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HR Today F 2/21

Espaces de travail Ils deviennent hybrides et dispersés

Espaces de travail
Ils deviennent hybrides et dispersés

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N o 2 | Avril-Mai 20<strong>21</strong> | hrtoday.ch | CHF 19.50<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong><br />

Know-how for tomorrow<br />

Espaces de travail<br />

Ils deviennent hybrides et dispersés<br />

iStockphoto<br />

La crise dope le coaching<br />

La demande en coaching a<br />

grimpé durant la crise. Mais le<br />

métier est difficile et attire les<br />

«sauveurs compulsifs». Page 8<br />

La paie en entreprise libérée<br />

Co-fondatrice de l‘entreprise Liip,<br />

Nadja Perroulaz dévoile ici leur<br />

système salarial. L‘évaluation se<br />

fait par les collègues. Page 36<br />

L‘art du licenciement<br />

Savoir licencier sans altérer la<br />

confiance ou l‘engagement de<br />

ceux qui restent est la marque<br />

du vrai leader. Page 40<br />

Organe officiel de l’Union suisse des services de l’emploi


«Ensemble, nous soutenez<br />

les personnes dans le besoin.»<br />

B2Mission, du 1 er au 31 mai 20<strong>21</strong><br />

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Pour un monde plus humain<br />

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Editorial<br />

Chères lectrices, chers lecteurs,<br />

Hybride Notre rapport aux espaces de travail change. La crise sanitaire a accéléré cette<br />

transformation. Les collaborateurs souhaitent désormais choisir entre le bureau, le Home<br />

Office, les espaces de coworking et le travail mobile (depuis les transports publics ou les cafés/<br />

restaurants). Cette reconfiguration s’explique par l’accès démocratisé à l’information via le<br />

Cloud ainsi qu’à la transversalité et la porosité croissantes des organisations.<br />

Séquences Cette nouvelle manière d’occuper l’espace reflète aussi les différents moments<br />

d’une activité professionnelle. Le travail est quelque chose que l’on fait, et non un lieu où<br />

l’on va. Il y a grosso modo quatre séquences durant une journée: du travail de concentration,<br />

de routine, des moments de distraction et des plages de repos. L’architecture et le design<br />

doivent permettre cette modularité des espaces de travail.<br />

Bien-être Pour attirer les collaborateurs au bureau (puisqu’ils ont désormais le choix), les<br />

espaces doivent donner envie. Un bâtiment sain combine qualité d’air, lumière naturelle en<br />

abondance, une bonne acoustique et une cafétéria avec des menus équilibrés. L’option saine<br />

(l’escalier plutôt que l’ascenseur) devrait être proposée par défaut. L’expérience du collaborateur<br />

durant son passage au bureau doit contribuer à son bien-être.<br />

Écosystème Cette attractivité du lieu sera aussi garantie par l’écosystème dans lequel il est<br />

établi. La tendance est de proposer au collaborateur un hub de services, avec des commerces,<br />

des salles de sport, des cafés/restaurants et une offre culturelle dans le même écosystème.<br />

La taille des sièges a également tendance à diminuer. Ces petits sites dispersés permettent de<br />

réduire le temps passé dans les bouchons et de se rapprocher des clients.<br />

Marc Benninger<br />

Rédacteur en chef pour la Suisse romande<br />

marc.benninger@hrtoday.ch<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 3


Devenir<br />

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JE N’Y PEUX<br />

RIEN.<br />

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Cela peut arriver à n’importe qui. Une faute<br />

d’inattention d’un tiers peut changer radicalement<br />

votre vie. Nous aidons les para et tétraplégiques<br />

à rebondir. Vous aussi en cas de coup dur.<br />

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Sommaire<br />

Antonio Racciatti:<br />

«Je suis un pacificateur<br />

et un solutionneur.<br />

J’écoute et<br />

je tente de responsabiliser<br />

les parties.»<br />

Page 12<br />

Actualité<br />

8 On en parle Voulez-vous coacher avec moi? Malgré ou grâce au<br />

coronavirus, le coaching se porte bien. La crise ouvre même de nouvelles<br />

perspectives pour ce métier en fort développement. Éclairage.<br />

11 La chronique Le nouveau monde<br />

12 Portrait Le pratico-pratique. DRH du CHUV depuis 8 ans (13’000 collaborateurs),<br />

Antonio Racciatti est parvenu à durer dans le milieu hospitalier<br />

romand réputé difficile pour la fonction RH. En pleine deuxième vague,<br />

il tire un premier bilan.<br />

Paula Nestea:<br />

«La pandémie<br />

change complètement<br />

la manière<br />

d’utiliser les espaces.<br />

Cette évolution est<br />

positive, car elle<br />

remet l’humain<br />

au centre.»<br />

Page 22<br />

Dossier<br />

18 Enjeux La transformation du travail reconfigure l’utilisation des espaces<br />

22 Interview «Un bon compromis entre Home Office et travail plus local»<br />

28 Grand Genève La crise, une occasion de réorganiser nos modes de vie<br />

30 Management Une culture managériale obsolète ralentit l’arrivée<br />

des New Ways of Working<br />

32 Synthèse Les cinq idées à retenir de ce dossier<br />

Raphaël H Cohen:<br />

«Le licenciement est<br />

un extraordinaire<br />

révélateur de la qualité<br />

du leadership.<br />

Être capable de<br />

licencier sans altérer<br />

la confiance ou réduire<br />

l’engagement<br />

de ceux qui restent<br />

est le test ultime.»<br />

Page 40<br />

L’atelier<br />

34 Droit et travail Les embûches soulevées par le télétravail<br />

36 Conseils pratiques La rémunération dans une entreprise auto-organisée<br />

38 Conseils pratiques Télétravail et gestion du temps: les avantages d’une<br />

bonne application<br />

40 Conseils pratiques Licencier avec tact est un art<br />

42 Vu de loin, vu de près Honte versus culpabilité<br />

43 swissstaffing-News Le salaire minimum ne résout pas les défis posés<br />

par le marché du travail<br />

Alessandra Zito-<br />

Rickenbacher:<br />

«Je déconseille<br />

fortement de déléguer<br />

à l’équipe la<br />

responsabilité de<br />

licencier quelqu’un.<br />

Les licenciements<br />

sont l’affaire de<br />

l’encadrement.»<br />

Page 46<br />

Opinions<br />

46 Débat Faut-il laisser les collaborateurs choisir qui licencier?<br />

49 Réactions S’inspirer du vivant<br />

50 Conférence Flexibilité de l’emploi<br />

51 Think Tank La gestion de projet entre dans l’agilité et la création de valeur<br />

52 Panorama <strong>HR</strong> Festival EUROPE 2022<br />

53 Recherche «Des évaluations 180° ou 360° sont des moyens concrets<br />

d’évaluer les acquis de formation»<br />

54 L’équipe RH du mois Le groupe Hero<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 5


W<br />

Protégeons le monde<br />

dans lequel nos<br />

enfants naîtront<br />

Comme beaucoup d’autres glaciers et régions arctiques, le Langgletscher, situé dans le Lötschental en<br />

Valais, est fortement menacé par les changements climatiques. Notre vie et les paysages qui nous entourent<br />

sont de plus en plus influencés par la montée des températures. Veillons à transmettre à nos enfants une<br />

nature intacte. Mobilisons-nous pour la préservation du climat.


Actualité<br />

Voulez-vous coacher avec moi? (page 8) • La chronique d’Olivier Deslandes (page 11) • Antonio Racciatti (page 12)<br />

Le visage<br />

Dave Ulrich<br />

Considéré comme le père des RH modernes, Dave<br />

Ulrich vient de recevoir une nouvelle distinction<br />

pour l’ensemble de ses œuvres (Lifetime Achievement<br />

Award). Il entre donc au panthéon des penseurs<br />

en ressources humaines. Dave Ulrich est<br />

l’auteur de plus de 30 livres et 200 articles sur<br />

l’évolution de la fonction RH (son dernier ouvrage,<br />

co-écrit avec Arthur Yeung, date de 2019: Reinventing<br />

the Organization: How Companies Can<br />

Deliver Radically Greater Value in Fast-Changing<br />

Markets). Son livre le plus<br />

célèbre reste «Human<br />

Contexte:<br />

The Institute for Management<br />

Studies (IMS) de San Francisco a remis<br />

son Lifetime Achievement Award<br />

à Dave Ulrich le 16 mars 20<strong>21</strong>. Il est<br />

le quatrième à recevoir cette distinction<br />

après Russell Ackoff pour ses<br />

travaux sur la pensée systémique;<br />

Marshall Goldsmith (leadership<br />

et coaching) et Beverly Kaye<br />

(développement<br />

de carrière).<br />

Le graphique<br />

Resource Champions. The Next Agenda for Adding Value and<br />

Delivering Results», publié en 1997. Ce livre a considérablement<br />

influencé la manière de concevoir les RH en organisation.<br />

Dave Ulrich y propose quatre missions principales: 1. Être le<br />

partenaire de la stratégie de l’entreprise (d’où est né le rôle<br />

d’<strong>HR</strong> Business Partner). 2. Gérer et accompagner le changement<br />

(grâce aux politiques de formation et de développement<br />

des compétences). 3. Administrer le quotidien (paie, données<br />

des collaborateurs, conformité légale des pratiques) et 4. Être le<br />

«coach» des collaborateurs.<br />

Les tables préférées…<br />

…du conseil de rédaction d’<strong>HR</strong> <strong>Today</strong><br />

David Giauque<br />

Le Bourg-Ville<br />

Avenue du Grand-St-Bernard 40 a<br />

1920 Martigny<br />

027 722 16 00<br />

«L’une des plus belles terrasses<br />

de Martigny et probablement la<br />

meilleure viande de la région.»<br />

Carole Schwander<br />

Le Rossignol<br />

Avenue du Léman 36<br />

1005 Lausanne<br />

0<strong>21</strong> 728 09 56<br />

«Un chef français qui fait une<br />

cuisine savoureuse et abordable.»<br />

Ariane de Rham<br />

Le Milan<br />

Boulevard de Grancy 54<br />

1006 Lausanne<br />

0<strong>21</strong> 616 53 43<br />

«J’y apprécie le mélange de<br />

population et une carte variée<br />

offrant satisfaction à tous les<br />

palais et à prix très corrects.»<br />

Guillaume Alexandre<br />

El Catrin<br />

Rue de Richemont 7<br />

1202 Genève<br />

076 770 15 54<br />

«Un restaurant qui transporte<br />

vraiment au Mexique.»<br />

presented by<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 7


Actualité On en parle<br />

Voulez-vous coacher avec moi?<br />

Malgré ou grâce au coronavirus, le coaching se porte bien. La crise ouvre même<br />

de nouvelles perspectives pour ce métier en fort développement. Éclairage.<br />

Texte: Francesca Sacco<br />

«Aujourd’hui plus que jamais, les managers ont<br />

un rôle très important à jouer. Le management en<br />

phase de confinement et de post-confinement implique<br />

un développement du soutien aux collaborateurs<br />

isolés, parfois stressés et angoissés, dont les<br />

besoins doivent être remontés auprès des RH»,<br />

affirme l’agence de coaching Qualisocial. À Delémont,<br />

la société de soutien à la création d’entreprises<br />

dit pareil: elle estime crucial d’accompagner<br />

sa clientèle, «d’autant plus en cette période de<br />

pandémie», déclare le directeur Frédéric Baetscher.<br />

Et de préciser: «Nous travaillons actuellement et<br />

de manière digitale pour les activités de coaching,<br />

cela toujours avec la même efficacité.»<br />

C’est parce que sa fonction est par définition d’accompagner<br />

les personnes que le coaching peut<br />

s’avérer «particulièrement intéressant pour les<br />

entreprises» en cette période de crise sanitaire,<br />

souligne Jean-Philippe Di Piazza, directeur de<br />

l’Académie du coaching de Paris. «Le coaching<br />

travaille avec l’inconnu, il ne sait rien à l’avance,<br />

ne juge pas, mais propose un lieu de réflexion et<br />

«Seulement 4% des coachs<br />

en vivraient réellement;<br />

la plupart effectuent également<br />

des missions d’outplacement,<br />

de conseil, d’animation, etc.<br />

Le revenu annuel issu du<br />

coaching serait en moyenne<br />

de 35’900 € par coach.»<br />

International Coaching Federation (ICF)<br />

d’échange. De plus, il a comme essence de faire<br />

émerger les solutions. Or, indépendamment de<br />

leur taille et de leur type, toutes les entreprises<br />

ont été confrontées à des problèmes en lien avec<br />

la pandémie. Croire qu’ils disparaîtront «parce<br />

que le virus disparaîtra» ou «parce qu’un vaccin<br />

a été trouvé» est une posture quelque peu enfantine<br />

et surtout dangereuse, car elle met les entreprises<br />

dans une attitude attentiste en opposition<br />

avec leur mission. Il est nécessaire d’accueillir et<br />

d’accepter le changement pour pouvoir s’y adapter<br />

et se transformer en conséquence».<br />

53’000 coachs dans le monde<br />

L’impact de la crise sanitaire sur les entreprises<br />

(voir le détail de cet impact ci-contre) a plutôt<br />

renforcé la demande en coaching. D’ailleurs, le<br />

nombre de coachs professionnels ne cesse d’augmenter.<br />

Selon la psychologue du travail et coach<br />

Noémie Le Menn, il y en aurait actuellement plus<br />

de 53’000 dans le monde… 1 L’attrait de la profession<br />

la laisse parfois songeuse. «Quand j’ai démarré,<br />

dans les années 1990, il y avait deux formations<br />

dirigées l’une par une psychologue et<br />

l’autre par un psychiatre. La plupart des coachs<br />

de la première génération étaient des psychologues.<br />

Depuis, ce marché a attiré de nombreux<br />

dirigeants et managers RH. Enfin le business du<br />

coaching a évolué vers celui de la formation des<br />

coachs. Aujourd’hui, on en trouve plus de 300!<br />

Formations d’une durée de 4 à 22 jours en<br />

moyenne, avec une ou deux promotions par année<br />

de 12 à 60 personnes, selon leur format. Le<br />

calcul est vite fait: en tablant sur un chiffre minimum<br />

de 12 personnes par promotion, cela fait<br />

3600 nouveaux coachs sur le marché par année<br />

et c’est un minimum…»<br />

Difficile d’en vivre<br />

Logiquement, le revenu mondial du coaching est<br />

en progression. L’International Coaching Federation<br />

(ICF) l’a estimé à 2,356 milliards de dollars<br />

en 2016. 2 Paradoxalement, il semble difficile de<br />

vivre du coaching: 70% des coachs exercent leur<br />

métier à moins de 50%... 3 «Ce métier n’est pas un<br />

eldorado. Seulement 4% des coachs en vivraient<br />

réellement; la plupart effectuent également des<br />

missions d’outplacement, de conseil, d’animation,<br />

etc. Le revenu annuel issu du coaching serait<br />

en moyenne de 35’900 € par coach. Ceux qui<br />

entrent dans la profession pour faire fortune<br />

risquent d’être déçus! D’autant que les entreprises<br />

font très rarement appel aux coachs débutants<br />

pourtant de plus en plus nombreux, ce qui<br />

ne facilite pas la vie des nouveaux coachs. Les<br />

missions de coaching ne tombent pas par magie,<br />

elles dépendent de la notoriété du coach et de ses<br />

capacités à se vendre. Pour des raisons de coûts,<br />

elles sont souvent traitées en priorité par des<br />

coachs internes, sauf pour les cadres dirigeants».<br />

Peut-être le métier souffre-t-il de certaines confusions?<br />

Dans le dernier numéro de la revue Mag<br />

RH 4 , Noémie Le Menn rappelle que manager et<br />

coacher, ce n’est pas la même chose! «Le management<br />

est imposé aux salariés et est défini par un<br />

lien de subordination. Le manager a la possibilité,<br />

voire le devoir de sanctionner ses collaborateurs,<br />

alors que le coach a la mission de soutenir sa<br />

clientèle. La personne coachée choisit qui va l’accompagner<br />

et – deuxième élément crucial – cela<br />

se fera à travers une relation égalitaire. Pour cette<br />

raison, il est important que le coach qui intervient<br />

en entreprise soit à l’abri de toutes formes de pressions<br />

internes. Il ne doit pas non plus avoir de lien<br />

hiérarchique avec la personne coachée, bien sûr».<br />

«Noémie Le Menn dénonce les<br />

‹sauveurs compulsifs› dont la<br />

‹fureur d’aider› provient en fait<br />

d’un urgent besoin de recevoir<br />

eux-mêmes de l’aide.»<br />

Francesca Sacco<br />

Pseudosciences et pensée magique<br />

Finalement, c’est en coachant que l’on devient<br />

coach: «C’est une question de pratique, comme<br />

pour un pilote d’avion qui doit faire des heures de<br />

vol pour maintenir son niveau et ses réflexes.»<br />

Noémie Le Menn dénonce les «sauveurs compulsifs»<br />

dont la «fureur d’aider» provient en fait d’un<br />

urgent besoin de recevoir eux-mêmes de l’aide.<br />

«Quand j’ai commencé à étudier la psychologie, il<br />

y avait plus de 800 personnes dans l’amphithéâtre<br />

et je n’avais jamais vu autant de personnes en<br />

difficultés psychologiques regroupées dans un<br />

même espace… Au bout de cinq ans, nous n’étions<br />

plus que 15. Les personnes en difficultés psychologiques<br />

dont le vrai besoin relève d’une thérapie<br />

ne peuvent pas tenir la longueur d’une formation<br />

longue. Certains peuvent dérouter vers des<br />

croyances «new age» ou «old age», des pratiques<br />

de pseudosciences, voire de la pensée magique et<br />

raconter des histoires de hantise, de revenants, de<br />

malédiction, de synchronicité, de chamanes…etc.<br />

Ce sont ce que j’appelle «les coachs perchés». Au<br />

mieux, ces profils peuvent agir en placebo de façon<br />

positive. La relation d’accompagnement où<br />

une personne se livre en toute confiance à<br />

quelqu’un d’autre est un lieu de prédation pour<br />

les profils soutenus par des défenses perverses.<br />

Ceux-ci sont attirés par les métiers de la relation<br />

comme le pédophile par les jardins d’enfants.<br />

C’est encore l’un des risques du métier.» ■<br />

1 https://coachingfederation.org/app/uploads/2017/12/<br />

2016ICFGlobalCoachingStudy_ExecutiveSummary_FRENCH.pdf<br />

2 https://coachingfederation.org/app/uploads/2017/12/<br />

2016ICFGlobalCoachingStudy_ExecutiveSummary_FRENCH.pdf<br />

3 http://www.gos-coaching.ch/pdf/2011-Enquete%20SRCoach.pdf<br />

4 https://www.reconquete-rh.org/MagRH12.pdf<br />

8<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


On en parle Actualité<br />

iStockphoto<br />

4 réactions face à la crise<br />

Jean-Philippe Di Piazza, directeur de<br />

l’Académie de coaching basée à Paris,<br />

détaille ici les réactions des entreprises<br />

face à la crise de la Covid-19.<br />

• La première réaction est le fait des entreprises<br />

qui ont été très fortement impactées.<br />

Elles ont été obligées de fermer en<br />

raison des risques sanitaires en lien avec<br />

leur métier. «Il s’agit, entre autres, de tous<br />

les métiers de la restauration, de l’événementiel<br />

en général et bien entendu des<br />

fournisseurs de ces métiers. Dans un premier<br />

temps, ils ont dû adapter de façon<br />

très stricte leur production en mettant en<br />

place des mesures de protection pour leurs<br />

clients et leurs collaborateurs. Aujourd’hui,<br />

ces métiers peuvent être considérés comme<br />

en danger. La perte financière, l’absence<br />

de clients et même la peur individuelle de<br />

la contamination font qu’ils vont devoir se<br />

réinventer pour pouvoir fonctionner sans<br />

risque de contamination de masse.»<br />

• La deuxième a été observée dans les entreprises<br />

dont les métiers reposent sur le<br />

relationnel et le présentiel, et qui vendent,<br />

achètent et/ou produisent à l’étranger.<br />

«D’une part, la complexité des règles qui<br />

se sont développées aux frontières depuis<br />

le premier confinement les a amenées à<br />

modifier leurs relations avec la clientèle et<br />

les fournisseurs. D’autre part, le type de leurs<br />

infrastructures (souvent des bâtiments très<br />

hauts) ont nécessité des adaptations en matière<br />

de protection qui ont-elles-mêmes entraîné<br />

une transformation de leur vision du<br />

management. Le recours systématique au télétravail<br />

a été la mesure la plus visible de ce<br />

changement, avec des bureaux qui se sont<br />

parfois vidés à plus de quatre-vingt pour<br />

cent.»<br />

• La troisième correspond aux entreprises qui<br />

avaient déjà mis en place un programme de<br />

développement du distanciel. Elles avaient<br />

donc commencé à s’adapter, avant la pandémie,<br />

à un monde dans lequel le présentiel<br />

prend de moins en moins de place. «La diminution<br />

des réseaux locaux et de proximité, la<br />

généralisation et la simplification des accès<br />

clients par internet faisaient partie des stratégies<br />

de ces entreprises au moment où la<br />

crise de la pandémie à la Covid-19 s’est déclarée.<br />

Moins impactées que les autres, elles<br />

ont, pour la plupart, répondu à cette crise en<br />

accélérant leur processus de changement,<br />

voire en l’adaptant à des pans de l’organisation<br />

qui n’étaient pas encore concernés, notamment<br />

les fonctions support ou back-office.<br />

Ici aussi, ce qui marque ces entreprises,<br />

c’est la généralisation du télétravail, avec<br />

une chance de retour à un état antérieur<br />

qui s’avère aujourd’hui compromise pour<br />

un temps indéterminé. Leur problématique<br />

est de poursuivre leurs modifications initialement<br />

prévues et de s’adapter au changement<br />

en l’accélérant, voire en le diffusant<br />

à l’ensemble de leurs équipes.»<br />

• Le quatrième a surtout été celle des entreprises<br />

qui produisent sur site. «Elles ont<br />

pris dès le début des mesures sanitaires importantes<br />

pour permettre la continuité de<br />

la production avec une rotation de leurs<br />

collaborateurs, un recours au chômage<br />

partiel et une mise en place à l’interne des<br />

mesures de protection contre le virus. Un<br />

énorme effort a été demandé à la direction<br />

des sites, qui ont travaillé sans relâche pour<br />

protéger les collaborateurs et préserver la<br />

production. Là encore, l’adoption du télétravail<br />

a favorisé cette adaptation et la robotisation<br />

des unités de production a compensé<br />

la diminution du nombre de collaborateurs<br />

sur site. Le défi, pour ces<br />

entreprises, est de gérer au mieux les dissensions<br />

internes imputables à la situation<br />

des volontaires sur site, au chômage partiel,<br />

à la présence d’enfants au domicile<br />

des travailleurs, etc.»<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 9


Actualité La chronique<br />

TRAJECTOIRES<br />

Presented by<br />

Depuis le 1 er mars 20<strong>21</strong>, Yvonne Seitz est la nouvelle DRH chez ABACUS<br />

Research (logiciels de gestion d’entreprise) qui compte 500 employés. Auparavant,<br />

elle a tenu diverses fonctions RH auprès de l’assureur AXA Suisse,<br />

où elle a notamment mis en œuvre un programme de Management de la<br />

diversité et un projet de Marque employeur. Avant d’entrer dans les ressources<br />

humaines, Yvonne Seitz a travaillé comme rédactrice, animatrice et<br />

productrice à la télévision suisse alémanique (SRF) et auprès de la chaîne<br />

3sat. Abacus a été fondée en 1985 par trois diplômés de l’Université de St-Gall<br />

qui continuent de travailler au sein de l’entreprise.<br />

Depuis le 1 er mars 20<strong>21</strong>, Martin Meier a été nommé<br />

Head Global Human Resources au groupe<br />

Weidmann (fabrication d’isolants électriques et de<br />

plastiques) qui compte environ 4000 employés.<br />

Basé à Rapperswil-Jona au bord du lac de Zurich<br />

dans le canton de Saint-Gall, le groupe Weidmann<br />

est présent dans 30 pays à travers le monde.<br />

Auparavant, Martin Meier a tenu différentes fonctions<br />

RH dans des grandes entreprises industrielles<br />

suisses, par exemple chez OC Oerlikon (revêtements<br />

et machines textiles), Sulzer Chemtech<br />

(chimie et pharma), Saurer Groupe (machines<br />

textiles) et Kistler Groupe (techniques de mesure).<br />

Depuis le 1 er février 20<strong>21</strong>, Tanja Vollenweider<br />

dirige les Corporate Human Resources chez STO-<br />

BAG SA (solutions de protection contre le soleil et<br />

les intempéries). Fondée en 1964 à Gattikon (canton<br />

de Zurich) par Ernst Gremaud, la société<br />

compte aujourd’hui plus de 700 collaborateurs<br />

avec une filiale au Mont-sur-Lausanne. Auparavant,<br />

Tanja Vollenweider était la DRH de JobCloud<br />

SA à Zurich (portail emploi). En été 2019, elle a<br />

décroché son Master in Human Resources Leadership<br />

à la HWZ (Haute école de sciences appliquées)<br />

de Zurich.<br />

Erik Freudenreich est le nouveau responsable<br />

des contenus numériques d’hrtoday.ch/fr<br />

Depuis le 1 er mars 20<strong>21</strong>, il a remplacé Patricia Michaud, qui a tenu<br />

ce rôle pendant huit ans. Erik pilotera aussi le blog et la newsletter.<br />

Le journaliste Erik Freudenreich est le nouveau responsable<br />

des contenus web du site hrtoday.ch/fr<br />

depuis le 1 er mars 20<strong>21</strong>. Il remplace Patricia<br />

Michaud qui a tenu ce poste pendant 8 ans.<br />

L’Hebdo, Bilan, PME Magazine<br />

Erik Freudenreich a notamment été responsable<br />

éditorial auprès de l’agence genevoise Large<br />

Network. Dans ce rôle, il a coordonné les contenus<br />

de Swissquote Magazine et des revues Hémisphères<br />

et In Vivo. Il a aussi écrit régulièrement<br />

pour la Tribune de Genève, l’Hebdo, Bilan, la référence<br />

en économie et PME Magazine.<br />

Hip Hop et cinéma<br />

Passionné de cinéma, il a œuvré sur plusieurs<br />

courts et longs métrages en tant que producteur<br />

et assistant réalisateur. Il est par ailleurs le cofondateur<br />

de CosmicHipHop.com, un média en ligne<br />

consacré aux cultures urbaines.<br />

Remerciements<br />

Toute la rédaction d’<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> FR tient à remercier<br />

Patricia Michaud pour la qualité de ses<br />

contributions et souhaite la bienvenue à Erik<br />

Freudenreich dans ses nouvelles fonctions. n<br />

Contact<br />

Erik Freudenreich | Responsable d’hrtoday.ch/fr<br />

Tel. 044 269 50 10 | Mail: ef@hrtoday.ch<br />

10<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


La chronique Actualité<br />

iStock<br />

Le nouveau monde<br />

Par Olivier Deslandes<br />

Olivier Deslandes conseille et<br />

accompagne les entreprises dans<br />

leurs stratégies RH.<br />

Si l’année 2020 est comparable à la conduite automobile,<br />

je crois que nous avons passé la majorité<br />

du temps à circuler hors chaussée goudronnée.<br />

Même lorsque nous reprenions les rassurantes<br />

routes balisées, certains usagers étaient convaincus<br />

que les nouvelles règles de circulation ne leur<br />

étaient pas destinées.<br />

C’est ainsi que nous sommes entrés en 20<strong>21</strong>,<br />

au volant d’un véhicule chahuté par un usage<br />

pour lequel il n’avait pas été destiné. Le droit social,<br />

gardien de la stabilité et de la prédictibilité des<br />

relations dans les entreprises est devenu, pour<br />

certains de ses pans, une bizarrerie obsolète qui<br />

ne savait plus vraiment gérer la notion de lieu et<br />

de temps. La fiscalité du travail n’avait pas imaginé<br />

que des frontaliers ou des expatriés soient<br />

cloués dans une juridiction qui n’était pas celle de<br />

leur employeur. Les croyances clivantes des collaborateurs<br />

ont dégradé dans de nombreux environnements,<br />

la qualité des relations. Le leadership<br />

et les réflexes de management acquis dans un<br />

monde monolithique sont devenus erratiques et<br />

n’avaient que peu de prise sur des collègues éparpillés<br />

dans la nature derrière leurs écrans.<br />

Certes, notre environnement a grandement<br />

changé et ce fut imposé, mais c’est désormais<br />

notre rôle de le façonner pour qu’il soit le socle<br />

d’une société plus sereine. Il me semble assuré<br />

que les tendances qui suivent se confirment,<br />

alors préparons-nous pour sortir de la soumission<br />

aux faits et passer dans la reconstruction<br />

active de notre environnement.<br />

Les femmes ont été au niveau planétaire les<br />

premières victimes de la crise sanitaire d’un point<br />

de vue économique. Beaucoup ont perdu leur<br />

emploi et leur retour sur le marché du travail ne<br />

se fera pas à leurs conditions antérieures. Il est<br />

dorénavant intenable pour une direction générale<br />

et une fonction RH, de ne pas déployer de<br />

politique de rémunération qui soit bâtie sur l’égalité<br />

des genres. J’anticipe mécaniquement une<br />

détérioration du fossé des rémunérations<br />

hommes/femmes par le seul fait de l’éloignement<br />

du marché du travail, anticipons et ne laissons<br />

pas par inaction, une double peine s’appliquer<br />

quand elles rejoindront vos équipes.<br />

Les outils de contrôle des collaborateurs sont<br />

devenus de plus en plus puissants et intégrés<br />

dans les suites logicielles des grands éditeurs. En<br />

voulant «rassurer» le management que le télétravail<br />

n’est pas un lieu de moindre productivité,<br />

tout est devenu traqué et consolidé chez les responsables<br />

IT. En quelques mois, les plus grands<br />

acteurs du digital ont transformé nos ordinateurs<br />

portables en autant de bracelets électroniques<br />

qui rapportent en temps réel et servilement<br />

tous les indicateurs plus ou moins crédibles<br />

de productivité. Attention à l’utilisation de ces<br />

outils d’administration, car ils portent en eux la<br />

pire des cultures de management: l’absence de<br />

confiance. Big Brother n’est jamais cité comme<br />

un leadership inspirant ni comme un environnement<br />

que l’on souhaite rejoindre.<br />

Le risque majeur du recours aux solutions<br />

informatiques intégrées de recrutement sera<br />

d’accélérer dans nos entreprises, la rupture entre<br />

la population très qualifiée et toutes les autres. La<br />

gestion de la masse principale des candidatures<br />

se fera par le biais d’algorithmes potentiellement<br />

biaisés et l’expérience des candidats et des futurs<br />

collaborateurs sera aseptisée voire déshumanisée.<br />

Seule une fraction des candidats à «haute<br />

valeur ajoutée» bénéficiera d’un processus lui<br />

aussi à haute valeur ajouté, c’est-à-dire soumis à<br />

la pensée complexe humaine. Réfléchissez à deux<br />

fois à la fausse bonne idée qui privilégie l’économie<br />

d’un ou deux salaires, à un moment donné,<br />

dans un département RH si vous introduisez<br />

dans toute l’entreprise une technologie qui ruinera<br />

vos standards de sélection.<br />

La santé mentale des équipes est aujourd’hui<br />

une incontournable dimension de la fonction RH<br />

et du management. Il ne s’agit point d’intrusion<br />

dans la sphère de la médecine du travail, ni de<br />

porosité dans le secret médical, mais d’une collaboration<br />

vraiment étroite entre les RH et les acteurs<br />

de la santé, médecins, infirmières et psychologues.<br />

En désamorçant les perceptions ringardes<br />

sur la santé mentale, les RH ont un rôle<br />

central à jouer. L’intégration dans les prestations<br />

sociales traditionnelles de l’entreprise d’un accès<br />

à un professionnel par une hotline est simple et<br />

peu coûteuse. L’anonymat de la prestation rassure<br />

et permet de ne pas laisser des collaborateurs<br />

en déshérence face à des managers trop souvent<br />

désemparés.<br />

La crise a accéléré l’érosion de l’engagement,<br />

la situation qui nous fait face n’est pas la lutte<br />

contre la simple dégradation de la motivation des<br />

troupes, il s’agit de se battre contre le détachement.<br />

À force de Zoom et Teams pour maintenir<br />

le contact, nous avons réussi à virtualiser l’autre<br />

et à le transformer en un avatar, nous sommes<br />

devenus plus familiers avec l’arrière-plan des<br />

maisons de nos collègues qu’avec les murs de nos<br />

entreprises. Si nos interactions avec nos fournisseurs,<br />

nos clients et même notre famille passent<br />

désormais par Zoom, ne nous laissons pas leurrer<br />

par cette adoption massive de la technologie, qui<br />

est une mesure de seule substitution. Cette apparence<br />

de nouvelle normalité doit être un sujet<br />

central d’action contre nos isolements et nos solitudes<br />

collectives.<br />

n<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 11


Actualité Portrait<br />

Le pratico-pratique<br />

DRH du CHUV depuis 8 ans (13’000 collaborateurs), Antonio Racciatti est<br />

parvenu à durer dans le milieu hospitalier romand réputé difficile pour la fonction RH.<br />

En pleine deuxième vague, il tire un premier bilan.<br />

Texte: Marc Benninger<br />

Visionnez une courte<br />

interview vidéo de<br />

Antonio Racciatti sur:<br />

hrtoday.ch<br />

Bio express<br />

1994 Licence en<br />

Sciences<br />

politiques,<br />

Université de<br />

Lausanne<br />

1996 Chef de l’ORP<br />

Riviera (Montreux-Vevey)<br />

2001 Responsable<br />

RH au département<br />

environnement<br />

et sécurité à<br />

l’Etat de Vaud<br />

2005 Directeur RH<br />

adjoint au<br />

CHUV<br />

2006 DRH de<br />

Bobst SA<br />

2012 DRH du CHUV<br />

Il a un côté terrien, enrobé de charme latin avec une capacité<br />

à vous convaincre du bon sens de ses actions. En d’autres<br />

termes: habile négociateur, bon vendeur et authentique. Voici<br />

Antonio Racciatti. Il dirige les ressources humaines du plus<br />

gros employeur du canton de Vaud depuis 2012 (Centre Hospitalier<br />

Universitaire Vaudois). Une performance en soi si l’on<br />

pense au taux de rotation élevé de cette fonction dans les<br />

autres centres hospitaliers de Suisse romande. Nous le retrouvons<br />

en pleine deuxième vague, un matin de décembre 2020,<br />

dans les nouveaux locaux de la DRH du CHUV sur les hauts de<br />

Lausanne. La situation est tendue. Une fois assis, il enlève son<br />

masque et raconte: «Depuis le début de cette crise, nous avons<br />

engagé 150 personnes, fait appel à l’armée et à la protection<br />

civile. Nous avons doublé la capacité des soins intensifs et malgré<br />

tous ces efforts, nous sommes toujours en flux tendu. D’un<br />

point de vue technique et logistique, nous tenons le coup, mais<br />

la lassitude s’est progressivement installée auprès du personnel<br />

soignant. La fatigue est générale, mentale et physique.»<br />

Lors de l’entretien, Noël est devant nous et Antonio Racciatti<br />

craint une troisième vague après les fêtes. «Notre personnel<br />

doit pouvoir se reposer. Tout le monde est à bout de souffle,<br />

j’espère que la population saura rester sage et respecter les<br />

consignes des autorités.» Lui-même a posté début décembre<br />

un appel à la prudence sur Facebook. Il souligne aussi les efforts<br />

fournis par son équipe: «Avec les années, j’ai pu m’entourer<br />

d’experts remarquables dans leur domaine. C’est donc collectivement<br />

et en équipe que nous gérons cette période difficile.»<br />

À 53 ans, ajoute-t-il en souriant, «mon égo n’a plus<br />

besoin d’être nourri en permanence, c’est mon équipe qui<br />

compte avant tout». Après huit ans dans l’institution, nous lui<br />

proposons donc de tirer son premier bilan.<br />

L’homme aux 200 projets<br />

Depuis qu’il a remplacé l’ancien DRH Emmanuel Masson, lui<br />

et son équipe ont mené à bien plus de 200 actions et projets<br />

RH. S’il fallait en citer trois? «La digitalisation des outils RH est<br />

sans doute le premier. À ce jour, environ 50% du travail est fait:<br />

paie, recrutement, gestion des données collaborateurs, tableaux<br />

de bord et automatisation de certains processus.» Pour<br />

la paie, il s’appuie sur son Directeur adjoint, Jean-Pierre Klay,<br />

et l’outil PeopleSoft d’Oracle. «L’opération a été d’une énorme<br />

complexité. Il faut vous imaginer 13’000 salaires, des barèmes<br />

et des conventions collectives différentes. Grâce à son expertise<br />

et celle de ses équipes, le changement du moteur de paie a été<br />

un succès absolu, sans un jour, ni un franc de retard.» Puis il<br />

faut parler du programme de développement des cadres. «Sous<br />

la houlette de Murielle Udry, Directrice adjointe en charge du<br />

développement des cadres et de Serge Gallant, Directeur du<br />

Centre des Formations, nous avons mis en place le MicroMBA<br />

avec le concours de Raphaël H. Cohen. À ce jour, nous avons<br />

formé plus de 200 managers. Notre dispositif concerne aussi<br />

les managers de proximité et se veut cohérent avec le développement<br />

en cours d’un programme de gestion de la relève.»<br />

«D’un point de vue technique et logistique,<br />

nous tenons le coup, mais la lassitude<br />

s’est progressivement installée auprès<br />

du personnel soignant. La fatigue est<br />

générale, mentale et physique.»<br />

Antonio Racciatti<br />

Il a également réussi à boucler la réforme du règlement des<br />

médecins cadres ainsi qu’une refonte de la convention collective<br />

des médecins assistants et chefs de clinique. Il avoue apprécier<br />

particulièrement les négociations avec les partenaires sociaux.<br />

«Je suis un pacificateur et un solutionneur. J’écoute et<br />

je tente de responsabiliser les parties. Les revendications sont<br />

parfois légitimes, mais très difficiles à mettre en place selon les<br />

modalités et les envies exprimées par les différentes parties. Il<br />

faut donc trouver des solutions justes et efficaces. C’est ce que<br />

j’aime faire». Il cite enfin les chantiers mis en place pour<br />

«tordre le bras à l’absentéisme»: «Nous avons mis en œuvre<br />

une vraie gestion de la santé, reconnue en 2019 par le label<br />

Friendly Workspace, et lancé le projet EOS (établissement<br />

orienté santé) de management des absences.»<br />

Repositionnement<br />

Antonio Racciatti a également renforcé le positionnement de<br />

la fonction RH dans l’organisation. De la direction administrative<br />

à laquelle ils étaient rattachés, les responsable RH de département<br />

sont désormais intégrés dans chaque direction de<br />

département. «Je leur ai donné leur autonomie. Ce mouvement<br />

a été accompagné par une redéfinition du périmètre de<br />

responsabilités de chaque manager RH et d’un plan de formation<br />

adapté. Celui-ci sera finalisé en 20<strong>21</strong>. Ce collectif de pro-<br />

12<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Photos: Pierre-Yves Massot / realeyes.ch pour <strong>HR</strong> <strong>Today</strong>


Actualité Portrait<br />

De g. à dr.: Jean-Pierre Klay, Pierre-André Conus, Antonio Racciatti, Marc Dupertuis, Murielle Udry et Eric Monnard.<br />

«Ma force est de cumuler une expertise<br />

technique RH, une bonne maîtrise de<br />

la gestion du changement et une connaissance<br />

fine des enjeux organisationnels.»<br />

Antonio Racciatti<br />

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Portrait Actualité<br />

«Je suis quelqu’un de<br />

dialogue, un médiateur<br />

qui anticipe les problèmes<br />

et qui sait réunir les gens<br />

autour d’une idée, je suis<br />

un pratico-pratique.»<br />

Antonio Racciatti<br />

fessionnels, mené par Eric Monnard, est de très<br />

haute qualité.» Déjà longuement cité dans <strong>HR</strong><br />

<strong>Today</strong>, l’Unité d’organisation et d’amélioration<br />

continue (OrAC) porte aussi sa patte. Cette équipe<br />

d’ingénieurs, gravitant autour de Pierre-André<br />

Conus, a contribué à plusieurs innovations organisationnelles<br />

ces dernières années (un processus<br />

de pré-facturation ambulatoire; la réorganisation<br />

des desks d’accueil ou la simulation du<br />

flux des patients en chirurgie cardiaque pour<br />

optimiser leur prise en charge). Antonio Racciatti:<br />

«L’unité OrAC a été renforcée dans sa dotation<br />

et sa zone d’influence. Les demandes viennent de<br />

partout et nous sommes un peu victimes de notre<br />

succès». À noter qu’OrAC a créé en 2020, en collaboration<br />

avec ESOPE (la Cellule Enquêtes de<br />

satisfaction et d’opinion des patient·e·s et des employé·e·s<br />

d’unisanté) un outil pour mesurer l’expérience<br />

collaborateurs de différents processus et<br />

ainsi évaluer au fil de l’eau les effets du management<br />

sur les équipes. L’outil sera lancé officiellement<br />

début 20<strong>21</strong>.<br />

Courroie de transmission<br />

Son rôle à lui est d’être la courroie de transmission<br />

entre la direction du CHUV, les directions des<br />

départements, les cadres, les partenaires sociaux,<br />

les autorités politiques et l’ensemble du personnel.<br />

Une posture difficile à tenir? «Non, pas du<br />

tout. J’ai des échanges réguliers avec l’ensemble<br />

de ces acteurs. Mon rôle est de permettre que les<br />

objectifs de développement de notre institution,<br />

notamment définis dans notre plan stratégique,<br />

puissent être atteints, tout en assurant que nos<br />

collaborateurs-trices puissent y contribuer dans<br />

les meilleures conditions. Ma force est de cumuler<br />

une expertise technique RH, une vision stratégique,<br />

une bonne maîtrise de la gestion du<br />

changement et une connaissance fine des enjeux<br />

organisationnels». On sent ici l’habile négociateur.<br />

Dans ses mots, il a «rendu à la fonction RH<br />

ses lettres de noblesse». Il poursuit: «J’ai un rôle<br />

pivot et une vision transversale de l’institution.<br />

Chaque fois qu’un nouveau projet est lancé, qu’il<br />

soit financier, clinique ou humain, les aspects RH<br />

doivent être pris en compte». Il avait déjà mis en<br />

place un modèle semblable au groupe Bobst, où il<br />

a été DRH entre 2006 et 2012. On lui demande<br />

si les méthodes du privé s’adaptent bien au service<br />

public? «Dans le privé, les gains de productivités<br />

permettaient d’augmenter les marges alors<br />

qu’ici au CHUV, ils sont réinvestis pour augmenter<br />

notre capacité et la qualité de la prise en<br />

charge des patients et dans le renforcement des<br />

compétences de nos collaborateurs-trices».<br />

Trop de mails et trop de séances<br />

Sa difficulté se situe plutôt au niveau de la charge<br />

de travail, sourit-il. Connu pour ses reports fréquents<br />

de séances de travail, il admet la critique<br />

et assure avoir corrigé le tir. «Aujourd’hui, je respecte<br />

85% de mon agenda. Je participe à une<br />

quarantaine de séances par semaine et reçois une<br />

centaine de mails par jour. J’ai renforcé mon staff<br />

d’assistantes pour m’aider dans la gestion de mes<br />

différentes obligations.» Il avoue aussi avoir parfois<br />

«trop d’idées et ne pas savoir dire non» ce qui<br />

l’a obligé à mieux clarifier ses priorités. «J’ai également<br />

instauré des rituels quotidiens». Certains<br />

appels téléphoniques se font le matin tôt, au volant<br />

de sa Ford Mustang, et sur la route du retour,<br />

entre 19h00 et 20h00.<br />

Homme d’action plutôt que de théories, il a le<br />

contact facile et préfère une discussion à bâtons<br />

rompus qu’un mémorandum de trois pages: «Je<br />

suis quelqu’un de dialogue, un médiateur qui anticipe<br />

les problèmes et qui sait réunir les gens autour<br />

d’une idée, je suis un pratico-pratique. Et<br />

j’aime aussi innover, ce qui implique parfois de<br />

prendre des risques.» Sa plus grande fierté est<br />

sans doute la culture de bienveillance qu’il essaie<br />

d’implémenter au CHUV. «Les gens peuvent ne<br />

pas être d’accord entre eux, mais cela se discute<br />

dans le respect. Avoir des idées différentes est une<br />

richesse en soi et permet l’innovation. Cela doit se<br />

faire sans entrer en conflit.» Avec la Direction Générale<br />

et la Direction de la Communication, il a<br />

mis en place une charte (dont le titre est «La relation<br />

à l’autre, une priorité pour tous») qui détaille<br />

les comportements attendus. «L’idée était aussi<br />

de sécuriser les conditions de travail. Les collaborateurs<br />

savent que nous y sommes attentifs et se<br />

sentent en confiance», assure-t-il.<br />

Débrouillard et travailleur<br />

Lui a construit sa base de sécurité au bord du lac<br />

Léman à Vevey, où il est né, second d’une fratrie<br />

de trois. Originaire des Abruzzes en Italie, son<br />

père est serrurier-soudeur, arrivé en Suisse durant<br />

les années 1960. Le père travaille notamment<br />

à la fonderie Von Roll à Soleure. C’est là<br />

qu’il rencontre son épouse, coiffeuse de formation,<br />

originaire de Séville dans le sud de l’Espagne,<br />

où «elle crevait de faim». Les deux amoureux<br />

s’installent à Vevey et fondent une famille.<br />

Après une enfance simple et heureuse, le petit<br />

Antonio réussit bien à l’école. Il entre au gymnase<br />

à Burier en latin-anglais, rate son bac et démarre<br />

un apprentissage de laborant en chimie. Il<br />

reprend sa maturité en cours du soir, réussit, et<br />

s’inscrit à Sciences Po à l’Université de Lausanne.<br />

Débrouillard, vif et travailleur, il est engagé après<br />

ses études à l’Office régional de placement (ORP)<br />

de Vevey par Françoise Pache. Elle lui confie la<br />

fusion des ORP de Vevey et de Montreux. Commence<br />

ensuite sa carrière dans les RH. Après une<br />

première mission dans l’État-major du département<br />

de la sécurité du Conseiller d’État Jean-<br />

Claude Mermoud, il est nommé DRH adjoint au<br />

CHUV sous l’ère Masson. Il bifurque ensuite vers<br />

le privé au groupe Bobst à Mex (canton de Vaud).<br />

Ces allers-retours entre le privé et le public lui<br />

conviennent plutôt bien, confie-t-il: «Je compte<br />

bien faire une dernière pige dans le privé avant la<br />

fin de ma carrière». ■<br />

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iStockphoto<br />

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Les espaces de travail<br />

La reconfiguration des espaces de travail s’est accélérée avec la pandémie. Le Home<br />

Office s’est installé aux côtés des bureaux physiques, des espaces de coworking et du<br />

travail mobile. Ce modèle hybride répond aussi à la transformation de l’organisation<br />

du travail, induit par la digitalisation, l’agilité et la porosité croissante des entreprises.<br />

Le futuriste américain Rex Miller, spécialiste des espaces de travail, et le consultant irlandais<br />

Chris Kane, ancien responsable des parcs immobiliers de Disney et de la BBC,<br />

partagent ici leur vision des espaces de travail de demain (lire en pp. 18-<strong>21</strong>). Proposer<br />

des bâtiments sains devient déterminant pour attirer les employés au bureau. Dans<br />

une interview croisée, trois experts analysent l’impact du télétravail et des changements<br />

dans la manière de travailler sur l’utilisation des espaces (lire en pp. 22-26). Le<br />

bureau d’architectes genevois apaar_ propose ensuite une carte du Grand Genève qui<br />

illustre la nouvelle manière d’utiliser les espaces pour travailler, en tenant compte des<br />

enjeux de mobilité (lire en pp. 28-29). Enfin, une équipe de chercheurs de l’Université<br />

de Lausanne montre comment les New Ways of Working changent la posture du manager<br />

(lire en pp. 30-31).<br />

17


Dossier Espaces de travail<br />

La transformation du travail<br />

reconfigure l’utilisation des espaces<br />

Le travail agile et la technologie changent notre manière d’occuper les espaces de travail.<br />

Hybride et centré sur l’humain, ce nouvel écosystème intégrera télétravail, espaces de<br />

coworking et bureaux physiques. Avec un accent mis sur la santé. Enquête.<br />

Texte: Marc Benninger<br />

Chris Kane est auteur<br />

et conseiller en espaces<br />

de travail chez Six<br />

Ideas à Londres. Il<br />

conseille notamment<br />

Amazon. Contact:<br />

Chris.kane@sixideas.<br />

com<br />

Rex Miller est auteur,<br />

futuriste et consultant<br />

en culture d’entreprise.<br />

Il conseille<br />

notamment Google,<br />

Facebook et GoDaddy.<br />

Lien: rexmiller.com<br />

Depuis la crise sanitaire de 2020, de nombreuses entreprises<br />

sont en train de repenser leur utilisation des espaces de travail.<br />

Pendant la crise, le télétravail a relativement bien fonctionné.<br />

L’infrastructure technologique a tenu le coup et la baisse des<br />

heures travaillées s’est limitée à 10% en Suisse, selon les<br />

chiffres de l’OFS (Office fédéral de la statistique). Dans ce<br />

contexte, plusieurs sociétés ont décidé de réduire leurs espaces<br />

de travail, parfois de moitié. L’idée est, bien sûr, de baisser les<br />

coûts – on avance le chiffre de CHF 6000.- de loyer par collaborateur<br />

par année – mais aussi de s’adapter aux nouvelles<br />

manières de travailler. Car la crise sanitaire a été un accélérateur<br />

d’une évolution initiée bien avant la pandémie vers des<br />

écosystèmes hybrides.<br />

Parmi les causes de ce nouveau rapport aux espaces de travail:<br />

la transformation digitale, qui démocratise l’accès à l’information;<br />

le passage d’organisation en silos vers des structures plus<br />

transversales et une plus grande porosité des frontières de l’entreprise,<br />

avec l’émergence des nouvelles formes d’emploi.<br />

Distribué et dispersé<br />

Le consultant irlandais Chris Kane, auteur du livre Where is<br />

my Office? (voir la référence ci-contre) et ancien responsable<br />

des parcs immobiliers du groupe Disney et de la BBC, estime<br />

que la pandémie a donné un coup de fouet à ces évolutions.<br />

«Ces six derniers mois, la transformation digitale des organisations<br />

a plus avancé que durant les six dernières années. D’un<br />

modèle consolidé et centralisé, nous passons à un modèle distribué<br />

et dispersé», explique-t-il par téléphone depuis ses bureaux<br />

londoniens.<br />

Il poursuit: «Les espaces de travail doivent être redéfinis en y<br />

remettant l’humain au centre. Le travail au bureau a été instauré<br />

durant l’industrialisation. Ce chapitre de notre histoire<br />

est clos. La rigidité des espaces correspond aussi aux modèles<br />

organisationnels hiérarchiques et en silos. Nous entrons aujourd’hui<br />

dans l’ère de la transversalité et de l’agilité, avec des<br />

espaces flexibles et adaptés aux différentes séquences de l’activité<br />

humaine.»<br />

20% – 60% – 20%<br />

Le futuriste américain Rex Miller, auteur du livre The Healthy<br />

Workplace Nudge (voir ci-contre), assure lui aussi que le travail<br />

post-pandémie sera hybride. Via Zoom depuis Fort Worth<br />

au Texas, il avance: «Demain, nous travaillerons à 20% depuis<br />

le bureau, à 60% de manière hybride et à 20% en Home Office.»<br />

La partie hybride inclut les espaces de coworking et le<br />

travail mobile, depuis les transports publics ou les cafés/restaurants.<br />

Dit autrement, le travail est désormais considéré comme une<br />

activité et non un lieu où l’on se rend. Demain, chaque collaborateur<br />

pourra choisir d’où il ou elle souhaite accomplir ses<br />

tâches. Et ce lieu dépendra des différentes séquences d’une<br />

journée de travail et des impératifs privés de l’employé.<br />

Espaces de coworking<br />

En Suisse romande, on compte aujourd’hui pas moins de 150<br />

espaces de coworking. Une offre qui a explosé ces quinze dernières<br />

années. Les grands acteurs sont IWG (ex-Régus) et The<br />

Impact Hub Company en Europe, WeWork aux Etats-Unis et<br />

une multitude de petits acteurs locaux. L’avantage de ces espaces<br />

est d’offrir une palette de services (restauration, café,<br />

imprimante, salles de réunion) et la fertilisation des affaires<br />

grâce aux échanges entre les start-ups et freelancers qui y<br />

travaillent. Par ailleurs, pour augmenter leurs revenus, de plus<br />

en plus d’entreprises et de cafés/restaurants transforment une<br />

partie de leurs locaux en espaces de coworking. Selon une<br />

étude citée par Chris Kane, 30% de la force de travail va opérer<br />

depuis ces lieux en 2025.<br />

S’adapter à l’humain<br />

À l’avenir, les espaces de travail devront répondre aux besoins<br />

des collaborateurs en termes de contact social et de travail<br />

collaboratif, poursuit Chris Kane. «Et il n’y aura pas une taille<br />

pour tous. Chaque entreprise va créer son propre modèle. Le<br />

secteur immobilier a pris l’habitude de nous imposer ses formats.<br />

Ce temps est révolu. Les investisseurs et les propriétaires<br />

de ces bâtiments vont devoir tenir compte des besoins des utilisateurs.<br />

Dorénavant, c’est l’espace qui s’adaptera à l’humain<br />

et non l’inverse», estime le spécialiste.<br />

Activité, agilité et porosité<br />

Les espaces de travail «nouvelle génération» devront donc être<br />

conçus en tenant compte de plusieurs facteurs. En premier<br />

lieu: l’activité. Selon Rex Miller, une journée de travail se divise<br />

en quatre séquences: un travail de routine (emails, tâches répétitives);<br />

un travail de concentration (rédaction d’un rapport,<br />

problème complexe à résoudre); des moments de repos (silence,<br />

pause) et un temps de distraction (échanges informels<br />

autour de la machine à café ou du babyfoot). Les espaces<br />

doivent refléter ces différentes séquences.<br />

18<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

iStockphoto<br />

L’effet domino et le rôle du manager<br />

Soigner la qualité des bâtiments n’est qu’un maillon dans une<br />

chaîne de causes à effet bien plus large. Le rôle du manager reste<br />

déterminant, s’accordent les deux consultants.<br />

Rex Miller: «Le rôle du manager est primordial. Cela commence par<br />

l’exemplarité. Ils doivent impérativement prendre soin d’euxmêmes.<br />

Les collaborateurs sentent quand un manager est stressé.<br />

Inutile donc de recommander à vos employés de respecter les horaires<br />

si vous travaillez tard le soir et pendant les week-ends. Un<br />

leader stressé va créer une culture de l’anxiété.»<br />

Chris Kane: «Dans ce nouveau contexte, le rôle du manager change.<br />

Il doit penser et agir en termes de réseaux. Les organisations sont en<br />

train d’être démocratisées. Ce sont les collaborateurs qui vont dicter<br />

l’agenda en termes d’organisation du travail. Ce nouveau rapport<br />

aux espaces change la posture du manager. Il devient conseiller,<br />

coach et accompagne ses équipes dans leurs activités.»<br />

Illustration: Michael Lagocki, publiée dans The Healthy Workplace Nudge<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 19


Dossier Espaces de travail<br />

Le deuxième ingrédient est la flexibilité. Aujourd’hui,<br />

la complexité et l’adaptation permanente<br />

aux besoins des clients exigent plus d’agilité<br />

dans l’organisation du travail. Les structures<br />

hiérarchiques et les silos laissent progressivement<br />

la place à des organisations intégrées et<br />

transversales. Cette nouvelle manière de travailler<br />

exige des espaces flexibles, voire modulables<br />

selon l’activité.<br />

Troisième changement qui impacte le design de<br />

ces espaces: la montée des nouvelles formes<br />

d’emploi. Collaborateurs à temps partiel ou en<br />

jobsharing, travailleurs temporaires, freelancers<br />

et consultants rendent les frontières de l’entreprise<br />

plus poreuses. Le noyau de collaborateurs<br />

fixes a tendance à se réduire alors que grandit un<br />

essaim d’externes autour de l’organisation qu’il<br />

faut pouvoir accueillir le temps d’un projet.<br />

Culture d’entreprise<br />

L’autre enjeu sera l’impact de ces transformations<br />

sur la culture d’entreprise. Selon Rex Miller, la<br />

culture est ce qui se passe dans votre entreprise<br />

quand vous n’y êtes pas. Quelles seront les valeurs<br />

de l’après-crise? «Le respect sans doute. Dans mon<br />

livre, j’avance l’idée que nous allons passer d’une<br />

culture du push, décidée par la direction, vers une<br />

culture du pull, imaginée par les parties prenantes<br />

de l’organisation. Les questions de sécurité informatique<br />

vont monter en puissance. Je vois aussi<br />

des arbitrages à faire en termes de sécurité versus<br />

liberté. Le marché des applications RH est en plein<br />

boom, avec une série d’outils qui permettent de<br />

monitorer la santé des collaborateurs. Mais cette<br />

technologie empiète sur nos vies privées. Ces<br />

questions vont préoccuper les RH de demain.»<br />

Bâtiments sains<br />

Demain, il faudra aussi proposer des espaces de<br />

travail attractifs et sains, afin d’encourager les<br />

collaborateurs à y venir. Dans un livre paru en<br />

2020 sur la santé des bâtiments, deux chercheurs<br />

américains de Harvard, Joseph G. Allen et<br />

John D. Macomber (voir la référence ci-contre)<br />

rappellent que nous passons 90% de nos vies à<br />

l’intérieur. La qualité des bâtiments a donc un<br />

impact fort sur notre santé. Les deux auteurs<br />

passent en revue les ingrédients d’un espace de<br />

travail sain: qualité de l’air et de l’eau; bonne<br />

acoustique et protection contre les nuisances sonores;<br />

lumière naturelle en abondance; limiter la<br />

poussière et les moisissures et respecter les règles<br />

de santé & sécurité au travail.<br />

Rex Miller consacre plusieurs chapitres à ces enjeux<br />

de santé au travail. Il montre que ce sont les<br />

maladies chroniques (problèmes cardio-vasculaires<br />

et respiratoires, diabète de type 2 et cancers)<br />

qui nuisent le plus à la santé. Or diminuer<br />

ces risques est difficile, puisqu’il faut changer les<br />

comportements (plus d’activité physique, meilleure<br />

alimentation, limiter la consommation<br />

d’alcool/drogue/tabac et baisser le stress au travail).<br />

Rex Miller critique également les programmes<br />

de wellness (abonnement au fitness,<br />

panier de fruits et autres massages) qui n’intéressent<br />

que 15% des collaborateurs. Pour toucher<br />

l’ensemble du personnel, il recommande de<br />

soigner la qualité des bâtiments (comme indiqué<br />

ci-dessus). Chaises, tables ergonomiques et alimentation<br />

saine doivent aussi figurer au menu.<br />

Par défaut<br />

Ces prestations devraient être proposées par défaut,<br />

insiste-t-il. Chez Google, les M&M’s et les<br />

chips sont dissimulés alors que les fruits et les<br />

boissons sans sucre sont à portée de main. Les<br />

ascenseurs devraient également être plus difficiles<br />

d’accès alors que l’escalier sera placé à l’entrée<br />

principale. Rex Miller conseille également de<br />

se focaliser sur les points de frictions de l’organisation:<br />

le parking, le hall d’entrée, le coin café et<br />

la place de travail. Il explique: «C’est en soignant<br />

ces étapes-clés du parcours du collaborateur<br />

dans l’entreprise que l’on peut lui offrir la meilleure<br />

expérience. Les hôtels de luxe l’ont compris<br />

depuis longtemps. Or ce sentiment agréable réduit<br />

le stress. Et nous savons que l’accumulation<br />

du stress durant la journée provoque des habitudes<br />

de compensation le soir.»<br />

Mobilité et écosystème<br />

La transformation des espaces de travail répond<br />

également à des enjeux de mobilité. L’urbanisation<br />

galopante de nos sociétés engorge les zones<br />

périurbaines aux heures de pointe. En Inde, on<br />

estime que 400 millions de personnes iront s’établir<br />

en ville d’ici à 2050. Or pourquoi passer deux<br />

heures dans les bouchons tous les jours si vous<br />

pouvez l’éviter? La tendance actuelle – qui semble<br />

s’accélérer depuis la crise de 2020 – est de décentraliser<br />

les bureaux. Au lieu d’un grand site de<br />

500 à 1000 personnes, certaines entreprises (Romande<br />

Energie par exemple, lire en pp. 22) proposent<br />

plusieurs petits hubs de 50 à 100 personnes.<br />

C’est aussi une manière de se rapprocher<br />

de leurs clients.<br />

Trois livres<br />

Visionnez des comptes-rendus vidéo des livres ci-contre sur: hrtoday.ch<br />

Joseph G. Allen & John D. Macomber:<br />

Healthy Buildings<br />

éd. Harvard University Press, 2020, 292 pages<br />

Rex Miller, Phillip Williams et Michael<br />

O’Neil: The Healthy Workplace Nudge<br />

éd. Wiley, 2018, 296 pages<br />

Chris Kane (en collaboration avec Eugenia<br />

Anastassiou): Where is my office?<br />

éd. Bloomsbury, 2020, 262 pages<br />

20<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

L’autre tendance de fond est d’implanter les bureaux<br />

dans un écosystème plus large, avec des<br />

commerces, des salles de fitness, des restaurants<br />

et des lieux culturels. C’est notamment la voie<br />

choisie par le géant Microsoft qui va inaugurer<br />

ses nouveaux locaux en automne 20<strong>21</strong> à Zurich.<br />

L’entreprise de vente en ligne QoQa s’en est également<br />

inspirée pour son nouveau siège à Bussigny<br />

(canton de Vaud). Prévu pour 20<strong>21</strong>, ce hub<br />

de 9000 m2 devrait accueillir d’autres start-ups<br />

et PME de la région, soit l’équivalent de 400<br />

places de travail.<br />

Loyers et investissements<br />

Construire des espaces de travail flexibles et sains<br />

implique un surcoût de 1 à 2%, estime Rex Miller.<br />

En échange, les propriétaires peuvent exiger une<br />

hausse de loyer de 10%. Ce calcul tient compte de<br />

la hausse de productivité induite par ces nouveaux<br />

espaces de travail. Joseph G. Allen et John<br />

D. Macomber citent quant à eux la règle du 3-30-<br />

300. Comme la masse salariale est la plus grande<br />

charge des entreprises, investir sur les bâtiments<br />

est un levier peu coûteux, argumentent-ils. Pour<br />

300 francs de salaire annuel, l’entreprise paie 30<br />

francs de loyer et 3 francs de frais fixe (chauffage,<br />

électricité, eau). À noter aussi que 40% des énergies<br />

fossiles consommées dans le monde le sont<br />

dans les bâtiments. Construire ou rénover ses locaux<br />

commerciaux avec des matériaux propres<br />

et aux dernières normes environnementales est<br />

donc un puissant levier en termes de développement<br />

durable. <br />

■<br />

Document à télécharger<br />

Rex Miller offre aux lectrices et lecteurs<br />

de <strong>HR</strong> <strong>Today</strong> un document de 76 pages<br />

en anglais sur les stratégies pour reconstruire<br />

une culture saine post-pandémie.<br />

by REX MILLER, co-author JEFF JERNIGAN<br />

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<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> <strong>21</strong>


Dossier Espaces de travail<br />

«Un bon compromis entre<br />

Home Office et travail plus local»<br />

La pandémie a accéléré la reconfiguration des espaces de travail. Désormais,<br />

les collaborateurs souhaitent choisir entre le Home Office, le bureau et les espaces<br />

de coworking. Trois experts analysent ces changements.<br />

Interview: Marc Benninger<br />

Quels seront les impacts durables de la pandémie<br />

sur l’utilisation des espaces de travail?<br />

Clark Elliott: À l’avenir, les bureaux tiendront<br />

mieux compte des besoins des collaborateurs en<br />

leur offrant plus de flexibilité et d’autonomie. Ce<br />

seront des solutions hybrides. Je ne crois pas au<br />

retour au bureau à 100% post-pandémie. L’occupation<br />

des espaces dépendra de l’activité. Les<br />

mots clés sont «choix» et «flexibilité». Je dirige<br />

actuellement un projet à Zurich pour l’une des<br />

cinq grandes entreprises technologiques mondiales.<br />

Ils vont clairement dans cette direction.<br />

Dorénavant, les bureaux physiques seront utilisés<br />

pour rencontrer les clients, animer des ateliers<br />

de brainstorming et développer la cohésion<br />

sociale de l’organisation.<br />

Paula Nestea: La pandémie change complètement<br />

la manière d’utiliser les espaces. Cette évolution<br />

est positive, car elle remet l’humain au centre,<br />

avec plus d’autonomie et de flexibilité choisie.<br />

Mais il y a aussi des aspects négatifs. Certaines<br />

personnes vivent très mal cette rupture et<br />

souffrent d’isolement. C’est difficile pour une entreprise<br />

de combler ce manque de contacts sociaux<br />

sans être perçue comme paternaliste ou<br />

intrusive. Nous n’avons pas encore de solutions<br />

aujourd’hui.<br />

Grégory Barthes: La pandémie nous a fait gagner<br />

plusieurs années sur l’expérimentation des nouveaux<br />

modes de travail. Elle a permis d’étendre le<br />

télétravail à grande échelle. Mais elle a aussi révélé<br />

ses limites. Pour les collaborateurs qui se<br />

connaissaient avant la pandémie, cela a plutôt<br />

bien fonctionné. Ils avaient leur réseau interne et<br />

pouvaient se demander de l’aide en cas de problème.<br />

La situation a été plus difficile pour les<br />

nouveaux arrivants, qui ont dû trouver un<br />

rythme sans ce lien social et sans pouvoir s’imprégner<br />

de la culture d’entreprise. Il va falloir<br />

retrouver un équilibre entre les avantages<br />

qu’offre le télétravail et les risques en termes<br />

d’isolement et de perte de culture.<br />

Comment le secteur immobilier commercial serat-il<br />

impacté par ces nouvelles pratiques?<br />

CE: Cela va dépendre des secteurs d’activité. Dans<br />

la banque par exemple, le retour au bureau sera<br />

encouragé pour des raisons de compliance. À<br />

l’autre extrême, certaines entreprises – comme<br />

Twitter – réfléchissent à créer des organisations<br />

100% virtuelles. Entre ces deux, j’observe deux<br />

modèles. Le premier maintient le bureau physique<br />

comme un lieu de rencontres régulières,<br />

avec l’option de travailler à domicile. L’autre modèle<br />

sera centré sur le Home Office, avec certaines<br />

activités dans les locaux commerciaux.<br />

«Dorénavant, les bureaux physiques<br />

seront utilisés pour<br />

rencontrer les clients, animer<br />

des ateliers de brainstorming<br />

et développer la cohésion sociale<br />

de l’organisation.»<br />

Clark Elliott<br />

Avec quel impact sur le marché de l’immobilier<br />

commercial?<br />

CE: Difficile à dire. Plusieurs de mes clients qui<br />

planifiaient d’emménager dans de nouveaux locaux<br />

ont décidé de réduire ces espaces de moitié<br />

depuis mai 2020. Ils se sont rendus à l’évidence<br />

que la plupart de leurs collaborateurs travaillent<br />

depuis la maison sans difficulté. C’est aussi une<br />

manière de réduire les coûts. Le bureau physique<br />

devient un lieu de rencontre pour les projets créatifs<br />

par exemple.<br />

PN: Oui, la créativité nécessite de se retrouver au<br />

bureau. Cela dit, selon une étude réalisée par la<br />

HEIG-VD*, si 6 personnes sur 10 assurent que la<br />

22<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

Photos: Olivier Vogelsang / disvoir.net pour <strong>HR</strong> <strong>Today</strong><br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 23


Dossier Espaces de travail<br />

Entre le bureau, les espaces de coworking et le<br />

travail mobile, quelle est votre vision des espaces<br />

de travail hybrides de demain?<br />

CE: Selon plusieurs études menées par l’Advanced<br />

Workplace Associates**, en collaboration<br />

avec le Center for Evidence-Based Management<br />

(CEBMa) aux Pays-Bas, six facteurs sont primordiaux<br />

pour que ces espaces de travail répondent<br />

aux besoins des collaborateurs. Le premier est la<br />

confiance. Le 2e est la cohésion sociale. En trois:<br />

la clarté de la vision. En quatre: savoir qui appeler<br />

pour avoir des renseignements. En cinq: la perception<br />

du soutien du supérieur hiérarchique. Et<br />

en six: la capacité des équipes à dépasser les frontières<br />

de l’organisation pour rechercher des informations<br />

et des ressources auprès des autres.<br />

PN: Notre étude corrobore tout à fait vos résultats.<br />

À la question: quels sont les ingrédients indispensables<br />

pour réussir le télétravail? Le mot<br />

qui est revenu le plus souvent est la confiance.<br />

Dans cette nouvelle configuration des espaces,<br />

prendre des nouvelles régulièrement et de manière<br />

brève est également déterminant.<br />

majorité de leurs tâches peuvent être effectuées<br />

en télétravail, elles ne souhaitent pas pour autant<br />

renoncer à venir au bureau. Elles expriment leur<br />

difficulté à travailler uniquement à domicile.<br />

À terme, combien de jours par semaine va-t-on<br />

travailler en Home Office?<br />

PN: La plupart des sondés souhaitent venir au<br />

bureau au moins deux jours par semaine. En plus<br />

de la créativité, ils ont exprimé le besoin de partager<br />

avec les collègues. Cette difficulté à construire<br />

de nouvelles relations est nettement ressortie de<br />

notre étude. L’acquisition de nouveaux clients est<br />

également plus compliquée en Home Office. La<br />

coordination des projets avec les partenaires externes<br />

et les clients est plus compliquée également.<br />

GB: Chez Romande Energie, nous constatons une<br />

diminution de nos besoins en termes de grands<br />

espaces de travail pour 300 à 400 personnes au<br />

même endroit par exemple. En parallèle, ce sont<br />

les petits sites qui se démocratisent, avec une cinquantaine,<br />

voire une centaine de personnes. Depuis<br />

la crise, les collaborateurs ont trouvé un bon<br />

compromis entre le Home Office et le travail plus<br />

local, où règne un esprit d’équipe fort et moins de<br />

longs déplacements. Cela nous pose quelques défis<br />

logistiques afin que ces sites puissent offrir la<br />

même qualité de vie qu’au siège. Mais ces nouvelles<br />

antennes régionales nous permettent également<br />

de nous rapprocher de nos clients.<br />

«Cette reconfiguration des espaces<br />

va surtout mettre à l’épreuve<br />

le manager de proximité, celui qui<br />

s’assure que le travail est bien fait.»<br />

Paula Nestea<br />

Cette confiance accordée est surtout l’affaire des<br />

managers?<br />

PN: Oui. Avoir confiance implique de rompre<br />

avec la posture du contrôle. À mon avis, cela fait<br />

dix ans que le télétravail aurait dû se généraliser.<br />

Les outils sont là depuis longtemps. L’obstacle<br />

principal a été de croire que seule la présence<br />

physique permettait le contrôle, ce qui a par ailleurs<br />

pu causer par endroits du présentéisme. Or,<br />

depuis une année, les managers n’ont plus le<br />

choix. Ils doivent faire confiance.<br />

GB: 100% d’accord. La confiance est essentielle.<br />

Nous travaillons aussi sur les outils. L’idée est de<br />

permettre à chaque collaborateur de travailler<br />

depuis n’importe où. Le téléphone et l’email ne<br />

posent pas de problème, les collaborateurs y ont<br />

accès. Par contre, si vous souhaitez utiliser un<br />

whiteboard Miro par exemple, il faudra s’assurer<br />

que tout le monde soit derrière un ordinateur. Si<br />

vous accrochez des reportings au mur, vous devrez<br />

trouver des alternatives pour les personnes<br />

qui sont à distance. Il faut donc mettre en place<br />

les outils afin de réduire le plus possible le décalage<br />

entre ceux qui sont au bureau et ceux qui<br />

sont à l’extérieur. Chacun-e doit avoir accès aux<br />

mêmes informations et vivre la même expérience.<br />

Ce sont donc surtout des Softwares à mettre en<br />

place?<br />

GB: Pas uniquement. Nous essayons également<br />

de digitaliser certains échanges informels, avec<br />

par exemple des «cafés-virtuels». Dans notre service<br />

RH, nous proposons aux collaborateurs de<br />

partager chaque semaine trente minutes<br />

d’échanges informels afin de garder le contact et<br />

entretenir l’esprit d’équipe. Cette interaction sociale<br />

est essentielle.<br />

24<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

Vous n’avez pas parlé des espaces de coworking<br />

et du travail mobile…<br />

CE: Oui, ces possibilités doivent également être<br />

au menu. Et comme le dit Grégory Barthes, les<br />

outils technologiques sont indispensables pour<br />

assurer ce choix. La difficulté est de séparer le<br />

professionnel du privé. Que vous soyez à la maison<br />

ou au bureau, vous devez pouvoir passer<br />

d’un espace à un autre selon vos activités. Cela<br />

implique de la discipline. Et concernant la<br />

pause-café, c’est très juste. Ces moments informels<br />

sont riches en créativité. Les innovateurs de<br />

Procter & Gamble ont développé plusieurs nouveaux<br />

produits autour de la machine à café.<br />

Quels sont les ingrédients d’un espace de travail<br />

sain?<br />

CE: Le principe est de prévoir des espaces adaptés<br />

aux différentes séquences d’une journée de travail:<br />

un travail de routine, de concentration, des<br />

moments de distraction et de repos.<br />

PN: Notre étude montre qu’en Home Office, les<br />

collaborateurs manquent souvent d’une bonne<br />

chaise de bureau et d’un deuxième écran.<br />

«Il faut mettre en place les outils<br />

afin de réduire le plus possible<br />

le décalage entre ceux qui sont<br />

au bureau et ceux qui sont<br />

à l‘extérieur.»<br />

Grégory Barthes<br />

GB: Le changement de paradigme est fondamental.<br />

Avant, venir au bureau était un passage obligé,<br />

c’est là que se trouvaient les ordinateurs et les<br />

accès au réseau. Aujourd’hui, il faut donner envie<br />

aux collaborateurs d’y venir, d’où l’intérêt de<br />

créer des espaces qui sont attractifs. Au-delà des<br />

aspects techniques, il faut réguler la température,<br />

l’acoustique, prévoir quelques plantes<br />

vertes, suffisamment de lumière naturelle et des<br />

zones de convivialité par exemple.<br />

CE: Je travaille en ce moment sur un projet à<br />

Boudry (canton de Neuchâtel), dans une grande<br />

entreprise technologique. Nous avons demandé<br />

aux employés de nous parler de leur activité et de<br />

leurs envies pour le travail post-pandémie. Ils<br />

souhaitent venir au bureau deux à trois jours par<br />

semaine seulement. Pour les attirer, nous allons<br />

proposer un environnement de travail dynamique<br />

avec la présence d’un barista et un très<br />

bon café. Ils ont également demandé des snacks<br />

sains et des fruits. En parallèle, la direction a décidé<br />

d’introduire plus d’agilité dans l’organisation<br />

du travail.<br />

PN: Cette amélioration des espaces est très importante.<br />

Durant la pandémie, le télétravail a été<br />

imposé. Les collaborateurs doivent pouvoir choisir<br />

où et comment ils souhaitent travailler.<br />

Les experts parlent d’un surcoût de 1% dans<br />

l’aménagement de ces espaces de travail. Juste?<br />

CE: Oui. Par rapport aux salaires, ce surcoût est<br />

minime. C’est un investissement dans le bien-être<br />

des collaborateurs, avec des retombées importantes<br />

en termes de productivité.<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 25


Les intervenants<br />

Grégory Barthes (à g.) est responsable des projets stratégiques RH chez Romande Energie depuis<br />

4 ans. Il a notamment supervisé le projet de transformation des espaces de travail<br />

et des outils technologiques de l’entreprise. www.romande-energie.ch<br />

Paula Nestea est collaboratrice scientifique à la HES-SO, HEIG-VD. Licenciée en philosophie et<br />

en gestion d’entreprise (HEC Montréal), elle a effectué son doctorat à l’Université de Grenoble<br />

sur les démarches de prévention des risques psycho-sociaux. www.heig-vd.ch<br />

Clark Elliott est conseiller en stratégie d’environnements de travail depuis 1984. Il est psychologue<br />

et architecte de formation. www.clarkelliottconsulting.com<br />

Chez Romande Energie combien représente cet<br />

investissement?<br />

GB: Plusieurs millions de francs, qui ont été répartis<br />

sur trois années et trois sites. Après la rénovation<br />

complète du siège de Morges – qui fête ce mois<br />

ses 30 ans – nous avons également transformé<br />

notre site de Rolle et modernisé celui de Noville.<br />

Comment évolue le rôle du manager dans cette<br />

reconfiguration des espaces?<br />

CE: Le manager devient coach plutôt que contrôleur.<br />

Il doit stimuler l’engagement et donner le<br />

pouvoir de réussir. Un collaborateur ne doit plus<br />

être la victime de son environnement de travail.<br />

C’est ce choix offert qui est déterminant.<br />

PN: Selon notre étude, cette reconfiguration des<br />

espaces va surtout mettre à l’épreuve le manager<br />

de proximité, celui qui s’assure que le travail est<br />

bien fait. Il doit désormais adopter une posture de<br />

servant leadership, être en soutien et anticiper les<br />

besoins. L’avenir est tellement incertain que personne<br />

ne peut dire de quoi il sera fait. Le manager<br />

doit donc avoir de l’humilité et co-construire le<br />

futur avec ses équipes.<br />

GB: D’une posture de gardien du temple – premier<br />

arrivé et dernier à partir le soir – le manager-coach<br />

accompagne son équipe et s’assure qu’elle puisse<br />

avancer au mieux. S’il parvient à s’approprier<br />

cette nouvelle posture, il ou elle pourra se décharger<br />

de certaines tâches, en s’appuyant sur l’intelligence<br />

collective des équipes.<br />

■<br />

*Étude sur les leviers de l’efficacité dans le télétravail, par Paula<br />

Nestea, Güldem Karamustafa-Köse et Anna Lupina-Wegener,<br />

HES-SO, HEIG-VD, 2020.<br />

**Advanced Workplace Associates, collectif de consultants en<br />

transformation de l’environnement de travail et accompagnement<br />

du changement.<br />

26<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


RESEARCH<br />

«Le chômage structurel s‘accroît»<br />

von Rundstedt, société spécialisée dans la transition de carrière et l’outplacement lance une nouvelle<br />

édition dans la série d‘études «<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> Research» en collaboration avec <strong>HR</strong> <strong>Today</strong>. Anne Donou, Directrice<br />

en Suisse Romande, s’exprime sur le contexte et les tendances du marché du travail suisse.<br />

C’est la quatrième étude que vous<br />

menez avec <strong>HR</strong> <strong>Today</strong>. Quel est l’objectif<br />

en 20<strong>21</strong>?<br />

Anne Donou: Cette année, nous examinons de<br />

plus près les pratiques de licenciement des entreprises<br />

en Suisse. Nous souhaitons regarder<br />

comment les employeurs gèrent les licenciements<br />

et quelles sont les pratiques en cours.<br />

Nous aimerions également savoir dans quelle<br />

mesure ces pratiques ont été modifiées par les<br />

conditions difficiles du marché du travail actuel.<br />

Pourquoi ce sujet?<br />

Tout le monde parle de la pénurie des compétences.<br />

Malgré cela, les licenciements sont toujours<br />

d’actualité sur le marché du travail suisse.<br />

Les entreprises adaptent en permanence leur<br />

force de travail: les restructurations entraînent<br />

des licenciements, y compris les années où l’économie<br />

se porte bien. Cependant, en raison de l’impact<br />

économique négatif des mesures sanitaires<br />

prises pour lutter contre la COVID-19, la question<br />

des licenciements est encore plus d’actualité.<br />

Nous entendons d’une part parler de licenciements<br />

massifs (dans quelques secteurs directement<br />

concernés) et, d’autre part, on constate<br />

l’augmentation des licenciements individuels en<br />

marge de la COVID-19. Il est donc très intéressant<br />

d’examiner de plus près le comportement des employeurs<br />

suisses en matière de licenciement.<br />

Comment percevez-vous le marché du<br />

travail à l’heure actuelle?<br />

La demande de candidats sur le marché de l’emploi<br />

semble actuellement plus importante qu’attendue.<br />

L’utilisation massive du chômage partiel<br />

en Suisse permet de ne pas détruire les emplois et<br />

de maintenir les employés en poste même lorsqu’ils<br />

ne travaillent pas. Néanmoins, il y a beaucoup<br />

plus de licenciements que d’habitude. Parallèlement<br />

à cela, et contrairement à ce que l’on<br />

entend régulièrement, il y a actuellement des<br />

embauches et des créations d’emploi. La situation<br />

varie considérablement d’un secteur à<br />

l’autre. Tout bien considéré, le choc COVID-19 ne<br />

conduit pas automatiquement à une réduction<br />

ou à une destruction des emplois, mais bien à une<br />

accélération des changements structurels actuels<br />

liés à la transformation digitale.<br />

Quelles sont vos prévisions?<br />

La transformation digitale s’accélère et va continuer<br />

à accentuer la polarisation sur le marché<br />

de l’emploi. Cela signifie également que le chômage<br />

structurel va augmenter, car de plus en<br />

plus de personnes voient leur employabilité se<br />

détériorer. L’offensive sur la formation n’aura<br />

que peu d’impact sur cette tendance, à court<br />

terme. L’augmentation du chômage structurel<br />

n’est pas reflétée par les chiffres du chômage du<br />

SECO. Pour avoir une image plus précise, nous<br />

devons examiner le taux de pénurie de maind’œuvre.<br />

Ce pourcentage était en moyenne de<br />

11,8% en 2019 et de 12,5% en 2020. Je suis<br />

convaincue que le taux de pénurie de maind’œuvre<br />

augmentera à nouveau fortement en<br />

20<strong>21</strong>. La pénurie de travailleurs qualifiés s’accroît<br />

dans la même période, de nombreuses entreprises<br />

ayant de plus en plus de mal à trouver<br />

des profils spécialisés sur le marché.<br />

Di<br />

Participez à l‘enquête maintenant sur research.hrtoday.ch/fr<br />

Quelles sont les pratiques de licenciement en Suisse? Nous avons besoin de votre avis!<br />

Nous vous invitons de même que toute la<br />

communauté suisse des RH, à participer à<br />

l’enquête de von Rundstedt sur les «pratiques<br />

de licenciement en Suisse». Comment<br />

vivez-vous les licenciements dans<br />

votre organisation ou dans d’autres entreprises?<br />

Les résultats de l’enquête seront<br />

analysés à la fin de l’été et publiés<br />

dans <strong>HR</strong> <strong>Today</strong> en septembre 20<strong>21</strong>. Nous<br />

présenterons dans le numéro de mai des<br />

exemples concrets de pratiques de licenciement<br />

de différents employeurs. Le numéro<br />

de juillet donnera la parole aux<br />

employés qui ont été licenciés.<br />

Vers le sondage:<br />

À propos de nous<br />

von Rundstedt & Partner Suisse<br />

emploie environ 85 personnes et<br />

dispose de neuf bureaux dans<br />

toute la Suisse. von Rundstedt<br />

publie régulièrement des baromètres<br />

et réalise chaque année<br />

des études de marché et des projets<br />

de recherche sur le marché<br />

du travail suisse.<br />

rundstedt.ch<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 27


Dossier Espaces de travail<br />

Réorganisons nos modes<br />

de vie et de travail!<br />

Situation actuelle<br />

La société individualiste et consommatrice dans<br />

laquelle nous vivons aujourd’hui est gourmande<br />

en matériaux, en énergie et en espace. Nous savons<br />

aujourd’hui – souligné par la crise CO-<br />

VID-19 – qu’il est nécessaire de repenser nos modes<br />

de vie pour une transition écologique en<br />

concordance avec notre environnement.<br />

Bien que la situation que nous vivons actuellement<br />

nous positionne parfois dans une logique de<br />

télétravail forcé, celui-ci peut être perçu aussi<br />

comme une opportunité pour développer de nouveaux<br />

fonctionnements dans notre mode de travail.<br />

L’idée ici n’est pas de confondre confinement<br />

et télétravail, mais d’élargir les possibilités offertes<br />

par ce nouvel outil et réinventer un nouveau<br />

rapport au travail.<br />

Le télétravail, enviable?<br />

Comme énoncé plus haut, le télétravail n’est pas<br />

une finalité en soi mais un outil. Afin qu’il fonctionne<br />

et accompagne l’entreprise de manière<br />

efficiente, il est nécessaire qu’un substrat de<br />

confiance et de coopération soit établi au préalable<br />

entre les employé-es et employeurs/euses.<br />

La dématérialisation du travail peut alors apporter<br />

de nombreux bénéfices autant sociétaux<br />

qu’individuels, et ce notamment grâce à la mise<br />

en place de nouveaux équipements et fonctionnements<br />

qui soutiennent cette dernière.<br />

Espace de l’habitation<br />

Le télétravail nous amène dans un premier temps à nous questionner sur notre logement. Comment<br />

valoriser ces espaces d’habitation vacants 5/7 jours? Comment repenser la spatialité de notre sphère<br />

privée pour accueillir notre travail? Ces interrogations ne sont pas évidentes, car plus qu’une notion<br />

d’organisation de notre habitat, elles appellent un questionnement plus large sur la séparation entre<br />

la sphère personnelle et la sphère du travail. Bien que cette scission puisse nous sembler aujourd’hui<br />

nécessaire, la fusion de ces deux sphères peut nous amener un nouveau regard positif sur la place du<br />

travail dans notre quotidien. Il n’est plus une corvée, mais s’inscrit au même niveau qu’une autre<br />

activité qu’on ferait chez soi. Le télétravail peut permettre d’alléger certaines tâches et de percevoir le<br />

collaborateur/trice en tant qu’humain dans sa globalité plutôt que dans sa fonction d’employé-e.<br />

Pour répondre spatialement au télétravail, un réagencement à l’échelle de l’appartement est envisageable:<br />

déplacer certains meubles ou aménager un couloir de manière plus efficiente. Plus pertinent<br />

encore, des espaces communs destinés au co-working pourraient prendre place dans les immeubles.<br />

Ces salles communes pourraient accueillir les travailleurs/euses la semaine et les festivités des résident-es<br />

les week-ends. Ces nouveaux espaces offrent un gain de temps de déplacement, des nouvelles<br />

formes de partage entre voisin-es et une nouvelle convivialité au sein des immeubles.<br />

28<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

Espace public<br />

Le travail est fortement associé à une spatialité<br />

bien précise qui est celle du bureau. Pour autant,<br />

ne pouvons-nous pas imaginer sortir de ce cadre?<br />

À l’heure où la technologie nous permet d’emporter<br />

sous notre bras l’ensemble de nos projets<br />

et nos outils, profitons de cette avancée pour<br />

nous déplacer et installer notre bureau où bon<br />

nous semble. Réinjectons le travail dans les espaces<br />

publics, les cafés, les parcs, les musées…<br />

Rendons possible la flexibilité et la multifonctionnalité<br />

des espaces.<br />

Que fait-on des bureaux actuels?<br />

Toute cette flexibilité pose alors la question de savoir<br />

comment repenser nos bureaux actuels.<br />

Dans un premier temps, le gain d’espace pourrait<br />

être mis au service des employé-es en proposant<br />

des salles de détente, de sports etc. Ensuite, imaginons<br />

– plus globalement – une reconversion de<br />

ces espaces pour du logement, du commerce ou<br />

d’autres activités de loisirs afin de réinventer certaines<br />

zones de bureaux en quartier mixte. Il serait<br />

aussi possible d’envisager une démolition<br />

partielle de certains locaux devenus vacants afin<br />

de gagner de l’espace pour la création de parcs ou<br />

de plantations. Pour autant, certains bureaux seront<br />

sauvegardés, mais devront se réinventer<br />

pour maximiser l’utilisation de leurs surfaces. En<br />

créant des mutualisations, des pépinières d’entreprises<br />

pourront voir le jour. Ces dernières<br />

consistent à rassembler dans un même lieu différentes<br />

entreprises. Ces dernières sont ainsi amenées<br />

à partager leurs places de travail quand certains<br />

employé-es sont en télétravail ou absent-es,<br />

leur cuisine, leurs salles de séances etc. L’idée est<br />

de trouver des synergies entre les entreprises pour<br />

minimiser la consommation en espace, partager<br />

les coûts et gagner en lien et en créativité! ■<br />

Apaar_paysage et architecture<br />

Illustrations Irene Gil<br />

Le Hub<br />

Le Hub de co-working renvoie à un espace d’une certaine envergure pouvant accueillir des travailleurs/euses<br />

individuellement, mais également plusieurs collaborateurs/trices d’une même entreprise.<br />

Ils pourront faire office d’antennes de travail réparties sur le territoire. Ainsi, une même entreprise<br />

pourra avoir plusieurs antennes afin que les employé-es puissent travailler à proximité de chez eux.<br />

Cette dématérialisation du lieu de travail permet de réduire les surfaces des locaux fixes et d’offrir une<br />

plus grande flexibilité aux employé-es. Également, la mixité des corps de métiers se retrouvant dans<br />

les Hubs offre une opportunité d’échanges et de partage entre professionnel-les de différents domaines.<br />

Plus largement, la réalisation de ces Hubs au sein des différents quartiers offre un réel potentiel pour<br />

le déploiement de secteurs d’activités (commerces, restaurants, crèches…).<br />

Cette vision autour de l’organisation du<br />

travail a été élaborée dans le cadre du<br />

projet Contrée Ressources participant à<br />

la Consultation des visions prospectives<br />

pour le Grand Genève. Pour en savoir<br />

plus, consultez la vidéo<br />

du projet en tapant<br />

«apaar contrées<br />

ressources» sur YouTube.<br />

La bande apaar réunit des architectes,<br />

des urbanistes et architectes-paysagistes.<br />

Dans ses pratiques, elle explore les potentiels<br />

du territoire afin d’en faire<br />

émerger le meilleur et la nouveauté. Ceci<br />

dans le but de faire sens et de favoriser<br />

un avenir durable.<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 29


Dossier Espaces de travail<br />

Une culture managériale obsolète ralentit<br />

l’arrivée des New Ways of Working<br />

Le télétravail forcé lié au semi-confinement a révélé l’obsolescence des pratiques managériales<br />

basées sur le contrôle et le présentiel. De plus en plus, les collaboratrices et collaborateurs choisiront<br />

librement quand, où et comment réaliser leurs tâches.<br />

Texte: Yves Emery, David Giauque, Frédéric Cornu, Karine Renard, Université de Lausanne, IDHEAP<br />

Nouvelles manières de travailler, en anglais New<br />

Ways of Working (NWW), cela décrit un monde<br />

novateur et flexible où les collaboratrices et collaborateurs<br />

peuvent choisir librement quand, où et<br />

comment réaliser leurs tâches. Une idée en phase<br />

avec les conceptions modernes de l’organisation:<br />

holacratie et sociocratie semblent naturellement<br />

portées vers ces NWW, qui renvoient aux oubliettes<br />

le bureau personnel, l’horaire de travail<br />

8h-17h où tout le personnel est présent au même<br />

moment en un même lieu.<br />

Certains regrettent<br />

les Old Ways of Working<br />

Pas pour tous les métiers bien sûr, mais beaucoup<br />

de travailleuses et travailleurs du digital peuvent<br />

en bénéficier, équipés des dernières technologies<br />

du travail mobile. Le nomadisme digital est une<br />

aubaine pour beaucoup d’entre nous. Ceci dit, les<br />

recherches sur cette question indiquent que<br />

quelque 20% ne s’y retrouvent guère, préférant<br />

les old ways of working. On l’a vu d’ailleurs avec<br />

le télétravail forcé dû au semi-confinement: certaines<br />

personnes ont été «larguées», s’isolant de<br />

leur équipe et ne parvenant plus à être efficaces,<br />

alors que d’autres sont venues au bureau malgré<br />

les consignes des autorités. En particulier beaucoup<br />

de cadres, qui semblent percevoir le bureau<br />

comme le seul lieu permettant un exercice sérieux<br />

de leur fonction, tout en demandant à leur<br />

personnel de travailler à la maison.<br />

Dans ce contexte, un concept-clé émerge: le leadership<br />

à distance. Un défi de plus à relever par les<br />

cadres à tous les niveaux de la hiérarchie, mais<br />

tout particulièrement par les cadres de proximité,<br />

car cette dernière n’est plus – physiquement –<br />

possible. Les publications, rapports et conseils à<br />

ce sujet fleurissent à la faveur des pratiques de<br />

télétravail forcé. Comment procéder pour maintenir<br />

la motivation, le lien social, et la performance<br />

au travail? Et ceci, tout en protégeant la<br />

sphère privée des employé.e.s, qui est menacée<br />

par un travail omniprésent et potentiellement<br />

envahissant (et l’inverse est aussi vrai bien entendu:<br />

le travail menacé par les occupations privées…!).<br />

Parmi les suggestions les plus fréquentes:<br />

• fixer des objectifs précis liés à la réalisation du<br />

travail, ainsi que des délais, afin d’être en mesure<br />

d’apprécier ce qui a été fait à la maison.<br />

• Donner du feedback régulièrement, sur la base<br />

de points de situation convenus. S’assurer que<br />

les communications écrites (courriels…) sont<br />

claires et respectueuses, car il n’est pas possible<br />

«d’arrondir» le message comme on le fait<br />

par oral.<br />

• Prêter particulièrement attention, lors de la<br />

réalisation des tâches, au partage des connaissances<br />

et informations au travers des canaux<br />

virtuels qui, parfois, distordent l’information<br />

ou l’interprétation de cette dernière, conduisant<br />

à des incompréhensions potentiellement<br />

démotivantes pour le personnel.<br />

«Pour renforcer encore<br />

le contraste, de nombreux<br />

managers continuent à aller au<br />

bureau, alors que leurs<br />

subor donné.e.s sont en télétravail.<br />

Comme pour montrer que le travail<br />

sérieux demeure celui effectué<br />

dans les murs de l’organisation.»<br />

Yves Emery<br />

• Maintenir une forme de sociabilité, une «zoomciabilité»<br />

en quelque sorte, qui remplace la machine<br />

à café ou la salle de pause où l’on venait<br />

pour causer de tout et de rien (mais beaucoup du<br />

travail quand même, il faut l’avouer, et surtout<br />

des relations humaines). Ce afin de répondre aux<br />

besoins socio-émotionnels du personnel.<br />

• Prévoir des rencontres en live, même rares,<br />

pour redonner une once de normalité à un<br />

mode de fonctionnement qui est encore perçu<br />

comme exceptionnel.<br />

À y regarder de plus près, ces suggestions sont tout<br />

à la fois sensées et contradictoires. Les nouvelles<br />

pratiques NWW semblent en effet réveiller de<br />

vieux réflexes managériaux de contrôle du territoire<br />

et du pouvoir, que l’on croyait en voie de disparition<br />

dans les structures plates et fluidifiées que<br />

les entreprises modernes ont adoptées, ou rêvent<br />

d’introduire. En effet, on y perçoit l’importance<br />

qu’il convient d’accorder à la confiance, essentielle<br />

à toute forme de collaboration. Un thème<br />

d’ailleurs très en vogue à en juger par le nombre<br />

croissant de publications à ce sujet (Cohen, 2019).<br />

Mais le contrôle du travail effectué à distance, et<br />

donc de ce que fait la personne à la maison, est<br />

également très présent. Parfois même, les possibilités<br />

offertes par le tracking des activités effectuées<br />

sur l’ordinateur par les télétravailleuses et télétravailleurs<br />

sont utilisées, augmentant encore le<br />

contrôle à distance du personnel.<br />

Confiance vs contrôle du travail, deux faces inconciliables<br />

de l’activité de manager? «Vertrauen<br />

ist gut, Kontrolle is besser», une affirmation qui<br />

est souvent attribuée à Lenine, est assez révélatrice<br />

à ce sujet. Dans cet esprit, la confiance est<br />

perçue comme un ingrédient de sociabilité, nice<br />

to have en quelque sorte, alors que le contrôle<br />

reste le cœur de l’activité du ou de la manager,<br />

payé.e pour s’assurer que le travail des subordonné.e.s<br />

soit réalisé avec efficacité. Un des paradoxes<br />

centraux du management moderne?<br />

Retaylorisation du travail<br />

Dans la même veine, le travail à distance implique<br />

une autonomie augmentée pour le personnel,<br />

ainsi qu’une responsabilisation plus<br />

poussée permettant d’exploiter cette autonomie.<br />

Des concepts vieux de plus de 60 ans (job enrichment<br />

et empowerment) qui avaient été développés<br />

pour mettre fin à une taylorisation excessive<br />

du travail «en miettes» selon la formule du célèbre<br />

sociologue du travail Milton Friedmann.<br />

Mais les recommandations actuelles liées au télétravail<br />

incitent aussi à retayloriser le travail, à le<br />

découper en unités d’activités simplifiées et plus<br />

aisées à contrôler. Cherchez l’erreur… et relevez<br />

au passage un autre paradoxe, une autre injonction<br />

contradictoire adressée aux télétravailleurs<br />

et télétravailleuses.<br />

30<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Espaces de travail Dossier<br />

Congrès <strong>HR</strong> Sections Romandes<br />

Une large enquête sur les perceptions<br />

des cadres et salariés en lien avec le télétravail<br />

est actuellement en cours et dirigée<br />

par les auteurs de cet article. Si vous<br />

recevez une invitation à y participer,<br />

merci d’y donner une suite positive.<br />

iStockphoto<br />

David Giauque présentera les résultats le<br />

13 septembre 20<strong>21</strong> lors d’une visioconférence,<br />

dans le cadre du 10 ème Congrès <strong>HR</strong><br />

Sections Romandes intitulé: Société en<br />

mutation: Quels impacts sur la relation<br />

au travail? Lien: congres-romand.ch<br />

Vous l’aurez sans doute remarqué: dans certaines<br />

séances en présentiel, les personnes absentes<br />

semblent plus présentes que celles qui y<br />

participent, notamment lorsqu’elles ont communiqué<br />

toute une liste de points qu’elles souhaiteraient<br />

voir considérés, points qui focalisent les<br />

discussions. Une certaine analogie avec le ou la<br />

manager à distance peut être constatée: la hiérarchie<br />

n’est plus sur place, mais elle semble plus<br />

présente que jamais… s’efforçant malgré la distance<br />

de suivre au plus près le travail réalisé. Pour<br />

renforcer encore le contraste, de nombreux managers<br />

continuent à aller au bureau, alors que<br />

leurs subordonné.e.s sont en télétravail. Comme<br />

pour montrer que le travail sérieux demeure celui<br />

effectué dans les murs de l’organisation, un<br />

poste de contrôle faussement perçu comme<br />

panoptique, puisqu’en réalité, la présence physique<br />

à l’heure du digital n’est plus guère opérante…!<br />

Mais de voir la personne assise à son<br />

bureau, n’est-ce pas rassurant?<br />

Des managers désemparés<br />

A contrario, une autre partie des managers<br />

semble définitivement absente. Un scénario que<br />

«Les nouvelles pratiques NWW<br />

semblent en effet réveiller de vieux<br />

réflexes managériaux de contrôle<br />

du territoire et du pouvoir.»<br />

David Giauque<br />

l’on entend ici et là: ce n’est plus le personnel qui<br />

est largué, mais les cadres, désemparés face à une<br />

forme de travail à distance qui aurait pu être instaurée<br />

depuis longtemps. Et pourtant, l’encadrement<br />

intermédiaire reste d’une importance cruciale<br />

pour le bon fonctionnement des collectifs de<br />

travail. C’est que les NWW questionnent les fondements<br />

du travail d’encadrement, l’essence et la<br />

valeur ajoutée d’un rôle qui a pris naissance dans<br />

le creuset des organisations «modernes», qui remontent<br />

aux premiers arsenaux et manufactures<br />

royales des 17e et 18e siècles. Un rôle avant<br />

tout axé sur le contrôle hiérarchique des ouvriers<br />

et ouvrières, qui a perduré au fil du temps et<br />

semble réactivé par le télétravail.<br />

Il faut le dire: la culture managériale, plus que les<br />

obstacles objectifs ou imaginés, constitue le frein<br />

essentiel au développement des pratiques de<br />

NWW, dont le succès est avant tout basé sur un<br />

management par la confiance. Les NWW renforcent<br />

la nécessité d’un changement de paradigme<br />

managérial que les spécialistes ont annoncé<br />

et appellent de leurs vœux depuis des décennies<br />

et que certaines organisations (Semler,<br />

1993) ont mis en œuvre depuis longtemps. Faire<br />

confiance n’est pas une couche additionnelle enrobant<br />

les pratiques managériales de contrôle<br />

pour les rendre plus digestes: c’est le fondement<br />

de toute relation de travail, de toute collaboration<br />

et de toute responsabilisation porteuse de mobilisation.<br />

<br />

■<br />

Références<br />

Raphaël H. Cohen: Les leviers de l’engagement,<br />

éd. Eyrolles, Paris, 2019.<br />

Ricardo Semler: À contre-courant: Vivre l’entreprise<br />

la plus extraordinaire au monde, éd. Dunod, Paris, 1993<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 31


Dossier Espaces de travail<br />

À retenir de ce dossier<br />

La pandémie a changé notre rapport aux<br />

espaces de travail. Demain, les collaborateurs<br />

choisiront entre le bureau physique,<br />

le Home Office, les espaces de<br />

coworking et le travail mobile (depuis les<br />

transports publics ou les cafés/restaurants).<br />

Le travail est quelque chose que<br />

l’on fait, et non un endroit où l’on va.<br />

Rex Miller, futuriste et expert américain<br />

en espaces de travail, divise cette activité<br />

en quatre séquences: du travail de<br />

concentration (90 minutes); des tâches<br />

routinières (emails); des plages de distraction<br />

(autour de la machine à café) et<br />

des moments de repos (20 minutes). Les<br />

espaces de travail doivent refléter ces<br />

différentes séquences.<br />

La reconfiguration des espaces répond<br />

aussi à la transformation de l’organisation<br />

du travail. Le passage de l’analogue<br />

au digital démocratise l’accès à l’information,<br />

via le cloud et les smartphones.<br />

D’organisations en silos, les entreprises<br />

deviennent intégrées et transversales,<br />

plus agiles et flexibles. Les frontières de<br />

l’entreprise deviennent poreuses. Le<br />

noyau de salariés fixes se réduit et apparaît<br />

autour de ce noyau un essaim de<br />

travailleurs temporaires, freelancers et<br />

consultants, le temps d’un projet. Les espaces<br />

de travail deviennent donc hybrides<br />

et s’adaptent à cette nouvelle<br />

manière d’organiser le travail.<br />

Les espaces de coworking participent à<br />

ce modèle hybride. Selon certaines prévisions,<br />

30% de la force de travail opérera<br />

depuis un coworking d’ici à 2025. En<br />

Suisse romande, environ 150 espaces de<br />

travail partagé (le terme français) ont vu<br />

le jour ces 15 dernières années. De plus<br />

en plus d’entreprises et de cafés/restaurants<br />

transforment une partie de leurs<br />

locaux pour accueillir des freelancers.<br />

L’avantage de ces espaces est d’offrir un<br />

environnement qui stimule les affaires.<br />

Ces lieux répondent aussi à la montée<br />

des nouvelles formes d’emploi (temps<br />

partiels, jobsharing et freelancers) qui<br />

apprécient leurs services (cafés, salles de<br />

réunion, imprimante) et leurs réseaux.<br />

Pour rester attractifs, les bureaux physiques<br />

et les sièges sociaux doivent proposer<br />

un environnement de travail qui<br />

favorise le bien-être. Nous passons 90%<br />

de nos vies à l’intérieur. Parmi les ingrédients<br />

d’un bâtiment sain: la qualité de<br />

l’air et de l’eau; une bonne acoustique,<br />

peu de nuisances sonores; beaucoup de<br />

lumière naturelle; moins de poussière et<br />

de moisissures et le respect des règles de<br />

santé & sécurité. Ces bureaux seront localisés<br />

dans un écosystème plus large,<br />

avec des salles de fitness, des commerces<br />

et de la restauration. La tendance est de<br />

délocaliser ces lieux et de proposer plusieurs<br />

sites de 50 personnes au lieu d’un<br />

grand siège de 1000 personnes. Afin de<br />

limiter le temps passé dans les bouchons<br />

et de se rapprocher des clients.<br />

En termes d’investissements, construire<br />

un bâtiment sain et adapté aux besoins<br />

des collaborateurs implique un surcoût<br />

de 1 à 2%. En échange, les locataires seront<br />

d’accord de payer une prime de 10%<br />

de loyer. Le retour sur investissement se<br />

mesure en termes de productivité, de<br />

baisse de l’absentéisme et de marque<br />

employeur. Les experts avancent la règle<br />

du 3-30-300. Pour 3 francs investis en<br />

charges fixes par collaborateur (chauffage,<br />

électricité), l’entreprise paie 30<br />

francs de loyer et 300 francs de salaire.<br />

Construire des bâtiments sains permet<br />

aussi de réduire l’empreinte carbone.<br />

40% des énergies fossiles consommées<br />

dans le monde le sont dans les bâtiments.<br />

Le regard d’Albin Christen<br />

32<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


17.03.<strong>21</strong> 10:59<br />

L’atelier<br />

Droit et travail (page 34) • La rémunération dans une entreprise libérée (page 36) • Vu de loin, vu de près (page 42)<br />

L’étude<br />

Les politiques de diversité & inclusion font leur effet<br />

Nous mesurons la diversité dans notre entreprise<br />

Nous évaluons l’impact des mesures de diversité<br />

avec des enquêtes de satisfaction<br />

Nous disposons d’un Diversity and Inclusion<br />

Scorecard pour vérifier les mesures prises et<br />

l’atteinte des objectifs<br />

Nous comparons notre politique de diversité<br />

avec celles d’autres entreprises<br />

Nous avons mené un audit pour vérifier si les<br />

droits des différents groupes sont respectés<br />

Nous avons mené un audit pour vérifier si les<br />

droits des personnes LGBT sont respectés<br />

5%<br />

La gestion de la diversité et de l’inclusion fait désormais partie intégrante des dispositifs de<br />

gestion des plus grandes sociétés suisses, selon une récente étude* de la Haute Ecole spécialisée<br />

bernoise (BFH). 66% des employeurs affirment avoir mis en place une stratégie de diversité<br />

et d’inclusion. Une politique d’inclusion LGBT (Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender)<br />

et de mixité culturelle contribuent au succès de l’entreprise, assurent 85% des sondés. Environ<br />

60% d’entre eux pensent que les entreprises ayant implémenté une<br />

politique de diversité réussiront mieux que celles qui ne l’ont pas<br />

fait. Tout le monde s’accorde en revanche à dire que la diversité<br />

est un atout indéniable en termes de recrutement, surtout<br />

en période de pénurie. 75% des sondés pensent que les<br />

mesures prises pour garantir la diversité sont efficaces.<br />

Plus de la moitié des entreprises mesurent cette efficacité<br />

avec des statistiques du personnel et 40% le font via des<br />

enquêtes de satisfaction.<br />

18%<br />

16%<br />

26%<br />

40%<br />

Contexte<br />

53%<br />

Source: Haute École spécialisée bernoise<br />

*«L’étude «Diversity and Inclusion<br />

Management in der Schweiz<br />

2020» a été réalisée par la Haute<br />

Ecole spécialisée bernoise auprès<br />

de 38 entreprises de 200 employés<br />

et plus.<br />

3 questions à<br />

Marcel Hirsiger<br />

Marcel Hirsiger<br />

préside le Career Service<br />

Network Switzerland,<br />

réseau national<br />

des centres de carrière<br />

des universités<br />

et hautes écoles<br />

suisses. Il enseigne la<br />

gestion d’entreprise à<br />

la Haute école spécialisée<br />

du nord-ouest<br />

de la Suisse. En 2020,<br />

le réseau a mené une<br />

étude auprès de 8000<br />

étudiants pour cerner<br />

leurs attentes face au<br />

marché de l’emploi.<br />

Quel est le résultat marquant de votre étude?<br />

La nouvelle génération d’étudiants-es place<br />

la collaboration au sommet de ses valeurs.<br />

Pour eux, c’est le «réussir ensemble» qui<br />

prime désormais plutôt que le pouvoir hiérarchique.<br />

En termes d’attentes salariales, ils ont<br />

des idées très claires. Mais nous avons constaté<br />

une différence entre les hommes et les<br />

femmes dans ces attentes. Le Gender Pay Gap<br />

existe donc déjà dans les esprits des étudiants-es.<br />

Comment se renseignent-ils avant d’entrer<br />

dans le monde de l’entreprise?<br />

Notre enquête a montré un changement<br />

dans les manières de faire. Les échanges avec<br />

les paires comptent désormais plus que les<br />

rencontres avec les entreprises lors d’événements<br />

spécialisés, comme les Forums carrières.<br />

Ils parlent entre eux et évaluent la qualité<br />

de vie à l’intérieur des entreprises grâce à<br />

ce bouche-à-oreille. C’est nouveau.<br />

botisée des<br />

iste apparemment aucune étude<br />

de l’automatisation des processus<br />

rces humaines. L’acronyme APR<br />

étitives grâce à la création de roent<br />

des usagers. Il s’agit d’une<br />

rincipalement utilisée aujourd’hui<br />

surances et des départements fiploité<br />

pour les RH? La réponse est<br />

ntre dans ce dossier Frédéric Branouvelle<br />

dans le domaine des RH.<br />

rnir le mode d’emploi, mais propoes<br />

pratiques.<br />

ntrés d’informations spécifiques<br />

ion ressources humaines et de la<br />

ose d’approfondir un sujet donné.<br />

fois par an et sont disponibles en<br />

ine <strong>HR</strong> <strong>Today</strong>, le journal suisse des<br />

forme d’exemplaires individuels.<br />

8032 Zurich, www.almamedien.ch<br />

L’automatisation robotisée des processus et les RH Dossier <strong>HR</strong>M N o 61<br />

Dossier <strong>HR</strong>M<br />

Frédéric Bracher<br />

L’automatisation robotisée<br />

des processus et les RH<br />

N˚ 61<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong>/ALMA Medien AG<br />

iStockphoto<br />

Le Dossier N o 61<br />

L’automatisation robotisée<br />

des processus et les RH<br />

Ce dossier comble un manque: il n’existe apparemment aucune étude<br />

fondée en ce qui concerne l’application de l’automatisation des processus<br />

par la robotique (APR) dans les ressources humaines. L’APR est une approche<br />

assez nouvelle dans le domaine des RH. Ce Dossier <strong>HR</strong>M ne prétend<br />

pas en fournir le mode d’emploi, mais propose un fil rouge de questions et<br />

des bonnes pratiques.<br />

Comment allez-vous adapter vos prestations à<br />

la lumière de ces résultats?<br />

Nous réfléchissons à développer de nouveaux<br />

formats pour faciliter cette rencontre entre<br />

les jeunes diplômés et les entreprises, des<br />

plateformes en ligne par exemple. À noter<br />

que depuis 2020, nous nous sommes constitués<br />

en association et nous regroupons désormais<br />

toutes les universités et hautes écoles de<br />

Suisse. Les entreprises ont donc un seul interlocuteur<br />

pour rentrer en contact avec les<br />

centres de carrières sur un niveau national.<br />

csnch.ch<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 33


L’atelier Droit et travail<br />

Les embûches<br />

soulevées par le télétravail<br />

Comment le droit du travail régit le télétravail en Suisse? Tour de plusieurs points sensibles:<br />

horaires, enregistrement du temps de travail, protection de la santé, frais et confidentialité.<br />

Texte: Marianne Favre Moreillon<br />

Marianne Favre<br />

Moreillon, spécialisée<br />

en droit du travail, est<br />

directrice et<br />

fondatrice du cabinet<br />

juridique DroitActif à<br />

Lausanne.<br />

Lien: droitactif.ch<br />

En temps normal, la mise en place du télétravail dépend du bon<br />

vouloir de l’employeur. Dans le cadre de la crise du COVID-19,<br />

le télétravail a été fortement recommandé par les autorités<br />

dans le but de ralentir la propagation de la maladie. Depuis le<br />

18 janvier 20<strong>21</strong> jusqu’au 31 mars 20<strong>21</strong>, il a été rendu obligatoire<br />

pour autant que la nature de l’activité le permette et que<br />

cela soit possible, sans efforts disproportionnés.<br />

Horaires de travail<br />

Il arrive que l’employé se laisse aller à des horaires décousus<br />

et à rallonge quand il télétravaille. Il prend parfois une pause<br />

de midi disproportionnée ou en profite pour aller chercher ses<br />

enfants à l’école.<br />

L’employé doit respecter les horaires de travail fixés par<br />

l’employeur et les temps de repos et de pauses obligatoires prévus<br />

par la Loi sur le travail. Le travail le dimanche ou la nuit<br />

reste interdit, sauf autorisation des autorités cantonales compétentes.<br />

Le collaborateur doit être disponible durant les heures de<br />

bureau, pour effectuer son travail, appeler des clients ou<br />

d’autres collaborateurs.<br />

La durée maximale de la semaine de travail est de 45<br />

heures, sauf heures supplémentaires exigées par l’employeur.<br />

Le travail doit s’inscrire dans un intervalle maximum de 14<br />

heures, pauses incluses.<br />

Le temps de repos quotidien est de 11 heures entre chaque<br />

journée de travail. Le travail est interrompu par des pauses<br />

d’au moins 15 minutes si la journée dure plus de 5 heures et<br />

demie, 30 minutes si elle dure plus de 7 heures et une heure si<br />

elle dure plus de 9 heures.<br />

Il est ainsi interdit pour un employé de travailler tard le<br />

soir, le dimanche ou de ne pas prendre de pauses pour rattraper<br />

le temps libre qu’il s’est accordé durant les heures de travail.<br />

Enregistrement du temps de travail<br />

Afin de s’assurer que le collaborateur respecte les temps de<br />

repos et les pauses, l’employeur reste tenu d’enregistrer son<br />

temps de travail.<br />

L’employé pourra enregistrer son temps de travail par le<br />

biais d’une connexion à distance au système d’enregistrement<br />

du temps de travail de l’entreprise. À défaut, il est soumis à<br />

l’enregistrement systématique de ses heures de travail et devra<br />

tenir un décompte de ses heures de travail effectives, temps de<br />

repos et pauses égales ou supérieures à 30 minutes.<br />

Risques de burnout<br />

Le télétravail n’est pas sans risques pour la santé psychique<br />

des employés. Loin des collègues et supérieurs, les collaborateurs<br />

peuvent rapidement se sentir isolés. L’absence d’instructions<br />

et le bouleversement de l’organisation du travail induisent<br />

souvent une perte de repères pour l’employé.<br />

Noyé sous les dossiers avec des enfants à gérer, le collaborateur<br />

peut se retrouver surmené. Dans les cas graves, il peut<br />

avoir le sentiment d’être épuisé et incapable de faire face à ses<br />

obligations professionnelles. Il entre alors dans la spirale du<br />

burnout.<br />

Conformément aux articles 328 CO, 6 LTr et 82 LAA, l’employeur<br />

est tenu de prendre toutes les mesures pour atténuer<br />

les risques de burnout. Cette obligation vaut également pour<br />

le télétravail, même si ces mesures peuvent être plus difficiles<br />

à cerner et à mettre en place.<br />

L’organisation de réunions virtuelles, des contacts téléphoniques<br />

et des instructions claires peuvent contribuer à lutter<br />

contre le burnout. L’employeur doit impérativement s’assurer<br />

que ses collaborateurs respectent les temps de repos et de<br />

pause et qu’ils ne travaillent pas la nuit ou le dimanche.<br />

«L’employeur doit impérativement<br />

conclure une convention avec<br />

l’employé pour garantir la sécurité<br />

des données de l’entreprise.»<br />

Marianne Favre Moreillon<br />

Ergonomie<br />

Le télétravail n’est pas sans risque pour la santé physique du<br />

collaborateur. En effet, l’employé ne bénéficie pas toujours<br />

d’une chaise de bureau adéquate qui ménage son dos ou d’une<br />

pièce qui réponde aux normes de sécurité et d’hygiène fixées<br />

par l’Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail.<br />

L’employeur doit veiller à ce que les postes de travail soient<br />

ergonomiques et ne portent pas atteinte à la santé de l’employé.<br />

Cette obligation de veiller à la santé du collaborateur ne<br />

cesse pas en télétravail. L’employeur doit s’assurer qu’il dispose<br />

du matériel et du mobilier adéquats pour ne pas compromettre<br />

sa santé.<br />

Frais forfaitaires<br />

L’employeur doit rembourser à l’employé tous les frais liés à<br />

l’exécution du travail (art. 327a CO), notamment les frais de<br />

déplacement, de représentation et de repas d’affaires.<br />

Lorsque l’employé est amené à voyager régulièrement dans le<br />

cadre de son travail, il reçoit en règle générale une indemnité<br />

34<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Droit et travail L’atelier<br />

123rf.com<br />

forfaitaire pour ses frais de déplacement ou de<br />

représentation. Dans la mesure où il travaille à<br />

domicile, le collaborateur ne subit plus ces frais<br />

et n’a pas le droit à cette indemnité forfaitaire.<br />

Frais liés au télétravail<br />

En principe, le remboursement des frais professionnels<br />

est identique, que l’employé travaille<br />

au sein de l’entreprise ou à son domicile. Il présente<br />

toutefois des spécificités dans le cadre du<br />

télétravail.<br />

Lorsqu’il travaille à domicile, le collaborateur<br />

est amené à utiliser son ordinateur, sa<br />

connexion internet et consacrer une pièce de son<br />

logement au télétravail. Bien souvent, cela n’engendre<br />

pas de frais supplémentaires pour le collaborateur<br />

qui met simplement à disposition son<br />

matériel et sa connexion privés.<br />

L’employeur ne doit rembourser que les frais<br />

supplémentaires engendrés par le télétravail,<br />

tels que les frais d’appels à l’étranger, de papier<br />

ou d’encre pour l’imprimante.<br />

Conformément à la décision du Conseil fédéral<br />

du 13 janvier 20<strong>21</strong>, dans la mesure où le travail<br />

n’est une mesure que temporaire, l’employeur<br />

n’a aucune obligation de participer aux<br />

frais fixes que l’employé supporte habituellement,<br />

tels que les frais de loyer, d’abonnement<br />

internet ou de téléphone.<br />

Confidentialité<br />

Lors du télétravail, l’employé est amené à traiter<br />

des données de l’entreprise, de clients ou de fournisseurs<br />

à son domicile. Il existe un risque accru<br />

d’accès par des tiers non autorisés, de perte ou de<br />

vol des données.<br />

L’employeur doit impérativement conclure<br />

une convention avec l’employé pour garantir la<br />

sécurité des données de l’entreprise. Elle devra<br />

prévoir que ces données seront gardées dans une<br />

pièce fermée à clé et les données informatiques<br />

sécurisées par un mot de passe.<br />

n<br />

Surveillance du télétravail<br />

Pour faire face à la pandémie, il est primordial<br />

pour les entreprises de rester compétitives.<br />

Or, en télétravail, les employés ont<br />

parfois tendance à être distraits plus facilement<br />

ou à avoir de la peine à s’organiser.<br />

Face à ces risques, l’employeur est tenté<br />

de surveiller ses employés en télétravail par<br />

des moyens plus ou moins intrusifs. Ces systèmes<br />

de surveillance sont susceptibles de<br />

porter atteinte à la sphère privée de l’employé,<br />

qui peut rapidement se sentir épié<br />

ou constamment sous pression. L’employeur<br />

peut mettre en place une surveillance<br />

à des conditions strictes.<br />

Une surveillance peut être mise en place<br />

pour des motifs de sécurité, d’organisation<br />

ou de contrôle du rendement ou de la qualité<br />

du travail de l’employé. En revanche, il<br />

est interdit pour l’employeur de surveiller<br />

le comportement des employés à leur<br />

poste de travail.<br />

L’employé doit être informé qu’une surveillance<br />

est mise en place, de son but, du<br />

système choisi et des sanctions en cas<br />

d’abus. L’employeur doit choisir le moyen<br />

de contrôle le moins invasif possible.<br />

La surveillance de l’employé, par le biais<br />

d’une webcam, est interdite. L’installation<br />

d’un logiciel espion qui enregistre en<br />

temps réel les sites internet consultés ou le<br />

travail qu’il effectue est prohibée.<br />

En revanche, la comptabilisation du<br />

nombre de dossiers traités ou un système<br />

qui permet, ultérieurement, de vérifier que<br />

l’employé était connecté au serveur durant<br />

les heures de travail sont admissibles.<br />

Une surveillance dans le cadre du télétravail<br />

est difficile à mettre en place et risque<br />

de porter atteinte à la personnalité de<br />

l’employé. La reddition des comptes (art.<br />

3<strong>21</strong>b CO) offre une solution humaine,<br />

simple et adéquate.<br />

L’employeur pourra ainsi demander à<br />

l’employé de lui présenter, de manière<br />

hebdomadaire, tout ce qu’il a effectué<br />

dans le cadre de son travail. La reddition<br />

des comptes permet à l’employeur de pouvoir<br />

vérifier la qualité du travail de l’employé,<br />

sans risquer de porter atteinte à sa<br />

personnalité.<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 35


L’atelier Conseils pratiques<br />

La rémunération dans une<br />

entreprise auto-organisée<br />

Comment créer un système salarial qui ne soit pas basé sur une position hiérarchique? Chez<br />

Liip, nous avons développé notre propre système afin qu’il corresponde à nos valeurs ainsi<br />

qu’à notre structure organisationnelle agile et auto-organisée.<br />

Texte: Nadja Perroulaz<br />

Nadja Perroulaz<br />

a co-fondé Liip,<br />

agence suisse de<br />

développement web<br />

et mobile. Elle tient<br />

notamment le rôle<br />

de Lead Link des<br />

cercles People et<br />

Salary.<br />

Lorsque nous avons fondé Liip en 2007, nous recherchions un<br />

système de rémunération en phase avec nos valeurs et notre<br />

vision. Nous voulions donner plus d’importance aux expériences<br />

sociales, entrepreneuriales, et pratiques qu’aux diplômes.<br />

Ce système devait également être facilement applicable<br />

et évolutif. Les systèmes de rémunération existants sur le<br />

marché ne répondaient pas à nos besoins. Nous avons donc<br />

développé notre propre système, qui s’intègre dans une démarche<br />

globale de compensation.<br />

La transparence a depuis toujours été au cœur de nos préoccupations.<br />

Avec l’adoption d’Holacracy en 2016 (une méthode<br />

agile pour l’auto-organisation d’une entreprise), la<br />

transparence a été renforcée – notamment avec la définition<br />

de rôles et de processus précis ainsi que la distribution des<br />

responsabilités à tou·te·s. Notre système salarial devait lui<br />

aussi évoluer afin d’être aligné à cette nouvelle forme d’organisation<br />

dans laquelle il n’est pas possible de baser un salaire<br />

sur une position hiérarchique.<br />

Chacun·e connaissait jusqu’alors les critères et leur valeur<br />

ainsi que la règle de calcul pour la détermination de son propre<br />

salaire. C’est en 2018 que la valeur attribuée à chaque critère<br />

devient accessible à tou·te·s. Le système et les salaires étaient<br />

dorénavant parfaitement transparents.<br />

Tout le monde au sein de Liip<br />

sait qui gagne combien. De notre<br />

point de vue, une telle transparence<br />

n’est possible qu’avec un processus et<br />

des critères précis et auxquels tou·te·s<br />

les employé·e·s sont soumis de la<br />

même manière.<br />

D’une manière générale, nous visons<br />

à créer un système aussi équitable et<br />

objectif que possible. Aucune négociation<br />

n’est envisageable, ni avant, ni pendant ni après l’embauche.<br />

L’évaluation se fait sur la base de critères précis. Et,<br />

notre système est construit de telle manière à ce qu’aucune<br />

discrimination ne soit faite entre les types d’activité. Ni d’une<br />

autre manière d’ailleurs. Un·e développeur ou un·e Product<br />

Owner est évalué·e selon les mêmes critères. Il en résulte que<br />

le ratio entre le salaire le moins important et le plus important<br />

est de 2,5. Par ailleurs, nous offrons une gratification pour<br />

tou·te·s ou pour personne, en fonction de la performance de<br />

l’entreprise. Il n’y a pas de bonus individuel.<br />

Les mêmes critères pour tou·te·s<br />

Tou·te·s les employé·e·s sont évalué·e·s selon sept critères: la<br />

formation, l’expérience professionnelle, l’expertise, la loyauté,<br />

l’esprit d’équipe/la motivation, la communication ainsi que la<br />

prise de responsabilité/l’entreprenariat. Pour chaque critère,<br />

un nombre de points est attribué. Le nombre total de points<br />

obtenus correspond à un niveau de salaire selon une formule<br />

connue de tou·te·s les employé·e·s. À noter que certains critères<br />

sont pondérés davantage que d’autres afin de refléter nos<br />

valeurs. Par exemple, nous valorisons d’autant plus les expériences<br />

sociales, entrepreneuriales, et pratiques par rapport<br />

aux diplômes.<br />

L’étape suivante a été l’introduction<br />

de l’évaluation par les paires. Un·e<br />

employé·e chez Liip n’ayant pas de supérieur<br />

hiérarchique, l’évaluation du<br />

salaire par les collègues direct·e·s permet<br />

un alignement avec notre système<br />

organisationnel.<br />

36<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Conseils pratiques L’atelier<br />

aux employé·e·s. Le salaire est un des éléments de<br />

ce package au même titre que l’encouragement<br />

du temps partiel, l’aménagement flexible des horaires<br />

de travail, la prise en charge à 100% du<br />

congé maternité et d’un congé paternité de<br />

quatre semaines, le budget de formation personnel<br />

et annuel.<br />

Chacune de ces démarches a pour but de refléter<br />

au mieux nos valeurs ainsi que l’évolution des<br />

besoins des employé·e·s qui demandent de la<br />

flexibilité et de l’agilité.<br />

Lors du processus d’embauche, un·e spécialiste<br />

des ressources humaines (rôle <strong>HR</strong> Specialist) ainsi<br />

qu’un·e responsable de la détermination des<br />

salaires (rôle Salary Determiner) placent le·a<br />

candidat·e dans le système salarial. Cette première<br />

attribution des valeurs est toujours revue<br />

par une deuxième personne ayant le même rôle<br />

pour assurer l’évaluation la plus correcte et la<br />

plus équitable possible.<br />

Certains critères «hard facts», tel que le diplôme<br />

le plus élevé obtenu, sont en général plus faciles<br />

à noter que les «soft skills» plus difficiles à évaluer.<br />

C’est pourquoi l’évaluation par les collègues,<br />

qui a lieu la première fois à la fin de la période<br />

d’essai puis chaque année, est très importante<br />

pour une entreprise autogérée comme Liip.<br />

Une fois par an, chaque employé·e sélectionne<br />

plusieurs collègues pour évaluer son salaire. Ces<br />

collègues décident (et expliquent), pour chaque<br />

critère, si l’évaluation actuelle doit être maintenue<br />

ou placée à un niveau supérieur ou inférieur.<br />

Lors de la conférence annuelle des salaires, les<br />

points de salaire sont réévalués. Les décisions sur<br />

les adaptations salariales sont prises lors de cette<br />

conférence par le rôle Salary Determiner. À noter<br />

que ce rôle est attribué à une vingtaine d’employé·e·s<br />

de profils professionnels différents et<br />

répartis au sein des différents bureaux de<br />

l’agence. Le rôle Salary Determiner tient donc<br />

compte des résultats de l’évaluation des critères<br />

et du feedback faits par les collègues. Les quelque<br />

20 employé·e·s remplissant le rôle «Salary Determiner»<br />

assurent également l’égalité de traitement<br />

au travers de l’entreprise.<br />

Le processus<br />

1. Sélection des collègues (Peer selection)<br />

2. Validation (et modification) de la sélection<br />

des collègues par le rôle Salary Determiner<br />

(Peer selection validation)<br />

3. Évaluation par les collègues<br />

(Peer evaluations)<br />

4. Décision du rôle Salary Determiner<br />

(Salary update proposition)<br />

5. Conférence annuelle des salaires<br />

(Salary Conference)<br />

6. Évolution du salaire<br />

Une démarche globale<br />

Nous ne recherchions pas seulement à faire correspondre<br />

notre système de rémunération à nos<br />

valeurs, mais également nos conditions de travail<br />

ainsi que l’ensemble des présentations offertes<br />

Quelques apprentissages<br />

Le système salarial parfait n’existe pas. Aucun<br />

système de rémunération ne sera considéré<br />

comme équitable à 100% par tou·te·s les employé·e·s,<br />

mais les entreprises peuvent faire<br />

beaucoup pour le rendre plus compréhensible,<br />

transparent et équitable. De plus, nous sommes<br />

persuadé·e·s que le système de rémunération<br />

doit refléter les valeurs et la vision de l’entreprise,<br />

tout comme son mode de fonctionnement.<br />

Parce que la structure des entreprises évolue – les<br />

systèmes hiérarchiques s’aplatissent, les projets<br />

deviennent agiles pour ne citer que deux<br />

exemples – leur système salarial doit également<br />

progresser vers plus d’agilité afin d’incarner cette<br />

nouvelle dynamique. Adopter un système évolutif<br />

permet son amélioration, petit à petit.<br />

La rémunération est un sujet hautement émotionnel.<br />

La baser sur un ensemble de valeurs et de<br />

principes explicites aide à apaiser les discussions.<br />

De plus, une communication transparente et<br />

l’intégration des employé·e·s au processus<br />

d’adaptation soutiennent l’adhésion à un système<br />

salarial transparent et agile.<br />

L’évaluation par les collègues ne va pas de soi. Il<br />

est nécessaire d’investir dans le développement et<br />

la culture du feedback. Et n’oubliez pas que la<br />

rémunération n’est pas la seule façon de valoriser<br />

un·e employé·e. Il est important de l’intégrer<br />

dans une démarche globale d’avantages et de<br />

prestations. <br />

■<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 37


L’atelier Conseils pratiques<br />

Télétravail et gestion du temps:<br />

les avantages d’une bonne application<br />

Le suivi des heures des collaborateurs est une tâche régalienne de la fonction RH. Ce travail s’effectue<br />

de plus en plus grâce à des applications digitales. Ces outils ne résolvent pourtant pas tous les problèmes.<br />

Texte: Julien Crettaz<br />

Julien Crettaz est<br />

spécialiste de la gestion<br />

du temps et du<br />

conseil RH chez<br />

la société Gammadia<br />

à Lausanne (éditeur<br />

de tipee.ch, application<br />

RH et gestion<br />

du temps).<br />

La digitalisation est aujourd’hui indispensable au bon fonctionnement<br />

du télétravail. En particulier pour la gestion du<br />

temps et le suivi des heures des collaborateurs. De l’organisation<br />

des équipes, au suivi des soldes en passant par la saisie des<br />

heures, petit tour de ce que peut vous apporter une application<br />

spécifique. Et de ce qu’elle ne vous apportera pas.<br />

Organisation efficace et vue d’ensemble des<br />

équipes<br />

Une chaise vide ne veut plus dire «Vacances» ou «Maladie».<br />

Avec le travail à distance, comment savoir qui est censé travailler<br />

et qui est réellement absent? Un outil de planification<br />

efficace vous permettra d’avoir une vue d’ensemble sur les<br />

absences des uns et des autres. Les présences également pourront<br />

être détaillées en précisant qui est au bureau, à la maison<br />

ou encore à l’extérieur. Avec un outil en ligne, cette vue sera<br />

disponible pour toutes et tous, et la communication en sera<br />

optimisée.<br />

«Certains cantons, comme Vaud et Genève,<br />

invitent les employeurs à indiquer<br />

le nombre de jours de télétravail ou RHT<br />

sur le certificat de salaire, et cela<br />

rétroactivement depuis le début 2020.»<br />

Julien Crettaz<br />

précieux. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’une partie des<br />

équipes est en télétravail. Les heures des collaborateurs sont<br />

remontées directement et vous n’avez plus qu’à les valider.<br />

Moins de saisies veut dire moins d’erreurs. Les données étant<br />

centralisées et accessibles en temps réel, les différents rapports<br />

et statistiques sont disponibles rapidement. Fini les 5 fichiers<br />

Excel à synthétiser. Le temps dévolu jusqu’ici à la gestion des<br />

heures et des absences pourra être dédié à d’autres projets.<br />

Conformité légale<br />

Pour certains, les journées en télétravail sont régulièrement<br />

interrompues (par les enfants, le chien, ou le facteur...). Pour<br />

d’autres, les journées se rallongent et le Work-Life Balance est<br />

mis à mal. Il devient alors fort tentant de noter uniquement la<br />

durée totale de travail, voire même de ne plus la noter du tout.<br />

Néanmoins, la saisie systématique reste une obligation légale<br />

qui impose le relevé du début et de la fin du travail, de la durée,<br />

ainsi que les pauses de 30 minutes et plus (art. 46 LTr / art. 73<br />

OLT 1). Là encore un outil de gestion du temps vous fera<br />

gagner en efficacité et en sérénité vis-à-vis de l’inspection du<br />

travail (SECO).<br />

À noter que certains cantons, comme Vaud et Genève, invitent<br />

les employeurs à indiquer le nombre de jours de télétravail<br />

ou RHT sur le certificat de salaire, et cela rétroactivement<br />

depuis le début 2020. Le cas échéant, une attestation des<br />

jours télétravaillés ou RHT pourrait leur être demandée. Une<br />

application vous permettra de retrouver rapidement cette information<br />

pour chaque employé.<br />

Gain de temps et diminution du risque d’erreurs<br />

Un des buts premiers d’une application de gestion du temps<br />

est de vous simplifier la vie et de vous faire gagner un temps<br />

iStockphoto<br />

38<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Conseils pratiques L’atelier<br />

Ce qu’une application ne vous apportera pas...<br />

Le télétravail peut être ressenti comme une perte de contrôle pour certains<br />

managers. Pour ces derniers, la simple présence des collaborateurs à leur<br />

place de travail suffisait à les rassurer sur la bonne marche des affaires.<br />

Mais «temps de travail» n’est pas égal à «productivité». Un outil de gestion<br />

du temps ne vous apportera donc pas la certitude du travail accompli.<br />

D’autre part, si un logiciel peut vous montrer certaines anomalies (absences<br />

récurrentes, heures supplémentaires, pauses de midi non respectées),<br />

celles-ci ne veulent rien dire sans une contextualisation par l’humain.<br />

Une application ne remplace donc pas le management. Au contraire,<br />

ce dernier a un rôle central à jouer pour en tirer tous les bénéfices.<br />

En conclusion, si une bonne application de gestion du temps ne remplace<br />

pas un bon management, elle l’aide en lui donnant de la transparence et<br />

une bonne vue d’ensemble. Ces derniers étant indispensables pour le bon<br />

fonctionnement du travail à distance. <br />

■<br />

iStockphoto<br />

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<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 39


L’atelier Conseils pratiques<br />

Licencier avec tact est un art<br />

La crise sanitaire va vraisemblablement et malheureusement être suivie d’une crise économique<br />

avec son cortège de licenciements. Dans ce contexte, le défi pour les managers sera de faire en sorte<br />

que les «survivants» restent engagés.<br />

Texte: Raphaël H Cohen<br />

Dr Raphaël H Cohen<br />

est chef d’entreprise,<br />

Academic Fellow et<br />

Directeur du DAS in<br />

Entrepreneurial Leadership<br />

de l’Université<br />

de Genève.<br />

Contact: raphael.<br />

cohen@UNIGE.ch<br />

Manager par beau temps, c’est facile. Rester un leader apprécié<br />

pendant et après la tempête est une autre affaire. L’épreuve<br />

ultime, c’est d’être capable de licencier avec justesse et donc<br />

avec équité. L’objectif est de faire en sorte que les «survivants»,<br />

ceux qui restent après un licenciement, soient toujours engagés.<br />

Cela implique de faire en sorte que la confiance des survivants<br />

n’ait pas été altérée par le congédiement.<br />

Pour savoir si le licenciement a été fait dans les règles de l’art, il<br />

suffit donc de mesurer deux choses qui sont d’ailleurs corrélées:<br />

le niveau d’engagement des survivants et la confiance résiduelle<br />

qu’ils accordent à ceux qui ont effectué le licenciement. Ces<br />

deux indicateurs sont révélateurs de la qualité du leadership.<br />

Etonnamment, il y a très peu d’organisations qui mesurent ces<br />

deux paramètres. Trop préoccupés par la réduction des coûts,<br />

les dirigeants oublient que l’avenir de leur organisation dépend<br />

de la performance des survivants. Plus ils seront engagés, meilleure<br />

sera la performance. Renoncer à mesurer le niveau d’engagement<br />

des survivants, c’est mettre sa tête dans le sable. C’est<br />

piloter sans savoir si on tire le meilleur parti de son moteur.<br />

Licencier avec talent exige certes du talent mais pas seulement.<br />

Même s’il n’y a pas de recette passe-partout, il y a tout<br />

de même quelques questions que chaque leader devrait se poser<br />

avant de passer à l’acte. Une réponse négative est à considérer<br />

comme source de danger:<br />

1. La finalité du licenciement sera-t-elle comprise<br />

et acceptée par les survivants?<br />

Réduire les coûts n’est pas une fin en soi mais juste un moyen<br />

d’assurer la pérennité de l’organisation. Or pour assurer cette<br />

pérennité, il ne suffit pas de faire des économies. Il faut aussi<br />

que les collaborateurs soient aussi engagés que possible. Réduire<br />

les coûts en ayant des collaborateurs démotivés correspond<br />

à se tirer une balle dans le pied. Pour éviter cela, il faut<br />

cependant s’assurer que les survivants ont compris et accepté<br />

la légitimité de ce qui a été décidé et fait.<br />

2. Est-ce que les survivants auront le sentiment que<br />

le licenciement a été fait de manière équitable?<br />

Comme expliqué dans le livre: «Les leviers de l’engagement –<br />

54 bonnes pratiques pour entraîner, inspirer et réussir ensemble»<br />

1 , le sentiment d’injustice est un des premiers facteurs<br />

de désengagement. Pour l’éviter, chaque cadre est tenu de<br />

montrer à ses équipes qu’il s’efforce constamment d’être aussi<br />

équitable que possible.<br />

Quand un licenciement a été imposé par la nécessité de compenser<br />

le coût de mauvais choix stratégiques, l’équité voudrait<br />

que ceux qui ont pris les mauvaises décisions en subissent les<br />

conséquences au lieu des malheureux qui sont congédiés.<br />

Sans cela, tous les survivants auront un sentiment d’injustice<br />

qui réduira leur niveau d’engagement ainsi que leur performance.<br />

Par souci d’équité, Mitsubishi a, par exemple, récemment<br />

eu le courage de réduire de 45% la rémunération de ses<br />

cadres supérieurs.<br />

Un autre exemple en cas de licenciement économique est le gel<br />

à l’embauche: en interdisant par principe tout recrutement,<br />

sans prendre en compte les circonstances spécifiques de<br />

chaque situation ou unité, les dirigeants choisissent une solution<br />

de facilité pour eux mais qui se fait au détriment des<br />

équipes qui doivent compenser sur le terrain le manque d’effectifs.<br />

C’est inéquitable et de surcroit peu bienveillant pour<br />

ceux qui rament.<br />

L’équité exige donc que les critères définissant qui part et qui<br />

reste aient été établis et appliqués avec justesse (voir l’encadré<br />

ci-contre). Les dirigeants ont généralement la conviction que<br />

c’est le cas alors que la perception des collaborateurs est plutôt<br />

un sentiment d’injustice.<br />

3. Les survivants auront-ils eu le sentiment que la<br />

dignité des personnes licenciées a été atteinte?<br />

Les atteintes à la dignité sont généralement impardonnables<br />

et très difficiles à réparer. Un exemple classique d’atteinte à la<br />

dignité est d’exiger que la personne licenciée quitte l’organisation<br />

immédiatement après l’annonce, carton sous le bras,<br />

et escortée par un vigile sous le regard choqué des survivants.<br />

La victime du licenciement est non seulement traitée comme<br />

un criminel mais elle subit une humiliation publique, devant<br />

les collègues avec qui elle partageait sa vie jusqu’à cet instant…<br />

Les survivants ne pardonneront pas cette atteinte à la<br />

dignité de leur ex-collègue. Leur niveau d’engagement baissera.<br />

40<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Conseils pratiques L’atelier<br />

Choisir qui part et qui reste<br />

Un des grands enjeux des licenciements<br />

économiques est celui des critères spécifiant<br />

qui reste et qui part. Faut-il se séparer<br />

de ceux qui sont les moins performants,<br />

des moins sympathiques, des plus<br />

jeunes recrues, de ceux qui rebondiront le<br />

plus facilement, de ceux qui ont le moins<br />

de charges de famille, etc.? Si les collaborateurs<br />

ne connaissent pas les critères ou<br />

ont le sentiment qu’ils n’ont pas été appliqués<br />

de manière équitable, ils auront inévitablement<br />

le sentiment que les décisions<br />

sont le fait du prince. Cela aboutira à une<br />

mauvaise opinion de leurs dirigeants, à<br />

une moindre confiance et à une baisse de<br />

leur engagement.<br />

Il peut même valoir la peine de débattre<br />

de ces critères avec les intéressés bien<br />

avant la nécessité de réduire les effectifs.<br />

Etablir à l’avance la liste des critères à utiliser<br />

pour une éventuelle réduction d’effectifs<br />

correspond à une sorte de contrat de<br />

mariage dans lequel on se met d’accord<br />

sur la manière de gérer une éventuelle séparation<br />

ultérieure. Le contenu d’un<br />

contrat de mariage peut être discuté sereinement<br />

quand tout va bien alors que ce<br />

serait impossible une fois les hostilités déclarées.<br />

Idem en entreprise.<br />

Contrairement à une idée trop largement<br />

répandue, il n’y a aucun tabou à parler de<br />

ces critères en vue d’une situation qui<br />

pourrait se produire. Mais il peut arriver<br />

que les collaborateurs refusent d’entrer en<br />

matière sur les critères de licenciement.<br />

C’est bien sûr tout à fait acceptable. Mais<br />

en renonçant à ce débat ils perdent toute<br />

légitimité à contester les critères retenus le<br />

jour venu. Dans ce cas, ce sont les dirigeants<br />

qui doivent établir et publier la<br />

liste des critères bien avant la nécessité de<br />

licencier. Si les dirigeants se sentent incapables<br />

de faire preuve de clarté sur les critères,<br />

peuvent-ils raisonnablement espérer<br />

rester dignes de confiance? Leurs collaborateurs<br />

auront vite compris qu’ils n’ont pas<br />

les idées suffisamment claires pour anticiper<br />

et qu’ils préfèrent improviser au lieu<br />

de se préparer à naviguer par mauvais<br />

temps. Une fois les critères définis – par<br />

consensus ou par autorité –, les dirigeants<br />

devraient, par transparence, les appliquer<br />

avec équité.<br />

4. La manière de faire sera-t-elle été<br />

perçue comme bienveillante?<br />

La plupart des reproches en matière de licenciement,<br />

qu’il soit économique ou non, portent<br />

moins sur le licenciement lui-même que sur la<br />

manière de le faire. Les gens attendent non seulement<br />

de l’équité, comme indiqué plus haut, mais<br />

aussi de la bienveillance. Pourquoi la bienveillance?<br />

Parce que pour être engagés, les collaborateurs<br />

ont besoin de croire qu’ils sont et seront<br />

traités avec bienveillance, quelles que soient les<br />

circonstances. Au moment où ce n’est plus le cas,<br />

la méfiance s’installe et l’engagement est<br />

moindre. Licencier sans bienveillance a donc un<br />

effet délétère sur l’engagement.<br />

Licencier avec bienveillance apparait généralement<br />

comme incongru. Après avoir systématiquement<br />

été incrédules, les cadres qui suivent le<br />

CAS en Responsible Leadership de l’Université de<br />

Genève ou le MicroMBA en management entrepreneurial<br />

de Romandie Formation finissent toujours<br />

par comprendre que c’est tout à fait possible.<br />

Comme ces programmes enseignent l’art<br />

d’optimiser le niveau d’engagement de leurs<br />

équipes, les participants apprennent aussi à naviguer<br />

par mauvais temps et donc à licencier avec<br />

bienveillance.<br />

Contrairement à une autre idée reçue, être bienveillant,<br />

ce n’est pas traiter les autres comme on<br />

aimerait être soi-même traité. C’est plutôt de traiter<br />

les autres comme eux ont envie d’être traités.<br />

Cela impose de comprendre quelle sera la perception<br />

de ceux qui seront licenciés mais aussi celle<br />

des survivants.<br />

Clés de la sécurité psychologique en matière de licenciement<br />

Le sentiment de sécurité psychologique nécessite<br />

au moins deux conditions. La première<br />

est une base sécure où les survivants<br />

se sentent en confiance. Elle passe par l’absence<br />

de peur. Si les collaborateurs ont<br />

peur, c’est qu’ils n’ont pas confiance en<br />

leurs dirigeants. La direction a donc le devoir<br />

de rassurer les collaborateurs sur l’absence<br />

de future charrette de licenciements.<br />

Cela revient à assumer non seulement le<br />

bien-fondé de celle qui est mise en œuvre<br />

mais surtout sa complétude pour redresser<br />

la barre.<br />

La deuxième composante est que les survivants<br />

aient encore espoir en l’avenir. L’absence<br />

d’espoir est souvent un constat<br />

d’échec cuisant pour les dirigeants qui ont<br />

conduit la situation à devenir sans espoir…<br />

L’espoir ne peut exister que si un avenir<br />

meilleur est suffisamment vraisemblable,<br />

notamment parce que les dirigeants<br />

donnent le sentiment qu’ils pourront le<br />

matérialiser.<br />

La sécurité psychologique implique aussi<br />

de savoir ce qui se passe. Le manque d’information<br />

est anxiogène et déstabilisant.<br />

Au point que quand l’information<br />

manque, les gens l’inventent. C’est le déficit<br />

d’information qui conduit à la naissance<br />

des rumeurs. Le meilleur antidote aux rumeurs<br />

est une information transparente<br />

combinée à la confiance envers ceux qui<br />

communiquent. Il va de soi que le recours à<br />

la langue de bois ou à la rhétorique manipulatoire<br />

a un effet délétère sur la<br />

confiance envers les dirigeants.<br />

Pour réduire leur propre anxiété face à un licenciement,<br />

nombreux sont les cadres qui inconsciemment<br />

font porter le fardeau de la responsabilité<br />

du licenciement à celui qui est congédié.<br />

C’est particulièrement le cas quand ils ne peuvent<br />

pas se réfugier derrière l’apparente fatalité d’un<br />

licenciement économique: le renvoi est ainsi justifié<br />

par le fait que le collaborateur a mal travaillé,<br />

qu’il s’est mal comporté, qu’il lui manque des<br />

compétences ou autre chose… Il est rare que celui<br />

qui licencie assume une partie de la responsabilité.<br />

Or, comme dans une séparation ou un divorce,<br />

la responsabilité est rarement l’exclusivité d’un<br />

seul des deux partenaires. Culpabiliser celui qui<br />

est licencié n’est pas bienveillant.<br />

Licencier avec bienveillance, c’est aussi aider<br />

ceux qui restent dans l’organisation à gérer leur<br />

culpabilité de survivants. Avoir à cœur leur bienêtre<br />

psychologique est une marque de bienveillance<br />

envers eux.<br />

5. Est-ce que les survivants conserveront,<br />

après le licenciement, un sentiment<br />

de sécurité psychologique?<br />

Si la nécessité d’assurer la sécurité physique est<br />

évidente, la sécurité psychologique est tout aussi<br />

essentielle (voir l’encadré ci-contre). Lors d’un licenciement,<br />

tous les survivants imaginent qu’ils<br />

pourraient être à la place de la victime. Pour vérifier<br />

s’ils seront le cas échéant bien traités, les survivants<br />

auront le réflexe de vérifier que la direction<br />

fait les choses avec justesse. Ce réflexe de défense<br />

et de protection incontournable contribue<br />

au sentiment de sécurité psychologique.<br />

Comme les enfants vérifient inconsciemment<br />

que leurs parents ne donnent pas un plus grand<br />

morceau de gâteau à leur frère ou sœur, les collaborateurs<br />

surveillent aussi constamment les<br />

comportements de leur manager pour vérifier<br />

qu’il reste digne de confiance. En conclusion et<br />

contrairement à certaines croyances limitantes,<br />

licencier avec justesse n’est pas hors de portée.<br />

<br />

■<br />

1<br />

éd. Eyrolles, 2019, <strong>21</strong>2 pages<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 41


L’atelier Conseils pratiques<br />

Vu de loin, vu de près<br />

Honte versus culpabilité<br />

Si ces deux émotions sont parfois imbriquées et complémentaires, la honte donne envie<br />

de se cacher ou de fuir, alors que la culpabilité s‘accompagne d‘un désir de réparer la faute<br />

commise ou de restaurer la relation entachée.<br />

Texte: Annabelle Péclard<br />

Annabelle Péclard<br />

est spécialisée dans<br />

l’analyse de pratiques<br />

autour de la collaboration<br />

avec les personnalités<br />

complexes.<br />

Alexandre, dirigeant d’une entreprise dans le domaine du bâtiment,<br />

doit organiser une visioconférence avec un candidat et<br />

son futur potentiel chef Samuel. Après avoir fait le tour des<br />

applications disponibles, il arrête son choix sur celle qui lui<br />

semble la plus aisée à prendre en main. Il passe ensuite un peu<br />

de temps pour apprendre à utiliser les fonctionnalités de base,<br />

réalise quelques tests image et son; tout va bien! Quelques jours<br />

avant la rencontre virtuelle, Alexandre, sur les conseils de son<br />

assistant, achète un casque audio pour garantir la qualité de la<br />

conversation. À l’heure de l’entretien prévu, il s’installe devant<br />

son ordinateur, branche ses écouteurs et ouvre la session. Tout<br />

le monde est présent; il se sent soulagé. Rapidement toutefois,<br />

il réalise qu’il n’entend pas ses interlocuteurs. Alexandre augmente<br />

le son, mais cela ne change rien. Il commence à faire des<br />

recherches via le système d’aide, mais ne trouve pas la réponse.<br />

Après de longues minutes et de vaines tentatives, Alexandre se<br />

lève, fait comprendre aux autres qu’il revient au plus vite et<br />

part à la recherche d’un collègue à même de lui venir en aide.<br />

Lorsqu’enfin il revient, cela fait bien 15 minutes que la séance<br />

aurait dû commencer et le futur chef potentiel n’est plus à<br />

l’écran… Après de plates excuses auprès de chacun, se sentant<br />

ridicule de ne pas avoir su gérer ce petit souci, Alexandre a bien<br />

l’intention d’éviter Samuel pendant quelques temps.<br />

Sandra, responsable du recrutement d’une grande entreprise,<br />

a de multiples problèmes en ce début d’année. Deux collaborateurs<br />

de sa petite équipe sont en arrêt maladie et, après des<br />

semaines de stand-by, plusieurs départements ont relancé leurs<br />

processus d’engagements; il y a en ce moment plus de 30 postes<br />

ouverts. Bien qu’elle ait géré jusque-là avec efficacité la situation,<br />

une goutte d’eau fait déborder le vase. Durant le week-end,<br />

sa mère a dû être hospitalisée. Ainsi, ce lundi soir 8 février, entre<br />

les urgences professionnelles et personnelles, lorsque son amie<br />

Carole, après plusieurs appels, lui laisse un message sur son répondeur,<br />

Sandra ne l’écoute pas. Toujours très occupée le lendemain,<br />

elle oublie complètement son amie et laisse passer toute<br />

la journée avant de s’en rappeler. Le soir, en écoutant sa messagerie,<br />

Sandra apprend dépitée que Carole, au chômage depuis<br />

de long mois, avait besoin de ses conseils pour un entretien<br />

d’embauche inopiné prévu pour le matin du mardi 9 février!<br />

Sandra, consciente que son attitude a probablement causé du<br />

tort à son amie et à leur relation, s’empresse de lui proposer un<br />

rendez-vous pour préparer de nouvelles postulations.<br />

Vu de loin, Alexandre et Sandra ont vécu un épisode particulièrement<br />

désagréable et gênant aux conséquences négatives<br />

sur leurs relations.<br />

Vu de près, les ressentis ne sont pas identiques. Alexandre a<br />

éprouvé un sentiment de honte et Sandra de la culpabilité. Si<br />

ces deux émotions sont parfois imbriquées et complémentaires,<br />

elles ne s’avèrent pas pour autant semblables. Chaque<br />

émotion engendre en effet un comportement spécifique: la<br />

honte donne envie de se cacher ou de fuir, alors que la culpabilité<br />

s’accompagne d’un désir de réparer la faute commise ou<br />

de restaurer la relation entachée.<br />

La honte et la culpabilité, tout comme la fierté, ne sont pas<br />

des émotions primaires, mais secondaires 1 et auto-conscientes,<br />

c’est-à-dire qui nécessitent la conscience de soi et apparaissent<br />

donc vers l’âge de 3 ans. La honte peut être plus ou moins forte,<br />

mais dans tous les cas, elle implique les mêmes composants: un<br />

défaut personnel exposé au regard d’autrui. Le défaut peut<br />

porter sur une imperfection du corps, de l’esprit (capacité intellectuelle,<br />

qualités morales, goûts et opinions), du statut social<br />

ou porter sur l’entourage considéré comme un prolongement<br />

de soi-même. Ainsi, toute situation qui met en évidence<br />

à la vue d’un tiers l’une ou l’autre de nos imperfections, peut<br />

provoquer de la honte. Alexandre s’est senti idiot et honteux<br />

ne pas avoir su brancher le son!<br />

S’il lui arrive d’être particulièrement néfaste, notamment<br />

en cas d’humiliation publique forte, et ternir l’image de soi de<br />

façon destructrice, la honte peut néanmoins conduire à s’améliorer<br />

les personnes qui ne rejettent pas la faute de leur comportement<br />

sur autrui. Ce sera le cas pour Alexandre, si, de ce<br />

moment difficile, il retire qu’il est nécessaire de se former aux<br />

outils informatiques. En revanche, s’il estime que son moment<br />

de honte est dû à son assistant qui ne lui a pas expliqué comment<br />

utiliser le casque, il restera bloqué dans une attitude de<br />

colère peu constructive.<br />

Quant à la culpabilité, elle est un outil de régulation du lien<br />

social qui encourage celle ou celui qui la ressent à sortir de cet<br />

état émotionnel pénible en s’évertuant à réparer la relation<br />

altérée avec la personne lésée; elle renforce le sentiment de<br />

responsabilité envers autrui. Par ailleurs, elle a un impact sur<br />

les actions à venir, car elle diminue le risque de reproduction<br />

du comportement coupable. Au prochain message de Carole,<br />

Sandra répondra immédiatement! La culpabilité, et le phénomène<br />

de réparation qu’elle engendre, est à l’origine de beaucoup<br />

de comportements bénéfiques dans les interactions sociales;<br />

elle favorise l’altruisme. D’une manière générale, celle<br />

ou celui qui se sent coupable cherche à diminuer ce ressenti<br />

désagréable et agit pour faire taire sa mauvaise conscience.<br />

C’est pourquoi l’utilisation de la culpabilité est fréquente dans<br />

les campagnes de prévention ou les messages de persuasion.<br />

Toutefois, si un niveau modéré de culpabilité s’avère efficace<br />

pour engendrer un comportement attendu d’un public cible,<br />

un message trop insistant peut se révéler contre-productif et<br />

pousser à agir de façon opposée à celle souhaitée; c’est le phénomène<br />

de la réactance 2 .<br />

Déchiffrer le fonctionnement, l’utilité et la dimension culturelle<br />

des émotions, nous permet de mieux décoder les signaux<br />

parfois si impénétrables ou surprenants que nous envoient nos<br />

partenaires professionnels, nos amis ou nos autorités! Comprendre<br />

le fonctionnement humain permet d’ajuster nos réactions<br />

et de coopérer avec efficience; soyons curieux! ■<br />

1 Les émotions primaires sont innées et universelles; ce sont la joie, la tristesse, la peur<br />

et la colère ainsi que la surprise et le dégoût selon les théories. Les émotions secondaires,<br />

combinées à partir de plusieurs émotions primaires, sont plus complexes et<br />

sont apprises.<br />

2 La réactance amène un individu à adopter une attitude réactive lorsqu’il sent que sa<br />

liberté est menacée<br />

42<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


L’actualité de l’Union suisse des services de l’emploi<br />

Le salaire minimum ne résout pas<br />

les défis posés par le marché du travail<br />

Le salaire minimum légal a le vent en poupe. Quatre cantons en ont déjà<br />

introduit un. Des initiatives ont été lancées dans plusieurs autres cantons.<br />

Pourtant, le 18 mai 2014, le peuple suisse a clairement rejeté un salaire minimum<br />

à l’échelon national (76 pour cent). Que s’est-il passé? Comment<br />

s’explique cette nouvelle sympathie pour un salaire minimum ancré dans<br />

la loi? Et quels sont les problèmes qu’il est censé résoudre?<br />

Texte: Myra Fischer-Rosinger, directrice de swissstaffing<br />

Notre comité blogue...<br />

La planification de personnel<br />

à l’époque de la pandémie<br />

L’état d’esprit de la population n’est plus le même<br />

qu’en 2014. Dans les cantons du Jura, de Neuchâtel,<br />

du Tessin et de Genève, une majorité a<br />

approuvé un salaire minimum cantonal. Explication<br />

possible: de plus en plus de personnes considèrent<br />

que le marché du travail est un défi. La<br />

mondialisation, la numérisation, la flexibilisation<br />

et l’immigration: tous ces facteurs sont probablement<br />

perçus comme des menaces.<br />

La situation évolue, c’est un fait. La globalisation<br />

intensifie la concurrence. La numérisation modifie<br />

les modèles commerciaux ainsi que les modes<br />

de communication et de collaboration. Quant à<br />

l’immigration, elle augmente l’offre en matière<br />

de main-d’œuvre. Or, ces mégatendances<br />

ouvrent aussi de nombreuses opportunités pour<br />

les entreprises et pour la société: des nouveaux<br />

produits et services, une disponibilité plus rapide,<br />

des prix plus bas, un plus grand choix, etc. Malgré<br />

tout, chaque changement demande des<br />

adaptations. Ce qui n’est pas facile pour tout le<br />

monde.<br />

Revenir en arrière ou stopper les tendances, c’est<br />

impossible. À moyen terme, de nouvelles recettes<br />

seront nécessaires pour réguler au mieux l’économie<br />

et la société dans un environnement évolutif.<br />

Toutefois, le salaire minimum n’est pas un<br />

moyen efficace de répondre aux changements<br />

qui se dessinent sur le marché du travail.<br />

Le marché du travail suisse est en forme<br />

D’une manière générale, le marché du travail<br />

suisse se porte très bien. La situation sanitaire a<br />

sans aucun doute laissé des traces. De nombreux<br />

travailleurs sont encore au chômage partiel. Le<br />

taux de chômage a augmenté. Malgré tout, le<br />

marché du travail helvétique se caractérise par<br />

un taux d’emploi très élevé. Cela restera probablement<br />

le cas même après la pandémie.<br />

De nouveaux modèles de travail flexibles apparaissent<br />

et se développent, mais la flexibilisation<br />

ne progresse que timidement 1 . On ne constate<br />

pas un changement de paradigme, mais une<br />

lente évolution. Ce qui donne aux décideurs politiques<br />

l’occasion d’observer, d’expérimenter et de<br />

réfléchir à la manière d’ajuster le cadre réglementaire<br />

avec sagesse et tout en douceur. Dans ce<br />

contexte, les actions précipitées telles que l’introduction<br />

d’un salaire minimum légal sont inutiles<br />

et dommageables.<br />

Les lacunes d’un salaire minimum<br />

Un salaire minimum n’empêche pas la flexibilisation.<br />

Et il ne protège pas non plus contre la perte<br />

d’emploi ni la pauvreté. Bien au contraire, il<br />

constitue un cadre réglementaire rigide qui restreint<br />

la marge de manœuvre des entreprises. Il<br />

peut même entraîner l’externalisation de certains<br />

jobs, voire leur suppression complète. Un<br />

emploi ne peut pas être obtenu par la force. Il doit<br />

être rentable pour que l’entreprise le crée ou le<br />

préserve.<br />

Le risque que des emplois disparaissent existe notamment<br />

en présence d’un salaire minimum qui,<br />

par définition, est une solution uniforme ne permettant<br />

pas de tenir compte de la situation de<br />

chaque branche et de chaque entreprise. Certaines<br />

d’entre elles pourraient perdre des emplois<br />

si un salaire minimum était introduit. Ce qui serait<br />

contreproductif.<br />

Un salaire minimum n’est pas non plus une arme<br />

contre la pauvreté. En effet, le revenu d’un ménage<br />

est influencé par de multiples facteurs. Le<br />

niveau des salaires n’est que l’un de ces éléments.<br />

Une analyse des travailleurs pauvres réalisée par<br />

l’OFS 2 montre que, paradoxalement, beaucoup<br />

de ménages touchés par la pauvreté ne gagnent<br />

pas un bas salaire. L’introduction d’un salaire<br />

Robin Gordon, CEO Interiman Group<br />

Comment la planification du personnel<br />

peut-elle être mise en œuvre dans<br />

des périodes aussi instables que celle-ci?<br />

Les mesures de lutte contre la pandémie ont<br />

imposé de nombreux défis à l’activité du travail<br />

temporaire. Nos agences sont habituées<br />

à travailler dans l’urgence. Mais la notion<br />

d’urgence a été exacerbée dans ce récent<br />

contexte. Par exemple, de nombreux clients<br />

ont souvent dû placer des équipes entières<br />

en quarantaine, car un collaborateur a eu un<br />

résultat positif à son test COVID. En conséquence,<br />

beaucoup de nos agences ont eu à<br />

déléguer des teams de collaborateurs temporaires<br />

aptes à reprendre très rapidement le<br />

travail de ces équipes qui ne pouvaient plus<br />

travailler. Cela s’est très souvent constaté<br />

dans le domaine des soins médicaux, de la<br />

logistique et de la production alimentaire.<br />

Avec quels services les prestataires<br />

de services de personnel peuvent-ils soutenir<br />

les entreprises en période de difficultés<br />

économiques?<br />

Difficulté économique signifie absence de<br />

visibilité sur les perspectives conjoncturelles.<br />

En conséquence, dans un premier temps, de<br />

nombreuses entreprises vont plutôt recourir<br />

à du personnel temporaire qu’engager tout<br />

de suite du personnel fixe. Dans un deuxième<br />

temps, si la conjoncture s’améliore, de nombreux<br />

collaborateurs temporaires se voient<br />

alors proposer un poste fixe auprès de l’entreprise<br />

cliente. Il ne faut pas oublier que,<br />

statistiques à l’appui, plus de 80% des collaborateurs<br />

temporaires se voient proposer un<br />

poste fixe dans les 18 mois qui suivent leur<br />

première mission.<br />

Lire la suite sur: www.blog.swissstaffing.ch<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 43


swissstaffing-News<br />

iStockphoto<br />

minimum ne changerait donc pas leur situation<br />

en matière de salaire ou de revenus. Ces personnes<br />

sont pauvres parce qu’elles doivent assumer<br />

des dépenses élevées (familles nombreuses,<br />

par exemple) ou parce qu’un seul adulte est en<br />

mesure d’exercer une activité professionnelle rémunérée.<br />

Inversement, beaucoup de ceux qui<br />

gagnent un faible salaire ne sont pas pauvres. La<br />

raison: ils vivent dans un ménage où d’autres<br />

qu’eux perçoivent un salaire.<br />

La force du partenariat social<br />

Un partenariat social au niveau de l’entreprise ou<br />

de la branche permet d’obtenir des arrangements<br />

plus appropriés et conçus sur mesure. Quand des<br />

personnes directement concernées pondèrent<br />

leurs intérêts respectifs, cela donne des réglementations<br />

nuancées et adaptées à la situation. Chose<br />

impossible à créer par une solution uniforme issue<br />

d’un texte législatif. Prenons les CCT: elles<br />

sont très diverses. Certaines d’entre elles mentionnent<br />

un salaire minimum, d’autres non. Selon<br />

l’entreprise et la branche, elles règlent des<br />

questions spécifiques telles que l’enregistrement<br />

des heures de travail, les gratifications, les piquets,<br />

la formation continue ou encore la prévoyance<br />

vieillesse.<br />

On entend souvent dire que le partenariat social<br />

est un facteur favorisant la situation exceptionnellement<br />

positive du marché du travail suisse,<br />

facteur qui serait mis en danger par un salaire<br />

minimum. En effet, plus les exigences légales sont<br />

nombreuses, moins les partenaires sociaux ont la<br />

possibilité et la motivation nécessaires pour créer<br />

des réglementations équitables et conçues sur<br />

mesure.<br />

Comment agencer le marché<br />

du travail de demain<br />

Pour que le partenariat social puisse continuer à<br />

façonner le marché du travail, il doit aussi se moderniser<br />

lui-même. La numérisation, la mondialisation<br />

et la flexibilisation du marché du travail<br />

lancent de nouveaux défis. Or, il est probable que<br />

de nouvelles recettes créatives apporteront de<br />

meilleures solutions que les instruments des CCT.<br />

Quant à la capacité organisationnelle du partenariat<br />

social, elle est également mise à l’épreuve.<br />

Dans des espaces numériques non soumis aux<br />

frontières nationales et dans des relations de travail<br />

se modifiant fréquemment, les employés et<br />

les employeurs devront trouver de nouvelles façons<br />

de s’organiser.<br />

Notre secteur donne un exemple prometteur: sa<br />

main-d’œuvre flexible n’est certes pas encore organisée<br />

à un haut degré. Malgré tout, la CCT Location<br />

de services propose déjà diverses prestations<br />

(formation continue, prévoyance vieillesse,<br />

indemnités journalières en cas de maladie) pouvant<br />

être fournies aux intérimaires.<br />

Au final, pour façonner le marché du travail de<br />

l’avenir, la clé du succès résidera dans des solutions<br />

créatives, développées en partenariat et<br />

mettant l’accent sur l’innovation sociale. Et non<br />

pas dans des exigences juridiques rigides. ■<br />

1 cf. L’Enquête suisse sur la population active (ESPA)<br />

de l’Office fédéral de la statistique<br />

2 Office fédéral de la statistique OFS (2008).<br />

«Bas salaires et working poor en Suisse»<br />

Myra Fischer-Rosinger,<br />

directrice de swissstaffing<br />

44<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Opinions<br />

Débat (page 46) • Flexibilité de l’emploi (page 50) • Think Tank (page 51)<br />

Ils ont dit<br />

«Le style de conduite autrefois<br />

paternaliste s’est transformé en une<br />

coopération collégiale qui repose sur une<br />

culture du dialogue et du feed-back.»<br />

Qui et où?<br />

Citation de Erland Brügger,<br />

CEO de Rivella, entreprise arrivée 1ère<br />

du classement Meilleurs employeurs<br />

20<strong>21</strong> (établi par Le Temps et Handelszeitung).<br />

Cité dans l’article de Pirmin<br />

Schilliger: Une mutation d’entreprise<br />

remarquable, in Le Temps,<br />

12 mars 20<strong>21</strong>, pp. 20-<strong>21</strong>.<br />

Trois livres<br />

Par Emilia Hennard<br />

Le monde du travail est devenu fou<br />

À travers des exemples issus de sa consultation, l’auteure<br />

montre comment l’organisation du travail se transforme et<br />

comment les conditions de travail peuvent se dégrader. Ces<br />

changements – parfois brutaux – induisent beaucoup de<br />

souffrance au travail. S’en inspirer pour ne pas commettre les<br />

mêmes erreurs…<br />

Marielle Dumortier, éd. Le Cherche midi, 324 pages<br />

Burnout – la maladie du XXI e siècle?<br />

Les auteures permettent d’appréhender le burnout sous de<br />

nouvelles perspectives et de sortir de l’approche individualisante.<br />

Elles proposent une vision plus globale et des conseils<br />

pratiques pour apprendre à gérer son stress et les changements<br />

dans le monde du travail. Les témoignages recueillis reflètent<br />

parfaitement le parcours des personnes dans ce type de<br />

situation.<br />

Nadia Droz et Anny Wahlen, éd. Favre SA, 192 pages<br />

Emilia Hennard est assistante sociale<br />

depuis plus de 25 ans et a obtenu son<br />

brevet fédéral de spécialiste en gestion<br />

de pme en 2019. Elle est directrice<br />

régionale pour la Suisse romande de<br />

Proitera, service social d’entreprise.<br />

Elle apporte son expertise tant aux<br />

collaborateurs rencontrant des difficultés<br />

professionnelles ou privées<br />

qu’aux responsables des ressources humaines.<br />

Pour la contacter: emilia.hennard@proitera.ch<br />

ou proitera.ch<br />

Un mot, une histoire<br />

Ordinateur<br />

L’ordinateur vient du latin ordinator, «celui qui met en ordre». Au<br />

XVe siècle, l’ordinateur désigne «celui qui institue quelque chose».<br />

Au début du XVIIe, il définit «celui qui est chargé de régler les<br />

affaires publiques». Au XIXe, il prend aussi un sens liturgique,<br />

«celui qui confère le sacrement d’un ordre ecclésiastique». Le sens<br />

moderne a été proposé par le professeur de philologie Jacques<br />

Perret dans une lettre datée du 16 avril 1955 en réponse à une<br />

demande d’IBM France, dont les dirigeants estimaient le mot calculateur<br />

(computer) bien trop restrictif en regard des possibilités de<br />

ces machines. Selon Wikipedia, le mot ordinateur est un exemple<br />

«très rare de la création d’un néologisme authentifiée par une<br />

lettre manuscrite et datée». Source: fr.wikipedia.org et cnrtl.fr<br />

L’entreprise délibérée – Refonder le management par le dialogue<br />

Et si nous prenions le temps de penser le management par le<br />

dialogue? C’est le postulat de M. Detchessahar et ses co-auteurs:<br />

le dialogue est un exercice complexe et indispensable pour<br />

travailler ensemble. Il n’y a pas une seule manière de dialoguer<br />

mais plusieurs: à chacun son style!<br />

Mathieu Detchessahar (coord.), éd. Nouvelle Cité, 237 pages<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 45


Opinions Débat<br />

Faut-il laisser les collaborateurs<br />

choisir qui licencier?<br />

Le voyagiste Globetrotter a demandé à ses collaborateurs de désigner les personnes<br />

qui seront licenciées. Manque de courage, carence managériale ou idée innovante?<br />

Trois experts en débattent.<br />

Esmir Davorovic,<br />

<strong>HR</strong> Strategies, <strong>HR</strong> Campus<br />

«Cela frise le cynisme de<br />

souder les équipes lors de<br />

teams buildings, puis de<br />

leur demander de licencier<br />

un collègue.»<br />

«Si vous pensez être en pleine intrigue d’un film dystopique à<br />

l’image de la série futuriste Black Mirror, vous pouvez arrêter<br />

votre lecture. À partir d’ici, vos craintes ne vont que se renforcer<br />

et votre espoir de découvrir une innovation managériale<br />

partir en fumée. En revanche, si vous appelez de vos vœux un<br />

monde du travail plus humain, poursuivez votre lecture. À première<br />

vue, la question posée en titre est dans l’ère du temps et<br />

paraît même sympathique. Elle surfe sur notre goût prononcé<br />

à l’auto-détermination et à la participation. Détrompez-vous! Il<br />

s’agit ici plutôt de chiffres et de stratégie. Nous parlons bien<br />

d’êtres humains et de leur intégrité. Les collaborateurs tissent<br />

des relations et construisent du lien social. Ils partagent les<br />

succès, se plaignent ensemble des clients difficiles, construisent<br />

des amitiés et parfois même des relations amoureuses. Cela frise<br />

le cynisme de souder les équipes lors de teams buildings, puis de<br />

leur demander de licencier un collègue. Pour développer un<br />

esprit d’équipe de manière authentique, il faudra s’y prendre<br />

autrement. Car il y a là un double-fardeau pour le collaborateur.<br />

D’une part, il ou elle aura sans cesse l’impression d’être<br />

évalué-e par ses collègues, avec le risque de se voir éjecter au<br />

moindre faux pas. Les introvertis souffriront le plus de cette situation.<br />

D’autre part, décider de licencier quelqu’un représente<br />

une immense responsabilité. Sommes-nous en train de choisir<br />

la bonne personne? L’équipe saura-t-elle rester objective? Serons-nous<br />

capable de résister à la pression du groupe et d’exprimer<br />

un avis contraire? Être en porte-à-faux avec les autres mènera<br />

peut-être vers mon propre licenciement la prochaine fois?<br />

Ce genre de responsabilité devrait être portée par un nombre<br />

restreint de personnes, et non diffusée à travers le collectif. La<br />

responsabilité collective est d’une toute autre nature et est difficile<br />

à clarifier en cas de désaccord. Ce n’est pas aux collaborateurs<br />

d’être les cobayes d’expérimentations de darwinisme<br />

social de ce genre.»<br />

46<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Débat Opinions<br />

Marc Prinz,<br />

avocat, Vischer SA<br />

«Un employeur est légalement obligé de consulter ses collaborateurs<br />

dans certaines situations – notamment sur les questions<br />

qui touchent à leur santé. Demander l’avis des employés<br />

peut également faire sens sur d’autres sujets liés à la conduite<br />

de l’entreprise au quotidien. La définition des objectifs et des<br />

responsabilités est un exemple. Établir ces conditions-cadres<br />

ensemble augmentera l’engagement et le sentiment d’appartenance<br />

à l’organisation. En revanche, nous sommes d’avis que<br />

c’est à l’employeur seul de décider s’il faut consulter ses collaborateurs<br />

avant de procéder à un licenciement. Laissez les collaborateurs<br />

décider qui licencier et vous allez créer une culture<br />

anxiogène, avec des conséquences néfastes pour toute l’organisation.<br />

Les collaborateurs avanceront la peur au ventre, sachant<br />

qu’ils risquent d’être dénoncés par un collègue, avec ou<br />

sans motif valable. Cela risque de renforcer un climat propice<br />

au harcèlement et à la délation. Pour mémoire, l’employeur est<br />

tenu de veiller à la protection de la santé de ses employés (article<br />

328 du CO). Reporter sur les collaborateurs la décision de licencier<br />

un employé est également très discutable par rapport à<br />

l’obligation de diligence de l’employeur. Ce qui ne veut pas dire<br />

qu’un employeur ne doit pas tenir compte de l’avis des collaborateurs<br />

au moment de licencier quelqu’un. Imaginons que plusieurs<br />

collaborateurs se plaignent du comportement d’un de<br />

leurs collègues, cela peut être un indice indiquant que cette<br />

personne n’est pas (ou plus) au bon endroit. Garder une oreille<br />

ouverte aux réclamations des collaborateurs n’est donc pas<br />

faux en soi. En revanche, la décision de se séparer ou non d’une<br />

personne doit rester dans les mains de l’encadrement et ne pas<br />

être sous-traitée aux employés qui en assumeraient seuls et<br />

exclusivement la responsabilité.»<br />

«Laissez les collaborateurs<br />

décider qui licencier et vous allez<br />

créer une culture anxiogène.»<br />

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<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 47


Opinions Débat<br />

Alessandra Zito-Rickenbacher,<br />

psychologue, ConSenso Consulting<br />

«Les licenciements sont<br />

l’affaire de l’encadrement.»<br />

«Cette question me fait penser à une expérience de psychologie<br />

sociale ou à un Survivor Game comme on en voit souvent à la<br />

télévision. À l’heure des organisations agiles et auto-organisées,<br />

la question ne semble pourtant pas si incongrue. Cela dit, une<br />

équipe agile ne fonctionne pas sans direction. Il serait naïf de<br />

croire qu’une équipe est en mesure de se débrouiller toute seule<br />

en toutes situations, même lors d’un conflit interne par exemple.<br />

L’être humain est un animal social. Il a besoin d’évoluer en harmonie<br />

avec ses collègues. Mais une équipe est aussi un collectif<br />

d’individus. Et chaque individu poursuit ses propres intérêts, qui<br />

peuvent parfois entrer en conflit avec ceux du groupe. Une équipe<br />

qui évoluerait de manière autogérée risque aussi de devenir<br />

homogène, ce qui nuirait à la performance, à l’innovation et à<br />

sa capacité de changer. Par conséquent, je déconseille fortement<br />

de déléguer à l’équipe la responsabilité de licencier quelqu’un.<br />

Les licenciements sont l’affaire de l’encadrement. Dans une organisation<br />

performante, l’encadrement ne contribue pas seulement<br />

à améliorer les produits du système, mais aussi au bon<br />

fonctionnement de ce système. C’est au management, par exemple,<br />

de créer un environnement de travail où chacun puisse exprimer<br />

son potentiel et contribuer au succès de l’ensemble du<br />

groupe. Réguler la composition des équipes fait partie des tâches<br />

du manager. Un cadre devrait porter son attention aux individus<br />

qui entrent dans une équipe plutôt que sur ceux qui devraient<br />

la quitter. Évaluer la compatibilité d’un individu avec une<br />

équipe doit se faire sur des éléments vérifiés et précis, comme des<br />

profils de personnalité. C’est de la responsabilité du manager de<br />

créer des équipes complémentaires, avec une vraie diversité de<br />

profils. Il ou elle veillera à ce que toutes les compétences et connaissances<br />

soient réunies pour atteindre les objectifs fixés.»<br />

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<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


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* Définitions tirées du livre de Marie-Hélène Straus<br />

et d’Eric Julien (voir la référence ci-contre).<br />

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Réactions Opinions<br />

Dossier 1 <strong>HR</strong>TF 1-<strong>21</strong><br />

Dossier S’inspirer du vivant<br />

S’inspirer du vivant<br />

L’entreprise, un corps vivant<br />

en besoin d’être autant que de faire<br />

«En tant que recruteur, le business est devenu un<br />

marché de candidat, les postes à pouvoir font légion<br />

dans tout type de sociétés et de secteurs d’activités,<br />

l’approche doit évoluer, et évolue, de la<br />

«ressource» à «l’humain», «l’être» au sein d’une<br />

entité afin de pouvoir attirer, fidéliser et retenir<br />

les gens! Et mieux les candidats deviennent de<br />

plus en plus vigilants, regardant et font leurs recherches<br />

sur les sociétés. Le respect et l’adéquation<br />

de leurs valeurs commencent à prendre une<br />

place de plus en plus importante dans les choix<br />

des employeurs.»<br />

Samuel Justin Macaulay<br />

«Passionnant en synthèse comme en contenu.<br />

Nous développons une technologie de l’information<br />

fondée sur les principes du vivant et des découvertes<br />

de la psychologie sociale. Cela me ravit<br />

de voir que ce thème et les puissantes dynamiques<br />

d’intelligence collective, de sens, et d’auto-engagement<br />

commencent à devenir un peu plus visibles.»<br />

Gilles Ruffieux<br />

«Effectivement, les organisations peinent à définir<br />

leur ADN, à expliciter leur culture organisationnelle,<br />

leurs valeurs... Peut-être sont-elles trop<br />

tournées vers le court terme, et comme nous<br />

tou(te)s conjuguent beaucoup trop le verbe avoir<br />

et pas assez le verbe être? Il est temps de repartir à<br />

l’essentiel, à l’essence de l’organisation, quelle est<br />

sa mission? Que souhaite-t-elle accomplir? Pourquoi?<br />

Une fois la vision clarifiée, plus besoin de<br />

lunette ou de canne... les intentions sont claires et<br />

les actions qui en découlent peuvent se déployer<br />

avec force et vigueur! (Il y a un peu de travail tout<br />

L’entreprise, un corps vivant en<br />

besoin d’être autant que de faire<br />

En s’inspirant des lois de la biologie, les managers renouent avec une tradition millénaire<br />

incarnée par le peuple Kogi de Colombie. Pour qu’un groupe d’individus fonctionne<br />

en harmonie, il a besoin d’un cadre qui permet l’émergence de l’intelligence collective.<br />

Texte: Marc Benninger<br />

Le capitalisme est une impasse et la nature nous<br />

indique la sortie de secours. La crise sanitaire de<br />

2020 ne serait que la cerise sur le gâteau d’une<br />

crise bien plus profonde que traverse l’humanité.<br />

L’espèce humaine serait donc entrée dans un culde-sac,<br />

avec un double-mur devant elle: les problèmes<br />

environnementaux et la croissance économique<br />

sans fin. Comment sortir de l’impasse?<br />

«Nous avons besoin d’intelligence<br />

collective et de relations plus<br />

saines dans l’organisation.<br />

L’humain a besoin de développer<br />

son être autant que son avoir.»<br />

Dans un ouvrage publié en 2019, deux biologistes<br />

et agronomes français, Pablo Servigne et<br />

Gauthier Chapelle, estiment que cette issue passe<br />

par plus de coopération. Depuis la naissance du<br />

capitalisme moderne au XVIIème siècle, l’être<br />

humain s’est progressivement déconnecté de la<br />

nature. Les penseurs de l’Etat moderne au<br />

XIXème siècle ont récupéré les idées darwiniennes<br />

sur la survie des espèces pour n’en retenir que les<br />

aspects profitables à la suprématie humaine sur<br />

les autres espèces du vivant. En clair, expliquent<br />

les auteurs, l’humanité est en train de creuser sa<br />

propre tombe. La thèse de Servigne et Chapelle<br />

est de montrer comment, et surtout dans les milieux<br />

hostiles, les organismes vivants recourent à<br />

l’entraide et à la coopération autant qu’à la compétition<br />

et la prédation.<br />

Dernier Mohican communautaire<br />

Depuis quelques années, ces lois biologiques de la<br />

coopération et de l’entraide intéressent de plus en<br />

18<br />

Marie-Hélène Straus<br />

plus les chercheurs en gestion. Pensons au phénomène<br />

de l’entreprise libérée qui considère l’organisation<br />

comme un organisme vivant. Laure le<br />

Douarec, praticienne en intelligence collective,<br />

explique (par téléphone depuis la campagne rennaise<br />

en Bretagne): «Pendant des siècles, nous<br />

avons été conditionnés par nos groupes sociaux:<br />

la famille, la société de jeunesse, la commune, le<br />

parti politique, la religion, etc. Ces communautés<br />

proposaient des codes communs et une capacité<br />

forte à structurer nos vies. Depuis quelques décennies,<br />

les individus ont cessé de s’identifier à<br />

ces communautés. Je pense notamment aux travaux<br />

de David Bohm qui montre que notre société<br />

s’est fragmentée. L’individu devient comme un<br />

électron libre, esseulé. Sans groupe organisé, l’individu<br />

cherche comment créer du lien par ses<br />

propres moyens, d’où l’essor de l’intelligence collective<br />

comme nouveau cadre social. Paradoxalement,<br />

l’entreprise est un des rares espaces communautaires<br />

encore vivace. Elle est le dernier<br />

Mohican des espaces communautaires.»<br />

Les Kogis, 4000 ans d’harmonie<br />

La société contemporaine est donc demandeuse<br />

de liens sociaux et les lois de la biologie sur l’entraide<br />

et la coopération nous montrent le chemin.<br />

Ce vivre-ensemble harmonieux de toutes les espèces<br />

du vivant s’incarnent dans le peuple racine<br />

Kogi de Colombie. Les deux consultants français<br />

Marie-Hélène Straus et Eric Julien en ont fait un<br />

livre, publié en 2018 (voir la référence ci-contre).<br />

Pour Marie-Hélène Straus, la rencontre avec le<br />

peuple Kogi a eu lieu en 2008, lors d’un voyage<br />

dans les montagnes de la Sierra Nevada de Santa<br />

Marta en Colombie. Par téléphone depuis Montpelier,<br />

elle raconte: «Ce voyage m’a transformé.<br />

Comme je sortais d’une longue carrière dans le<br />

management, je leur ai demandé comment ils géraient<br />

le travail? Les Kogis m’ont répondu: le manager<br />

chez nous est le guérisseur. Je suis tombée<br />

9 principes du vivant*<br />

L’altérité<br />

La rencontre entre deux éléments génère<br />

l’énergie à l’origine de tout mouvement.<br />

L’interdépendance<br />

L’enjeu du manager est de pouvoir appréhender<br />

la globalité des interactions du<br />

système.<br />

Le sens<br />

Tout corps vivant s’adapte et se régule en<br />

permanence grâce à la connaissance de<br />

son rôle, de sa mission et de ses objectifs.<br />

La communication<br />

Seul le dialogue ouvre l’espace à la véritable<br />

rencontre où l’autre me renseigne<br />

sur ce que je ne sais pas de moi.<br />

Les valeurs<br />

Partager un système de valeurs permet de<br />

protéger les individus et le système de la<br />

violence des confrontations d’égos asymétriques.<br />

Le cadre<br />

C’est du cadre proposé par chaque manager<br />

que va naître la forme d’une équipe:<br />

son identité, son enthousiasme, son énergie<br />

et ses potentiels.<br />

La créativité<br />

Le vide, le silence, la poésie et l’audace<br />

doivent retrouver leur place dans le processus<br />

créatif aux côtés de l’activité et de la<br />

rentabilité.<br />

Le temps<br />

Il est de la responsabilité du manager de<br />

cadrer et de réguler les temps de travail<br />

et de les faire respecter.<br />

La mémoire<br />

Qu’allons-nous transmettre et pourquoi,<br />

pour réussir la mutation et pérenniser les<br />

organisations?<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 1 | 20<strong>21</strong><br />

de même) Dans ce cadre, la mobilisation de l’ensemble<br />

des ressources de l’organisation devient<br />

évidente, chaque personne peut alors être mobilisée<br />

pour la réalisation de ce projet collectif qui<br />

fait du sens. La sagesse du petit Prince peut nous<br />

éclairer: «On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel<br />

est invisible pour les yeux...»<br />

Dossier 2 <strong>HR</strong>TF 1-<strong>21</strong><br />

S’inspirer du vivant<br />

«Nous devons accepter d’être confrontés<br />

à l’inconnu, au surgissement de la vie»<br />

«On traverse une période qui nous pousse au frénétique,<br />

aux horaires et aux jours sans fin... La<br />

pause, la création, le souffle sont plus que jamais<br />

indispensables mais nécessitent un espace temps<br />

qu’il est très difficile de trouver actuellement.<br />

Plus que jamais de l’humour, du recul, du doute,<br />

et la capacité d’entrer en relation avec les autres.<br />

Le rire, l’humour sont certainement d’excellents<br />

indicateurs tant qu’ils sont pratiqués dans un esprit<br />

bienveillant» Nadine Bagué<br />

«Cela nous interroge sur ce qu’est réellement un<br />

pays développé... il est bien possible que des pays<br />

et des cultures que nous jugeons «sous-développés»<br />

aient beaucoup à nous apprendre... sans<br />

parler de la cohérence de leurs modes de vie<br />

compte tenu des enjeux écologiques! Tout dépend<br />

des critères utilisés pour mesurer le développement<br />

d’un pays et il devient de plus en plus<br />

évident que le PIB est très médiocre dans l’optique<br />

d’une analyse systémique.» Nicolas Quoëx<br />

Dossier S’inspirer du vivant<br />

S’inspirer du vivant Dossier<br />

«Nous devons accepter d’être confrontés<br />

à l’inconnu, au surgissement de la vie»<br />

Co-auteurs du livre «Le choix du vivant», les deux consultants français Marie-Hélène Straus<br />

et Eric Julien tissent ici les liens entre la culture des Kogis de Colombie et le management moderne.<br />

Ils proposent aussi une issue à l’impasse du capitalisme.<br />

Interview: Marc Benninger<br />

Les liens entre les lois de la nature et le management<br />

ne sont pas évidents. Donnez-nous un problème, qui est souvent multiple. Cela vous leur permet de retrouver de la confiance et de<br />

mencer par se mettre d’accord sur la source du par exemple, le cadre coconstruit avec les enfants<br />

exemple concret où un manager a intérêt à s’inspirer<br />

du vivant?<br />

même point de départ et en croisant les points cette logique-là: prendre conscience que le cadre<br />

permettra d’aller vers la résolution en partant du gagner en autonomie. Nous sommes plutôt dans<br />

Marie-Hélène Straus: L’exemple le plus évident est «subjectifs» d’observation.<br />

est protecteur et libérateur.<br />

la créativité. Léonard de Vinci disait: éloignez-vous<br />

et allez dans la nature, vous y trouverez<br />

toute votre inspiration. C’est difficile d’être un éléphant qui vient devant un village l’organisation comme un organisme vivant. En<br />

EJ: Un conte soufi du XVIème siècle met en scène Les penseurs de l’entreprise libérée considèrent<br />

créatif dans une salle en béton. À l’inverse, se d’aveugles. Des émissaires, aveugles, sont envoyés<br />

pour tâter la bête et se faire une idée. Evi-<br />

stricts…<br />

holacratie par exemple, les codes sont très<br />

reconnecter à la nature, se promener, être dehors<br />

et regarder cette vie magnifique qui nous entoure demment, chacun revient avec une expérience MHS: … mais la vie est très cadrée. C’est le principe<br />

d’entropie. Notre univers se dilate. Le grain<br />

offre un grand nombre de pistes créatives intéressantes.<br />

chacun peut défendre sa perception de la ques-<br />

de café qui se dissout dans une tasse ne se recons-<br />

partielle du réel. C’est pareil en organisation,<br />

tion. Pour moi un éléphant, c’est une oreille… Ou tituera jamais. La vie va de la forme à l’informe.<br />

Eric Julien: L’autre exemple est la réunion. Qui alors, chacun peut s’intéresser à la perception de Nos corps vont vers la cendre. Sans cadre, tout se<br />

n’a pas vécu ces réunions interminables où l’on l’autre. Quand les collaborateurs posent des dilue. Pareil avec une équipe en entreprise. Sans<br />

se demande ce que l’on y fait? Depuis que questions et s’intéressent aux points de vue des un cadre précis, la vie ne pourra pas se développer.<br />

Cela renvoie à un principe scientifique, l’en-<br />

l’homme vit sur cette terre, il organise des réunions<br />

et pourtant nous avons peu progressé. augmente. Vous entrez dans le dialogue et le pardosymbiose:<br />

deux cellules, quand elles sont pro-<br />

autres, le niveau de maturité de l’organisation<br />

Pour mettre de l’énergie dans une séance, il faut tage de représentations. Notre ami fils de charpentier<br />

(Jésus, ndlr) le dit dans ses textes: «De-<br />

pour coopérer. La coopération n’est possible que<br />

tégées par une membrane, peuvent se rapprocher<br />

en manager les polarités. C’est le principe du<br />

Ying et du Yang. Une séance a besoin d’altérité, mande et on te répondra». C’est à partir du moment<br />

où nous ne pensons plus être au centre du<br />

dans un cadre.<br />

source d’énergie créatrice. Chez les Kogis, cette<br />

altérité en réunion se décline sur plusieurs plans. monde que commence l’interdépendance. Sur la créativité, vous dites que nos activités incessantes<br />

ne permettent plus les espaces néces-<br />

D’abord, ce sont deux personnes différentes qui<br />

préparent les réunions. L’une s’occupe du contenu,<br />

l’autre de la méthode de travail. Cela fait Comment mettez-vous cette question en lien avec MHS: Nous sommes constamment alertés, per-<br />

La question du cadre est aussi très importante. saires pour que puisse émerger la créativité…<br />

deux intelligences séparées qui doivent dialoguer l’entreprise libérée?<br />

turbés, agressés par un monde qui nous inonde<br />

entre elles. Ce qui tient à distance les problèmes EJ: Le premier endroit où vous bénéficiez d’un d’informations que nous n’avons pas sollicitées.<br />

d’égo ou de pouvoir. Ensuite, comme des poupées cadre est dans le ventre de votre maman. Pour Mais pour que le cerveau soit créatif, il doit s’ennuyer,<br />

flotter. Aujourd’hui, rares sont les parents<br />

russes, il y a un second plan, qui sépare ceux ou que l’altérité entre le masculin et le féminin<br />

celles qui animent la réunion de ceux ou celles opère, pour déclencher la duplication cellulaire, qui laissent leurs enfants s’ennuyer. Ne parlons<br />

qui prennent les décisions. Enfin, un troisième vous avez besoin d’un cadre. Il s’appelle le placenta.<br />

Cette membrane protège, puisqu’elle filtre les de silence sont source de créativité.<br />

pas des managers. Ces temps de pause, de paix et<br />

plan identifie ceux ou celles qui participent, et<br />

celui ou celle qui observe la réunion, afin de donner<br />

un feedback.<br />

ingrédients. Pareil dans une structure organisa-<br />

EJ: C’est le vide potentiel qui crée la vie. Au début,<br />

informations pathogènes, et laisse passer les bons<br />

tionnelle. Le premier job du manager est de créer il n’y a rien. Il faut une intention, une projection<br />

Dans votre chapitre sur l’interdépendance, vous un cadre de sécurité. Un endroit où chacun se et un espace vide mais fécond qui accueille cette<br />

écrivez que «la résolution d’un problème est impossible<br />

lorsque son évaluation reste subjective, confiance avec un filtre. Ce filtre est une garantie sible. «Changez votre rêve et vous irez mieux»,<br />

sent protégé, où la parole peut circuler en intention. Sans espace vide, pas de création pos-<br />

c’est-à-dire perçue différemment par chaque qui associe confidentialité et protection.<br />

nous disent les Kogis. Le rêve est une projection,<br />

membre d’une équipe». Que voulez-vous dire par<br />

une intention. Si nous rêvons de violence, elle<br />

là et comment faire pour que cette interdépendance<br />

fonctionne?<br />

EJ: Cela peut paraître paradoxal, mais pour être rêves. Quand nous changeons nos projections et<br />

Et le lien avec l’entreprise libérée?<br />

arrivera. En réalité, nous créons nos propres<br />

MHS: Si vous n’êtes pas sur les mêmes niveaux de vraiment libérée, il faut mettre beaucoup de nos rêves, d’autres possibles émergent. Mais pour<br />

compréhension, chacun va essayer de régler ce cadre. Ce qui n’est pas toujours le cas en entreprise<br />

libérée. Cela dit, le principe du cadre se re-<br />

un peu plus d’argent et augmenter ses parts de<br />

cela il faut un vide «fécond». Gagner chaque jour<br />

qu’il pense être le problème. C’est ainsi que les<br />

malentendus se démultiplient. Il faut donc com- trouve partout. Dans certains systèmes éducatifs marché est un rêve triste et peu mobilisateur.<br />

20<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 1 | 20<strong>21</strong><br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 1 | 20<strong>21</strong> <strong>21</strong><br />

Photos: Pierre-Yves Massot / realeyes.ch pour <strong>HR</strong> <strong>Today</strong><br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 49


Opinions Réseautage<br />

iStockphoto<br />

Flexibilité de l’emploi<br />

La structure de l’emploi des organisations se modifie. Les entreprises font de plus en plus appel à des externes.<br />

Elles adaptent leurs besoins en personnel de manière flexible selon les projets et les missions.<br />

C’est ce que montre une étude de la haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW).<br />

Les auteurs en ont discuté lors d’une table ronde en ligne en janvier 20<strong>21</strong>.<br />

Texte: Corinne Päper<br />

Quel est le degré de flexibilité des employés<br />

suisses? La question ne désigne pas ici la flexibilité<br />

des horaires ou des espaces, mais plutôt de la<br />

structure de l’emploi des entreprises du pays. À<br />

quel degré ces sociétés font-elles appel à des travailleurs<br />

temporaires, des freelancers ou des travailleurs<br />

sur plateformes. Des termes qui font référence<br />

à l’économie de la pige (Gig Economy), un<br />

modèle qui se développe de plus en plus aux États-<br />

Unis et en Europe.<br />

C’est autour de cette question que s’est tenue<br />

une visioconférence le 19 janvier 20<strong>21</strong> devant<br />

120 participants-es, à l’occasion de la publication<br />

de l’étude «Une main-d’œuvre flexible dans<br />

les entreprises suisses»* de la FHNW. Tobias<br />

Mengis, directeur des éditions Alma Medien, éditeur<br />

d’<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> et partenaire média de cette<br />

opération, a commencé par donner quelques<br />

chiffres. 68% des répondants recourent à une<br />

main-d’œuvre flexible et cette pratique a tendance<br />

à augmenter. Selon Christoph Vogel, collaborateur<br />

scientifique à la FHNW et coordinateur<br />

de cette étude (qui synthétise l’avis de 330<br />

personnes, dont 80% de RH), «les employeurs<br />

recourent à cette main-d’œuvre flexible afin de<br />

gérer les imprévus». Il s’agit par exemple de faire<br />

face à des pics dans les carnets de commande, de<br />

combler un manque de compétence en interne,<br />

d’obtenir un regard extérieur lors d’un projet de<br />

transformation, d’attirer des talents ou d’assurer<br />

la relève de postes-clés de l’organisation. Cette<br />

externalisation de certaines activités concerne le<br />

même volume d’activités pour la majorité des<br />

entreprises. «Seuls 3% des entreprises sondées<br />

réduisent cette externalisation des processus»,<br />

a-t-il relevé.<br />

La table ronde a ensuite réuni Martina Zölch, responsable<br />

du département RH et organisation de<br />

la FHNW; Michaela Christian Gartmann, Territory<br />

Human Capital Leader chez PwC Suisse;<br />

Christian Scherff, chef de produits et services à la<br />

caisse de prévoyance Vita; Victor Calabrò, fondateur<br />

et président du conseil d’administration de<br />

Coople Global Services SA; Marius Osterfeld, économiste<br />

chez Swissstaffing et enfin Fernando<br />

Carlen, associé et responsable des Services chez<br />

Avenir Group.<br />

«La flexibilité fait partie de l’ADN de PwC Suisse,<br />

assure Michaela Christian Garmann. Notre activité<br />

de conseils exige de nous adapter sans cesse.»<br />

«Les clients d’Avenir Group cherchent de plus en<br />

plus de spécialistes RH pour des missions complexes<br />

et passagères, poursuit Fernando Carlen.<br />

La demande en management de transition augmente».<br />

Cela permet de relancer une activité en<br />

perte de vitesse ou au contraire de réduire la voilure<br />

dans des périodes plus calmes.<br />

Dans le secteur des agences de placement, ces<br />

changements sont aussi perceptibles. «En 2009,<br />

le secteur du travail temporaire employait<br />

230'000 personnes. En 2019, ce chiffre était de<br />

380’000», a révélé Marius Osterfeld. «Et ce ne<br />

sont pas uniquement des jeunes. Les personnes<br />

plus âgées sont de plus en plus demandeuses de<br />

missions temporaires. C’est souvent une manière<br />

de retrouver un emploi fixe, après un licenciement<br />

collectif par exemple.» La stratégie de la<br />

plateforme Coople est justement d’être très réactive<br />

aux demandes des entreprises qui cherchent<br />

du personnel. Victor Calabrò est d’ailleurs en<br />

train de renforcer la plateforme pour répondre à<br />

cette demande. «Le défi pour une entreprise est de<br />

pouvoir monter une équipe rapidement sans se<br />

compliquer la vie avec de l’administratif et des<br />

procédures trop lourdes.»<br />

Après deux heures de débats, la partie officielle<br />

prend fin. Au lieu d’un apéro, la FHNW a ouvert<br />

une salle virtuelle pour les participants qui souhaitent<br />

poursuivre les échanges. La proposition a<br />

séduit.<br />

n<br />

**Version française à télécharger gratuitement sur<br />

hrtoday.ch/fr.<br />

50<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Think Tank Opinions<br />

La gestion de projet entre dans<br />

l’agilité et la création de valeur<br />

Par Patrick Hauser<br />

De nos jours, tout le monde parle d’agilité et de<br />

résilience. Les méthodes de gestion de projet<br />

n’échappent pas à ce phénomène. Traditionnellement<br />

en gestion de projet, on définit un objectif<br />

détaillé puis on calcule le délai et le budget. Lors<br />

de l’exécution, on cherche une solution à chaque<br />

problème qui se présente de façon à atteindre<br />

l’objectif défini. Or dans un monde qui change de<br />

plus en plus vite, cet objectif ne peut plus être<br />

figé, il faut donc trouver une façon de faire, beaucoup<br />

plus souple, permettant de s’adapter en permanence<br />

aux changements. Ce sont les méthodes<br />

agiles.<br />

En gestion de projet agile, on définit le cadre budgétaire<br />

et temporel puis l’objectif global. Lors de<br />

l’exécution, par un dialogue régulier avec les futurs<br />

utilisateurs, on précise cet objectif et on permet<br />

à ces utilisateurs de changer d’avis. De plus,<br />

comme on livre de façon incrémentielle (livraison<br />

au plus tôt d’un produit minimum avec<br />

l’ajout de fonctionnalités supplémentaires à<br />

chaque cycle), le retour sur investissement se fait<br />

beaucoup plus tôt.<br />

Aujourd’hui, les deux approches de la gestion de<br />

projet, traditionnelle (prédictive en cascade) et<br />

agile, ne sont plus antinomiques. En effet, comme<br />

une méthode ne peut pas répondre à tous les projets,<br />

toutes les méthodologies classiques ont<br />

maintenant intégré l’agilité. Avant de planifier<br />

un projet, il faut donc commencer par choisir<br />

l’approche (prédictive, agile ou hybride), puis<br />

adapter cette approche à l’organisation, à l’environnement<br />

et au projet lui-même. C’est cette approche<br />

qui est préconisée par le nouveau PM-<br />

BOK® (7e édition), livre phare de PMI® (Project<br />

Management Institute)* qui va sortir prochainement.<br />

Méthode prédictive vs agile<br />

Selon cette approche, un projet dont on doit fournir<br />

l’objectif détaillé (avec peu de changements<br />

possibles) sera géré par une méthode prédictive.<br />

Par exemple, la construction d’un bâtiment pour<br />

lequel on doit obtenir un permis avant de commencer<br />

l’exécution. Alors qu’un projet dont on<br />

ne connaît pas en détail le résultat final et que<br />

l’on peut livrer de façon incrémentale sera géré<br />

par une méthode agile. Par exemple, la mise en<br />

place d’un site de e-commerce. Pour les autres<br />

types de projets, les avantages de ces deux approches<br />

seront mis à contribution pour créer la<br />

méthode hybride la plus adaptée. Très souvent,<br />

les grandes étapes du projet sont planifiées de façon<br />

prédictive et les sous-phases de façon agile.<br />

Approche de la gestion de projet<br />

PMI®: Pulse of the profession 2018<br />

État d’esprit, comportement et apport<br />

de valeur<br />

La deuxième tendance du moment est l’importance<br />

de l’apport de valeur à l’entreprise. Le premier<br />

principe de l’agile manifesto** est: «Notre<br />

plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant<br />

rapidement et régulièrement des fonctionnalités<br />

à grande valeur ajoutée.» Ce qui compte<br />

n’est pas de livrer ce qui était prévu à la date prévue,<br />

mais de fournir un résultat qui apporte de la<br />

valeur au meilleur moment. La gestion de<br />

l’équipe ne peut plus être dirigiste, on stimule la<br />

créativité, l’adaptabilité en donnant plus de responsabilité<br />

et de liberté. On ne parle donc plus livrables,<br />

mais de résultats.<br />

D’ailleurs, depuis quelques années, on parle de<br />

VDO (Value-Delivery Office). Cette nouvelle<br />

fonction dans l’entreprise doit, entre autres, veiller<br />

à l’apport de valeur de chaque projet. Le<br />

monde change rapidement, la Covid impose de<br />

nouvelles façons de travailler en équipe, les nouvelles<br />

générations abordent le monde du travail<br />

différemment. L’avenir sera aux innovateurs<br />

proactifs et agiles, c’est le profil que le chef de<br />

projet doit avoir.<br />

n<br />

* https://www.pmi.org/<br />

** https://agilemanifesto.org/ <br />

À propos de l’auteur<br />

Depuis 1994, Patrick Hauser est consultant<br />

formateur indépendant spécialisé en gestion<br />

de projet. Ses formations interactives<br />

couvrent tous les domaines de compétence<br />

du chef de projet. Il a également<br />

développé une grande expérience de<br />

coach de chef de projet.<br />

proj.ch<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 51


Opinions Panorama<br />

Agenda<br />

<strong>HR</strong> FESTIVAL europe en 2022<br />

L'incertitude causée par la pandémie nous touche tous de la même<br />

manière. Début mars 20<strong>21</strong>, il n'était toujours pas clair dans quelles<br />

conditions et à quel moment des événements majeurs pourraient à<br />

nouveau avoir lieu. Après plusieurs discussions avec les exposants et<br />

les partenaires, nous avons décidé de reporter le <strong>HR</strong> FESTIVAL europe<br />

au mardi 29 et mercredi 30 mars 2022 à la Messe de Zurich.<br />

hrfestival.ch<br />

Zürich 29 – 30/03/2022<br />

Livres RH<br />

Management et spiritualité<br />

Visionnez des comptes-rendus de livres RH sur le site hrtoday.ch. Ces<br />

vidéos d’une dizaine de minutes vous donneront un bref résumé de<br />

plusieurs ouvrages de référence, anciens et récents. À visionner notamment:<br />

«Management et spiritualité». Dans cet ouvrage, quinze<br />

chercheurs français en gestion proposent une série d'enquêtes sur la<br />

spiritualité en organisation. Ils analysent notamment ses liens avec la<br />

consommation, le marketing et le droit du travail.<br />

hrtoday.ch/fr/tv<br />

Consultez l’agenda complet sur hrtoday.ch<br />

Marché de l’emploi<br />

Chômage et réduction de<br />

l’horaire de travail en 2020<br />

En 2020, l’évolution du marché du travail a été marquée par la pandémie de COVID-19. Le recours massif à l’indemnité<br />

en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) a permis de considérablement atténuer les conséquences<br />

négatives de la pandémie sur les entreprises et les travailleurs. Néanmoins, le nombre de chômeurs et de demandeurs<br />

d’emploi inscrits, qui se trouvait à un niveau bas, a brusquement augmenté dès la mi-mars.<br />

iStockphoto<br />

À partir du mois de juin, le nombre des demandeurs d’emploi ne progressait<br />

plus que faiblement et de légères baisses ponctuelles du nombre de chômeurs<br />

ont été enregistrées. À la fin du mois de décembre 2020, le nombre de chômeurs<br />

s’élevait à 163'545 personnes, ce qui correspond à une hausse de<br />

39,5%, soit 46'268 chômeurs supplémentaires par rapport à l’année précédente.<br />

Quant aux demandeurs d’emploi, leur nombre se montait à 260'318<br />

personnes, ce qui représente une augmentation de 34,9%, soit 67'363 personnes<br />

supplémentaires par rapport au chiffre du mois de décembre 2019.<br />

Un tel niveau a été enregistré pour la dernière fois en février 1997.<br />

Chômage en hausse de 0,8 point<br />

Le nombre de chômeurs en moyenne annuelle pour 2020, à 145'720 personnes,<br />

est supérieur de 38'788 personnes, soit de 36,3%, au chiffre de<br />

2019. Il en résulte pour l’année sous revue 2020 un taux de chômage annuel<br />

moyen de 3,1%, ce qui représente une hausse de 0,8 point de pourcentage<br />

par rapport à 2019 (2,3%).<br />

Le taux de chômage des jeunes (15 à 24 ans) gagne en moyenne 1,0 point<br />

de pourcentage par rapport à l’an passé, pour atteindre une moyenne annuelle<br />

de 3,2%. Quant au taux de chômage des actifs seniors (50 à 64 ans),<br />

il a également augmenté, s’élevant à 2,9% en moyenne annuelle (+0,7<br />

point de pourcentage par rapport à 2019).<br />

1,3 million de personnes en RHT en avril<br />

Le recours massif à l’indemnité en cas de RHT a permis d’éviter que le chômage<br />

ne connaisse une hausse encore plus marquée due à la forte régression<br />

de la valeur ajoutée enregistrée au premier semestre de 2020. Alors<br />

qu’il se trouvait à un très bas niveau en février (5’045), le nombre de travailleurs<br />

touchant l’indemnité en cas de RHT a rapidement grimpé pour<br />

atteindre 1,0 million de personnes au mois de mars et un pic historique<br />

d’environ 1,3 million de personnes au mois d’avril.<br />

Entre les mois de mai et septembre, ce chiffre a de nouveau affiché un net<br />

recul en raison de l’assouplissement des mesures de politique sanitaire; les<br />

RHT décomptées jusqu’à présent pour le mois d’octobre ont concerné<br />

<strong>21</strong>9'388 travailleurs. Le nombre de personnes concernées pourrait une<br />

nouvelle fois accuser une forte hausse pendant la période hivernale en raison,<br />

avant tout, de la deuxième vague de la pandémie de COVID-19 et des<br />

mesures prises pour y remédier. En novembre, un préavis d’indemnité en cas<br />

de RHT a été déposé pour 645'493 travailleurs.<br />

Source: Office fédéral de la statistique<br />

52<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Recherche Opinions<br />

«Des évaluations 180° ou 360° sont des moyens<br />

concrets d’évaluer les acquis de formation»<br />

Dans le cadre de son<br />

MAS Human Capital<br />

Management de la<br />

HEIG-VD, Emmanuel<br />

Oro, Consultant RH<br />

chez Ulysse Nardin &<br />

Girard-Perregaux<br />

(horlogerie), a rédigé<br />

un mémoire intitulé:<br />

«Analyse comparée<br />

des représentations<br />

de l’efficacité́ de la<br />

formation continue<br />

de la part de collaborateurs,<br />

dirigeants de<br />

PME et grandes entreprises<br />

et consultants-formateurs.»<br />

Vous montrez que les représentations de collaborateurs, de<br />

dirigeants et de consultants-formations quant à l’efficacité de<br />

la formation continue en entreprise, sont souvent divergentes.<br />

En quoi?<br />

Emmanuel Oro: Le dirigeant souhaite la mise en application<br />

des acquis de formation à la place de travail à très court terme<br />

et des gains opérationnels (financiers et en termes de ressources<br />

humaines). Quant au consultant formateur, il semble<br />

accorder une attention toute particulière à l’intention de<br />

transfert durant la formation continue, à la co-construction<br />

des objectifs de la formation avec les parties prenantes et à<br />

leur évaluation au terme de celle-ci, à l’implication des managers<br />

dans la définition des objectifs de la formation en lien<br />

avec la stratégie d’entreprise ainsi que dans leur suivi sur le<br />

terrain. Le collaborateur souhaite lui aussi participer à la<br />

co-construction des objectifs de formation. Il veut mettre en<br />

application les acquis de formation pour être plus performant<br />

à sa place de travail et à terme pouvoir évoluer dans son expertise<br />

et ses compétences. La possibilité d’évoluer sur le plan<br />

de sa carrière constitue aussi un élément représentationnel,<br />

très en lien avec la reconnaissance de son investissement de la<br />

part de son employeur. Notons que toutes les parties prenantes<br />

sont en phase sur deux points: elles se représentent<br />

toutes le transfert des acquis de formation à la place de travail<br />

et in fine l’impact organisationnel comme des éléments clés<br />

d’une formation continue efficace.<br />

Vous suggérez d’accorder une attention toute particulière à la<br />

question de la mise en application des acquis de formation en<br />

situation professionnelle. Comment s’y prendre?<br />

Avant de parler de la manière de s’y prendre, il est nécessaire<br />

de définir et de co-construire en amont des objectifs de forma-<br />

tion avec les parties prenantes et de pouvoir les évaluer durant<br />

et après la formation. Le manager a un rôle clé dans la phase<br />

de transfert, à savoir en termes d’accompagnement et de «vérification»<br />

de la mise en application des acquis de formation<br />

(pendant et après celle-ci). Le coaching peut aussi être réalisé<br />

avec l’appui d’un consultant formateur, dépendant de la maturité<br />

de l’organisation en termes de culture apprenante. Des<br />

évaluations 180° du transfert des acquis (participant luimême,<br />

collègues et supérieur hiérarchique) ou des évaluations<br />

360° (participant, collègues, supérieur hiérarchique, collaborateurs,<br />

commanditaire) sont des moyens concrets qui permettent<br />

d’évaluer de manière factuelle les acquis de formation<br />

en plus du coaching susmentionné en lien avec les objectifs de<br />

formation.<br />

Comment articulez-vous vos résultats avec le concept des organisations<br />

apprenantes?<br />

Au sein des organisations apprenantes, où la culture organisationelle<br />

est caractérisée par la collaboration et la réflexion<br />

commune permettant l’adaptation aux nouveaux défis, la formation<br />

ne relève plus de l’activité sporadique, ponctuelle, mais<br />

s’inscrit comme un élément clé du processus d’apprentissage<br />

continu qui leur est propre. Aussi, au sein de ces organisations,<br />

le développement des compétences des individus et des équipes<br />

fait partie intégrante de l’activité professionnelle. Le partage<br />

des acquis de formation au sein du collectif de travail, mentionné<br />

comme critère d’efficacité de la formation par certains<br />

dirigeants ayant pris part à mon étude, va exactement dans ce<br />

sens. Dans cette même veine, relevons aussi le transfert à la<br />

place de travail des acquis de formation comme un des critères<br />

d’efficacité fréquemment évoqués et indispensable au développement<br />

de telles organisations.<br />

■<br />

Impressum<br />

Paraît 10 fois par année en allemand et<br />

6 fois en français (février, avril, juin, août,<br />

octobre, décembre)<br />

18 ème année<br />

Tirage français,<br />

certifié REMP<br />

2208 exemplaires<br />

Editeur<br />

Matthias Zimmermann<br />

Union suisse des services de l’emploi<br />

Stettbachstrasse 10, 8600 Dübendorf<br />

T: 044 388 95 40, F: 044 388 95 49<br />

Maison d’édition<br />

ALMA Medien AG<br />

Hofackerstrasse 32, 8032 Zurich<br />

T: 044 269 50 10<br />

info@almamedien.ch<br />

www.almamedien.ch<br />

Direction d’édition<br />

Tobias Mengis<br />

Directrice Administration<br />

& <strong>HR</strong> <strong>Today</strong> Academy<br />

T: 044 269 50 12, info@hrtoday.ch<br />

Service d’insertion Suisse romande<br />

Aurelia Keusch<br />

T: 044 269 50 34<br />

ak@hrtoday.ch<br />

Rédaction<br />

Adresse de contact en Suisse romande:<br />

Marc Benninger, rédacteur en chef<br />

Le Bureau, Rue Jacques-Gachoud 1<br />

1700 Fribourg, T: 079 430 60 45,<br />

mb@hrtoday.ch<br />

Collaborations: Erik Freudenreich,<br />

Francesca Sacco et Christine Bachmann<br />

Contact en Suisse alémanique:<br />

Corinne Päper (CP), rédactrice en chef,<br />

cp@hrtoday.ch<br />

Conseil de rédaction<br />

Guillaume Alexandre (Gates Solutions);<br />

David Giauque (Université de Lausanne);<br />

Ariane de Rahm (experte RH) et Carole<br />

Schwander (Ville de Pully).<br />

Contributions d’auteurs<br />

Apaar_paysage et architecture (Dossier);<br />

Christine Bachmann (L’équipe RH du mois);<br />

Albin Christen (Dessin du mois); Raphaël H<br />

Cohen (Conseils pratiques); Frédéric Cornu<br />

(Dossier); Julien Crettaz (Conseils pratiques);<br />

Esmir Davorovic (Débat); Olivier Deslandes<br />

(La chronique); Yves Emery (Dossier); Marianne<br />

Favre Moreillon (Droit et travail); Myra<br />

Fischer-Rosinger (swissstaffing-news); David<br />

Giauque (Dossier); Irene Gil (Illustration du<br />

dossier); Patrick Hauser (Think Tank); Emmanuel<br />

Oro (Recherche); Corine Päper (événement);<br />

Annabelle Péclard (Conseils pratiques);<br />

Marc Prinz (Débat); Karine Renard<br />

(Dossier) et Alessandra Zito-Rickenbacher<br />

(Débat).<br />

Correctorat<br />

Corinne Gaspard<br />

Graphisme<br />

Stefanie von Däniken<br />

Abonnements<br />

T: 044 269 50 20<br />

abo@hrtoday.ch<br />

Impression<br />

Werner Druck & Medien AG<br />

Leimgrubenweg 9, 4001 Basel<br />

Tel 061 270 15 15<br />

Délai pour les insertions 3/20<strong>21</strong><br />

14 mai 20<strong>21</strong><br />

Délai rédactionnel 3/20<strong>21</strong><br />

27 avril 20<strong>21</strong><br />

Tous les articles ne reflètent pas<br />

forcément l’opinion de la rédaction.<br />

La reproduction de nos textes requiert<br />

la mention de la source, et l’envoi d’un<br />

exemplaire à la rédaction.<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong> 53


L’équipe RH du mois<br />

Photo: Alexandra Rothlin<br />

De g. à dr.: Silvia Elvedi, <strong>HR</strong> Manager; Simone Müller-Ledermann, <strong>HR</strong> Manager; Jannine Hodel, Head <strong>HR</strong> & Administration Services; Stephanie<br />

Philipp, <strong>HR</strong> Assistant.<br />

Convaincre avec des approches créatives<br />

L’équipe RH de Hero Suisse (alimentation) apprécie les collaborateurs autonomes, créatifs et responsables.<br />

Elle les accompagne dans leur développement avec une offre en formation sur mesure.<br />

Texte: Christine Bachmann<br />

L’entreprise<br />

Le groupe Hero est<br />

une entreprise<br />

familiale fondée il y a<br />

plus de 130 ans et<br />

dont le siège est à<br />

Lenzburg dans<br />

le canton d’Argovie.<br />

L’entreprise emploie<br />

4000 personnes dans<br />

19 pays. En Suisse, ils<br />

sont environ 160.<br />

Comment la pandémie a-t-elle impacté votre personnel?<br />

Jannine Hodel: Par chance, nous sommes tous restés en bonne<br />

santé et avons relativement bien traversé cette période. Le télétravail<br />

et la réduction des heures de travail nous ont obligés à<br />

plus de flexibilité. Notre personnel a aussi fait preuve d’une<br />

grande agilité durant toute cette année.<br />

Fondée en Suisse il y a 130 ans, Hero est aujourd’hui un<br />

groupe avec plus de 4000 collaborateurs établis dans 19 pays.<br />

Comment cette internationalisation influence-t-elle vos recrutements?<br />

Nous ressentons très fortement cette dimension internationale<br />

ici au site à Lenzburg (canton d’Agovie), qui est aussi le<br />

siège mondial du groupe. L’impact sur le recrutement est cependant<br />

assez faible, car nous recrutons localement. En Suisse<br />

par exemple, nous misons sur le marché de l’emploi indigène.<br />

Hero cultive un environnement de travail qui stimule l’«entrepreneuriat»<br />

et où «la créativité et la fantaisie» sont encouragés.<br />

Avez-vous des exemples?<br />

Nous apprécions les collaborateurs autonomes et responsables,<br />

qui nous bousculent avec leur expertise technique et<br />

leurs idées. C’est cette expertise et ce cœur mis dans l’ouvrage<br />

qui permettront à l’entreprise de se développer et de surprendre<br />

nos clients. Nous encourageons donc les approches créatives.<br />

Récemment par exemple, notre équipe marketing a lancé une<br />

nouvelle confiture dont la recette a été élaborée avec les<br />

consommateurs.<br />

Le développement de vos collaborateurs vous tient également<br />

à cœur. Comment vous y prenez-vous concrètement?<br />

Nous proposons plusieurs formations internes chaque année.<br />

Nous avons par exemple un cours pour apprendre à transmettre<br />

les savoirs aux autres collaborateurs. D’autres cursus<br />

sont animés par des formateurs externes. Nous avons également<br />

monté un cursus de formation spécifique à l’entreprise<br />

Hero, avec un module sur le feedback, le «Leadertrack Journey»<br />

et un autre sur le leadership pour l’encadrement. Comme<br />

notre activité tourne souvent autour du petit-déjeuner, nous<br />

aimons proposer des cours en format «Brunch & Learn». En<br />

plus de cette offre, l’entreprise soutient les collaborateurs qui<br />

souhaitent entreprendre une formation continue en emploi.<br />

Quels sont les autres sujets RH qui vous préoccupent en ce<br />

moment?<br />

Ces prochaines années, nous allons digitaliser tous les processus<br />

du cycle de vie de l’employeur, avec SAP. Nous voulons un<br />

SIRH entièrement intégré. Les autres sujets sont le développement<br />

de notre programme de gestion de la santé en entreprise,<br />

la mise sur pied d’un dispositif de gestion de la relève et des<br />

talents et notre Marque employeur. <br />

n<br />

54<br />

<strong>HR</strong> <strong>Today</strong> 2 | 20<strong>21</strong>


Qui perd la mémoire se retrouve<br />

à la merci de ses angoisses.<br />

Votre don est utile !<br />

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«Le concept innovant nous<br />

a convaincu. L'événement<br />

est le lieu idéal pour entrer en<br />

contact avec notre groupe cible»<br />

Matthias Langenbacher<br />

Directeur général tts Talent Management Consulting GmbH<br />

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