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Une nouvelle Tosca pour Graslin<br />
patrice Caurier et Moshe Leiser ouvrent la saison d’angers-<strong>Nantes</strong> opéra<br />
avec leur Tosca. un projet voulu par Jean-paul davois et accueilli avec passion<br />
par l’impeccable duo de metteurs en scène qui a réglé pour la scène nantaise<br />
quelques productions majeures, de Jenufa au châTeau de BarBe-Bleue. petite<br />
discussion avec les intéressés.<br />
Quelle a été votre première accroche avec Tosca ?<br />
Moshe Leiser : C’est Jean-Paul Davois qui nous a proposé de monter<br />
Tosca. Nous avions déjà travaillé sur un autre opéra de Puccini, Madama<br />
Butterfly, pour Covent Garden, cela avait constitué une expérience forte<br />
avec l’univers de ce compositeur. Mais rien ne nous prédestinait à monter<br />
Tosca, ni une passion particulière pour l’œuvre ni un souhait personnel.<br />
C’est simplement l’occasion, mais il en va souvent ainsi dans le travail des<br />
metteurs en scène.<br />
patrice Caurier : Par contre dans la perspective de cette mise en scène, la<br />
réécoute de Tosca, cela c’est tout autre chose. On écoute différemment<br />
une œuvre si l’on sait qu’on va la monter. On oublie le plaisir de l’audition<br />
pour chercher à pénétrer le cœur de l’ouvrage, on l’analyse pour trouver<br />
quel genre de théâtre cela peut produire. De ce côté là Tosca réserve<br />
beaucoup de surprises.<br />
Et justement, quel genre de théâtre ? Comment fonctionne Tosca selon<br />
vous ?<br />
patrice Caurier : Ce qui nous a d’abord arrêtés c’est le choix de Puccini et<br />
de ses librettistes d’avoir éliminé une grande partie de la pièce de Victorien<br />
Sardou. Ils ont parfois condensé plusieurs scènes en une seule, créant<br />
une tension dramatique quasiment shakespearienne et le personnage<br />
de Floria Tosca a été privé d’une grande partie de son histoire. Mais ce<br />
resserrement produit un langage théâtral particulièrement efficace, sinon<br />
lors du grand duo du troisième acte, qui vient soudain rompre le rythme.<br />
C’est une invraisemblance dans la dramaturgie, on ne laisse pas tout ce<br />
temps à un condamné à mort. Pour nous cela a été la vraie difficulté de<br />
cette œuvre. Nous espérons y avoir apporté une solution.<br />
Il y a un côté roman policier dans Tosca, dont Puccini était d’ailleurs<br />
conscient. L’assumez-vous ?<br />
patrice Caurier : Bien entendu, et puis il y a ce que vous souligniez avant<br />
que nous commencions notre conversation : Tosca est un drame intime,<br />
presque un drame de l’intimité pour chacun des trois personnages.<br />
Nous avons voulu recréer cette intimité que l’on entend sans cesse dans<br />
la musique, et en cela les dimensions du Théâtre Graslin ou du Quai à<br />
<strong>Angers</strong> ont été particulièrement propices. Même lors du Te Deum, nous<br />
sommes en face d’un moment d’intimité : le monologue où Scarpia révèle<br />
son désir de posséder Tosca et aussi toute la noirceur de son être.<br />
Au demeurant les opéras n’ont jamais été composés pour de très grandes<br />
salles, Puccini n’a jamais écrit avec dans la tête la jauge des théâtres que<br />
l’on construit aujourd’hui.<br />
Pour le côté roman policier, ce n’est pas tant l’intrigue que l’atmosphère.<br />
Cette sensation d’oppression qui parcourt tout l’opéra, cristallisée par le<br />
barone Scarpia, le chef de la police. Il y a une enquête dans Tosca, on veut<br />
retrouver Cesare Angelotti, mais il y a surtout la toute puissance d’un Etat<br />
policier.<br />
Moshe Leiser : Nous avons opté avec Christophe Fenouillat pour des<br />
décors intimistes, car cela n’a aucun sens de construire des décors qui<br />
de toute façon ne retrouveront jamais le caractère monumental de ceux<br />
où Puccini situe l’action. Pire, cela nuit à la force de l’œuvre, le drame n’est<br />
pas là. Lorsque l’on veut rendre compte d’une telle violence et que l’on<br />
doit donner à voir un meurtre, un mur blanc fait mieux voir le sang qu’un<br />
décor baroque. Il y a une ligne de force dans Tosca qui littéralement ne<br />
veut pas du décor pour le décor. Et les décors monumentaux deviennent<br />
vite de terribles embarras : ils font un effet, strictement décoratif bien<br />
entendu, qui disparaît au bout de quelques minutes. Puis après tout le<br />
monde doit faire avec cette structure asphyxiante, à vrai dire inutile.<br />
Combien de Tosca ont sombré dans la pompe romaine ? De plus<br />
l’orchestre de Puccini et son sens mélodique produisent une musique<br />
tellement flatteuse pour l’oreille qu’un décor en harmonie avec ces<br />
splendeurs serait redondant et achèverait de diluer l’action.<br />
De quoi parle cette histoire ? D’abus politique, tout simplement. Elle<br />
reproduit des situations classiques qui montrent des dictatures policières<br />
TOSCA Dossier pédagogique / <strong>Angers</strong> <strong>Nantes</strong> <strong>Opéra</strong> 2008/09<br />
entretien<br />
METTEURS EN SCèNE