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LMGmag#6

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Au départ,<br />

je voulais être<br />

archéologue…<br />

Et d’une certaine façon,<br />

c’est un peu ce que je fais aujourd’hui.<br />

Je fouille dans les textes. Je me lance<br />

dans de longues études sociologiques,<br />

politiques et historiques avant de<br />

réunir une équipe autour d’un texte<br />

ou d’une thématique. J’ai commencé<br />

par une licence d’histoire. Le théâtre<br />

est venu un peu par accident, à la<br />

suite d’une déception sentimentale.<br />

Un moyen de se remettre debout et<br />

regarder ailleurs, de renouveler mon<br />

désir, ma curiosité, les occasions<br />

de rencontres et pour m’exposer<br />

au regard des autres. Même si mes<br />

premières années de formation<br />

théâtrale furent plutôt situées du<br />

coté de l’observation. Les années<br />

d’apprentissage à l’école de Chaillot,<br />

sous la direction d’Antoine Vitez, ont<br />

été du pur bonheur. Puis la rencontre<br />

avec Madeleine Marion, comédienne<br />

et pédagogue au Conservatoire<br />

National Supérieur d’Art Dramatique<br />

de Paris, m’a profondément marquée.<br />

Je lui dois force, courage et surtout<br />

mon amour pour les textes et la langue<br />

française. Racine, Hugo,Claudel…<br />

itinérant d’Afrique sub-saharienne.<br />

L’équipe, constituée d’une trentaine<br />

d’artistes toutes disciplines confondues,<br />

était basée dans un village au bord du<br />

fleuve Wouri : Bonendale. Au fur et à<br />

mesure, ce village est devenu le village<br />

artistique du Cameroun. C’est là qu’est<br />

enterré le cordon ombilical de mon fils.<br />

Emmanuel Duro, un des<br />

élèves plasticiens de l’école des Beaux<br />

Arts de Strasbourg, avait participé à ce<br />

chantier. Originaire de Guyane, il avait<br />

le désir de renouveler l’expérience dans<br />

bar<br />

sa région d’origine. Ainsi nous avons<br />

mis en place à Saint-Laurent-du-Maroni<br />

une formation de comédiens basée sur<br />

l’espace et les arts martiaux (Emmanuel<br />

est également professeur de Karaté).<br />

Il s’agissait comme dans un dojo de<br />

(re)ritualiser l’espace théâtral. Pour<br />

moi, l’acteur doit chercher sa nécessité<br />

d’être devant un public, non dans des<br />

considérations psychologiques (et trop<br />

souvent égocentriques) de personnage,<br />

mais dans son désir d’être en lien<br />

puissant et constant avec un espace<br />

ORTRA<br />

La mise en scène n’a pas été<br />

consciemment mon envie de départ…<br />

là encore cela a coïncidé avec une<br />

rupture amoureuse. L’envie de me<br />

projeter une nouvelle fois ailleurs. J’ai<br />

monté un premier spectacle intitulé «Je<br />

ne suis pas toi (femme entre viandes<br />

fraiches et roses)» conçu à partir de<br />

textes de Paul Bowles. Ce spectacle<br />

réunissant 4 comédiennes a connu<br />

un succès public et critique lors du<br />

Barbara Bouley est une magicienne, qui<br />

peut transformer les salles de classe<br />

en scènes de théâtre, les Zétwal en Zétwel,<br />

et les écoles en centre spatial.<br />

festival « Turbulences » à Strasbourg. Du<br />

coup je me suis dit que j’avais peut-être<br />

des choses à raconter sur un plateau de<br />

théâtre et que ma place était davantage<br />

là, dans la fabrication et la réalisation et<br />

non dans l’exposition sur scène comme<br />

comédienne. C’est pourquoi j’ai crée en<br />

1998, une compagnie pluridisciplinaire :<br />

Un Excursus. J’ai à ce jour monté plus<br />

de vingt spectacles contemporains.<br />

Le projet fondateur pour<br />

moi a été «Eyala pena» (La parole<br />

contemporaine). Un véritable chantier<br />

artistique au Cameroun de 1998 à 2005.<br />

Au départ, il y a une demande de Valérie<br />

Lang et de Stanislas Nordey, directeur du<br />

théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.<br />

L’idée était d’organiser des lectures de<br />

jeunes auteurs des pays qualifiés lors de<br />

la coupe du monde de football de 1998.<br />

Pour certains pays, Valérie et Stanislas<br />

n’ avaient pas trouvé d’auteurs et ils ont<br />

décidé d’envoyer des metteurs en scène<br />

en repérage sur place. C’est ainsi que<br />

je me suis retrouvée au Cameroun. Là<br />

bas, j’ai fait la connaissance d’auteurs<br />

et de responsables de compagnies de<br />

théâtre dont certains vivaient dans de<br />

grandes difficultés. J’ai eu envie de les<br />

accompagner et j’ai monté un projet<br />

avec l’aide du théâtre Gérard Philippe et<br />

de la galerie Doual’art. Ensemble, nous<br />

avons organisé des rencontres d’auteurs,<br />

de comédiens, de plasticiens, inventé et<br />

construit un théâtre indépendant. Un<br />

théâtre comme un abri, une sorte de<br />

Lego géant construit par un groupe<br />

de plasticiens camerounais, le cercle<br />

Kapsiki. Ainsi est né le premier théâtre<br />

donné et codifié : la scène. « Le maître,<br />

c’est l’espace ».<br />

C’est pendant cette formation de<br />

comédiens qu’Emmanuel m’a proposé<br />

d’intervenir au collège Arsène Bouyer<br />

d’Angoma où il enseigne les arts<br />

plastiques. Nous avons écrit ensemble le<br />

projet d’éducation artistique : « Faiseurs<br />

d’histoires ». L’idée est de construire,<br />

par l’expérience une pédagogie centrée<br />

sur l’espace et les matières artistiques<br />

autour desquelles se déploient les autres<br />

matières traditionelles. Dans le collège<br />

de nos rêves, l’enseignement n’est pas<br />

constitué de l’addition de matières<br />

différentes. Il part des désirs des élèves,<br />

se déploie vers leurs imaginaires qu’il<br />

s’agit pour les pédagogues de susciter,<br />

d’alimenter grâce à la mise en œuvre de<br />

techniques, artistiques et pédagogiques,<br />

plurielles. Le projet s’adresse à des<br />

élèves en difficultés et construit, par<br />

contamination artistique, d’autres voies<br />

d’apprentissages afin, entre autre de lutter<br />

contre la déscolarisation et l’échec scolaire.<br />

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