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Bibliothèque<br />
d’histoire <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong><br />
Collection fondée par Antoine Laur<strong>en</strong>t Serp<strong>en</strong>tini<br />
De l’épopée véniti<strong>en</strong>ne aux <strong>révolutions</strong><br />
corses. Engagem<strong>en</strong>ts militaires et combats<br />
politiques insulaires (xv e -xviii e siècle)<br />
T. Giappiconi, 2018<br />
Déjà parus<br />
La distribution <strong>de</strong>s prix.<br />
Tome I : Le temps <strong>de</strong> l’éloqu<strong>en</strong>ce au lycée<br />
<strong>de</strong> Bastia (1846-1903)<br />
E. F.-X. Gherardi, 2011<br />
Mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong> au xix e siècle.<br />
Économie, politique et i<strong>de</strong>ntité<br />
M. Cini, P. A. Scolca (trad.), 2016<br />
En semant ses bi<strong>en</strong>faits dans le cœur <strong>de</strong>s<br />
<strong>en</strong>fants. Regards sur l’éducation <strong>en</strong> <strong>Corse</strong>.<br />
Fin xviii e -xix e siècle<br />
E. F.-X. Gherardi, 2016<br />
Ære per<strong>en</strong>nius.<br />
Hommages à Antoine Laur<strong>en</strong>t Serp<strong>en</strong>tini<br />
Collectif. C. Luzi, E. F.-X. Gherardi<br />
et D. Rey (dir.), 2015<br />
Balagne rurale.<br />
Économie et société <strong>de</strong> l’époque mo<strong>de</strong>rne<br />
à la fin du xix e siècle<br />
L. Castellani, 2014<br />
Le grand dérangem<strong>en</strong>t.<br />
Configurations géopolitiques et culturelles<br />
<strong>en</strong> <strong>Corse</strong> – 1729-1871 – Anthologie<br />
D. Rey et E. F.-X. Gherardi, 2013<br />
Être instituteur <strong>en</strong> <strong>Corse</strong><br />
sous le Second Empire<br />
Collectif. E. F.-X. Gherardi (dir.), 2012<br />
Théodore <strong>de</strong> Neuhoff, roi <strong>de</strong> <strong>Corse</strong>.<br />
Un av<strong>en</strong>turier europé<strong>en</strong> du xviii e siècle<br />
A. L. Serp<strong>en</strong>tini, 2011<br />
Les Lucciardi.<br />
Une famille corse <strong>de</strong> poètes et d’instituteurs<br />
E. F.-X. Gherardi, 2010<br />
L’Imprimerie <strong>en</strong> <strong>Corse</strong> <strong>de</strong>s origines à 1914.<br />
Aspects idéologiques, économiques<br />
et culturels<br />
V. Alberti, 2009<br />
Esprit corse et romantisme.<br />
Notes et jalons pour une histoire culturelle<br />
E. F.-X. Gherardi, 2004<br />
Histoire <strong>de</strong> l’École <strong>en</strong> <strong>Corse</strong><br />
Collectif. J. Fusina (dir.), 2003<br />
L’âme <strong>de</strong>s pierres.<br />
Sculpture et architecture, <strong>de</strong>ux composantes<br />
<strong>de</strong> l’art préhistorique <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong><br />
F. <strong>de</strong> Lanfranchi, 2002<br />
La coltivatione.<br />
Gênes et la mise <strong>en</strong> valeur agricole<br />
<strong>de</strong> la <strong>Corse</strong> au xvi e siècle<br />
A. L. Serp<strong>en</strong>tini, 1999<br />
Pour <strong>en</strong> savoir plus sur les ouvrages <strong>de</strong> la Bibliothèque d’histoire <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong> :
9<br />
INTRODUCTION<br />
Pourquoi l’Église <strong>de</strong> <strong>Corse</strong> et non l’Église corse ? Parce que l’Église catholique,<br />
apostolique et romaine se veut une. Partout, surtout après le Concile <strong>de</strong> Tr<strong>en</strong>te,<br />
elle obéit aux mêmes règles <strong>de</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t fondées sur le principe hiérarchique<br />
: elle est une société spécifique <strong>de</strong> clercs organisée <strong>de</strong> manière pyramidale.<br />
Son but ? « Remo<strong>de</strong>ler les fidèles » selon l’expression <strong>de</strong> Jean Delumeau, épurer<br />
les dévotions populaires, lutter contre la contamination du sacré par le profane,<br />
définir les voies et moy<strong>en</strong>s avec lesquels le chréti<strong>en</strong> chemine vers le salut. Ce qui<br />
n’exclut <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> les singularités selon les territoires et les sociétés, elles aussi <strong>en</strong><br />
mouvem<strong>en</strong>t. Singularités qui sont objet d’histoire. La manière <strong>de</strong> vivre la foi n’est<br />
pas la même au xvii e siècle et aujourd’hui cinquante ans après Vatican II, chez<br />
un janséniste du xviii e siècle et l’habitant du Niolo à la même époque à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />
égards plus proche du paysan sar<strong>de</strong> ou beauceron que du riche bourgeois parisi<strong>en</strong><br />
ou milanais. Reste que durant les <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>ts ans qui nous occup<strong>en</strong>t les catholiques<br />
constitu<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>semble uni par <strong>de</strong>s canons, <strong>de</strong>s dogmes, <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces face à<br />
« l’hérétique ». Dans toute la catholicité le clergé s’est réformé selon les principes<br />
codifiés par saint Charles Borromée qui, aussi, a édicté le modèle <strong>de</strong> la pastorale<br />
tri<strong>de</strong>ntine et fixé l’architecture interne comme la symbolique du décor <strong>de</strong> l’église<br />
du village le plus reculé. Sainte Brigitte <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong> est prés<strong>en</strong>te dans le Livre du<br />
Rosaire <strong>de</strong> Muro pour inviter les croyants à imiter ses actes <strong>de</strong> contrition et un<br />
tableau <strong>de</strong> saint Simon Stock orne les murs du lieu <strong>de</strong> culte. Saint Philippe Neri<br />
possè<strong>de</strong> son autel à Olmi Capella et son portrait dans une chapelle <strong>de</strong> Campitello ;<br />
la congrégation <strong>de</strong>s prêtres <strong>de</strong> Bastia s’est mise sous le patronage <strong>de</strong> saint Jean<br />
Népomucène. Preuves du caractère universel <strong>de</strong>s nouvelles dévotions mais égalem<strong>en</strong>t<br />
<strong>de</strong> leur soli<strong>de</strong> ancrage dans l’île.<br />
Cet <strong>en</strong>racinem<strong>en</strong>t nous est apparu au tout début <strong>de</strong> notre <strong>en</strong>treprise. Invité,<br />
il y a longtemps, par le regretté Michel Vovelle à travailler sur la problématique<br />
Religion / Révolution française <strong>en</strong> <strong>Corse</strong> nous nous sommes tout naturellem<strong>en</strong>t
10 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
p<strong>en</strong>ché sur la question du serm<strong>en</strong>t exigé par la Constitution civile du clergé<br />
votée <strong>en</strong> 1790. Très vite, il est apparu que chiffres et pourc<strong>en</strong>tages <strong>de</strong>s jureurs<br />
et <strong>de</strong>s non-jureurs n’avai<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> à voir avec ceux communém<strong>en</strong>t admis. Surtout<br />
nous avons été frappé par la viol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s réactions populaires à l’<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s<br />
asserm<strong>en</strong>tés, bi<strong>en</strong> avant la condamnation par le pape <strong>de</strong> la politique religieuse<br />
<strong>de</strong> la Constituante et <strong>de</strong>s émeutes qui ont secoué Bastia au début du mois <strong>de</strong><br />
juin 1791. Il fallait essayer <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre, aller à la r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> l’Église-institution<br />
mais aussi <strong>de</strong>s fidèles dans la manière <strong>de</strong> vivre leur relation avec la<br />
hiérarchie ecclésiale, et d’abord avec leur curé, mais aussi dans leur rapport<br />
avec le Divin. En somme, ouvrir le chantier <strong>de</strong> la question c<strong>en</strong>trale, celle d’une<br />
première véritable révolution : comm<strong>en</strong>t avait cheminé dans l’île la Réforme<br />
catholique au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux siècles séparant Tr<strong>en</strong>te <strong>de</strong> 1789. Une démarche qui,<br />
aussitôt, s’est trouvée face à un quasi désert historiographique.<br />
La monum<strong>en</strong>tale Histoire <strong>de</strong> l’Église corse <strong>de</strong> l’Abbé Casanova date, sur le<br />
fond comme dans la forme 1 . Elle se borne trop souv<strong>en</strong>t à recopier les délibérations<br />
<strong>de</strong>s États <strong>de</strong> <strong>Corse</strong> durant la pério<strong>de</strong> d’Anci<strong>en</strong> Régime par exemple. Mais elle gar<strong>de</strong><br />
toute son utilité dans la mesure où l’auteur l’a nourrie, pour la pério<strong>de</strong> génoise, <strong>de</strong><br />
docum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> première main. F.-J. Casta, avec sa belle thèse sur Évêques et curés<br />
corses dans la pastorale du concile <strong>de</strong> Tr<strong>en</strong>te 2 , a été le précurseur d’une vraie<br />
démarche histori<strong>en</strong>ne. Son étu<strong>de</strong> cep<strong>en</strong>dant s’arrête <strong>en</strong> 1620, au tout début donc<br />
<strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> œuvre <strong>de</strong> la réforme, avec la haute figure <strong>de</strong> saint Alexandre Sauli.<br />
Que s’est-il passé après cette date ? L’impulsion donnée par cet évêque proche<br />
<strong>de</strong> Charles Borromée s’est-elle poursuivie sur le long terme ? Certes, cet histori<strong>en</strong><br />
pionnier a, par la suite, écrit un certain nombre d’articles 3 , donné <strong>de</strong>s travaux<br />
importants 4 , autant <strong>de</strong> jalons ou instrum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> recherche incontournables, sans<br />
pour autant offrir une vision d’<strong>en</strong>semble susceptible <strong>de</strong> répondre aux questions<br />
que nous nous posions. Le travail, trop méconnu, <strong>de</strong> Marie-Ange Lanfranchi, Le<br />
cont<strong>en</strong>u politique <strong>de</strong> la religion face à la société corse au 17 e siècle 5 , ne pouvait<br />
pas non plus combler notre att<strong>en</strong>te <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> la problématique adoptée qui,<br />
par ailleurs, a sa justification. Nous avons essayé d’<strong>en</strong> tirer, sur certains points, le<br />
meilleur profit. La seule recherche croisant nos préoccupations est celle <strong>de</strong> Nicolas<br />
Mattei, Le baroque religieux corse. Un art vernaculaire itali<strong>en</strong> ? 6 L’auteur s’ins-<br />
1. 4 volumes publiés chez l’auteur, Zicavo, 1929-1941.<br />
2. Publiée dans <strong>Corse</strong> Historique, n° 17-18, 1965.<br />
3. Articles regroupés dans F.-J. Casta, Christianisme et société <strong>en</strong> <strong>Corse</strong>. Étu<strong>de</strong>s d’histoire et<br />
d’anthropologie religieuse (1969-1996), Éditions Albiana, Ajaccio, 2013.<br />
4. Histoire du diocèse d’Ajaccio, collection « Histoire <strong>de</strong>s diocèses <strong>de</strong> France », Paris, 1974 ; « La<br />
piété populaire <strong>en</strong> <strong>Corse</strong>, répertoire bibliographique » dans B. Plongeron et P. Lerou (dir), La<br />
piété populaire <strong>en</strong> France, T. VI, Paris, 1990 ; « Répertoire <strong>de</strong>s visites pastorales » dans G. Le<br />
Bras, F. <strong>de</strong> Dainville, J. Gau<strong>de</strong>met et A. Latreille (dir), Répertoire <strong>de</strong>s visites pastorales <strong>de</strong> la<br />
France, Paris, 1979.<br />
5. Thèse <strong>de</strong> doctorat sous la direction du professeur José G<strong>en</strong>til Da Silva, faculté <strong>de</strong>s Lettres et<br />
Sci<strong>en</strong>ces Humaines <strong>de</strong> Nice-Sophia Antipolis, 1996, dactylographiée.<br />
6. Publiée aux Éditions Albiana, Ajaccio, 2009.
introduction<br />
11<br />
crit <strong>de</strong>rechef dans la philosophie du Concile. Ses analyses <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte, <strong>de</strong>s<br />
autels, <strong>de</strong>s tableaux, son approche <strong>de</strong>s confréries dans leur diversité, mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
évi<strong>de</strong>nce ce que d’aucuns qualifi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> « s<strong>en</strong>sibilité baroque » qui, au quotidi<strong>en</strong>,<br />
signifie au chréti<strong>en</strong> la manière dont il doit vivre la religion. Le point d’appui a été<br />
précieux. Mais si l’histori<strong>en</strong> <strong>de</strong> l’art ne méconnaît pas les aspects économiques et<br />
sociaux présidant, pour repr<strong>en</strong>dre son expression, à la « frénésie » <strong>de</strong> constructions,<br />
y compris <strong>de</strong> chapelles, au xviii e siècle, ils ne sont pas son objet premier. Il<br />
nous fallait aller plus loin.<br />
Nous avons, pour ce faire, mis nos pas dans les problématiques aujourd’hui<br />
bi<strong>en</strong> balisées par les chercheurs français et itali<strong>en</strong>s explorant tous les versants<br />
<strong>de</strong> la réforme catholique, toutes les composantes <strong>de</strong> la « culture populaire »<br />
affrontée à celle <strong>de</strong>s clercs. On ne s’étonnera pas <strong>de</strong> trouver dans l’île les<br />
« Royaumes <strong>de</strong> la confusion » chers à Alain Cab<strong>en</strong>tous. En revanche l’immersion<br />
dans les sources a permis <strong>de</strong> battre <strong>en</strong> brèche un certain nombre d’idées<br />
conv<strong>en</strong>ues, l’ignorance insigne du prêtre corse par exemple. A permis égalem<strong>en</strong>t<br />
<strong>de</strong> définir la place du curé au sein <strong>de</strong> la communauté villageoise, ses rapports<br />
avec ses fidèles qui, dans une relation complexe et quelques fois conflictuelle,<br />
ne l’investiss<strong>en</strong>t pas moins d’un caractère sacré. La <strong>Corse</strong> baigne dans ce besoin<br />
<strong>de</strong> sacré qui explique bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s comportem<strong>en</strong>ts à v<strong>en</strong>ir. Mais <strong>en</strong> même temps<br />
que <strong>de</strong> portes ouvertes et aussitôt refermées ! Le rôle <strong>de</strong>s collèges jésuites dans<br />
la formation <strong>de</strong>s ecclésiastiques ? Impossible <strong>de</strong> retrouver les archives <strong>de</strong> ces<br />
institutions. Les attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>vant la Mort dans le sillage <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Michel<br />
Vovelle ? À elles seules elles mérit<strong>en</strong>t une thèse qui att<strong>en</strong>d son maître d’œuvre.<br />
Les Franciscains, fer <strong>de</strong> lance <strong>de</strong> la spiritualité tri<strong>de</strong>ntine, n’ont pas reçu toute la<br />
place qui leur est due. Cep<strong>en</strong>dant, il se dégage une évi<strong>de</strong>nce : à parts égales avec<br />
le <strong>de</strong>sservant du village ils ont été les artisans d’une « cléricalisation » progressive<br />
<strong>de</strong> la société.<br />
Au mitan du siècle <strong>de</strong>s Lumières cette qualification s’est imposée. Hypothèse<br />
hasar<strong>de</strong>use ? Peut-être, car, sur cet imm<strong>en</strong>se chantier, notre seule prét<strong>en</strong>tion est<br />
d’être un simple défricheur. Mais hypothèse nourrie par le tropisme exercé par<br />
l’Église dont le recrutem<strong>en</strong>t ne s’est pas tari : pour une population <strong>de</strong> 150 000<br />
âmes <strong>en</strong> 1780, un millier <strong>de</strong> moines et probablem<strong>en</strong>t plus d’un millier <strong>de</strong> prêtres,<br />
curés, vicaires, « prêtres <strong>de</strong> famille », <strong>de</strong>sservants <strong>de</strong>s chapelles privées… Un<br />
<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t largem<strong>en</strong>t supérieur à celui que l’on trouve <strong>en</strong> France et même<br />
dans le Mezzogiorno itali<strong>en</strong>. Sans compter le poids <strong>de</strong>s confréries. Et surtout,<br />
hypothèse opératoire permettant <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pourquoi, dès le début du soulèvem<strong>en</strong>t<br />
contre Gênes, l’Église aura été un <strong>en</strong>jeu : tous les camps l’ont mobilisée<br />
pour justifier leur combat. L’institution et les hommes qui l’incarn<strong>en</strong>t se sont ainsi<br />
trouvés confrontés à ce qu’il est conv<strong>en</strong>u d’appeler les « Révolutions <strong>de</strong> <strong>Corse</strong> »<br />
et à faire <strong>de</strong>s choix. La progressive construction <strong>de</strong> l’État paoli<strong>en</strong> s’accompagne<br />
<strong>de</strong> la « cléricalisation » <strong>de</strong>s institutions ; la t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> domestication du clergé<br />
n’est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> une volonté <strong>de</strong> sécularisation sur le modèle <strong>de</strong>s courants réforma-
12 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
teurs qui sont <strong>en</strong> œuvre dans les États itali<strong>en</strong>s au même mom<strong>en</strong>t : Paoli avait<br />
besoin du pape et savait aussi qu’il ne pouvait pas couper le cordon ombilical<br />
avec Rome. Les ministres <strong>de</strong> Dieu comme les populations ne l’aurai<strong>en</strong>t pas<br />
admis. La volonté <strong>de</strong> la Monarchie <strong>de</strong> « gallicaniser » l’Église <strong>de</strong> <strong>Corse</strong> <strong>de</strong>vait<br />
être mise <strong>en</strong> échec par cette réalité profondém<strong>en</strong>t ancrée dans les consci<strong>en</strong>ces :<br />
les cahiers <strong>de</strong> doléances <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t une belle illustration.<br />
Si la Révolution Française a soulevé l’adhésion, le rejet <strong>de</strong> la Constitution<br />
civile du clergé, alors que le premier mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s curés et vicaires a été<br />
<strong>de</strong> prêter serm<strong>en</strong>t, s’<strong>en</strong>racine dans le refus <strong>de</strong> rompre avec tout ce qui avait<br />
construit, <strong>de</strong>ux siècles durant, une manière d’être chréti<strong>en</strong>. Dans l’île, comme<br />
un peu partout <strong>en</strong> France, la politique religieuse intriquée avec la pesanteur<br />
<strong>de</strong>s traditions et la question agraire s’attaquait aux équilibres <strong>de</strong> la communauté<br />
rurale. Pour compr<strong>en</strong>dre le dés<strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t progressif <strong>de</strong>s paysans, nous<br />
avons essayé <strong>de</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre au niveau du village, <strong>de</strong> la paroisse. Pascal Paoli,<br />
rev<strong>en</strong>u d’exil pour se mettre au service <strong>de</strong> la Révolution, allait pr<strong>en</strong>dre appui<br />
sur les multiples déceptions pour justifier sa rupture avec la Conv<strong>en</strong>tion. Avec<br />
cette par<strong>en</strong>thèse la <strong>Corse</strong> échappait à la Terreur et à la déchristianisation <strong>de</strong><br />
l’an II ; avec le Royaume Anglo-corse elle voyait s’ouvrir une pério<strong>de</strong> d’apaisem<strong>en</strong>t.<br />
En 1796, la Reconquête républicaine et surtout les lois <strong>de</strong> fructidor<br />
an V (septembre 1797) remettai<strong>en</strong>t à l’ordre du jour l’intransigeance religieuse.<br />
Pourtant, les mouvem<strong>en</strong>ts contre-révolutionnaires drapés dans le manteau <strong>de</strong> la<br />
déf<strong>en</strong>se <strong>de</strong> « la religion <strong>de</strong> nos pères » ne rejetai<strong>en</strong>t pas, ouvertem<strong>en</strong>t du moins,<br />
l’appart<strong>en</strong>ance à la France et à la République. Leur échec peut se lire, aussi, à<br />
l’aune <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s face au nouveau serm<strong>en</strong>t exigé par le Directoire. Avant même<br />
le Concordat <strong>de</strong> 1801, un compromis se <strong>de</strong>ssine à tous les niveaux <strong>de</strong> la société,<br />
l’Église et les fidèles s’inscrivant, pour une gran<strong>de</strong> part, dans les héritages <strong>de</strong> la<br />
déc<strong>en</strong>nie révolutionnaire.
c h a p i t r e<br />
1<br />
RÉFORME<br />
OU IMMOBILISME ?<br />
13<br />
En <strong>Corse</strong>, comme partout ailleurs, l’histori<strong>en</strong>, pour mesurer les retombées<br />
du Concile <strong>de</strong> Tr<strong>en</strong>te (1545-1563) dispose d’une matière première ess<strong>en</strong>tielle :<br />
les syno<strong>de</strong>s d’abord, assemblées théoriquem<strong>en</strong>t annuelles du clergé du diocèse<br />
sous l’autorité <strong>de</strong> l’évêque, les visites pastorales <strong>en</strong>suite que le prélat doit effectuer<br />
régulièrem<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong> ses paroissi<strong>en</strong>s afin d’évaluer le résultat <strong>de</strong>s man<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts<br />
édictés lors <strong>de</strong>s r<strong>en</strong>contres synodales, les rapports, <strong>en</strong>fin, que l’Ordinaire<br />
adresse périodiquem<strong>en</strong>t à la Curie. Il convi<strong>en</strong>t d’y ajouter les visites apostoliques,<br />
événem<strong>en</strong>ts extraordinaires, pouvant concerner un ou plusieurs diocèses,<br />
dilig<strong>en</strong>tées par le pape soucieux d’avoir une vue d’<strong>en</strong>semble sur l’état d’avancem<strong>en</strong>t<br />
<strong>de</strong> la Réforme. Elles s’appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t aux missions d’évangélisation<br />
dont le but est d’accélérer la « reconquête <strong>de</strong>s âmes ». Mais ces sources, aussi<br />
fondam<strong>en</strong>tales soi<strong>en</strong>t-elles, ne répon<strong>de</strong>nt pas toujours aux questions que l’on se<br />
pose. Élaborées dans leur forme par les canons conciliaires auxquels l’évêque ne<br />
saurait déroger ni lors <strong>de</strong> ses r<strong>en</strong>contres avec ses prêtres ni lors <strong>de</strong> ses inspections<br />
paroissiales, leur cont<strong>en</strong>u pr<strong>en</strong>d très souv<strong>en</strong>t un caractère répétitif et administratif.<br />
En fait, tout dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong> la personnalité du prélat, <strong>de</strong> son zèle pastoral<br />
ou <strong>de</strong> son souci d’<strong>en</strong>trer dans les bonnes grâces <strong>de</strong> Rome. Si quelques-uns se<br />
distingu<strong>en</strong>t par la volonté <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre et s’intéress<strong>en</strong>t au « vécu religieux » <strong>de</strong><br />
leurs ouailles, beaucoup d’autres se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d’inspecter les autels, les objets<br />
du culte, les parem<strong>en</strong>ts ou l’état du sol <strong>de</strong> l’église, multipli<strong>en</strong>t les prescriptions<br />
<strong>de</strong> manière très mécaniques, reprises d’ailleurs à chaque passage, et ne nous<br />
appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> sur la paroisse. Il est vrai qu’<strong>en</strong> « creux », même dans ces cas<br />
a priori décevants, <strong>de</strong>s réalités importantes se laiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>viner, tout particulièrem<strong>en</strong>t<br />
la distance <strong>en</strong>tre celles-ci et le modèle préconisé, toutes les survivances<br />
donc auxquelles le Concile a déclaré la guerre. Nous fait, hélas, défaut pour l’île
14 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
la parole du prêtre alors que, dans d’autres régions, elle foisonne 1 . Avant chaque<br />
visite l’évêque se doit d’<strong>en</strong>voyer un questionnaire à ses curés afin <strong>de</strong> préparer<br />
sa v<strong>en</strong>ue, les réponses ne sont pas parv<strong>en</strong>ues jusqu’à nous. Elles nous aurai<strong>en</strong>t<br />
mieux informés sur les <strong>de</strong>ux siècles d’histoire <strong>de</strong>s cinq diocèses insulaires.<br />
L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE CORSE<br />
Tout d’abord il est nécessaire <strong>de</strong> définir le cadre au sein duquel l’Église<br />
va mettre <strong>en</strong> pratique sa nouvelle pastorale sans prét<strong>en</strong>dre le moins du mon<strong>de</strong><br />
à l’originalité, les travaux cités, complétés par un autre titre <strong>de</strong> F.-J. Casta,<br />
Paroisses et communes <strong>de</strong> France, <strong>Corse</strong> 2 , ayant dit l’ess<strong>en</strong>tiel.<br />
LES STRUCTURES DIOCÉSAINES<br />
Au sortir du Moy<strong>en</strong> Âge on comptait six diocèses, mais <strong>en</strong> 1563 le minuscule<br />
évêché d’Accia était supprimé et rattaché à celui <strong>de</strong> Mariana dont le titulaire<br />
porte désormais les <strong>de</strong>ux noms accolés 3 .<br />
Les cinq diocèses<br />
Mariana-Accia avec ses dix-huit pieve, a son siège épiscopal à Bastia auprès<br />
<strong>de</strong> l’église cathédrale, dans la paroisse <strong>de</strong> Terra Nova, dédiée à l’Assomption. Fin<br />
xvii e son rev<strong>en</strong>u est mo<strong>de</strong>ste, 15 000 livres par an, même s’il faut y ajouter <strong>de</strong>s<br />
bi<strong>en</strong>s fonciers relevant <strong>de</strong> la m<strong>en</strong>se, d’autant qu’il est grevé d’obligations dont, par<br />
exemple, l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> du séminaire. L’évêque est suffragant <strong>de</strong> l’archevêque <strong>de</strong> Gênes,<br />
tout comme celui du Nebbio. Avec ses sept pieve et ses 4 000 livres celui-ci compte,<br />
au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’annexion <strong>de</strong> l’île par la France parmi les « plus crottés » du royaume 4 .<br />
L’église cathédrale se trouve à l’extérieur du petit prési<strong>de</strong> <strong>de</strong> Saint-Flor<strong>en</strong>t, dans une<br />
zone marécageuse et, lorsqu’il rési<strong>de</strong>, le prélat se réfugie le plus souv<strong>en</strong>t dans l’église<br />
Sainte-Anne, intra muros.<br />
Trois évêchés sont suffragants du métropolitain <strong>de</strong> Pise. Aleria avec ses<br />
vingt pieve et son siège à Cervione <strong>en</strong> l’église Saint-Erasme. C’est le plus ét<strong>en</strong>du<br />
et le plus riche avec les 18 000 livres que rapport<strong>en</strong>t les dîmes après déduction<br />
faite <strong>de</strong>s 8 % versés au fermier général. Il faut y ajouter les 1 850 livres<br />
générées par la m<strong>en</strong>se mais retrancher les 6 480 livres <strong>de</strong> charges (séminaire,<br />
p<strong>en</strong>sions diverses…), ce qui laisse un peu plus <strong>de</strong> 11 500 livres 5 . Ajaccio couvre<br />
1. A. Croix et F. Roudaut, dans Les Bretons, la mort et dieu <strong>de</strong> 1600 à nos jours, Paris, 1984,<br />
donn<strong>en</strong>t à lire <strong>de</strong> nombreux témoignages <strong>de</strong> première main.<br />
2. F.-J. Casta, Paroisses et communes <strong>de</strong> France, <strong>Corse</strong>, Paris, 1993.<br />
3. La carte est extraite <strong>de</strong> l’ouvrage <strong>de</strong> N. Mattei, Le baroque religieux corse, op. cit.<br />
4. G. Audisio, Les Français d’hier et d’aujourd’hui, T. 2, Des croyants, xv e -xviii e siècle, donne<br />
p. 63, le tableau <strong>de</strong>s rev<strong>en</strong>us : au sommet <strong>de</strong> la hiérarchie financière Strasbourg avec ses<br />
400 000 livres, bon <strong>de</strong>rnier l’évêché <strong>de</strong> S<strong>en</strong>ès avec ses 7 000 livres.<br />
5. E. Gabrielli, Le clergé corse, 1769-1789, Maîtrise sous la direction <strong>de</strong> M.-M. Bor<strong>de</strong>s, université<br />
<strong>de</strong> Nice, 1969.
éforme ou immobilisme ?<br />
15
16 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
quatorze pieve. Comme à Bastia la cathédrale est dédiée à l’Assomption. En<br />
brut, les rev<strong>en</strong>us se mont<strong>en</strong>t à 12 000 livres hors les bénéfices <strong>de</strong> la m<strong>en</strong>se et <strong>en</strong><br />
particulier <strong>de</strong>s terres du comté <strong>de</strong> Frasso. Nous connaissons mieux ce sur quoi,<br />
théoriquem<strong>en</strong>t, peut compter l’évêque <strong>de</strong> Sagone avec les dix pieve sous son<br />
autorité : 7 960 livres <strong>en</strong> dîmes et le reste, soit 2 275, <strong>en</strong> produits divers. Au total<br />
10 235 lires 6 . Au xvii e siècle il délaisse Vico pour Calvi.<br />
À cette prés<strong>en</strong>tation ajoutons quelques précisions et une remarque. La ville<br />
<strong>de</strong> Bonifacio ne relève d’aucun <strong>de</strong>s cinq diocèses insulaires : elle est directem<strong>en</strong>t<br />
rattachée au métropolitain <strong>de</strong> Gênes. Autre particularité, la pieve <strong>de</strong> Carbini,<br />
incluse dans le diocèse d’Ajaccio, dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong> l’évêque d’Aleria qui s’est égalem<strong>en</strong>t<br />
vu attribuer la pieve d’Aregno <strong>en</strong> Balagne. Le reste <strong>de</strong> cette micro-région<br />
dép<strong>en</strong>d soit <strong>de</strong> Sagone (Calvi, Pino et Olmia dans l’actuel canton <strong>de</strong> Cal<strong>en</strong>zana)<br />
soit <strong>de</strong> Mariana (Ostriconi, Belgo<strong>de</strong>re, Lama). La remarque <strong>en</strong>fin : qu’un si petit<br />
territoire soit doté <strong>de</strong> cinq évêchés n’a ri<strong>en</strong> d’exceptionnel. La Prov<strong>en</strong>ce 7 , la<br />
Ligurie 8 , la Toscane 9 ou la Sardaigne 10 offr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tailles tout à fait comparables<br />
y compris par rapport au nombre d’habitants. Il faut <strong>en</strong> effet t<strong>en</strong>ir compte soit<br />
<strong>de</strong>s stratégies politiques pour le Grand-Duché, soit du relief et <strong>de</strong>s difficultés<br />
<strong>de</strong> circulation dans les autres régions. La lecture <strong>de</strong>s visites apostoliques dit<br />
assez combi<strong>en</strong> il est difficile d’aller d’un point à un autre, surtout lorsqu’il n’y<br />
a pas <strong>de</strong> route, pour <strong>de</strong>s pasteurs d’un âge souv<strong>en</strong>t avancé. Ajoutons une autre<br />
raison : dans cette périphérie, pour le salut <strong>de</strong>s âmes à conquérir ou à reconquérir,<br />
l’Église <strong>de</strong>vait nécessairem<strong>en</strong>t se doter du maillage le plus serré possible afin<br />
que l’évêque soit <strong>en</strong> prise directe avec ses paroissi<strong>en</strong>s.<br />
Pieve et paroisses<br />
La pieve, avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir canton avec la Révolution Française, est d’abord<br />
une circonscription religieuse. À l’origine, elle est le siège <strong>de</strong> l’église-mère ce<br />
qui explique que nombre d’<strong>en</strong>tre elles ai<strong>en</strong>t donné leur nom aux mo<strong>de</strong>rnes unités<br />
administratives : Santa Maria di Lota, Sagro-Santa Giulia, Santo Pietro etc. À<br />
leur tête un curé dit pievan dont l’autorité s’est probablem<strong>en</strong>t dist<strong>en</strong>due avant<br />
la difficile mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong>s vicaires forains décidée par le concile <strong>de</strong> Tr<strong>en</strong>te<br />
pour mieux affirmer le caractère hiérarchique <strong>de</strong> l’Église et permettre au chef du<br />
diocèse d’avoir un meilleur contrôle <strong>de</strong> la vie paroissiale 11 .<br />
6. I<strong>de</strong>m.<br />
7. M.-H. Froeschlé-Chopard, Les confréries, l’Église et la cité, cartographie <strong>de</strong>s confréries du<br />
Sud-Est, C<strong>en</strong>tre Alpin et Rhodani<strong>en</strong> d’Ethnolodie, Gr<strong>en</strong>oble, 1988.<br />
8. L. Botta, La riforma tri<strong>de</strong>ntina nella diocesi di Savona, Ed. Priamar, Savona, 1965.<br />
9. Ph. Castagnetti, « Le Prince et les institutions ecclésiastiques sous les grands-ducs Médicis »<br />
dans (sd) J. Bouttier, S. Landi et O. Rouchon, Flor<strong>en</strong>ce et la Toscane, xiv e -xix e siècles, P. U.<br />
R<strong>en</strong>nes, 2004.<br />
10. R. Turtas, Storia <strong>de</strong>lla chiesa in Sar<strong>de</strong>gna, Citta Nuova Editrice, Roma, 1999.<br />
11. J. Delumeau, Le Catholicisme <strong>en</strong>tre Luther et Voltaire, Paris, 1971 ; A. Tallon, Le concile <strong>de</strong><br />
Tr<strong>en</strong>te, Paris, 2000. Un résumé commo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s décisions conciliaires, N. Mattei, Le baroque<br />
religieux, op. cit.
éforme ou immobilisme ?<br />
17<br />
La paroisse, comme dans toute la catholicité, est la cellule <strong>de</strong> base : elle a fini<br />
par se confondre avec la communauté d’habitants, avec le village. Leur nombre a<br />
évolué, l’époque mo<strong>de</strong>rne prolongeant un processus <strong>en</strong>tamé bi<strong>en</strong> avant, au gré <strong>de</strong>s<br />
regroupem<strong>en</strong>ts ou <strong>de</strong>s déplacem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> population aux causes aussi diverses que<br />
variées : guerres, raids barbaresques, malaria, évolutions économiques 12 . Les visites<br />
apostoliques et pastorales permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> suivre cette l<strong>en</strong>te mutation du territoire.<br />
Ainsi, par exemple, <strong>en</strong>tre 1646 et 1740 Pietralba a absorbé les paroisses <strong>de</strong> Pedano<br />
et Teto ; Moltifao celle <strong>de</strong> San Quilico d’abord puis Sepola. Le cas <strong>de</strong> La Porta est<br />
<strong>de</strong>s plus emblématiques : le 28 avril 1646 M gr Marliani est à Quercitello où trois<br />
« ville », dont La Porta, dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Saint-Cypri<strong>en</strong>. Moins d’un siècle plus tard, La<br />
Porta, avec sa belle église baroque dédiée à Saint-Jean-Baptiste, est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue paroisse<br />
emm<strong>en</strong>ant avec elle Poggiale détachée égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’église-mère 13 . Le mouvem<strong>en</strong>t<br />
n’est pas terminé, nous aurons l’occasion d’y rev<strong>en</strong>ir. Mais, pour l’heure, il<br />
convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> noter qu’il s’accompagne souv<strong>en</strong>t d’un changem<strong>en</strong>t du saint patron<br />
lorsqu’est construit le nouvel édifice : l’anci<strong>en</strong>ne église d’Occhiatana est désormais<br />
trop éloignée du village <strong>en</strong> pleine évolution ? Alors Saint-Barthélemy est peu à peu<br />
abandonnée au profit <strong>de</strong> l’Assomption, la première, réduite au rang <strong>de</strong> chapelle, ne<br />
retrouvant vie, avec messe et procession, tous les 24 août. On pourrait multiplier les<br />
exemples : Lama, Urtaca, L<strong>en</strong>to où Marie-Ma<strong>de</strong>leine a supplanté Saint-Servin pour<br />
les mêmes raisons. Un peu partout l’espace sacré se modifie sans que les anci<strong>en</strong>s<br />
cultes disparaiss<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> <strong>Corse</strong> comme <strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce et ailleurs 14 .<br />
Ce qui donne toute son importance à la territorialisation, les prescriptions du<br />
Concile accompagnant, ou accélérant dans certains cas, les évolutions <strong>de</strong> la société.<br />
En s’autonomisant 15 la paroisse <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t le cadre <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> tous les jours. C’est par<br />
elle, par son appart<strong>en</strong>ance à cette communauté, que l’individu existe, se fait reconnaître<br />
dans les actes publics, chez le notaire ou <strong>de</strong>vant le juge. C’est dans sa paroisse<br />
que l’on naît, que l’on se fait <strong>en</strong>registrer, se marie ou meurt le plus souv<strong>en</strong>t. C’est<br />
dans l’église <strong>de</strong> leur village que l’homme et la femme reçoiv<strong>en</strong>t leurs sacrem<strong>en</strong>ts, du<br />
premier, le baptême, au <strong>de</strong>rnier, l’extrême-onction. Naturellem<strong>en</strong>t, le curé est le chef<br />
<strong>de</strong> ce territoire parce que, « pasteur <strong>de</strong>s âmes » il accompagne tous les actes <strong>de</strong> la vie<br />
<strong>de</strong> chacun jusqu’à l’<strong>en</strong>terrem<strong>en</strong>t. Par la confession, il <strong>en</strong> connaît même les secrets. De<br />
plus <strong>en</strong> plus, au fil <strong>de</strong>s années, assisté par un ou plusieurs vicaires, il est certes un relais<br />
<strong>de</strong> l’évêque mais aussi du pouvoir politique, non seulem<strong>en</strong>t parce que sa mission est<br />
<strong>de</strong> prôner l’obéissance à Dieu, donc au Prince, mais parce que le dimanche, du haut<br />
<strong>de</strong> sa chaire, il doit lire les édits et ordonnances du gouverneur puis <strong>de</strong> l’int<strong>en</strong>dant<br />
12. A. Franzini, La <strong>Corse</strong> du xv e siècle, Éd. A. Piazzola, Ajaccio, 2005.<br />
13. ADHC, 3G42 ; mais aussi « Relazione <strong>de</strong>lla prima visita pastorale di Monsignor Marliani » et<br />
« Visita <strong>de</strong>lla diocesi di Mariana ed Accia fatta nell’anno 1740 » par A. Saluzzo dans BSSHNC,<br />
fasc. 113-114, 1890.<br />
14. M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et sacré <strong>en</strong> Prov<strong>en</strong>ce, xvi e -xx e siècle, Ed. du Cerf, Paris, 1994.<br />
15. G. Greco, « Fra disciplina e sacerdozio : il clero secolare nella società italiana <strong>de</strong>l Cinquec<strong>en</strong>to<br />
al Settec<strong>en</strong>to » dans a cura di M. Rosa, Clero e società nell’Italia mo<strong>de</strong>rna, Laterza, Bari,<br />
1992 ; et G. Audisio, Les Français d’hier, op. cit.
18 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qu’on les respecte. Tout comme il doit veiller au « temps <strong>de</strong> l’Église »,<br />
à l’observation par ses fidèles du temps liturgique qui rythme les « travaux et les<br />
jours ». Le prêtre est le personnage c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong>s campagnes corses. Avec le moine.<br />
LE RÉSEAU DES COUVENTS<br />
Le clergé régulier n’est pas le sujet principal <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, mais, comme<br />
nous le verrons, il est une <strong>de</strong>s composantes ess<strong>en</strong>tielles <strong>de</strong> la vie religieuse et<br />
<strong>de</strong>s pulsions <strong>de</strong> la société. À l’orée du xviii e siècle la carte <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong> conv<strong>en</strong>tuelle<br />
est fixée : le <strong>de</strong>rnier couv<strong>en</strong>t est fondé <strong>en</strong> 1717 à Olmeto par les capucins.<br />
Le territoire est désormais quadrillé, les périmètres <strong>de</strong>s quêtes délimités, la<br />
conjoncture économique r<strong>en</strong>dant plus difficile les implantations nouvelles dont<br />
la construction pèse sur les communautés.<br />
Les Franciscains<br />
Ils apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tous au Tiers-Ordre avec ses différ<strong>en</strong>tes branches : les<br />
Observants (dits aussi Zoccolani), avec leurs tr<strong>en</strong>te établissem<strong>en</strong>ts, sont les<br />
premiers arrivés à partir du xiv e siècle. Les Capucins s’implant<strong>en</strong>t dans les<br />
années 1540 à Bastia puis essaim<strong>en</strong>t dans toute l’île avec leurs dix-sept fondations.<br />
Ce n’est qu’au début du xvii e qu’arriv<strong>en</strong>t les Réformés ou Recollets<br />
qui, soit par cession <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s autres branches soit par création, totalis<strong>en</strong>t<br />
quatorze maisons 16 .<br />
Ces chiffres suffis<strong>en</strong>t à dire l’importance <strong>de</strong>s Fils <strong>de</strong> saint François, avec<br />
une véritable explosion, toutes obédi<strong>en</strong>ces confondues, durant les années 1600 :<br />
une tr<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> couv<strong>en</strong>ts au moins sort <strong>de</strong> terre dans ce qui s’appar<strong>en</strong>te à une<br />
véritable compétition <strong>en</strong>tre les pieve. Si bi<strong>en</strong> qu’autour <strong>de</strong> 1700 sur un peu plus<br />
<strong>de</strong> 1 100 religieux ils serai<strong>en</strong>t un bon millier 17 . Même si le chiffre peut prêter à<br />
discussion, la proportion doit être d’autant plus acceptée que cette forte croissance<br />
se retrouve <strong>en</strong> Italie 18 . Ils sont partout, sur les routes, sur les places <strong>de</strong><br />
villages, vivant d’aumônes et <strong>de</strong> dons.<br />
Les autres ordres religieux<br />
Loin <strong>de</strong>rrière les Franciscains, les Servites <strong>de</strong> Marie occup<strong>en</strong>t la <strong>de</strong>uxième<br />
place parmi les ordres m<strong>en</strong>diants. Ils nous sont aujourd’hui bi<strong>en</strong> connus grâce à la<br />
somme qui leur a été consacrée 19 . Même s’ils s’install<strong>en</strong>t à Ajaccio vraisemblable-<br />
16. Deux titres ess<strong>en</strong>tiels, Saint François, les franciscains et la <strong>Corse</strong>, Actes du colloque <strong>de</strong><br />
Bonifacio <strong>de</strong> 1982, imprimés par l’évêché d’Ajaccio, 1984 ; et Père André Marie (Clau<strong>de</strong><br />
Valleix, O. F. M.), « Notes sur le Franciscanisme et la <strong>Corse</strong> du xiii e au début du xvii e siècle »,<br />
Étu<strong>de</strong>s <strong>Corse</strong>s, n° 32, 1989.<br />
17. P. Morati, Prattica Manuale, BSSHNC, T. I, fasc. 54-57, 1885.<br />
18. R. Rusconi, « Gli ordini religiosi maschili dalla controriforma alle suppressioni settec<strong>en</strong>tesca »<br />
dans a cura di M. Rosa, Clero e società, op. cit. ; M. Rosa, « La chiesa meridionale nell’età<br />
<strong>de</strong>lla Controriforma », dans Storia d’Italia, La chiesa e il potere politico, Annali 9, Einaudi,<br />
Torino, 1986.<br />
19. J.-C. Liccia (dir) Les Servites <strong>de</strong> Marie <strong>en</strong> <strong>Corse</strong>, Éditions A. Piazzola, Ajaccio, 2000.
éforme ou immobilisme ?<br />
19<br />
m<strong>en</strong>t à la fin du xv e siècle, leur implantation a privilégié le Nord <strong>de</strong> l’île sans doute<br />
<strong>en</strong> raison <strong>de</strong> la proximité avec l’Italie. Le couv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Morsiglia-C<strong>en</strong>turi à partir<br />
<strong>de</strong> 1479 <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t leur c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> gravité avant qu’ils ne s’établiss<strong>en</strong>t, par étapes<br />
<strong>en</strong>tre 1560 et 1612, à Belgo<strong>de</strong>re <strong>en</strong> Balagne. Entre-temps <strong>de</strong>ux autres établissem<strong>en</strong>ts<br />
ont vu le jour, à Barrettali vers 1570 et à Sant Antonio <strong>de</strong>lla Casabianca <strong>en</strong><br />
1590. Au cœur <strong>de</strong> la Castagniccia ce couv<strong>en</strong>t sera, au xviii e siècle, riche d’histoire.<br />
Celui <strong>de</strong> Bastia ne naît qu’<strong>en</strong> 1631 sur l’emplacem<strong>en</strong>t d’une chapelle dédiée à<br />
Saint Joseph située hors les murs. Il faut att<strong>en</strong>dre 1702 pour que trois ou quatre<br />
frères pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin possession <strong>de</strong> Sisco. Au total, au début du xviii e siècle,<br />
l’ordre compterait une soixantaine <strong>de</strong> moines 20 .<br />
Nous sommes mal r<strong>en</strong>seignés sur les Dominicains qui n’ont que <strong>de</strong>ux sites,<br />
Bonifacio et Saint Hyacinthe dans la pieve <strong>de</strong> Lota avec vingt prés<strong>en</strong>ts 21 . Quant<br />
aux Missionnaires et leurs douze conv<strong>en</strong>tuels ils ne sont, <strong>de</strong>puis 1678, prés<strong>en</strong>ts<br />
qu’à Bastia 22 .<br />
L’histoire <strong>de</strong>s Jésuites <strong>en</strong> <strong>Corse</strong> comm<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> 1552 avec la mission, célèbre,<br />
du Père Landini 23 . Leur installation définitive débute dans la capitale <strong>de</strong> l’île <strong>en</strong><br />
1601 avec la création <strong>de</strong> l’embryon <strong>de</strong> ce qui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra le collège <strong>de</strong> Bastia dont la<br />
construction est pratiquem<strong>en</strong>t achevée <strong>en</strong> 1635. En 1602, ils ont pris pied à Ajaccio où<br />
ils fon<strong>de</strong>nt égalem<strong>en</strong>t un établissem<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dont les travaux début<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
1617. S’ils sont restés dans la mémoire collective comme <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> l’éducation,<br />
ils partag<strong>en</strong>t avec les Franciscains, les Missionnaires et les Lazaristes les tâches<br />
d’évangélisation, <strong>de</strong> prédication, d’<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s candidats au sacerdoce lors <strong>de</strong>s<br />
retraites avant ordination. Ils assur<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t la direction spirituelle <strong>de</strong>s couv<strong>en</strong>ts<br />
féminins : trois à Bastia (Ursulines, Clarisses et Turchines) et un à Ajaccio, celui <strong>de</strong>s<br />
Clarisses qui, dans cette ville, n’étai<strong>en</strong>t pas t<strong>en</strong>ues à la clôture. Les disciples d’Ignace<br />
<strong>de</strong> Loyola seront expulsés lorsque Louis XV annexait l’île.<br />
La géographie conv<strong>en</strong>tuelle<br />
La carte 24 , définitivem<strong>en</strong>t fixée au début du xviii e siècle ne bougera plus<br />
jusqu’à la Révolution. Tout naturellem<strong>en</strong>t, Bastia offre la plus gran<strong>de</strong> conc<strong>en</strong>tration<br />
<strong>de</strong> couv<strong>en</strong>ts : capitale, c<strong>en</strong>tre du pouvoir politique, <strong>de</strong>puis ce prési<strong>de</strong> la vie religieuse<br />
va rayonner, sous toutes ses formes, à travers toute l’île 25 . Tous les ordres possè<strong>de</strong>nt<br />
leur établissem<strong>en</strong>t alors qu’à Ajaccio leur prés<strong>en</strong>ce est largem<strong>en</strong>t plus réduite.<br />
20. P. Moratti, Prattica Manuale, op. cit.<br />
21. I<strong>de</strong>m.<br />
22. I<strong>de</strong>m.<br />
23. Les Jésuites <strong>en</strong> <strong>Corse</strong>, Imprimerie Sammarcelli, Bastia, 1992. Recueil <strong>de</strong> confér<strong>en</strong>ces données<br />
à l’occasion <strong>de</strong> l’année Ignaci<strong>en</strong>ne.<br />
24. Carte d’après G. Ravis-Giordani (dir), Atlas ethno-historique <strong>de</strong> la <strong>Corse</strong>, Édition du CTHS,<br />
Paris, 2004, p. 160.<br />
25. J. Serafini (dir. ), Bastia, regards sur son passé, Paris, 1983 ; E. Cornetto et S. Gregori (dir. ),<br />
Bastia, une histoire revisitée, Musée <strong>de</strong> Bastia, 2011 ; N. Mattei, Le Baroque religieux corse,<br />
op. cit.
20 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
Observants<br />
Riformati<br />
Capucins<br />
Servites<br />
Autres ordres d’hommes<br />
Ordres <strong>de</strong> femmes<br />
Bastia<br />
Calvi<br />
Corte<br />
Ajaccio<br />
Olmeto<br />
Bonifacio
éforme ou immobilisme ?<br />
21<br />
Cette disparité se retrouve dans le déséquilibre Nord/Sud suivant la diagonale<br />
Calvi/Porto-Vecchio qui sépare l’En-Deçà du Delà <strong>de</strong>s Monts. Ici <strong>de</strong>ux<br />
réseaux assez lâches <strong>de</strong> part et d’autre du pays ajacci<strong>en</strong>. Le premier, sur une ligne<br />
qui va <strong>de</strong> Sartène à Bastelica <strong>en</strong> passant par le Talavo ; le second, bi<strong>en</strong> moins<br />
riche, compte trois couv<strong>en</strong>ts, ceux <strong>de</strong> Mezzana, Cinarca et Vico. Les Observants<br />
y jouiss<strong>en</strong>t d’une prés<strong>en</strong>ce presque exclusive. Au Nord, à l’inverse, toutes les<br />
obédi<strong>en</strong>ces sont fortem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tées autour <strong>de</strong> pôles très <strong>de</strong>nses : la Balagne<br />
maritime, un vaste <strong>en</strong>semble incluant la Casinca, la Tavagna, le Campoloro et la<br />
Castagniccia au s<strong>en</strong>s large, le Cort<strong>en</strong>ais, le Nebbio et le Cap <strong>Corse</strong>.<br />
Une géographie donc qui ne recoupe pas uniquem<strong>en</strong>t le clivage traditionnel<br />
induit par le relief et qui r<strong>en</strong>voie aux formes d’économies plus ou moins pastorales,<br />
plus ou moins diversifiées, plus ou moins ouvertes sur l’extérieur, l’équilibre<br />
<strong>en</strong>tre les ressources <strong>de</strong>s communautés et les rev<strong>en</strong>us <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong>s quêtes<br />
commandant les implantations dans une dichotomie que nous aurons l’occasion<br />
<strong>de</strong> retrouver sur d’autres aspects <strong>de</strong> la vie religieuse.<br />
LE GOUVERNEMENT DES DIOCÈSES<br />
Lorsqu’<strong>en</strong> décembre 1563 s’achève le Concile, la <strong>Corse</strong> est <strong>en</strong> guerre : Sampiero<br />
a rallumé les hostilités contre Gênes après le départ <strong>de</strong>s Français suite à la signature du<br />
traité <strong>de</strong> Cateau-Cambraisis. Après sept nouvelles années <strong>de</strong> conflit, la paix rev<strong>en</strong>ue,<br />
l’île s’ouvre à la Contre-réforme dont les outils se mettai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place. La <strong>Corse</strong> « terre<br />
<strong>de</strong> mission » ? Pas plus, pas moins que la « France profon<strong>de</strong> » qui ne sortait <strong>de</strong>s<br />
Guerres <strong>de</strong> religions qu’<strong>en</strong> 1598 au terme <strong>de</strong> trois déc<strong>en</strong>nies <strong>de</strong> crises multiformes<br />
et <strong>de</strong> ravages, y compris dans les consci<strong>en</strong>ces 26 . Pas plus, pas moins que la péninsule<br />
itali<strong>en</strong>ne confrontée, par-<strong>de</strong>là la richesse <strong>de</strong> Flor<strong>en</strong>ce ou l’essor <strong>de</strong> Rome, à une<br />
montée du paupérisme dans les campagnes comme dans les villes <strong>en</strong>vahies par les<br />
indig<strong>en</strong>ts, confrontée aussi, dans le Mezzogiorno, <strong>en</strong> Calabre plus particulièrem<strong>en</strong>t,<br />
à la flambée du banditisme 27 . À partir <strong>de</strong> 1618 la « Guerre <strong>de</strong> Tr<strong>en</strong>te ans » ravageait<br />
une nouvelle fois l’Europe avec, par surcroît, le r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la conjoncture qui,<br />
mettant fin à la croissance du siècle précé<strong>de</strong>nt, ajoutait son lot <strong>de</strong> malheurs. Une mise<br />
<strong>en</strong> perspective donc pour dire, d’<strong>en</strong>trée, qu’il ne faut chercher dans l’île aucune spécificité<br />
dans le long chemin emprunté par la mise <strong>en</strong> œuvre <strong>de</strong>s décrets conciliaires, au<br />
premier rang <strong>de</strong>squels l’insistance portée sur le rôle et la place <strong>de</strong> l’évêque.<br />
DES PERSONNALITÉS TRÈS CONTRASTÉES<br />
Le Concile est clair : à la fois pour affirmer le caractère hiérarchique <strong>de</strong><br />
l’Église et pour conduire la « reconquête <strong>de</strong>s âmes » le rang <strong>de</strong> l’évêque est<br />
sacralisé. Successeur <strong>de</strong>s apôtres, plus que jamais « chevalier du Christ », sur<br />
26. D. Crouzet, La viol<strong>en</strong>ce aux temps <strong>de</strong>s guerres <strong>de</strong> religion, vers 1525-vers 1610, Paris, 1990.<br />
27. J. Bouttier, S. Landi et O. Rouchon (dir. ), Flor<strong>en</strong>ce et la Toscane, op. cit.
22 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
ses épaules et son zèle pastoral repose le succès <strong>de</strong> la Réforme catholique. Saint<br />
Charles Borromée <strong>en</strong> a défini le modèle. Sa première fonction est <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>r, d’être<br />
prédicateur, <strong>de</strong> transmettre le Message. La visite pastorale est une <strong>de</strong>s facettes<br />
<strong>de</strong> cette obligation avec ses volets intriqués : l’inspection <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte qui<br />
doiv<strong>en</strong>t être « déc<strong>en</strong>ts » c’est-à-dire conformes au respect et à la vénération que<br />
l’on doit à Dieu ; le clergé qui, au quotidi<strong>en</strong>, est l’intermédiaire avec le sacré<br />
doit faire égalem<strong>en</strong>t l’objet <strong>de</strong> toute son att<strong>en</strong>tion. La visite permet <strong>de</strong> mesurer<br />
qu’il est fidèle aux prescriptions sans cesse rappelées lors <strong>de</strong>s syno<strong>de</strong>s. En cas <strong>de</strong><br />
manquem<strong>en</strong>t le droit canon confère à l’Ordinaire toute une palette <strong>de</strong> sanctions<br />
qui peuv<strong>en</strong>t aller jusqu’à la susp<strong>en</strong>sion. Cela se traduit, surtout au xvii e siècle,<br />
par un rigorisme qui peut paraître tatillon 28 mais qui ne peut s’apprécier qu’<strong>en</strong><br />
regard <strong>de</strong> sa mission : réformer les mœurs du peuple chréti<strong>en</strong> pour sauver les<br />
âmes. C’est assez dire que le choix du chef du diocèse est d’autant moins neutre<br />
qu’il est la clé <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> re-christianisation <strong>de</strong>s « In<strong>de</strong>s d’ici »<br />
que sont les campagnes <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt catholique. Or si le pape nomme, Gênes,<br />
puissance dominante, est force <strong>de</strong> proposition. N. Mattei a clairem<strong>en</strong>t montré<br />
qu’aux xvii e et xviii e siècles tous les prélats ou presque apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aux<br />
plus gran<strong>de</strong>s familles <strong>de</strong> la République, les Giustiniani, C<strong>en</strong>turione, Durazzo,<br />
Spinola, <strong>de</strong> Mari… Elles se partag<strong>en</strong>t les sièges <strong>en</strong> même temps que la pourpre<br />
cardinalice à la Curie 29 . Les consécrations, sur fond d’<strong>en</strong>jeux politiques qui<br />
traversai<strong>en</strong>t Vatican et Sénat, obéissai<strong>en</strong>t aux li<strong>en</strong>s familiaux et cli<strong>en</strong>télaires :<br />
dans les années 1560 le cardinal Cicala nommait aux <strong>de</strong>ux diocèses <strong>de</strong> Sagone<br />
et d’Aleria frères, neveux et « serviteurs 30 ». Faut-il rappeler que ce népotisme<br />
épiscopal n’était pas spécifiquem<strong>en</strong>t génois ? Tous les États s’<strong>en</strong> faisai<strong>en</strong>t une<br />
règle 31 . C’est à l’aune <strong>de</strong> cette réalité où le religieux n’est pas toujours premier<br />
qu’il convi<strong>en</strong>t d’approcher la qualité <strong>de</strong>s évêques.<br />
Le diocèse <strong>de</strong> Mariana<br />
Si nous portons nos regards sur l’évêché <strong>de</strong> Mariana, il apparaît qu’il<br />
s’est trouvé à sa tête <strong>de</strong>s prélats à la hauteur <strong>de</strong> leur tâche. De 1570 à 1584<br />
M gr C<strong>en</strong>turione visite ses paroisses à plusieurs reprises, multiplie les syno<strong>de</strong>s et<br />
fon<strong>de</strong> le séminaire <strong>de</strong> Bastia 32 . Son successeur, Nicolo Mascardi (1584-1599) a<br />
été <strong>de</strong> surcroît nommé par le pape Sixte V visiteur apostolique pour toute l’île.<br />
Les témoignages qu’il nous a laissés montr<strong>en</strong>t à l’évi<strong>de</strong>nce son zèle pastoral 33 .<br />
28. J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. V<strong>en</strong>ard, (dir.) Histoire du christianisme, T. 9,<br />
Desclée, Paris, 1997.<br />
29. N. Mattei, Le baroque religieux corse, op. cit. ; M.-A. Lanfranchi, Le cont<strong>en</strong>u politique <strong>de</strong> la<br />
religion, op. cit.<br />
30. I. Rinieri, « I Vescovi <strong>de</strong>lla Corsica », ASC, n° 4, 1933.<br />
31. B. Plongeron, La vie quotidi<strong>en</strong>ne du clergé français au xviii e siècle, Paris, 1988.<br />
32. F.-J. Casta, Évêques et curés corses, op. cit.<br />
33. I<strong>de</strong>m ; <strong>de</strong>s fragm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> visites pastorales dans ADHC, 3G 4/1 ; pour ses visites apostoliques, voir<br />
A. Franzini et L. Belgo<strong>de</strong>re <strong>de</strong> Bagnaja, Les visites apostoliques <strong>en</strong> Balagne <strong>en</strong>tre les xvi e et
éforme ou immobilisme ?<br />
23<br />
Les Del Pozzo, oncle et neveu, ont eux aussi labouré le terrain soit directem<strong>en</strong>t<br />
soit par le truchem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs vicaires généraux. Girolamo n’a t<strong>en</strong>u que trois<br />
syno<strong>de</strong>s, mais Giulio <strong>en</strong> a convoqué sept 34 . On leur doit l’appel aux jésuites et la<br />
fondation du collège <strong>de</strong> Bastia. M gr Marliani (1645-1656) est surtout connu pour<br />
sa visite pastorale <strong>de</strong> 1646 35 . Le long apostolat <strong>de</strong> Carlo Fabrizio Giustiniani<br />
(1656-1682) débute par la publication d’importantes « Constitutions » qui<br />
repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t et complèt<strong>en</strong>t celles élaborées par Girolamo Del Pozzo <strong>en</strong> 1610.<br />
Il visite son diocèse 36 , et réunit dix-huit fois son clergé, presque une fois par<br />
an conformém<strong>en</strong>t aux prescriptions conciliaires, car très attaché à la formation<br />
<strong>de</strong>s prêtres 37 . Le bref séjour d’Agostino Fieschi (1683-1685) n’a guère laissé <strong>de</strong><br />
traces, mais Giovan Carlo <strong>de</strong> Mari (1686-1704) avec ses onze syno<strong>de</strong>s est fidèle<br />
à sa mission 38 . Une belle continuité donc, condition indisp<strong>en</strong>sable à la réussite<br />
d’une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> longue haleine.<br />
Le diocèse d’Aleria<br />
L’évêché d’Aleria, pourtant le plus riche, et peut-être parce que le plus<br />
riche, n’offre pas une telle succession <strong>de</strong> pasteurs. Certes, l’ère post-tri<strong>de</strong>ntine est<br />
inaugurée et dominée par la stature d’Alexandre Sauli (1570-1591) et l’on voit mal<br />
ce qu’on pourrait ajouter après F-J Casta, même si M gr Mascardi, visiteur apostolique<br />
<strong>en</strong> 1586, dresse un tableau assez critique <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong>s âmes et du clergé. La<br />
liste <strong>de</strong> ses successeurs, telle qu’elle a été établie par l’abbé Casanova doit être<br />
corrigée 39 , mais elle montre une rapi<strong>de</strong> rotation <strong>de</strong>s titulaires du siège, et il faut<br />
att<strong>en</strong>dre 1612 pour trouver un prélat <strong>de</strong> qualité avec Décius Giustiniani (1612-<br />
1642). Bi<strong>en</strong> secondé par son vicaire général et neveu Michele, il multiplie les<br />
visites 40 , et fait publier <strong>de</strong>s constitutions synodales. Vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite jusqu’<strong>en</strong> 1668<br />
une longue série <strong>de</strong> prélats sans relief et surtout abs<strong>en</strong>téistes, résidant à Bastia ou<br />
à Rome. À tel point que le pape, <strong>en</strong> 1652, doit r<strong>en</strong>voyer Michele, avec le titre <strong>de</strong><br />
vicaire apostolique, pour remettre <strong>de</strong> l’ordre dans un diocèse qu’il trouve « dans<br />
un état à faire pleurer (stato lagrimevole) […] du fait <strong>de</strong> la longue abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong><br />
l’évêque, <strong>de</strong>s scandaleuses divisions du clergé et <strong>de</strong>s fréqu<strong>en</strong>ts changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong><br />
xviii e siècles, Éditions A. Piazzola, Ajaccio, 2000. Pour les autres diocèses ADHC, Microfilms. Les<br />
visites seront citées par le nom <strong>de</strong> leur protagoniste.<br />
34. Lazzaro Maria <strong>de</strong> Bernardis (dir) , I sinodi postri<strong>de</strong>ntini <strong>de</strong>lla provincia ecclesiastica di G<strong>en</strong>ova,<br />
Gênes 1986, donne à lire les textes <strong>de</strong> ces réunions. Sera désormais cité Sinodi postri<strong>de</strong>ntini.<br />
35. M gr Marliani, Visite pastorale <strong>en</strong> 1646, BSSHNC, fasc. 113-114, 1890. Sera cité Visite<br />
M gr Marliani.<br />
36. ADHC, 3G 4/2.<br />
37. Sinodi postri<strong>de</strong>ntini ; voir aussi P. Morati, Prattica Manuale, op. cit.<br />
38. Sinodi postri<strong>de</strong>ntini ; et ADHC, 3G 1/2.<br />
39. Michele Giustiniani, vicaire apostolique, dans ses Costitutioni Giustinani Ecclesiastiche,<br />
Avellino, 1658, donne Ottaviano Belmusto (1591-1608), Dom<strong>en</strong>ico Rivarola (1608-1609),<br />
Giovanni Sauli (1609-1611), Gio. Francesco Morta (1611-1612).<br />
40. F.-J. Casta, Répertoire <strong>de</strong>s visites pastorales <strong>de</strong> France, Tome second, La <strong>Corse</strong>, Paris, 1973.
24 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
vicaires 41 ». Mais il ne séjourne que <strong>de</strong>ux ans après avoir rédigé lui aussi une<br />
constitution 42 . Lorsqu’<strong>en</strong> 1668 décè<strong>de</strong> le titulaire du siège s’ouvre une vacance <strong>de</strong><br />
six années avec les conséqu<strong>en</strong>ces que l’on peut imaginer sur un terrain fragile, à<br />
peine <strong>en</strong>sem<strong>en</strong>cé et laissé <strong>en</strong> friches tr<strong>en</strong>te années durant. M gr Durazzo est nommé<br />
<strong>en</strong> 1674, mais <strong>en</strong> 1686 M gr Spinola, visiteur apostolique, ne peut que constater que<br />
l’évêque préfère l’air <strong>de</strong> Rome à celui <strong>de</strong> Cervione. Deux nominations après lui<br />
<strong>en</strong>tre 1704 et 1715 puis, à nouveau, une vacance <strong>de</strong> cinq ans.<br />
Le diocèse du Nebbio<br />
L’évêché du Nebbio, le plus crotté, n’a guère attiré les gran<strong>de</strong>s familles<br />
génoises qui se partageai<strong>en</strong>t les dignités. Filippo Arrighetti, <strong>en</strong> fonction lorsque<br />
débute la réorganisation <strong>de</strong> l’Église, meurt <strong>en</strong> 1572, « sans laisser un grand<br />
souv<strong>en</strong>ir 43 ». Ensuite, jusqu’<strong>en</strong> 1578, trois successeurs qui, finalem<strong>en</strong>t, ne<br />
compt<strong>en</strong>t pas, puis quatre autres sans dim<strong>en</strong>sion pour arriver à 1596 44 . Personne<br />
n’occupe le siège <strong>de</strong>puis quatre années lorsqu’est nommé Giacomo Ruscone<br />
(1601-1611). Enfin une stabilité jusqu’ici inconnue ? Sauf que le brave prélat,<br />
même s’il a doté le palais épiscopal d’un toit, préfère, à l’instar <strong>de</strong> ses prédécesseurs,<br />
rési<strong>de</strong>r à Bastia auprès du gouverneur et <strong>de</strong> sa cour. Comme ses <strong>de</strong>vanciers,<br />
M gr Castagnola (1612-1620) délaisse Saint-Flor<strong>en</strong>t ; il ne visite que trois<br />
fois son diocèse et ses vingt et une paroisses 45 . Giovanni Mascardi (1621-1646)<br />
n’est pas très fougueux non plus : <strong>en</strong> un quart <strong>de</strong> siècle, il ne se sera déplacé qu’à<br />
cinq reprises 46 . Il faut att<strong>en</strong>dre M gr Saporiti (1646-1663) pour que le Nebbio soit<br />
doté d’un évêque <strong>de</strong> terrain : il est le premier à s’installer dans sa rési<strong>de</strong>nce 47 .<br />
Entre <strong>de</strong>ux syno<strong>de</strong>s il visite huit fois sa circonscription 48 . M gr Camille <strong>de</strong> Mari,<br />
<strong>de</strong> 1664 à 1671, ne semble pas avoir beaucoup parcouru les s<strong>en</strong>tiers <strong>de</strong> la Conca<br />
d’Oru ni ceux du versant occi<strong>de</strong>ntal du Cap <strong>Corse</strong> 49 . En revanche il se distingue<br />
par son activité synodale : au moins six assemblées du clergé doiv<strong>en</strong>t être mises<br />
à son actif 50 . Gio Geronimo Doria (1671-1703) est un bi<strong>en</strong> curieux prélat. Trois<br />
déc<strong>en</strong>nies durant il s’adonne aux plaisirs bastiais sans mettre les pieds dans<br />
son palais épiscopal ni dans ses paroisses 51 mais ti<strong>en</strong>t dix syno<strong>de</strong>s 52 . En outre<br />
41. Michele Giustiniani, Costitutioni, op. cit. ; ASG, liasse 993, la mission lazariste <strong>en</strong> 1652<br />
souligne « le très grand besoin d’ai<strong>de</strong> spirituelle » du diocèse du fait <strong>de</strong> la vacance du siège.<br />
42. On peut d’ailleurs se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la constitution attribuée à l’oncle Décius n’est pas celle<br />
élaborée par le neveu.<br />
43. F.-J. Casta, Évêques et curés corses, op. cit.<br />
44. De 1579 à 1590 l’évêque Gian Battista Urbano rési<strong>de</strong> à Bastia et s’attire les foudres d’A. Sauli.<br />
Voir Docum<strong>en</strong>ts relatifs à l’épiscopat du B. Alessandro Sauli, BSSHNC, fasc. 66, 1886.<br />
45. ADHC, 4G 89/1.<br />
46. I<strong>de</strong>m, 4G 89/2.<br />
47. Banchero, Annales, BSSHNC, fasc. 80-82, 1887.<br />
48. ADHC, 4G 89/3.<br />
49. Ibi<strong>de</strong>m.<br />
50. Sinodi postri<strong>de</strong>ntini.<br />
51. Selon F.-J Casta, Répertoire <strong>de</strong>s visites pastorales, op. cit. Il aurait accompli une visite <strong>en</strong> 1683.<br />
52. Sinodi postri<strong>de</strong>ntini, à compléter par ADHC, 4G 8.
éforme ou immobilisme ?<br />
25<br />
il ne brille ni par ses vertus, religieuses ou morales : il v<strong>en</strong>d <strong>de</strong>s cures et <strong>de</strong>s<br />
bénéfices aux plus offrants, monnaie les disp<strong>en</strong>ses <strong>de</strong> mariages pour les couples<br />
réputés « incestueux » alors qu’elles étai<strong>en</strong>t gratuites, détourne l’arg<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s legs<br />
etc. Est-il d’ailleurs le seul ? Son homologue <strong>de</strong> Mari, à Mariana, est accusé<br />
<strong>de</strong>s mêmes méfaits et, avant celui-ci, Carlo Fabrizio Giustiniani ne semble pas<br />
avoir été un modèle d’honnêteté non plus, tout comme M gr Gio Battista Costa à<br />
Sagone ou Gian Paolo Invrea à Ajaccio 53 .<br />
Le diocèse d’Ajaccio<br />
En 1570, il avait à sa tête Gio. Battista <strong>de</strong> Bernardi « qui n’avait ri<strong>en</strong> compris<br />
à ce qui se passait dans l’Église 54 ». En 1578, lui succédait Cristofaro Guidiccioni<br />
jusqu’<strong>en</strong> 1582. Les quatre années <strong>de</strong> cet épiscopat sembl<strong>en</strong>t témoigner d’un zèle réel<br />
(un syno<strong>de</strong> et la volonté <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r un séminaire sont à mettre à son actif) mais étai<strong>en</strong>t<br />
trop courtes pour laisser d’autres traces que <strong>de</strong>s int<strong>en</strong>tions, vite effacées par un vi<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> cinq ans. M gr Giulio Giustiniani (1587-1616) jouit d’un grand prestige 55 . Il est vrai<br />
qu’on lui doit l’achèvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la reconstruction <strong>de</strong> la cathédrale détruite <strong>en</strong> 1553<br />
lors <strong>de</strong> la « Guerre <strong>de</strong>s Français » et qu’il s’est fortem<strong>en</strong>t impliqué pour l’implantation<br />
<strong>de</strong>s jésuites à Ajaccio. Mais son long « règne » est marqué par la politique :<br />
constamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> conflit avec le commissaire génois, il ne perd jamais une occasion<br />
d’affirmer la préséance du spirituel sur le temporel 56 ; marqué aussi par la question<br />
sociale. Dans son diocèse, exist<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core les trois <strong>de</strong>rniers véritables fiefs <strong>de</strong> type<br />
féodal classique, Istria, Bozzi et Ornano avec, à leur tête, <strong>de</strong>s seigneurs très durs<br />
<strong>en</strong>vers leurs vassaux et leurs paysans. L’évêque a souv<strong>en</strong>t pris fait et cause pour ces<br />
<strong>de</strong>rniers et lorsqu’<strong>en</strong> 1611 éclate la révolte, Monseigneur est d’autant plus accusé <strong>de</strong><br />
collusion avec les insurgés que <strong>de</strong> nombreux prêtres sont partie pr<strong>en</strong>ante du soulèvem<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> particulier son vicaire général. Il aura beau être disculpé par <strong>de</strong>ux visiteurs<br />
apostoliques successifs il n’<strong>en</strong> est pas moins, <strong>de</strong> fait, relevé <strong>de</strong> ses fonctions <strong>en</strong> 1616,<br />
peu avant sa mort 57 . Sur un <strong>de</strong> ses versants cet épiso<strong>de</strong>, dramatique, r<strong>en</strong>voie au long<br />
cheminem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la réforme tri<strong>de</strong>ntine : la question <strong>de</strong>s bénéfices et <strong>de</strong> leur collation<br />
procédant du droit <strong>de</strong> patronage rev<strong>en</strong>diqué par les seigneurs n’est pas étrangère à<br />
l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s curés et peut être même <strong>de</strong> l’évêque.<br />
L’année même <strong>de</strong> son décès son neveu Fabiano pr<strong>en</strong>ait possession du siège. Il<br />
<strong>de</strong>vait se signaler par au moins <strong>de</strong>ux visites pastorales 58 et par ses Constitutioni : si le<br />
Livre premier traite <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s laïcs, les autres, jusqu’au sixième, sont consacrés<br />
53. M.-A. Lanfranchi, Le cont<strong>en</strong>u politique <strong>de</strong> la religion, op. cit. ; et dans ADHC, 3G 1/2 la longue<br />
liste <strong>de</strong>s griefs dressée par les Nobles Douze <strong>en</strong> 1693 contre Gio. Geronimo Doria.<br />
54. F.-J. Casta, Évêques et curés <strong>de</strong> <strong>Corse</strong>, op. cit.<br />
55. I<strong>de</strong>m.<br />
56. I. Rinieri, « I Vescovi <strong>de</strong>lla Corsica » ASC, n° 1, 1933.<br />
57. V. Vitale, « Una ambasceria g<strong>en</strong>ovese a Roma e il clero corso (1615) » ASC, n° 1, 1934, article<br />
à charge ; un dossier, A.-M. Graziani et J. Stromboni, Les feux <strong>de</strong> la Saint Laur<strong>en</strong>t, Éditions<br />
A. Piazzola, Ajaccio, 1992.<br />
58. ADCS, 1G 14 pour celle <strong>de</strong> 1620.
26 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
à l’administration et aux <strong>de</strong>voirs du clergé. Ottavio Rivarola (1627-1651) poursuit<br />
l’action <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> conformité <strong>de</strong> ses curés <strong>en</strong> multipliant les ordonnances mais<br />
semble ne pas aimer se déplacer pour aller à la r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s chréti<strong>en</strong>s 59 . L’épiscopat<br />
<strong>de</strong> M gr Gian Dom<strong>en</strong>ico Donghi (1652-1663) est catastrophique : il rési<strong>de</strong> à Rome,<br />
ne met jamais les pieds à Ajaccio et laisse les mains libres à son vicaire Francesco<br />
Bacciochi qui n’a qu’une préoccupation, pressurer la m<strong>en</strong>se afin d’<strong>en</strong> tirer, pour lui<br />
et les si<strong>en</strong>s, le meilleur profit. À tel point que les prêtres saisiss<strong>en</strong>t le pape Innoc<strong>en</strong>t<br />
X pour dénoncer l’abs<strong>en</strong>téisme du titulaire, la scandaleuse gestion et bi<strong>en</strong> d’autres<br />
maux <strong>en</strong>core 60 . La visite apostolique dirigée par G. B. Spinola <strong>en</strong> 1686 permet <strong>de</strong><br />
mesurer les efforts qu’a dû déployer Giovan Giuseppe Ardizzoni (1665-1685) pour<br />
réparer les dégâts : par six fois, il arp<strong>en</strong>te les paroisses <strong>de</strong>s 14 pieve sous sa juridiction.<br />
Mais Giovan Paolo Invrea, qui lui succè<strong>de</strong> <strong>en</strong> 1686 pour huit ans est surtout<br />
à ret<strong>en</strong>ir pour ses prévarications dont il a déjà été fait m<strong>en</strong>tion. Trois évêques se<br />
succè<strong>de</strong>nt <strong>en</strong>tre 1694 et 1697, autant dire un siège vacant. Les <strong>de</strong>ux Spinola, Pietro<br />
(1698-1715) et Agostino (1715-1722) soli<strong>de</strong>s administrateurs 61 , termin<strong>en</strong>t un long<br />
xvii e siècle bi<strong>en</strong> pauvre <strong>en</strong> gran<strong>de</strong>s figures 62 .<br />
Le diocèse <strong>de</strong> Sagone<br />
Même s’il a résidé à Bastia durant les événem<strong>en</strong>ts du mitan du siècle, Geronimo<br />
Leoni (1567-1577) s’est mis au travail dès la fin <strong>de</strong>s troubles comme <strong>en</strong> atteste le<br />
syno<strong>de</strong> t<strong>en</strong>u à Montemaggiore <strong>en</strong> avril 1574. Son successeur, Cesare Contardi (1577-<br />
1585) fut « peu regretté par ses diocésains 63 » ce que confirme l’analyste Banchero :<br />
« Et ainsi pour très irascible et querelleur, il s’était r<strong>en</strong>du odieux aux yeux <strong>de</strong> tous 64 ».<br />
Qu’on <strong>en</strong> juge : plus préoccupé <strong>de</strong> ses intérêts personnels que <strong>de</strong> la pastorale, il s’installe<br />
à Calvi d’où il finit par être chassé par ses paroissi<strong>en</strong>s ; réfugié à Vico, il doit,<br />
après un temps, fuir la petite ville et chercher asile à Ajaccio qu’il quitte précipitamm<strong>en</strong>t<br />
pour retourner à Calvi et <strong>en</strong>fin à Rome. M gr Giuseppe Godoni (1585-1606)<br />
héritait d’une situation bi<strong>en</strong> difficile et le rapport dressé <strong>en</strong> 1589 par le visiteur<br />
apostolique M gr Mascardi montre l’ampleur <strong>de</strong> la tâche à accomplir. Pietro Lomellino<br />
(1606-1625) s’est voulu dans la continuité <strong>de</strong> son prédécesseur mais, par la suite, une<br />
succession rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> prélats laisse d’autant moins la place à la réforme que le climat<br />
est t<strong>en</strong>du. Laissons la parole à Banchero : « Raffaello Pizzurno, <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> Saint<br />
François <strong>de</strong> Paul, élu évêque <strong>de</strong> Sagone <strong>en</strong> remplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> M gr B<strong>en</strong>e<strong>de</strong>tto Rizzano,<br />
décédé, vint cette année-là (1639) pr<strong>en</strong>dre possession <strong>de</strong> son diocèse. Il a gouverné<br />
ses diocésains avec beaucoup <strong>de</strong> rigueur, voire même une rigueur excessive, <strong>de</strong> telle<br />
59. I<strong>de</strong>m. Une seule visite <strong>en</strong> 1630 ; celle <strong>de</strong> 1643 est effectuée par son vicaire général.<br />
60. E. Michel, « Una supplica <strong>de</strong>l clero di Ajaccio a Papa Innoc<strong>en</strong>zo X », ASC, n° 2, 1937.<br />
61. ADCS, 1G 17.<br />
62. F.-J. Casta, Le diocèse d’Ajaccio, op. cit., ignore l’épiscopat d’Agostino Spinola ; il semble même<br />
que pour lui le siège soit vacant <strong>en</strong>tre 1715 et 1723 (p. 272). Or l’abbé Casanova, Histoire <strong>de</strong><br />
l’Église corse, op. cit., tome I, p. 306-311, résume un syno<strong>de</strong> t<strong>en</strong>u par le dit Agostino <strong>en</strong> 1719.<br />
63. F.-J. Casta, Évêques et curés corses, op. cit.<br />
64. Banchero, Annales, op. cit.
329<br />
TABLE DES MATIÈRES<br />
Introduction ............................................................................................................................9<br />
1 – Réforme ou immobilisme ?..............................................................................................13<br />
L’organisation <strong>de</strong> l’Église <strong>Corse</strong>.............................................................................14<br />
Les structures diocésaines.............................................................................................. 14<br />
Le réseau <strong>de</strong>s couv<strong>en</strong>ts................................................................................................... 18<br />
Le gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s diocèses...............................................................................21<br />
Des personnalités très contrastées..................................................................................21<br />
L’évêque, un administrateur ?......................................................................................... 28<br />
Curés et prêtres : un mon<strong>de</strong> immobile ?..................................................................39<br />
Être prêtre <strong>en</strong> son état..................................................................................................... 39<br />
Un clergé ignorant ?........................................................................................................ 50<br />
La question <strong>de</strong>s armes.................................................................................................... 57<br />
2 – Dans « la rivoluzione di Corsica »...................................................................................61<br />
Fractures dans l’Église............................................................................................61<br />
Au service <strong>de</strong> l’ordre...................................................................................................... 62<br />
Le clergé rebelle............................................................................................................. 68<br />
L’Église dans l’État paoli<strong>en</strong>....................................................................................76<br />
La cléricalisation <strong>de</strong> l’État.............................................................................................. 77<br />
La prise <strong>de</strong> contrôle........................................................................................................ 84<br />
Le visiteur apostolique...................................................................................................91<br />
Une Église <strong>en</strong> ruines...............................................................................................95<br />
Ruines matérielles..........................................................................................................96<br />
L’effondrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la discipline......................................................................................98<br />
Où est le prêtre ?...........................................................................................................100<br />
3 – Face à l’off<strong>en</strong>sive gallicane...........................................................................................105<br />
Pour une Église <strong>de</strong> France....................................................................................105<br />
L’ars<strong>en</strong>al réglem<strong>en</strong>taire................................................................................................ 106<br />
Les acteurs <strong>de</strong> l’off<strong>en</strong>sive gallicane.............................................................................108
330 l’église <strong>de</strong> corse <strong>en</strong> <strong>révolutions</strong><br />
La gallicanisation <strong>en</strong> échec...................................................................................119<br />
Les États : une tribune pour les ultramontains.............................................................. 119<br />
Un « asservissem<strong>en</strong>t » contraire à sa majesté...............................................................122<br />
Des clercs aux « maximes opposées aux nôtres »................................................135<br />
Échec <strong>de</strong> « l’instruction publique »..............................................................................135<br />
Les chemins <strong>de</strong> l’Italie.................................................................................................138<br />
En <strong>Corse</strong>, la tradition....................................................................................................140<br />
4 – Une société cléricalisée ?...............................................................................................145<br />
« L’île fourmille <strong>de</strong> prêtres et <strong>de</strong> moines »...........................................................145<br />
Les couv<strong>en</strong>ts : une attractivité sout<strong>en</strong>ue.......................................................................146<br />
« La prêtrise ti<strong>en</strong>t donc lieu <strong>de</strong> ressource ».................................................................. 150<br />
Être prêtre au village.............................................................................................156<br />
Le prêtre, un homme parmi les hommes ?....................................................................156<br />
Un pasteur complice <strong>de</strong> ses ouailles............................................................................. 160<br />
Le prêtre, son peuple, la religion..........................................................................163<br />
L’homme du sacré........................................................................................................163<br />
Le besoin <strong>de</strong> prêtre.......................................................................................................167<br />
Le besoin d’un ordre divin....................................................................................170<br />
Un révélateur, les missions...........................................................................................170<br />
La piété <strong>en</strong> exercice......................................................................................................173<br />
La vitalité <strong>de</strong>s confréries.............................................................................................. 180<br />
5 – 1791-1793, le schisme religieux....................................................................................191<br />
Les cahiers <strong>de</strong> doléances : <strong>de</strong>s voies ouvertes.......................................................192<br />
L’Église dans le mouvem<strong>en</strong>t.................................................................................195<br />
Sous le signe du Te Deum.............................................................................................195<br />
L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s clercs...............................................................................................201<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s appar<strong>en</strong>ces................................................................................................203<br />
La fracture.............................................................................................................207<br />
Asserm<strong>en</strong>tés et réfractaires...........................................................................................208<br />
Par-<strong>de</strong>là les chiffres......................................................................................................215<br />
6 – De la « guerre du serm<strong>en</strong>t » à la révolte........................................................................219<br />
Le traumatisme religieux......................................................................................220<br />
L’élection <strong>de</strong> l’évêque constitutionnel..................................................................222<br />
Bastia, juin, l’émeute <strong>de</strong>s rogations......................................................................226<br />
Trois jours <strong>de</strong> tumulte................................................................................................... 226<br />
Sous le signe <strong>de</strong> la contre-révolution........................................................................... 229<br />
Révolte et religion.................................................................................................233<br />
« Il boll<strong>en</strong>te furore <strong>de</strong>l mio popolo »............................................................................234<br />
La déf<strong>en</strong>se du sacré...................................................................................................... 239
table <strong>de</strong>s matières<br />
331<br />
Avril 1792 : pâques sanglantes à Ajaccio..............................................................242<br />
Prêtres et moines ajacci<strong>en</strong>s <strong>de</strong>vant la constitution.......................................................243<br />
« An IV <strong>de</strong> l’anarchie »................................................................................................ 245<br />
7 – Crise religieuse et sécession ?........................................................................................249<br />
Colères paysannes.................................................................................................250<br />
Conjoncture et fiscalité................................................................................................. 250<br />
La question <strong>de</strong> la terre.................................................................................................. 254<br />
Communauté rurale et i<strong>de</strong>ntité paroissale.............................................................257<br />
Vitalité <strong>de</strong> la paroisse................................................................................................... 257<br />
La constitution civile contre la communauté...............................................................259<br />
Religion et communauté <strong>en</strong> résistance..................................................................260<br />
Le départem<strong>en</strong>t face aux révoltes.........................................................................265<br />
La sécession, un retour au passé...........................................................................271<br />
8 – 1793-1800 : l’Église <strong>en</strong>tre résistance et intégration.......................................................279<br />
Une restauration avortée.......................................................................................279<br />
« Laissons les choses se stabiliser »............................................................................. 280<br />
R<strong>en</strong>iem<strong>en</strong>ts, tolérances et anticipations........................................................................ 282<br />
La recherche d’un équilibre.......................................................................................... 285<br />
L’impossible compromis..............................................................................................287<br />
Le directoire <strong>en</strong>tre « modérantisme » et « terreur »..............................................290<br />
« Modérantisme » ou intransigeance ?..........................................................................291<br />
Perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la tradition........................................................................................... 294<br />
Les hommes <strong>de</strong> la contre-révolution.....................................................................299<br />
Les événem<strong>en</strong>ts............................................................................................................ 300<br />
Une affaire <strong>de</strong> réseaux.................................................................................................. 303<br />
Les discours <strong>de</strong> la contre-révolution.....................................................................307<br />
« Pour Dieu et la religion <strong>de</strong> nos pères »...................................................................... 307<br />
« Pour la patrie et la religion »..................................................................................... 308<br />
Les « justes lois <strong>de</strong> l’auguste République française »..................................................309<br />
Le serm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> fructidor : l’apaisem<strong>en</strong>t religieux ?................................................312<br />
Conclusion... ........................................................................................................................317<br />
Bibliographie. ......................................................................................................................321