Où allons-nous ? De la modernité au transhumanisme

Charles
Delhez
Où
allons-nous ?
De la modernité
au transhumanisme
forum

OÙ ALLONS-NOUS ?

DU MÊME AUTEUR
Dieu à notre service, Lumen Vitæ, 1977 ; 2 e édition : Si tu veux,
Foi Vivante 380, 1996.
Au jardin de Dieu, Cerf, 1983.
Ce Dieu inutile. Éloge de la gratuité, Fidélité/Lumen Vitae,
1988 ; 2 e édition : Foi Vivante 368, 1999.
Nouvel Age et nouvelles religiosités, Fidélité/Source de Vie, 1994.
Une vie au souffle de l'Esprit, Fidélité/Racine, entretiens avec le
père Philippe Verhaegen, 1995.
Il est une foi. Valeurs et croyances des Belges, avec Rudolf Rezsohazy,
Fidélité/Racine, 1996.
Ces questions sur la foi que tout le monde se pose, Cerf/Racine,
1997.
Dites : Notre Père…, Racine/Fidélité, 1998.
Les derniers des Mohicans ? Les catholiques en Belgique, Labor,
1998.
Mal, où est ta victoire ?, Mame, 1999.
Nouvelles questions sur la foi, Cerf/Racine/Fidélité, 2001.
Le Jésus des chrétiens (après le Da Vinci Code), avec Jacques
Vermeylen, Fidélité, 2006.
Apprendre à lire la Bible, avec Jean Radermakers s.j., Fidélité,
2007 ; 3 e édition 2016.
Que croire ? Questions sensibles autour de la foi chrétienne,
Salvator/Fidélité, 2007.
Le sexe et le goupillon. Regards croisés d’un prêtre et d’un sexologue,
avec Armand Lequeux, Fidélité, 2010.
L’essentiel du christianisme, Fidélité, 2011.
Et si Dieu existait ? 120 questions en toute simplicité, Mame/
Fidélité, 2012.
Le grand ABC de la foi, Mame/Fidélité, 2013.
Quel homme pour demain ? Science, éthique et christianisme,
Fidélité, 2015.
Trop envie de le dire, Fidélité, 2017.

Charles Delhez
Où allons-nous ?
De la modernité au transhumanisme
salvator /

Éditions Jésuites, 2018
7, rue Blondeau, BE-5000 Namur
info@editionsjesuites.com
www.editionsjesuites.com
ISBN : 978-2-87356-807-8
Éditions Salvator, Paris, 2018
Yves Briend Éditeur SA.
103, rue Notre-Dame-des-Champs F-75006 Paris
contact@editions-salvator.com
www.editions-salvator.com
Maquette intérieure : Nord Compo
Maquette de couverture : Isabelle de Senilhes
ISBN : 978-2-7067-1654-6
Tous droits réservés pour tous pays

À Adrien, mon filleul, et à sa génération
qui se posent tant de questions
sur le monde que nous leur laissons en héritage
À Anne-Marie, ma cousine,
qui a relu tant de mes manuscrits

À l’échelle de trente ans, personne ne sait ce
que sera cette planète.
Hubert REEVES
Le monde d’aujourd’hui est mieux qu’avant,
mais n’est pas parfait et rien ne garantit son
avenir.
Michel SERRES
Les contemporains font agoniser l’homme.
Éric-Emmanuel SCHMITT

Introduction
Je m’intéresse plus à ce qui naît qu’à ce qui
disparaît.
Cardinal MARTY
LA modernité fut le commencement d’un nouveau monde.
La tradition faisait place au progrès. L’autorité des anciens
se soumettait de plus en plus à l’autonomie des individus. Un
monde plus vaste se dessinait et la mondialisation s’amorçait.
Aujourd’hui, nous vivons des changements à une vitesse bien
plus rapide et sans doute beaucoup plus importants. L’histoire
s’écrit sous nos yeux, mais nous manquons de recul pour percevoir
et comprendre ce qui nous arrive. A fortiori, nous ne
savons pas où nous allons. Aurait-on pu demander à quelqu’un
du Moyen Âge tardif de nous décrire la Renaissance ?
S’il y a quelque chose qui a grandi au fil des siècles, c’est
bien la maîtrise qu’a l’homme de sa destinée. Demain sera donc
ce que nous en ferons. Mais pour décider de notre avenir, il
faut bien comprendre ce qui est en germe aujourd’hui. Tel
est le but de ce livre, dont l’auteur est emporté par la même
bourrasque, mais a tenté de prendre un peu de distance. Pas
question cependant de prédire, mais de pointer les évolutions
en cours et de situer les problèmes que nous aurons à résoudre
assez vite, de préciser les choix que nous aurons à faire. L’humanité
demeure maîtresse de son destin, mais pour combien
de temps encore ?
11

OÙ ALLONS-NOUS ?
Notre société vit donc une mutation sans précédent par sa
rapidité et sa profondeur. Mais il y a plus grave : l’homme
lui-même serait en train d’être redéfini. L’évolution naturelle
des espèces a fait advenir le genre humain, et plus particulièrement
l’espèce Sapiens. Celle-ci a pris le dessus sur ses
concurrents animaux et humains et s’est organisée en société
désormais mondiale, dominant de plus en plus la nature.
Maintenant, par les biotechnologies et les neurotechnologies,
l’homme est capable de se refaçonner lui-même, biologiquement
et cérébralement. La technique, fruit de son intelligence,
se fait intérieure à lui-même et son intelligence, extérieure à
lui. L’intelligence est en effet de plus en plus artificielle et
risque de remplacer le biologique. Nos connaissances sont
stockées dans d’immenses mémoires virtuelles. La matière a
libéré la pensée qui, elle-même, prend les rênes de l’évolution.
Se poursuivra-t-elle un jour sans nous ?
*
Au fil des chapitres de ce livre, nous allons aborder cette
évolution en cours à partir du tournant de la modernité. Nous
verrons comment sociétés civile et religieuse se sont progressivement
distinguées jusqu’à s’opposer, rejetant la foi dans la
sphère privée (chapitres 1 et 2). Pourtant, la religion n’a pas
disparu et cherche à se reconfigurer, tant il est vrai que la soif
spirituelle de l’homme ne s’éteint pas si facilement, car elle est
constitutive de l’humaine condition (chapitre 3).
Cette modernité nous a fait assister au triomphe de la
science, et surtout de la technique. Il sera bon, dans un premier
temps, de voir que foi et science – débat emblématique de la
suprématie de la science sur toutes les autres dimensions – ne
s’opposent pas, mais sont situées sur des plans différents. Ce
conflit séculaire est maintenant dépassé, si du moins on prend
le temps d’y réfléchir (chapitres 4 et 5).
12

INTRODUCTION
Dans ce débat, c’est surtout la question de Dieu qui a été
posée. Mais aujourd’hui, c’est celle de l’homme. Qui est-il en
effet, lui qui est comme coincé entre l’animal dont on étudie
de plus en plus l’intelligence (chapitre 6) et le monde des
machines, de plus en plus intérieures à l’homme mais aussi
extérieures (chapitre 7) ? Cette nouvelle ère de l’humanité reçoit
le nom de transhumanisme. Un homme nouveau serait appelé
à voir le jour, grâce à la grande convergence des NBIC (pour
Nanotechnologies, Biotechnologies, Intelligence artificielle et
sciences Cognitives).
Petit à petit, ce fruit de l’intelligence pourrait prendre la
place de son concepteur. C’est du moins le bruit qui court et le
rêve de nombreux chercheurs. Deux chapitres seront consacrés
aux robots et autres intelligences artificielles qui sont occupés
à changer notre quotidien dans tous les domaines, notamment
en médecine et dans la gestion des données de plus en plus
nombreuses que génère cette société de l’information et de la
communication (chapitres 8 et 9). Il sera temps ensuite de se
poser des questions essentielles et d’oser aborder l’interrogation
majeure : ne serions-nous pas occupés à ouvrir la boîte de Pandore
et à dire définitivement adieu à Mère Nature (chapitre 10) ?
D’autres voix se font cependant entendre, moins optimistes.
Elles parlent d’effondrement (chapitre 11). Notre
civilisation biotechnologique et robotisée est un colosse – c’est
le moins qu’on puisse dire – aux pieds d’argile. Elle est
particulièrement fragile. La crise écologique en est comme
le symbole. Cette dégradation de la nature, causée par le
mauvais usage que nous en faisons, n’est-elle pas le résultat
et l’illustration de l’hybris, de la démesure de l’homme, dont
il pourrait bien faire les frais ? Une mystique du Moyen Âge,
Hildegarde de Bingen, a cette description saisissante : « À
ce moment-là, tous les vents seront pollués par des feuilles
mortes, l’air vomira des saletés au point que l’homme ne
pourra plus ouvrir la bouche. Les gras pâturages seront ternis
13

OÙ ALLONS-NOUS ?
par la bêtise païenne de la foule aveuglée des humains 1 . » Il
y a un lien étroit entre l’homme et la nature, même si notre
culture moderne, depuis la Renaissance, a eu tendance à les
opposer. Ne faudrait-il pas retrouver une communion avec
elle au lieu de s’en séparer ?
Notre époque est inquiète, car habitée par la conscience de
la possible autodestruction de l’humanité. Elle met en doute la
notion même de progrès qui faisait son succès à ses débuts et
prend conscience que les avancées des technosciences ne sont
pas automatiquement des gains d’humanité. La modernité
a-t-elle tenu ses promesses de bonheur ? Et la postmodernité
qui s’annonce, la « seconde modernité » (Jean-Marc Ferry), y
parviendra-t-elle ?
Nous ne répondrons évidemment pas à la question. Dans
le dernier chapitre, cependant, nous tenterons de présenter
l’étape que nous vivons, non en termes de destruction, mais de
transition (chapitre 12). Il nous est encore possible de choisir
une autre voie que celle que les sirènes nous font miroiter mais
qui compromet notre identité. L’avenir de notre planète, de
l’humanité et de nous-mêmes est plus que jamais entre nos
mains. Cette responsabilité est précisément notre identité. Nous
sommes, disait Pierre Teilhard de Chardin, « les joueurs, en
même temps que les cartes et l’enjeu ».
Certains lecteurs trouveront peut-être le livre quelque
peu pessimiste. C’est que les clignotants ne manquent pas et
les interrogations abondent. Une transition n’est jamais un
moment facile. Nous pratiquerons ce que Jean-Pierre Dupuy
appelle le « catastrophisme éclairé » : considérer les catastrophes
possibles comme inéluctables, afin d’en prendre conscience et
de pouvoir les éviter. Puisse le lecteur transformer les points
d’interrogation en invitation à s’engager et à rester les pieds
sur terre.
1. Hildegarde DE BINGEN, Liber vitæ meritorum, 1158-1163.
14

INTRODUCTION
Je remercie bien cordialement tous ceux qui m’ont accompagné
dans l’écriture de ce livre. Hubert Jacobs, Paul Malvaux,
Pierre Carbonnelle, Chantal Berhin, Jean Hanotte, Jean-Jacques
Orban, Xavier Dijon, Ferdinand Casier, Maïté Defourny,
Renée Parent, André Füzfa, Luc de Brabandere et tous les
auteurs, cités ou non, qui ont inspiré ces pages.
J’annonce un long travail d’enfantement, portant sur des
temps et des temps, hors de toute maîtrise et de tout programme.
Et le point d’appui n’est plus ici ou en arrière, mais
en avant, dans la profondeur de l’Inconnu 1 .
Maurice BELLET
1. Maurice BELLET, La longue veille, Desclée de Brouwer, 2002, p. 120.

1
Une société en constant changement
La quête du bonheur remplace celle du salut.
Tzvetan TODOROV
MODERNITÉ, postmodernité, ultramodernité… Humanisme,
transhumanisme, post-humanisme… Mais où
en est-on ? Ce qui est certain, c’est que notre société change
à vive allure, et dans tous les domaines. La science et surtout
la technique évoluent à une vitesse exponentielle. Nous vivons
une véritable mutation culturelle, voire anthropologique, plus
importante que celle qui nous fit passer, voici douze mille ans,
du paléolithique au néolithique, nous dit Michel Serres. Depuis
le XIX e siècle, nous avons davantage progressé que durant toute
la période qui nous sépare de l’âge des cavernes. Et ce jusqu’à
nous faire craindre le moment où cette évolution dépassera
les capacités de contrôle de l’être humain lui-même, par
exemple dans le domaine de l’intelligence artificielle. L’humanité
acquiert un pouvoir de plus en plus impressionnant, mais
la sagesse qui devrait l’accompagner ne fait-elle pas défaut ?
Un programme d’émancipation
S’il y a bien un acquis de la modernité, c’est celui de la
liberté à laquelle on peut aussi donner le nom de personnalisation,
d’autonomie. Cette liberté va grandissant. La biologie
17

En lecture partielle…

Table
Introduction 11
1. Une société en constant changement 17
Un programme d’émancipation 17
Fille du judéo-christianisme 19
Du côté de l’Europe 24
Quand commence la modernité ? 26
La fin d’une opposition 28
La modernité désenchantée 30
Le regard critique du pape François 32
L’individu dans l’hypermodernité 34
2. La privatisation de la religion 37
Dès la Réforme protestante 38
« Feu la chrétienté » 39
Les trois sphères 42
Sécularisation 44
« Exculturation » 46
Modernité plurielle et « retour du religieux » 48
Culturellement évitable 51
3. La nouvelle religiosité 55
Une mouvance de disciples 56
Prospective… 60
Religion, foi et spiritualité 62
Ambiguë spiritualité 64
Dialogue interreligieux 66
189

OÙ ALLONS-NOUS ?
4. La science divinisée 69
De la science aux technosciences 70
L’absurde ou le mystère ? 73
L’illusion scientiste 75
Croire en la promesse de la vie 77
Du côté de l’origine et de la fin 80
Il vaut mieux avoir deux tiroirs… 82
5. Articuler science et foi 85
Les trois postures du dialogue 85
Au gré de la liberté 88
Un Dieu caché 92
6. Un animal à la responsabilité infinie 95
Les animaux si proches de l’homme 96
L’accumulation des différences 99
Plus loin que la nature 101
Le pas de l’éthique 104
L’appel de l’infini 106
Et l’évolution continue… 110
7. Vers l’homme refaçonné et remplacé ? 113
Le projet transhumaniste 114
Le toboggan des NBIC 118
Une médecine en pleine évolution 120
La guerre automatique 122
8. Le monde de l’intelligence artificielle 125
La croissance exponentielle de l’informatique 125
Une invasion programmée 128
L’intelligence artificielle « faible »
et l’intelligence « forte » 129
Le maillon faible 129
Artificielle ou augmentée ? 132
À la première personne 133
9. À la place des humains ? 135
D’excellents acteurs 136
190

TABLE
Ni phobie ni aveuglement 138
La place de l’homme 140
Jamais nos frères et sœurs ! 142
10. Ouvrir la boîte de Pandore ? 145
Transgression des limites 146
La troisième révolution industrielle 147
Et l’autre ? 149
L’édition du génome 151
Une humanité réduite 153
Adieu, Mère Nature 157
L’homme dépassé ? 159
11. Et si tout s’effondrait ? 163
Bonne ou mauvaise modernité ? 164
L’être humain pris en otage 167
Pourra-t-on rebondir ? 170
12. Un monde en transition 175
La « conversion écologique » 177
Une société post-carbone 180
Retrouver du souffle 182
Vers où voulons-nous aller ? 184
Vers une autre convergence ? 186

CET OUVRAGE A ÉTÉ COMPOSÉ
PAR NORD COMPO
À VILLENEUVE-D’ASCQ.
Imprimé en France
Dépôt légal : XXX 2018
N d’imprimeur :

Charles Delhez
Où allons-nous ?
De la modernité au transhumanisme
odernité, postmodernité, ultramodernité… Humanisme,
M transhumanisme, post-humanisme… Autant de mots
qui souvent nous donnent le vertige et nous inquiètent.
Ce qui est certain, c’est que notre société change à vive
allure, et ce dans tous les domaines. Nous vivons une
véritable mutation culturelle, voire anthropologique, plus
importante que celle qui nous a fait passer, voici douze
mille ans, du paléolithique au néolithique, selon la formule
de Michel Serres.
Depuis le XIX e siècle, nous avons davantage progressé que
durant toute la période qui nous sépare de l’âge des cavernes.
Nous en arrivons à craindre le moment où cette évolution
dépassera les capacités de contrôle de l’être humain. Où
nous mènent donc les « NBIC » – les nanotechnologies, les
biotechnologies, l’intelligence artificielle et les sciences
cognitives ? Partant du projet de la modernité, ce livre aborde
la sécularisation, resitue la science à sa juste place, dans son
dialogue avec la religion et la spiritualité, et s’interroge sur
l’identité de l’homme, coincé entre l’animal et la machine.
À la croisée des voix qui parlent de transhumanisme
– l’homme augmenté et refaçonné – et de celles qui
annoncent un effondrement prochain de notre civilisation
thermo-industrielle, se pose la question de la sagesse qui
doit accompagner cette transition. Alors, où allons-nous ?
L’homme a-t-il un avenir ? Autant d’interrogations que
Charles Delhez affronte avec courage, dans toute l’ampleur
de leur complexité.
Charles Delhez, jésuite belge, sociologue de formation, homme de
médias, conférencier, enseigne les sciences religieuses à l’Université
de Namur (en faculté de médecine et de sciences économiques).
Curé de Blocry (Louvain-la-Neuve), aumônier national des Équipes
Notre-Dame, il est l’auteur d’une quarantaine de livres, traduits en
plusieurs langues.
Couverture : Isabelle de Senilhes
ISBN français : 978-2-7067-1654-6
ISBN belge : 978-2-87356-807-8
20 € TTC
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