L'acte de ce qui est
Un problème dialectique est posé à propos de l’emploi du verbe «être» pris comme signe d’un acte de ce qui est. Pour le résoudre, il s’impose d’entreprendre une «recherche qui tend à acquérir la vérité et la connaissance» à propos de cet emploi, et ce, • «en lui-même», i.e. quant à son usage logique comme prédicat ou comme copule, • et «comme un adjuvant à la solution d'un autre problème de ce genre», i.e. quant à son usage pour convenir ou disconvenir de la possibilité d’une métaphysique ayant pour thème l’être en tant qu’être. Les tenants et aboutissants de cette recherche sont présentés en ces pages.
Un problème dialectique est posé à propos de l’emploi du verbe «être» pris comme signe d’un acte de ce qui est.
Pour le résoudre, il s’impose d’entreprendre une «recherche qui tend à acquérir la vérité et la connaissance» à propos de cet emploi, et ce,
• «en lui-même», i.e. quant à son usage logique comme prédicat ou comme copule,
• et «comme un adjuvant à la solution d'un autre problème de ce genre», i.e. quant à
son usage pour convenir ou disconvenir de la possibilité d’une métaphysique ayant pour thème l’être en tant qu’être.
Les tenants et aboutissants de cette recherche sont présentés en ces pages.
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Thomas d’Aquin réfère ici à la phrase introductive de l’ouvrage qu’il commente, le De
l’interprétation :
«Πρῶτον δεῖ θέσθαι τί ὄνομα καὶ τί ῥῆμα, ἔπειτα τί ἐστιν ἀπόφασις καὶ κατάφασις καὶ
ἀπόφανσις καὶ λόγος· Ἔστι μὲν οὖν τὰ ἐν τῇ φωνῇ τῶν ἐν τῇ ψυχῇ παθημάτων σύμβολα,
καὶ τὰ γραφόμενα τῶν ἐν τῇ φωνῇ. (…) Τὰ μὲν οὖν ὀνόματα αὐτὰ καὶ τὰ ῥήματα ἔοικε τῷ
ἄνευ συνθέσεως καὶ διαιρέσεως νοήματι, οἷον τὸ ἄνθρωπος ἢ λευκόν, ὅταν μὴ προστεθῇ τι·
οὔτε γὰρ ψεῦδος οὔτε ἀληθές πω. σημεῖον δ´ ἐστὶ τοῦδε· καὶ γὰρ ὁ τραγέλαφος σημαίνει
μέν τι, οὔπω δὲ ἀληθὲς ἢ ψεῦδος, ἐὰν μὴ τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι προστεθῇ ἢ ἁπλῶς ἢ κατὰ
χρόνον.» 15
«Il faut d’abord établir la nature du nom et celle du verbe : ensuite celle de la négation et de
l’affirmation, de la proposition et du discours. Les sons (φωνῇ) émis par la voix sont les symboles
(σύμβολα) des états (παθημάτων) de l’âme, et les mots écrits (γραφόμενα) les symboles des
mots émis par la voix. (…) En eux-mêmes les noms (ὀνόματα) et les verbes (ῥήματα) sont
semblables à la notion (νοήματι) qui n’a ni composition (συνθέσεως) ni division (διαιρέσεως) :
tels sont l’homme, le blanc, quand on n’y ajoute rien, car ils ne sont encore ni vrai ni faux. En voici
une preuve (σημεῖον) : bouc-cerf (τραγέλαφος) signifie (σημαίνει) bien quelque chose, mais il
n’est encore ni vrai ni faux, à moins d’ajouter qu’il est (τὸ εἶναι) ou qu’il n’est pas (ἢ μὴ εἶναι),
absolument parlant ou avec une référence au temps.» 16
Aristote précise que «les sons (φωνῇ) émis par la voix» signifient des «états
(παθημάτων) de l’âme», alors que «les mots écrits (γραφόμενα)» signifient les «mots
émis par la voix». À propos des noms et des verbes employés seuls, il précise qu’ils
sont «semblables à la notion (νοήματι) qui n’a ni composition (συνθέσεως) ni division
(διαιρέσεως) : tels sont l’homme, le blanc, quand on n’y ajoute rien». Il convient de
relever les expressions «composition (συνθέσεως)» et «division (διαιρέσεως)». Ces
expressions, ici niés pour la «notion (νοήματι)», deviendront le cœur même de
l’opération qui compose ou qui divise : le jugement et la proposition. Dans une
proposition, composer consiste à «ajouter qu’il est (τὸ εἶναι)», et diviser consiste à
«ajouter qu’il n’est pas (ἢ μὴ εἶναι)».
Thomas d’Aquin commente cette phrase en ces termes :
«Expositio Peryermeneias, lib. 1 l. 2 n. 6 (…) : tum etiam quia significatio vocum refertur ad
conceptionem intellectus, secundum quod oritur a rebus per modum cuiusdam impressionis vel
passionis.» 17
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16
17
De l’interprétation 16a 1 : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia.htm
Aristote, Organon II, De l’interprétation, traduction par J. Tricot, Librairie J. Vrin, 1984
Expositio libri Peryermeneias : http://www.corpusthomisticum.org/cpe.html#80279
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