobilisé plus de 15 000 ouvriers, qui<br />

y travaillèrent 24h/24. Ce sont 500 km 2<br />

de forêt amazonienne inondés (5 fois<br />

Paris), et quelques 16 000 personnes<br />

déplacées, en grande majorité des<br />

indigènes. La polémique que suscite ce<br />

gigantesque barrage est à la hauteur de<br />

son coût : près de 15 milliards d’euros.<br />

Et la ville d’Altamira ne cesse de<br />

croître. De 50.000 habitants, il y a<br />

quelques années, elle abrite aujourd’hui<br />

plus de 160.000 personnes. Rien ou<br />

presque n’a été prévu pour faire face<br />

à l’afflux de travailleurs et d’émigrés.<br />

Le trafic de drogue, les meurtres<br />

et la prostitution ont explosé.<br />

Le contexte actuel de crise économique<br />

n’arrange rien. Dans l’indifférence<br />

générale, les décideurs, décomplexés,<br />

lancent des grands projets sans<br />

tenir compte des conséquences<br />

pour les peuples autochtones<br />

ni pour l’environnement.<br />

Le Brésil est grand, mais le monde<br />

est petit. La Terre ne va pas bien en<br />

ce début de siècle. Le Brésil possède<br />

l’une des populations la plus diverse<br />

au monde : 220 peuples autochtones,<br />

une multitude de descendants d’origine<br />

africaine, européenne, asiatique, arabe,<br />

juive... En bref, une population rurale<br />

et urbaine aux origines ethniques<br />

et culturelles très diverses, vivant<br />

dans un milieu naturel très varié.<br />

Les rivières sont le sang de l’Amazonie.<br />

Les habitants du Xingu ont droit à<br />

un futur, et un environnement sain<br />

dépassant la logique du profit à court<br />

terme. De là est né la conviction<br />

que, le cacao agroforestier est une<br />

alternative, une autre voie, celle<br />

d’une autre vision de l’agriculture,<br />

respectueuse de la vie sous toutes ses<br />

formes, conciliant nécessités vitales et<br />

sauvegarde du vivant pour aujourd’hui<br />

et pour les générations futures.<br />

La diversité sociale et la biodiversité devraient être des atouts<br />

majeurs dans une société en mondialisation accélérée. Nous<br />

sommes cependant, en train de scier, avec insistance, la branche sur<br />

laquelle nous sommes assis. Nous subissons des politiques de commerce<br />

extérieur qui applique un modèle de développement écologiquement<br />

prédateur, concentrateur de richesse et socialement appauvrissant.<br />


Crédits : YASUYOSHI CHIBA<br />

Brumes du fleuve Xingu à São Felix do Xingu<br />

18


Medicilândia<br />

Image satellite de la route du cacao<br />

19<br />

Crédits photo : Sydnei Oliveira / Agência Pará


TERROIR D’EXCEPTION<br />

Traversée pour la Transamazonienne et adossée au Xingu,<br />

Medicilândia est la capitale brésilienne du cacao. Cette région<br />

cacaoyère se caractérise par un terroir d’exception : les Terres Rouges.<br />

Il s’agit d’un phénomène géologique rare, des argiles très riches en<br />

minéraux, et notamment de l’oxyde de fer, qui lui confère sa couleur<br />

rouge sang. Epaisse de 2 à 5 mètres, cette argile joue le rôle de réservoir.<br />

Elle a la propriété d’emmagasiner l’eau lors des fortes précipitations,<br />

durant la grande saison des pluies, pour la restituer en saison sèche.<br />

Medicilândia, au cœur de l’Amazonie<br />

brésilienne, est situé à la latitude<br />

03º26'46" Sud et la longitude 52º53'20"<br />

Ouest, à une altitude variant entre<br />

151 et 352 mètres. Elle appartient à<br />

la mésorégion sud de l'État de Pará.<br />

La structure géologique de la région<br />

est formée par deux grands groupes<br />

de roches. La première, située au sud,<br />

est caractérisée par les formations<br />

cristallines du complexe Xingu, du<br />

Précambrien inférieur et moyen,<br />

environ 4 milliards d'années, et de<br />

nature gneiss-granitique-magmatique.<br />

Le deuxième groupe est représenté par<br />

la séquence sédimentaire que constitue<br />

le bassin de l'Amazone. Il s’agit d’une<br />

bande, d’orientation est-ouest, englobant<br />

les zones sédimentaires Paléozoïques<br />

de : Trombetas (Silurien - 420Ma),<br />

Curua (Dévonien supérieur – 360Ma),<br />

Monte Alegre (Carbonifère Inférieur<br />

358Ma), et finalement, les Terres<br />

Rouges. Cette dernière composante<br />

est constituée des sédiments des<br />

roches basaltiques (les Trapps) datant<br />

d’environ 150 millions d'années (période<br />

entre le Jurassique et le Crétacé ).<br />

A sa limite sud, Medicilândia jouxte la<br />

Réserve Indigène du peuple Arara. Les<br />

Arara occupaient autrefois un vaste<br />

territoire, mais à la suite de maladies et<br />

des violents conflits qui les ont opposés<br />

à des agresseurs extérieurs, ils ne sont<br />

plus que 200 personnes environ, qui<br />

vivent dans deux réserves situées le long<br />

de la rivière Iriri. En 1987, les Arara de<br />

Cachoeira Seca (situé au sud de Uruará)<br />

ont été les derniers à être découverts.<br />

Grands chasseurs et pêcheurs, les<br />

Arara ("peuple de l'ara") se nomment<br />

eux-mêmes Ukarangma. Ils cultivent<br />

le manioc, la patate douce, le maïs, les<br />

bananes et l’ananas dans leurs potagers<br />

communautaires. Au retour d'une chasse<br />

fructueuse, la viande s'échange contre des<br />

boissons fermentées et la communauté<br />

toute entière fête l'événement pendant<br />

des jours. Pour leurs rituels, les Arara<br />

Village de Medicilândia<br />

la Transamazonienne au centre<br />

Les Terres Rouges de Medicilândia<br />

vue en coupe<br />

20


carte des sols de Medicilândia<br />

source: État du Pará<br />

s'ornent le corps d'extraordinaires<br />

motifs géométriques au moyen d'une<br />

teinture noire nommée genipapo.<br />

Le territoire indigène Arara a été<br />

pleinement reconnu par le gouvernement<br />

brésilien en 2016. Mais l’histoire récente<br />

des Arara est faite de persécutions et de<br />

contacts violents avec des chasseurs de<br />

jaguar, des collecteurs de caoutchouc,<br />

des colons et, plus récemment,<br />

des compagnies forestières.<br />

A<br />

insi que le nom de Stalingrad<br />

faisait de la ville le symbole de la<br />

mégalomanie d'un terrible dictateur<br />

sanguinaire, Medicilândia doit son nom<br />

à Emilio GARRASTAZU MÉDICI, qui<br />

représentait la frange la plus dure du<br />

Régime militaire, au pouvoir depuis<br />

le coup d'Etat de 1964. Sa présidence<br />

coïncide avec une période de répression<br />

féroce des mouvements sociaux, connue<br />

au Brésil sous le nom d'années de<br />

plomb et marquée par une guerre sale<br />

menée contre la population civile.<br />

21<br />

crédit photo: Coen Wubbels


Selon le Mouvement Mondial pour les<br />

Forêts Tropicales, le dictateur militaire<br />

brésilien Emilio GARRASTAZU<br />

MÉDICI peut sans doute être considéré<br />

comme l’un des exemples les plus<br />

caractéristiques de l’approche raciste<br />

et destructive des forêts. Celle qui<br />

a dominé dans la plupart des pays<br />

tropicaux pendant la deuxième moitié<br />

du XXe siècle. Lors de l’inauguration<br />

de l’autoroute transamazonienne en<br />

1970 (le début de la fin de nombreux<br />

groupes indigènes ainsi que de grandes<br />

étendues forestières amazoniennes), le<br />

dictateur déclarait que celle-ci ouvrait<br />

la voie à une « terre sans hommes<br />

pour des hommes sans terre». Pour<br />

lui, les peuples indigènes n’existaient<br />

même pas, et les forêts représentaient<br />

uniquement des terres à déboiser afin de<br />

les destiner à des «activités productives».<br />

Apparemment, les femmes, indigènes<br />

ou pas, n’existaient absolument pas.<br />

L’occupation de l’Amazonie a été<br />

une préoccupation majeure de<br />

MÉDICI. Pour les militaires, il fallait<br />

toute faire pour éviter tout type de<br />

soulèvement dans les campagnes, qui<br />

pourrait aboutir à des mouvements<br />

révolutionnaires paysans comme en<br />

Chine en 1949 et à Cuba en 1959.<br />

Aujourd’hui, Medicilância est une<br />

municipalité rurale, avec un IDH 2<br />

très bas de 0,582 (la moyenne française<br />

est de 0,888). Parmi la population<br />

de 30 mille âmes, 2000 sont des<br />

cacaoculteurs de l’agriculture familiale.<br />

Les vergers de cacao représentent<br />

33 mille hectares (3 fois Paris).<br />

Ce bout du monde, très méconnu,<br />

concentre 45% de la production de cacao<br />

au Pará, soit une récolte de plus de 40<br />

mille tonnes. La plupart du temps, la<br />

fermentation n’est pas contrôlée par<br />

les producteurs, dont le seul but est<br />

d’obtenir un taux d’humidité de 8%<br />

afin de vendre leur production aux 5<br />

groupes industriels internationaux<br />

présent. Ces groupes internationaux<br />

décide seuls le prix à payer au planteur,<br />

sans jamais récompenser la qualité.<br />

Dans ce coin oublié de l’Amazonie, le<br />

cacao est au centre de la vie, et pour les<br />

grands chocolatiers à la recherche de<br />

grands terroirs, toute reste à découvrir.<br />

2 - L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé<br />

par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en 1990 pour<br />

évaluer le niveau de développement humain des pays du monde.<br />

crédit photo: Girardin Aquaverde<br />

22


Ivan<br />

Dantas<br />

23<br />

crédit photo: Cristiane Martins


<strong>DE</strong>S HOMMES ET <strong>DE</strong>S FÈVES<br />

PORTRAIT D’UN CACAOCULTEUR D’EXCEPTION<br />

Personnage passionné et déterminé, Ivan est un infatigable<br />

promoteur du cacao de la Transamazonienne.<br />

Homme très charismatique, de caractère<br />

doux et résolument altruiste, il est un<br />

véritable trait-d’union dans la société<br />

civile locale. Il donne de son temps<br />

et de son expérience sans compter :<br />

syndicats, associations, coopératives… il<br />

est sur tous les fronts afin de galvaniser<br />

les énergies et élever le niveau de<br />

vie de toute cette région du globe.<br />

C’est quelqu’un de simple, avec une vision<br />

très claire du monde qui l'entoure, capable<br />

de faire des analyses socio-politiques<br />

justes. Il expose avec une grande clarté<br />

la situation, c’est un bon pédagogue.<br />

Ivan n’a pas de responsabilité politique,<br />

cependant il est impossible de se<br />

déplacer avec lui dans le centre de la<br />

petite ville de Medicilândia, sans être<br />

arrêté à plusieurs reprises par des<br />

personnes qui viennent lui demander<br />

conseil, ou qui veulent avoir les dernières<br />

nouvelles des projets qu’il mène.<br />

Grand spécialiste du traitement<br />

post-récolte, Ivan est un esprit<br />

inquiet et curieux, cherchant à<br />

expérimenter et mettre en œuvre des<br />

améliorations techniques, notamment<br />

en matière de fermentation.<br />

Il utilise, par exemple, des caisses<br />

de fermentation cylindriques, afin<br />

d'obtenir un gradient de température<br />

plus homogène que dans les caisses<br />

rectangulaires traditionnelles où les<br />

coins sont toujours moins chauds.<br />

Totalement autodidacte, ses<br />

recherches aujourd’hui, se<br />

concentrent sur les effets du rinçage<br />

à l’eau claire dans la fermentation.<br />

Deuxième génération de planteurs de<br />

cacao, originaire du sud du Brésil, Ivan<br />

arrive en Amazonie avec ses parents<br />

en novembre 1971, à l’âge de 13 ans, il<br />

fait partie de ces pionniers attirés par<br />

”<br />

Même si j’ai la moitié du rendement, car je n’utilise<br />

aucun produit chimique dans ma plantation, je<br />

peux dormir la conscience tranquille en ce qui concerne<br />

l’impact sur la santé de toute ma famille, des personnes qui<br />

travaillent auprès de moi et tous ceux qui consomment mon<br />

cacao, en toute sécurité. Pour moi la santé n’a pas de prix.<br />

”<br />

crédit photo: Cristiane Martins<br />

Sítio Santo Onofre<br />

crédit photo: Sidney Oliveira<br />

Ivan DANTAS et ses caisses de fermentation cylindriques<br />

24


la promesse de distribution de terres à<br />

ceux qui n’en avaient pas : « terre sans<br />

hommes pour des hommes sans terre »<br />

En 1983 Ivan hérite des 83 hectares<br />

laissés par la disparition prématurée de<br />

son père. Convaincu que celui-ci a été<br />

empoisonné pour les pesticides utilisés<br />

dans ses champs, il bannit aussitôt les<br />

produits toxiques de ses pratiques.<br />

Sa propriété de 83 ha, le Sítio Santo<br />

Onofre (La Petite Ferme Saint Onuphre<br />

l'Anachorète), est située au kilomètre 115<br />

de la transamazonienne. Il possède d'une<br />

part 5 ha de forêt primaire protégée,<br />

dans la laquelle se trouve deux sources,<br />

qui se jettent dans le Xingu. D’autre part,<br />

des cacaoyers en culture biologique,<br />

qui recouvrent 78 ha au milieu des<br />

grands arbres d’essences natives.<br />

À 12 kilomètres de la réserve des<br />

indiens Arara, Ivan travaille un<br />

terroir exceptionnel, des coteaux avec<br />

un dénivelé assez important et une<br />

exposition nord, sur les Terres Rouges<br />

uniques. Des cacaoyers avec 40 ans d’âge<br />

en moyenne, 8 hybrides en co-plantation,<br />

résultant d’une série successive de 229<br />

croisements (résultat des recherches<br />

du CEP<strong>LA</strong>C). Les variétés présentes<br />

possèdent leur propre classification, et<br />

ne se réduisent pas aux grandes branches<br />

de la classification traditionnellement<br />

utilisées : criollo, trinitario ou forastero.<br />

Sítio Santo Onofre - prise de vue aérienne<br />

”<br />

Je pense que l’agriculture biologique implique une bonne<br />

compréhension de la nature, sans la violenter, comme le fait<br />

l’agriculture chimique. L’utilisation de la chimie nous a rendu très<br />

impatients, ces produits nous donnent l’impression de faciliter le<br />

travail. Par exemple, si on veut des bons produits, il suffit d’ajouter<br />

des produits chimiques. Ou bien, si on veut se débarrasser d’un<br />

insecte on fait de même. Par contre, ce que l’agriculture biologique<br />

nous apprend, c’est qu’il faut être à l’écoute de la nature.<br />

”<br />

Ivan DANTAS<br />

25<br />

Sélection Officielle<br />

CEP<strong>LA</strong>C<br />

CACAO <strong>DE</strong> QUALITÉ<br />

2015<br />

Prix<br />

D’EXCELLENCE<br />

CEP<strong>LA</strong>C<br />

2016<br />

Sélection Officielle<br />

CEP<strong>LA</strong>C<br />

CACAO <strong>DE</strong> QUALITÉ<br />

2014


crédit photo: Cristiane Martins<br />

26


CONTACT<br />

Wandel DA ROCHA<br />

Paris<br />

+33 6 98 48 18 92<br />

wdarocha@rendezvous.com.br

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