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chercher à comprendre. Mon esprit, toujours confus, s’accommodait à présent de cette<br />
confusion. Mieux, il se délectait de cette aura de mystère et d’irréalité qui marquait l’entrée<br />
de Manon dans ma vie. Je commençais à aimer jusqu'à mon extrême pilosité. J’étais<br />
grisé. Grisé par la subtile senteur de jasmin que dégageaient les longues boucles de sa<br />
chevelure qui me caressaient le visage. Grisé par l’odeur suave de son corps. Grisé par<br />
l’intense désir qui s'emparait de nous.<br />
Lorsque Manon m’a membré en elle, j’ai ressenti comme une commotion et j’ai bien cru<br />
que j’allais encore défaillir. J’étais presque en état de choc et j’ai dû lutter pour ne pas<br />
perdre conscience et priver Manon de ma virilité. Il m’a fallu ensuite maîtriser ma<br />
jouissance naissante pour ne pas exploser en elle comme un feu d’artifice. Après avoir<br />
repris mon contrôle, nous nous sommes aimés avec frénésie, mêlant aux élans impétueux<br />
de notre passion, la ferveur de longues et tendres caresses. Est-ce Manon qui s’était faite<br />
fontaine de jouvence pour moi, toujours est-il que toute lassitude m’avait quitté et que rien<br />
ne semblait plus pouvoir éteindre ma vigueur ? Je ne sais combien de temps a duré notre<br />
amour charnel et acharné, mais à la fin de nos ébats, j’ai vu à travers des fentes et la<br />
fermeture mal jointe des volets de la chambre qu’au dehors le jour commençait à blanchir.<br />
Manon et moi sommes restés longtemps dans les bras l’un de l’autre sans rien nous dire.<br />
Nos corps étaient en sueur et nous entrecoupions nos souffles encore haletants et<br />
oppressés de furtifs baisers. C’est elle qui a rompu en premier le silence. Elle a approché<br />
sa bouche de la mienne puis m’a lancé un chapelet de baisers en les égrenant à chaque<br />
fois d'un “ je t’aime ”.<br />
— Et moi, je ne t’aime pas, je t’adore, ai-je répondu en lui rendant ses baisers avec la<br />
même impétuosité. Et c’était sincère. J’étais devenu absolument fou de Manon et<br />
ressentais pour elle une passion démentielle et dévorante, une véritable adoration.<br />
— Alors pourquoi ne m’as-tu pas rejoint dans la grange ? a-t-elle répliqué d’un ton<br />
boudeur.<br />
Aïe ! J’étais coincé ! Que répondre à cela ? Je m’aventurais comme un aveugle en terrain<br />
inconnu et risquais le faux pas à tout moment. J’ai alors choisi de me tenir au plus près de<br />
la vérité, si tant est qu’il y en eut une, dans mon invraisemblable histoire. J’ai confié à<br />
Manon mon ignorance de tout ce qui m’arrivait et le désarroi dans lequel je me trouvais. Et<br />
puisque ma présence dans son monde restait difficilement explicable, j’ai prétexté une<br />
subite amnésie, due sans doute à un mauvais coup de soleil.<br />
— Alors, vraiment, tu ne te souviens plus de notre histoire ? m’a demandé Manon tandis<br />
que ses doigts se perdaient dans la toison de ma poitrine en y dessinant d’aériennes<br />
arabesques.<br />
— Mon corps, curieusement, se souvient de notre communion. Elle est ancrée dans ma<br />
chair comme si nous étions deux êtres indivisibles. Mais pour le reste, mis à part peut-être<br />
ton parfum, je ne connais rien de toi et je ne comprends pas ma présence ici.<br />
Manon m’a lancé un regard surpris. Sa chambre baignait à présent dans une pénombre<br />
grise et je pouvais admirer de près la délicatesse de ses traits. Ses yeux, que faisait briller<br />
la lumière dorée qui perçait à travers les fentes des persiennes, me subjuguaient.<br />
— Je ne te parle pas du temps que nous vivons à présent, et qui nous est compté, mais<br />
du temps immémorial où s’est scellé notre irrésistible et invivable amour. Sache que cet<br />
amour est frappé d’une malédiction à cause d’un être cher que nous avons trahi. Notre