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Reperes Banen livre

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ALBD



REPÈRES SUR LES BANEN

DU CAMEROUN



Association livre banen et

développement

REPÈRES SUR LES BANEN

DU CAMEROUN


Saisie : Ekama André, Noumi Patricia, Sabeyam Adeline, Ngo Baleng

Monique, Diboua Paul Bienvenu, Solhel Boumssong Emmanuel.

Relecture : Prof Ndedi Alain, Makan 2 Samuel, Oloumou Francis, Bitouk

Paul, Behalal Jean Marc

Copyright © 2021 Collection d’auteurs

Tous droits réservés.

ISBN :


Carte de l’Afrique

Cameroun, pays d’Afrique central

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Carte du Cameroun

Territoire Banen du Cameroun

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Carte du pays banen

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« Notre histoire des Banen ressemble à un véhicule fabriqué avec des

pièces venant de différents pays ».

Mbendé Luc

« Félicitation au Comité du Livre Banen COLIBA et à tous les

participants. Le travail ne vient que de commencer. C’est un travail de

longue haleine où la précipitation n’aura pas de place »

Sabehiam Michel

« D’où viendrait donc le nom Munen ? Le terme Munen qui inspire la

dignité, la noblesse, est souvent attribué au Bassa pour qualifier les Banen.

Cependant, ce mot n’existe pas en langue Bassa. Et puis, comment nous

appelions-nous avant que nos voisins ne nous « qualifiassent » de Munen ?

Cette contradiction devrait être levée. Nous existons bien avant le

rapprochement avec ce peuple et le terme ne saurait venir que de nousmêmes.

Le mot Nέn ou Nὲn étymologiquement renvoie à au moins deux verbes :

1. όnὲn / ùnὲn = bercer, cajoler ;

2. όnὲn en Tuéling = laisser, libérer.

Dans l’un des deux cas, il apparait l’idée de délicatesse, de dignité, de

quelque chose de précieux. »

Oloumou Francis

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REMERCIEMENTS :

À vous, dignes filles et fils banen ou non, qui de près ou de loin, avez

contribué à la rédaction de cet ouvrage sur le peuple banen.

À tous ceux et celles qui y ont apporté leurs idées pour l’écriture de cet

ouvrage.

Comment oublier ceux et celles qui nous ont précédés dans ce délicat, mais

ô combien exaltant travail de rédaction de notre richesse plurielle ?

De ce fait, nous rendons un vibrant hommage à Mme Idelette Dugast,

ethnologue française, qui a abondamment écrit non seulement sur toutes les

ethnies du Cameroun français, mais particulièrement sur l’ethnie banen.

Nos sincères remerciements s’adressent également aux imminents

écrivains camerounais : Pr Bahoken Jean Calvin, Dr Mahend Bitind Pierre,

Pr Mboui Joseph, Pr Engelbert Mveng et les autres … pour leurs

importantes contributions à travers leurs publications, à la pérennisation de

l’histoire du peuple banen.

À travers leurs œuvres, chacun de ces illustres précurseurs a contribué à

baliser notre chemin actuel et surtout à nous aider à léguer à la postérité

notre modeste contribution sur la richesse du peuple banen.

Nous tenons à remercier pour leur soutien au livre banen : honorable

Moth Samuel Dieudonné, SM Engal Joseph, SM Mouyenga Valentin, SM

Nomale et Le Canton Etoundou.

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AVANT-PROPOS :

Comme beaucoup ont écrit à leur niveau l’histoire du Munen, nous, dignes

filles et fils banen avons eu l'idée d’exploiter ces œuvres et d'en tirer

l'essentiel pour y ajouter nos connaissances reçues afin de récrire un livre

parlant du Munen dans son ensemble. Il s'agit de retracer notre patrimoine

culturel et social, de connaître nos origines et si possible, d’identifier les

ancêtres de tous les Banen qui peuplent les quatre arrondissements : Yingui,

Nitoukou, Ndikiniméki, Makénéné. Pour y arriver nous nous sommes

documentés et rapprochés des aînés et des autres personnes susceptibles de

nous donner des informations fiables, des témoignages, afin de procéder à

leur transcription et de pérenniser par l’écrit, la transmission orale de notre

histoire.

Parler de la genèse des Banen sur la base des histoires contées, des

témoignages, des travaux scientifiques menés par Mme Dugast, Mahend,

Bahoken, des documents administratifs et autres est fondamental. Ce sont

des sources fiables, et les éléments clés que nos recherches fourniront nous

permettront d'enrichir la communauté banen d'un livre miroir et identitaire.

Si nos chefferies avaient des conteurs, ils nous aideraient à coup sûr à

écrire notre œuvre, mais de nos jours, il est difficile de trouver des anciens

qui maitrisent la tradition.

Sociologiquement et malgré tout, les Banen constituent un groupe

homogène qui n’est séparé d’aucun autre groupe ethnique. Pour des enjeux

politiques d’organisation et de réorganisation du territoire, le peuple banen

depuis les années 1930, connait une fragmentation de son territoire en

termes soit de création de nouvelles unités administratives, soit de

rattachement à telle ou telle unité administrative d’envergure.

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Dans une perspective à retrouver une diaspora banen aussi bien au

Cameroun que dans le monde, les recherches ont révélé qu’il existe en Sierra

Leone une communauté qui parle le hinen (langage du Munen) dans la

localité de Regent. Les nombreuses migrations et l’histoire de l’humanité

marquée par ailleurs par la période de l’esclavage et autres déportations

relatives à la période coloniale que le continent africain a connu sont les

sources de cette disparité.

La genèse du livre banen remonte à une histoire de défi d’unir autour d’un

projet de livre les Banen. Tout est parti d’un échange sur les échecs que la

communauté cumule lorsqu’elle essaye de se réunir. Il est donc apparu

évident que parler de son histoire aura un autre effet, car chaque Banen

souhaite la connaître et se l’approprier.

Le projet a débuté par la création de la plateforme WhatsApp dénommée

« Livre banen » le 05 août 2021. Très vite, la plateforme est passée d’une

dizaine à une trentaine de membres et aujourd’hui elle en compte une

centaine. Des discussions, analyses et débats s’organisent régulièrement

autour de nombreux sujets sur l’histoire, le territoire, la culture du peuple

banen. Le comité du livre banen (COLIBA) a été créé et a organisé une

première rencontre physique à laquelle avait pris part une quinzaine de

personnes. Ce fut un événement marquant et très riche à travers des apports

et des propositions multiformes au foyer Bifeyi à Douala.

Le projet est aujourd’hui soutenu par l’Association livre banen et

développement ALBD.

Ne dit-on pas en Tunen :

« Mókata umótè iya nifue olok? »

À traduire par : Une seule main ne peut attacher un paquet.

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INTRODUCTION :

Le monde est désormais un village planétaire. Un lieu de rencontre entre

cultures et civilisations. Un lieu où moult opportunités s’offrent à chacun.

Un monde dans lequel plusieurs portes sont ouvertes. Et dans ce labyrinthe,

nous avons besoin d’un fil d’Ariane comme repère pour ne pas nous égarer,

pour ne pas louper nos objectifs, nos missions. Il faut trouver la bonne

orientation de notre parcours, savoir où l’on va. Il faut pouvoir s’unir à ceux

avec qui l’on partage un héritage commun pour mieux le sauvegarder. Cette

démarche nécessite la connaissance de nos racines, de l’arbre duquel nous

procédons, de notre identité culturelle.

C’est fort de ces préoccupations que les Banen, peuple du Cameroun, pays

d’Afrique centrale, ont entrepris de retourner sur les traces du passé, d’écrire

leur histoire et de condenser leur héritage culturel et patrimonial dans des

documents.

Le peuple a le souci de retracer son histoire et de la transcrire, afin que

les écrits restent, pendant que l’oralité qui la soutenait jadis se noie avec le

départ des anciens de notre terre des vivants. Le livre prévu pour être écrit

en plusieurs tomes est destiné aussi bien aux générations présentes que

futures.

C’est dans cet esprit que les auteurs tous ou presque ressortissants des

Arrondissements de Yingui, Ndikiniméki, Makénéné parlant tous la langue

Tunen et de culture Banen, se sont constitués en un collectif d’auteurs pour

la rédaction du présent ouvrage tout en profitant des atouts qu’offrent les

nouvelles technologies de l’information et de la communication (N.T.I.C)

pour la collecte des données, d’informations à travers les échanges

permanentes partant de l’utilisation des Réseaux sociaux.

La collecte des données et d’informations ne s’est pas limitée aux seuls

avis et témoignages. Elle s’est également abreuvée d’autres sources

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notamment des archives issues des correspondances administratives, des

chroniques et des études autant que des travaux d’éminents chercheurs tels

que : Dugast, (I.) Mveng, (E.) Mahend-Bitind, (P-L) et Bahoken, (J-C),

Farelly, M.), etc. qui sont nos dévanciers.

Notre volonté à reconstituer l’histoire et l’ensemble du patrimoine du

peuple Banen nous a conduit à aborder de fort belle manière et sans réserve

ni pudeur, l’essentiel des aspects historiques, géographiques,

socioanthropologique, etc., notre vécu et notre mode de vie. C’est ainsi qu’un

accent a été mis sur la genèse de notre peuple, les différents mouvements

migratoires qui ont précédé l’occupation et l’installation de chaque entité

tribale sur le territoire actuel.

Véritable travail introductif, ce livre est un condensé du pays Banen dont

il présente le relief, le climat, la végétation et d’autres aspects de la

géographie physique. Des facteurs qui ont influencé son installation dans la

région, les habitudes socioculturelles et alimentaires, la vie en communauté.

Le livre dévoile l’organisation sociale et administrative tant précoloniale que

postcoloniale. Il n’omet pas d’aborder la douloureuse période de la guerre

d’indépendance qui a vu des villages entiers vidés de leurs populations qui

ont été forcées à l’exil interne et réduites à l’errance par une administration

postcoloniale qui a la mémoire très courte au point qu’il oublie jusqu’à ses

propres engagements.

L’organisation sociale et culturelle y occupe une bonne place notamment

pour ce qui concerne les us et coutumes, les rites d’expiation et de

conjuration du mal ; bref la cosmogonie banen y est évoquée avec les concepts

liés à la femme, à la naissance et à la place de l’enfant dans la famille et à la

symbolique des patronymes.

Une place de choix est donnée à la langue et à ses variantes dialectales

autant qu’à l’art culinaire.

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I - PRESENTATION DU PEUPLE BANEN ET SON

TERRITOIRE :

Le mot « Banen » est le pluriel de « Munen » qui signifie le noble, le riche,

spirituellement, (c´est-à-dire honnête), matériellement et moralement.

Jaloux de son indépendance et de sa dignité, chaque Munen aimait se

percher sur sa petite colline, où il était le seul chef. Cette mentalité ou

attitude culturelle distinctive a contraint les autres peuples à considérer

chacun d’eux comme un Ifeyu c´est-à-dire « un homme Libre ». C’est un

groupe homogène qui n’est séparé par aucun autre groupe ethnique.

1. Le peuple banen : description et caractéristiques :

a) Description :

Les Banen sont un groupe ethnique bantou du Cameroun qu’on retrouve

originellement dans les régions administratives du Centre et du Littoral

respectivement dans les Départements du Mbam et Inoubou et celui du

Nkam. Singulièrement, ils sont originaires des arrondissements et des

communes éponymes de Ndikiniméki, Nitoukou, Makénéné et Kon-

Yambette dans la région du Centre d’une part et celui de Yingui dans la

région du Littoral d’autre part. Outre cette division issue d’une volonté

politique des autorités administratives, les Banen sont un peuple homogène

qui a en partage, le même patrimoine historique, le même espace

géographique, les mêmes us et coutumes et parlent la langue tunen (tùnǝn).

Banen est la forme plurielle de Munen qui signifie gentilhomme, noble.

Selon certaines (sources ou écrits) documents, le nom Munen leur aurait été

donné par leurs voisins les Bassa, du fait de leur comportement de noblesse,

d’opiniâtreté, d’incorruptibilité. Toutefois, il se trouve que certains Banen

refutent cette thèse et estiment que le terme qui inspire autant d’attitudes

et de caractères vertueux ne peut venir d’un peuple à la rivalité connue pour

qui l’autre n’est que valet et objet de stéréotypes négatifs. En revanche pour

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les tenants de la thèse contraire, il n’existe pas de mot bassa qui signifie

Munen.

Certes dans la Monographie des Bassa, écrite par le Prof. Jean Marcel

Wougnou, on y trouve le mot lok bagwen pour qualifier les Banen. Le village

exact où l’attribution du nom s’est produite, c’est Esseng, entre Mahonda et

Ngambé. Et c’est un village à cheval entre les Banen (Lognanga) et les

Babimbi de Ngambé.

Le village Esseng se trouve à la fin de la montée de Kang, après Ngambé

et avant le village Botbea, siège de la chefferie supérieure Ndokmakoumak.

Les Banen sont un peuple ancien du Cameroun, ils sont plus anciens que

tous leurs voisins. Ils se sont installés sur des terres vacantes et les ont

occupées autant qu’ils ont pu. C'est pourquoi ils bénéficient d'un très grand

et riche territoire en rapport avec leur population. On retrouve les traces du

passage du peuple banen dans la grotte de Ngog Lituba et dans la vallée du

Noun.

Les récits des faits anciens en rapport avec leurs habitats portent à croire

que ceux-ci ressemblaient à tout point de vue à ceux des premiers occupants

de la forêt avec quelques améliorations dans son architecture. Les cases de

formes rectangulaires étaient construites en utilisant les matériaux tirés de

la forêt tels : les piquets de bois, les écorces d’arbres, les lianes, les feuilles

et/ou la terre. Les constructions ne présentent pas de modèle savane dont

les cases sont en pisées et les murs ronds, sont faits en terre battue. Les

Banen seraient donc un peuple de la forêt.

Les activités économiques traditionnelles pratiquées en pays banen sont

diversifiées et pour l’essentiel, elles sont de type agropastoral.

b) Caractéristiques :

Du fait de la division de leur territoire sur le plan administratif, on a

tendance à distinguer les Banen suivant qu’ils sont de la Région du Centre

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ou de celle du Littoral. C’est ainsi que trivialement parce qu’ils sont

rattachés au Département du Mbam et Inoubou on dira des Banen

ressortissants des arrondissements ou communes soit de Ndikinimeki,

Nitoukou, Makénéné ou de Kon-Yambetta qu’ils sont ‘’Mbamois’’ ; un

qualificatif qu’ils ont hérité du temps de l’ancien Département du Mbam

aujourd’hui subdivisé en Mbam et Inoubou et Mbam et Kim. Et ceux qui sont

rattachés au Département du Nkam sont appelés ‘’Nkamois’’ du fait qu’ils

sont dans l’arrondissement ou commune de Yingui.

Sur le plan anthropomorphiueique, les études de la réalité ethnique

somatique sur la morphologie de l’organisme humain des Banen telles que

menées par le Dr Georges Olivier en 1945 repris par Dugast, I. (1955, 43)

qui indiquent dans ses conclusions que : « les Banen sont des Noirs

intermédiaires entre les noirs de la savane dits soudaniens et les Noirs de la

forêt dits bantu. Ils forment un groupe ethnique homogène, les mensurations

ne présentant pas de grands écarts. Par rapport à leurs voisins Ewondo, ils

sont un peu plus près du type sylvestre», font état de ce qu’il n’y ait pas de

doute que les Banen tout comme les Bassa de Jean-Marcel Eugène Wognou

(2010 ; 14) soient aussi logés dans le groupe des mésocéphales dont l’indice

varie de 75 à 79,9.

L’autre aspect qui caractérise les banen est que malgré les stéréotypes que

ce genre de description a tendance à engendrer, il est néanmoins de bon ton

de constater que les Banen de façon générale, donnent l’impression d’être

des gens de taille moyenne soit 1,58 m pour les femmes et 1,69 m pour les

hommes avec une envergure qui oscille respectivement entre 1,64 m et

1,81 m. Ils sont chiquement forts et robustes.

- L’appartenance au peuple banen serait-elle acquise par

l’occupation territoriale ?

On trouve des Banen établis dans d’autres départements et localités du

Cameroun. On les rencontre en grand nombre dans les départements du

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Wouri en l’occurrence dans la ville Douala et ses environs (Bonadibong,

Bépanda omnisport, Bassa entre PK10 et PK 21), dans le Moungo à Loum

Chantier, Manéngolè, Mbanga, etc., dans la Sanaga Maritime à Edéa et ses

environs et même dans d’autres villes et localités plus éloignées de leur

territoire naturel à l’instar de Mbalmayo et d’Ebolowa.

Du fait des migrations internes engendrées par des raisons aussi bien

éconmiques que politiques, ils ont colonisé certaines de ces localités où ils

sont quasiment devenus autochtones de fait. C’est le cas dans les localités

comme Loum chantier dans le Moungo, Bonepoupa jusqu’à Tondè dans le

Nkam, les quartiers PK 10 à PK 21, Bonadibong et Mboppi dans la ville de

Douala, Oyak et Obek à Mbalmayo ou Newtown à Ebolowa.

On ne saurait conclure que l’appartenance au peuple banen est acquise

par l’occupation territoriale.

- L’appartenance à cette ethnie proviendrait-elle de la langue

parlée ?

L’un des marqueurs de l’identité culturelle d’un peuple, c’est sa langue ;

l’homogénéité de celle-ci est un adjuvant de son dynamisme et sa capacité à

résister à l’érosion du temps qui passe. En dehors d’être un simple outil de

communication entre ses utilisateurs, la langue est un instrument

fondamental de la matérialité de l’existence et de la vitalité de la culture

d’un peuple.

La langue des Banen a plusieurs variantes et a des similitudes avec les

langues dites Bantou. Étant donné que les langues subissent des influences

suites aux rapprochements géographiques, une analyse dans ce sens

produirait des résultats limités.

On ne saurait conclure que l’appartenance à cette ethnie provient de la

langue parlée.

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- Les Banen seraient-ils les descendants d’un ancêtre commun ?

Les pionniers de l’écriture de l’histoire des Banen n’ont pas ressorti

l’origine des Banen à partir d’un ancêtre commun. Ils n’ont pas nié non plus

l’existence d’un tel individu. Ce d’autant plus que s’il y a un enfant, il doit

avoir un parent. À cet effet, certains évoquent le nom de Mbol (Mbɔ̀nɔ̀) qui a

été identifié comme étant l'ancêtre de certains groupes notamment des Eling

(Əliŋ) et des Itundou (Itùnd) mais pas de tous les groupes. Or le peuple banen

est constitué de plusieurs groupes. Concomitamment, ce Mbol (Mbɔ̀nɔ̀) doit

avoir également eu une relation avec les Bafia de Kiiki, les Yambassa et les

Lémandé. Nulle part on ne dit qu’il est l’ancêtre commun de tous les Banen.

L’étude des mouvements migratoires de chaque groupe révèle qu’il y a un

ancêtre commun des Banen qui n’est ni Bambona ni Mbol (Mbɔ̀nɔ̀).

Quand on étudie les généalogies, elles s’arrêtent à un nom. Mais il arrive

quelquefois qu’on retrouve deux ou trois groupes qu’on peut greffer à ce nomlà.

On a par exemple :

Tous les historiens qui se sont intéressés à l’histoire des Banen se sont

accordés sur le fait que comme dans toutes les familles humaines, qui

présente toutes les caractéristiques d’homogénéité telles que présentées

supra, le peuple Banen a aussi ancêtre commun. La difficulté c’est qu’ils

butent à décliner son identité à cause de la multiplicité des sources qui

parfois se jettent en conjectures dans leurs récits et se limitent pour la

plupart à réduire l’histoire de ce peuple qu’à l’épopée de l’invasion de la

vallée du Noun, leur véritable dernier lieu de chute connu après les

migrations de l’époque des empires Kouchites et Méroétiques d’où partirent

l’essentiel des populations Khamits jusqu’à leur chute sur les bords du Noun

d’où ils seraient chassés par les Bamoum.

Dans son livre Du Bantou actuel aux sources adamiques Éditions

MILI 2022, d’abord paru sous le titre de Retour du fils intrépide aux

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sources natales, le Doyen Mbende Luc attribue l’origine des Banen à un

ancêtre commun. Selon lui, certaines généalogies étaient très bien suivies et

à dessein, parce qu'il fallait trouver d'où sortirait le libérateur de l'humanité

tout entière.

« De la plaine de Shinéar, nous avons reçu notre nom et nous sommes

devenus un peuple à travers la langue que nous parlons jusqu’à nos jours.

Le Seigneur a guidé les pas de ce premier homme qui a mené les siens vers

les terres de prédilection sous sa protection comme il l’a fait pour les autres.

Vers le crépuscule de ses jours, il a nommé Outoukou comme le chef de son

peuple. Outoukou a évité un affrontement avec les gens qui avançaient,

montés sur les animaux, armés de lances et de flèches. Il vit cela dans un

présage ».

Voici le nom de chaque fils de Outoukou et sa descendance :

— Bile fils de Outoukou de qui descendent tout Indikibaňolo (Inoubou

Sud) ;

— Boumek fils de Outoukou de qui descend Nanga Boumek

(Indikinangna) ;

— Aling fils de Outoukou de qui descendent Nitoukou et ses environs ;

— Toun fils de Outoukou de qui descendent les (Indikitouna) ;

— Somo fils de qui descendent les Ndiki ;

— Ihile fils de Outoukou de qui descendent Bessem et Biakat :

Outoukou diminutif d’Outoukoune (qui veut dire finaliser une œuvre,

l’achever).

Certains événements ont permis de changer certains noms. Par exemple :

de Hambala 3 e fils de Biakat en Balemb. Le chef du clan Keul en Koub.

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Dans l’histoire, apparait le nom Outoukou, sortant du grand clan de

Munen. De lui naquirent les enfants comme Bile-Boumek-Toun-Hile-Somo-

Aling. C’est bien par ces valeureux fils que le peuple Banen actuel vit le jour.

Selon le Professeur Dolissane Ebossé, chef du département de langues et

civilisations africaines de l’Université de Yaoundé 1 : « La position du

Cameroun est une position essentiellement migratoire. Il n'y a pas de peuple

véritablement autochtone. En revanche, il y a un peuple qui se retrouve chez

plusieurs autres peuples, c'est le Bassa Ces histoires méritent d'être

acceptées ».

2. Territoire banen et ses limites avec ses voisins :

Le territoire banen existe depuis des siècles, bien avant la colonisation.

Les populations banen sont installées dans deux départements :

Ndikiniméki, Makénéné, Nitoukou dans le département du Mbam et

Inoubou, et Yingui dans le département du Nkam.

Le pays banen couvre une superficie relativement vaste de 4 900 km².

Ce vaste ensemble est aujourd’hui reparti dans le Mbam et Inoubou et

dans le Nkam et composé de l’arrondissement de Makénéné à l’ouest par

l’arrondissement de Yingui, au sud par Ngambè et Yingui. À l’Est par les

arrondissements de Ndom, Bokito, Nitoukou et Kon Yambetta.

Le territoire des Banen avec les Nyokon inclus est délimité :

- à l’est, au sud et au sud-est par le pays bassa ;

- au nord-est par le pays lémandé et yambetta ;

- au nord par la rivière Noun ;

- à l’ouest par le pays bandem ;

- au nord-ouest par le pays bamiléké.

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a) Territoire des Banen du Mbam :

Le pays banen dans le Mbam est limité au nord par les Nyokon, au nordouest

par les Bandem, et au nord-est par les Bassa et à l’Est par les

Yambetta, Lemandé, Yambassa et Bafia.

La commune de Ndikiniméki est peuplée des Banen. Au centre, on

retrouve les bamilékés, les Bamoun, les Haoussa, Etc. La population est

estimée à plus de 49650 hts sur une superficie de 1650 km2.

Les Ndiki vivent sur la rivière Inoubou, le long de l’axe routier

Ndikiniméki –Makénéné, les Itoundu le long de la route Ndikiniméki – Bafia

les Ndikoko sur la rivière Manouy ; les Eling le long de la rivière Nitoukou.

Le peuple banen occupe trois arrondissements dans le département du

Mbam et Inoubou qui sont : Nitoukou, Ndikimiméki et Makénéné.

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- Relief de la partie des Banen dans le Mbam :

Dans cette partie, le relief est très varié. Il est constitué de surfaces plates

et de plateaux arrondis. On y trouve également des collines avec des

sommets rocheux et de vallons ; des montagnes aux pentes raides et des

vallées. Le quartier administratif par exemple se trouve sur un flanc de la

colline Bougnoumbang.

Les sommets les plus élevés sont :

- Oundiogon au Sud de Ndikiniméki ;

- Nekond à l’Ouest de Ndikiniméki.

Les collines Nekond ou Ndekeletang sont hautes de plus de 1000 m.

Mambalambanda s’élève à 1000 m. C'est là qu’un capitaine de l’armée

allemande déterrait la poudre à canon et acheminait la cargaison par le

fleuve Dibamba vers 1909.

Mananga Mangoyo peut facilement atteindre 1400 m avec ses pentes

abruptes.

Mussokè est à la limite avec les Indiknimben (Sanaga maritime) au lieudit

Ekonde kounde.

Dans la partie sud de Mambeala communément appelée Balemb, nous

avons Oma wu Nomena avec ses sommets, Hioŋó Ndoue où est situé

Mussokè (l’arbre qui parle), qui peuvent atteindre 1200 m.

L’autre sommet de Mussokè est situé dans le même territoire de Mambala

communément appelé Balemb.

Mont Yafa qui se trouve dans le village Ndoukbissoung dans

l’arrondissement de Nitoukou s’élève à 950 m.

Dans la partie des Banen du Mbam, on trouve également des sommets

tels que :

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- Le plateau de Ndikiniméki qui s’élève à une altitude de 850 m ;

- Le plateau Banen constitue un étage intermédiaire entre les périphéries

qui s’étagent de 600 à 1200 m ;

- Le bassin de la Makombé est séparé de ces régions par une rupture de

pente.

- Oun diogon au Sud de Ndikiniméki ;

- Nekond à l’Ouest de Ndikiniméki.

La région abrite également des sommets, pas très élevés comme

Bougnomong, Engondopal, oma wu tupok, etc.

- Climat et végétation de la partie des Banen dans le Mbam :

Le climat du Mbam-et-Inoubou est du type équatorial guinéen. Il est

réparti en quatre saisons :

- Une grande saison sèche de décembre à mi-mars ;

- Une petite saison de pluies de mi-mars à juin ;

- Une petite saison sèche de mi-juin à août ;

- Une grande saison de pluies de septembre à novembre.

La végétation dans cette partie des Banen du Mbam est constituée en

grande partie de la forêt dans l’arrondissement de Ndikiniméki, de la savane

et de la steppe dans les arrondissements de Nitoukou et de Makénéné.

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Arrondissement de Nitoukou

b) Territoire des Banen dans l’arrondissement de Yingui :

29


L’arrondissement de Yingui est limité au nord par le nord Makombé, au

Nord-est par Ndikiniméki, au sud et à l’ouest par Yabassi, à l’est par

Ngambè.

Nebo’o ou Ebo’o pour certains est un cours d’eau et non une forêt en amont.

Il délimite Indihambala et Indikbalemb dans l’Arrondissement de Yingui à

son côté droit, le côté gauche est l’Arrondissement de Yabassi au Sud-ouest.

- Relief dans l’arrondissement de Yingui :

Le relief dans l’Arrondissement de Yingui est assez original et très

accidenté surtout dans sa partie nord qui est faite de collines et de plateaux

surélevés avec des vallées pas très creuses. L’accès est rendu difficile par ce

relief. La zone est presque impraticable en saison de pluies. Au Sud

cependant, le relief est constitué de prairies et de plateaux.

La partie des Banen du Nkam dans l’arrondissement de Yingui a l’un des

sommets les plus hauts chez les Banen (1300 m) Oma wo Buea à Messeng.

L’Arrondissement de Yingui est situé dans la zone de transition entre le

plateau sud camerounais qui couvre la plus grande partie de sa superficie,

l’extrême avancée des plaines littorales et la retombée méridionale des

Hauts-plateaux de l’Ouest.

- Climat et végétation dans l’arrondissement de Yingui :

La région du Nkam subit l’influence de deux types de climats :

Le climat équatorial et la mousson de la côte.

Il est subdivisé en quatre saisons : deux saisons sèches, deux saisons de

plies.

Le Nkam est une zone de contact forêt-savane. Il abrite une grande forêt.

On y trouve des éléphants, des antilopes, des buffles, des gorilles, des

chimpanzés, des singes, etc. et plusieurs cours d’eau.

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- L’hydrographie :

Le réseau hydrographique est très dense dans la partie sud qui est

traversée par plusieurs cours d’eau. On a les rivières Molo, Inoubou,

Bessaben, Madjang, Nihep, Makombé et Kiakan.

Les principaux cours d’eau sont : Benonoli, Dibamba, Han, Loglongo,

Makombé, Mako, Massouk, Nébo, Nekem, Nibouem, Nikeng, Nouye. Ces

rivières se jettent dans les fleuves Nkam, Dibamba ou Sanaga.

Uhana, Makoa, Iboti (cours d’eau) où se trouve le regroupement qui porte

son nom. Nouyeu, Moussacka, Ngomengoas, Chefferie Indikebiene (3 Chefs).

Notez en passant que tous ces cours d’eau énumérés par chefferies y sont

jusqu’à présent.

Arrondissement de Yingui

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II- ORIGINES DU PEUPLE BANEN :

L‘origine du peuple Banen remonterait à l’époque de Noé après le déluge,

selon Luc Mbende dans son ouvrage Du Bantou actuel aux sources

adamiques. « Le Munen ne saurait être une sous entité. Son déplacement

résidait dans la main puissante de Kolo, Dieu, comme tous les autres

peuples, jusqu’à l’arrivée dans son lieu de prédilection ».

À l’origine, le peuple Banen est Néo Soudanais. Il a connu beaucoup de

migrations dans le passé. Les Banen se sont installés sur leur territoire

actuel par occupation et par vagues migratoires.

Les origines réelles du peuple Banen, remontent, comme pour la plupart

des peuples bantoïdes et bantous, tels que les Bassa et Bassô entre autres à

la vallée du Nil.

Les différents peuples d’Afrique et le Peuple banen étaient installés il y a

bien longtemps de cela en Haute Egypte. Le déboisement des forêts ayant

entrainé la sècheresse et la desrtification, les peuples s’étaient trouvés

contraints de migrer vers d’autres espaces propices à leur subsitance. Ils

s’étaient installés au bord du Nil qui présentait un environnement favorable

pour la chasse, la cueillette, la pêche, l’élevage, l’agriculture.

L’accroissement de la population au bord du Nil avait entrainé une

exploitation abusive des ressources naturelles, ce qui y entraina la

déforestation et la déshertification. Les peuples s’étaient une fois de plus

trouvés contraints de migrer vers d’autres lieux pour assurer leur

subsistance. Ils se déplaçaient par familles, vers un lieu qui serait une terre

de prédilection. Le Peuple des Banen était alors descendu par migrations

successives dans la grande forêt équatoriale en trois branches :

Une branche descendit le long de la vallée du Rift, jusqu’en Afrique

australe. On retrouve leurs traces au Kenya, Burundi, Rwanda, dont les

langues semblent se rapprocher du tunen (du moins phonétiquement) et

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même en Afrique du Sud où tout un village Zoulou porte le nom « ndiki ».

Serait-il une coïncidence ? Ce sont des bantous, cultivateurs et éleveurs

chasseurs.

Les deux autres groupes partirent du Soudan actuel vers l’ouest africain

pour finir en Afrique centrale et en cohabitant avec d’autres peuples des

localités traversées étaient devenus par métissages successifs, des semi

bantous, forgerons et chasseurs, vivant de chasse et de cueillette. Comme le

disent nos livres d’histoire. C’est cette partie des Banen qui s’est établie au

Cameroun, en laissant derrière elle certains de leurs congénères à l’instar

de ceux cités en Sierra Leone par Idelette Dugast.

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Deux origines sont alors attribuées à ce Peuple qui s’est installé sur son

territoire actuel au Cameroun, territoire que Kolo avait préparé d’avance

pour lui, selon le doyen Luc Mbendé. Un groupe de Banen aurait atteind le

territoir en passant par le Nord du pays et un autre par le Sud.

1. Origine du Nord :

a) Foyer de la vallée du Noun :

Un groupe des Banen aurait migré au début du 17 e siècle pour se

retrouver à la lisière de la vallée du Noun, car il fuyait la montée

expansionniste de Dan Fodio.

En effet, Osman dan Fodio et les Peuls du Nigeria avaient lancé une

guerre sainte contre les Haoussas, dans le Nord du pays en 1804, afin

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d'étendre le royaume. Ils avaient pour projet de soumettre ce peuple et tous

les autres établis dans cette partie du pays à l’islam.

Les Banen s’étaient alors installés au bord du fleuve Nômô.

Le royaume Bamoun avait été fondé à la fin du 16e siècle. Il prit son essor

vers la fin du 18e siècle sous le règne de Mboumbouo, puis de Njoya. Ceuxci

travaillaient à étendre le territoire par la force des armes.

Dans leur conquête, ils s’attaquèrent aux Banen installés sur la rive du

fleuve Nômô. Ceux-ci quittèrent le territoire et se dirigèrent plus au sud,

vers leur territoire actuel.

Selon Hans Wilhelm dans une étude sur le Mbam, les Banen, Nyokon et

Yambetta se retrouvaient tous sur la rive du Noun, d’où ils furent chassés

par les Bamoun. Les Banen partirent les premiers au 14e siècle et les

Nyokon deux siècles après. Les Banen se sont installés au lieu-dit Kolokolo.

Idelette Dugast a une version quelque peu différente. Pour elle, les Banen

partirent des rives du Noun au 17e siècle et les Nyokon survirent

immédiatement après.

L’histoire rapporte que le peuple banen, du fait de multiples migrations

survenues au 17e siècle et au 19e siècle, s’est disloqué en plusieurs clans.

Ceux-ci se sont dirigés, les uns vers le sud-ouest, les autres vers le nord.

Pour des raisons liées à la guerre et à l’exode rural, les populations de

l’arrondissement ont décru au fil des ans.

Eling dans la débandade pendant l’attaque avait perdu la route et s’était

fait captif des troupes qui poursuivaient leur conquête vers le sud du fleuve.

b) Origine légendaire :

Selon une légende extraite des bords du Noun :

Il y avait un homme qui habitait près de la rivière Nomo. Il eut quatre fils

: Munen, Mogand, Mofe, Motemb. Il quitta la rivière Nomo et monta sur une

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montagne que les fils appelèrent : Ombay wo Bayesek. Le père les faisait

travailler dans son champ. Seulement, il survint une dispute entre les frères

pour une histoire de partage de nourriture, car le père donna à Munen un

coq cuit, à Motemb de la viande, ainsi qu’à Mogand et à Mofe, une marmite

de grenouilles. Les trois derniers se fâchèrent parce qu’ils n’avaient pas reçu

de coq. Ils se mirent à se battre et à la fin, ils se séparèrent. Chacun alla

habiter de son côté. Le premier s’appelait Mofe, le deuxième Motemb, le

troisième Mogand et le quatrième Munen. Ils fondèrent chacun une famille

et comme dans nos langues le préfixe Pa ou Ba désigne la lignée de… ou

alors la famille de…, les 4 noms suscités formèrent les clans : Bafia,

Bangangté, Banen, Balemb.

Cette histoire est aussi relatée dans la monographie des Ndiki, écrite par

Mme Dugast : selon ses sources, le père s’appelait Bayesek et vivait au bord

du Noun. Le seul enfant qui resta auprès de lui fut Munen.

Généralement dans les langues Bantou, les noms qui commencent par la

lettre M ont leur pluriel en B.

Une autre légende mbamoise révèle qu’il y a eu une tentative d'invasion

des Bamoun dans le pays banen. Les Banen réussirent à repousser leurs

agresseurs après avoir été surpris une première fois par l’avant-garde des

guerriers les plus puissants bamoun. Les Bamoun les trouvèrent sur pied.

Ils ne reculèrent pas. L’avant-garde surpris un village isolé banen qu’il

décima à l’exception de quelques habitants qui avaient pris la fuite. Les

Bamoun dans leur expansion auraient rencontré une résistance inattendue

des Banen à un moment où ils croyaient leur puissance inégalable.

L’histoire précise que, pendant que la garde avancée du Roi Njoya (ses

meilleurs guerriers) exterminait les habitants d’un petit village banen

excentré, quelques individus s’enfuirent à l’insu de leurs agresseurs. Ces

derniers donnèrent l’alerte et une embuscade, avec de solides gaillards, fut

tendue aux soldats. Les Banen n’en épargnèrent qu’un seul à qui ils remirent

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un message pour son Roi. Le message lui annonçait le genre de résistance

qu’ils allaient rencontrer s’ils revenaient.

Le Roi Njoya ayant été impressionné, car ses guerriers massacrés étaient

parmi les meilleurs, envoya un message de paix et de dialogue. Une entrevue

fut organisée et le Roi Njoya leur dit son admiration et en signe de paix

suggéra qu’un échange de personnes fût fait entre les deux tribus. Il croyait

fermement aux vertus des brassages des peuples, car il était convaincu que

cela donnerait au peuple bamoum des guerriers plus forts. Dans cet échange

où il eut quelques filles et des garçons, il se raconte qu’une des reines mères

en serait issue.

2. Origine du Sud :

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a) Origine déduite de la linguistique :

Dans le cadre des recherches menées sur la migration du peuple banen,

nous n’avons pas encore eu connaissance des sources qui révèlent le lieu et

la période du shisme entre les Banen partant du Soudan. Les sources

demontrent que les Banen qui ont atteind le territoire actuel par le nord et

ceux qui l’ont atteind par le sud sont un même peuple. Ils se seraient séparés

au cours des migrations pour se retrouver dans leur lieu de prédilection qui

est leur territoire actuel.

Des sources révèlent qu’un autre groupe de Banen aurait atteind les

terres actuelles en passant par le sud du pays, venant du congo.

Sur les deux rives du fleuve Congo, on a les « Banunu » dans Bobangi de

l’ethnie. Ils sont dans les territoires de Bolobo et Yumbi. Il y a beaucoup de

ressemblances entre le Banunu et le Tunen.

Par exemple, quand on dit en Tunen :

- Ubine (danser), le Banunu dit (kobina),

- Nebal (le mariage) Libala,

- Bulu (la nuit), Butu,

- Manif (l’eau), Mai,

- Makolo (les pieds), Makolo,

- Kendak (Marche), Kendak,

- Niak (Mange), liaka,

- Mwend, la femme, Mwasi,

- Ulèl (pleurer), Kolela,

- Kendaka na makôlô, kendaka na makolo (Marche à pied).

Ceci prouve bien que le tunen et le banunu se ressemblent. On serait tenté

d’en déduire que la dernière migration, avant les terres camerounaises, fut

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congolaise. Touefois, on sait que la plupart des langues parlées au Cameroun

sont comparables à celles parlées par les peuples des grands lacs. De plus,

la langue tunen est classée parmi les langues Bantou et les similitudes entre

les langues Bantou sont une évidence. On est donc tenté d’emettre des

réserves quant à cette théorie, prise à part.

Toutefois, selon certaines sources, le peuple banen serait au Cameroun

depuis le 6e siècle. Les Banen seraient partis du Congo pour se retrouver

dans la région du Sud de l’actuelle Cameroun. Ils auraient séjourné dans la

grotte dite la grotte des pygmées. Le Pr. Jean Baptiste Obama,

anthropologue historien, parlant de la migration des Betis, avait souligné

dans ses propos que les Banen avaient séjourné dans cette grotte ikoa bikoué

qui se trouve chez les Eténga, dans la région du Sud, actuellement

transformée en sanctuaire par l'église catholique romaine.

b) Origine légendaire :

Une histoire bien connue chez les Pygmées raconte qu’un homme bantou,

un Banen, dit-on, séjourna chez les Pygmées. Il épousa une femme de là, et

après quelques naissances de cette union, disparu avec sa famille. Cet

homme alla habiter dans la grotte appellée ikoa bikoué qui se trouve chez

les Eténga. Les Pygmées jurèrent que plus jamais d'union avec les Bantoues.

L’histoire raconte qu’une partie des Banen du sud eut pour point de départ

le pays Babimbi. Car Ngock Lituba, une grotte sacrée, était considérée à

l’époque comme un carrefour, un lieu de rencontres entre Banen, Bassa et

d’autres peuples. C’était un lieu où Banen et Bassa'a s’étaient retrouvés,

puis séparés. En réalité, tous venaient de la côte qu’ils avaient abandonnée

aux Douala à cause, disaient-ils, de leur saleté.

Les Banen et les Bassa’a voulaient gagner l’hinterland. Ils cheminèrent

ensemble jusqu’à Ngock Lituba. Et au moment de leur séparation, ils se

promirent de s’y retrouver chaque fin d’année. Chaque peuple, en plus des

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pas de danses typiques, devait apporter son mets préféré, une spécialité

culinaire faisant son identité. Cette rencontre ou fête devait durer deux

semaines.

Un jour, pendant la dernière rencontre, les Bassa’a volèrent le mukono

(mets de pistaches) des Banen, afin de le manger quand ceux-ci auraient

repris le chemin de retour. Au moment où les Banen voulurent présenter

leurs différents mets, ce qui se présentait comme une foire et chacun était

libre de se servir où il voulait – ils constatèrent la disparition de leur

mukono. Ils prirent cette affaire pour une humiliation, et depuis lors,

cessèrent leurs rencontres à Ngock Lituba avec les Bassa. Le vol du mets de

pistache avait semé la discorde.

On pourrait donc dire que tout comme la vallée du Noun, Ngock Lituba

fut un passage de la migration du peuple Banen.

Pour cette légende, les Bafia et les Banen seraient étroitement liés, mais

il existe d’autres sources qui n’y voient pas de liens. Les seuls liens qui

existent sont relevés entre les Banen, les Nyokon, les Lemandé et les

Yambetta. Si nous recourons à Idelette Dugast, il faudrait tenir compte du

fait que les informateurs à cette époque étaient des Banen qui vivaient plus

au nord. Dans son travail, Idelette Dugast s’était limitée à Ndiki, car il

n’intègre pas les réalités des Banen qui vivaient au sud.

Il y eut un deuxième groupe des Banen qui se trouvait au sud, qui a connu

un autre passage et qui a migré pour d’autres motifs.

c) Quelques extensions des Banen :

- Eling :

Eling, pour sa vigueur et sa bravoure, fut Adopté par Mbônô qui était une

femme influente. C’est au cours de ce voyage qu’on l’aurait nommé Enok.

C’est pourquoi il est considéré comme un des Mbônô. Quelques aspects de la

généalogie des fils Mbono l’indiquent.

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Iring à Mbono ou Alinga Mbono qui procède des Banen sera connu sous le

nom de Eling.

- Les Bene :

Il existe aussi les Bene (une minorité de Banen qui ont traversé la Sanaga

et qui se sont installés au milieu des Ewondo dans des villages de

Ngonmedjap, Mbalmayo, … et aujourd’hui ont les appelle les Bene) qui ont

traversé la Sanaga. Il existe un autre groupe dans le nord-ouest, les Banso.

- Les Banen ba Ngwanga :

Les Bañen ba Ngwanga sont dans la Sanaga Maritime. Ce sont des Banen

qui avaient été adoptés par leur hôte Bassa Ngwanga. Dans cette tribu, les

descendants d’un homme portaient son nom, etant donné que les Banen qu’il

avait adoptés n’étaient pas des descendants de souche, on les a appelés

Bañen ba Ngwanga.

- Rattachement de Ndougbissoung à Lemandé :

Le rattachement de Ndougbissoung à cette unité administrative résulte

d’un fait majeur : La lutte d’influence entre Moumé yi Moumé le Chef de

Ndougbissoung et Malanga le Chef de Ndiki Koos.

Le premier, confiant de la loyauté de ses trois autres frères chefs des

villages Neboya, Ekondj et Nitoukou, s’était opposé au projet du second de

se faire considérer comme le Chef Supérieur des Banen sur le modèle de

Charles Atangana Ntsama chez les Betis et Bene à Yaoundé. Car pour lui, «

Un Munen ne saurait être esclave d’un autre ». Or c’était sans compter avec

le double jeu de ses frères qui le trouvaient trop pédant, arrogant et surtout

pour coller à l’actualité, dictateur. C’est ainsi qu’ils se sont désolidarisés de

son projet de devenir leur Chef Supérieur conformément à la coutume qui

voudrait que le fils aîné soit le successeur du père, en sa qualité de « fils

aîné » d’Enok.

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Conséquence, ses frères, vont boycotter le marché de Bitcheki où leurs

sujets venaient commercer, et ledit marché a été dans un premier temps

délocalisé à Nebassel, sous le nom de Pégàŋgàŋ.

Dans un second temps, avec le leadership du Chef Bongan de Nitoukou,

ce marché sera définitivement délocalisé pour son site actuel, qui constitue

le centre commercial de la ville de Nitoukou.

S’étant senti trahi par ses frères et privé de cet outil (marché) de fierté qui

est aussi un symbole de puissance et de souveraineté, il sollicita et obtint du

chef de circonscription à Bafia, le rattachement de son village à la

subdivision de Bokito.

C’est ainsi que Ndougbissoung se retrouve dès 1934, dans la carte

administrative de l’arrondissement de Bokito. Une fois que Bokito était

organisé en cantons et chefferies, Ndougbissoung a été rattaché au Canton

le plus proche qui est Lémandé.

Pour se moquer de lui, on disait qu’il avait vendu l’autorité des Banen aux

Yambassa pour un panier de taros.

« Múmə yi Múmə à na bùtəŋ bú bənən lúínə á Yámbás élɔ́yɛ́ mósǎŋ wù

bəbin ».

- Le canton Ndokmakumak :

Le canton Ndokmakumak dans Babimbi 2 autrefois habité par les

populations Banen a fait un référendum pour se rallier à Ngambè et non à

Yingui. Par conséquent, certains Banen qui parlaient le tunen autrefois

parlent aujourd'hui le bassa.

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III - L’ORGANISATION PRÉCOLONIALE DU

PAYS BANEN :

Le peuple des Banen, à la suite des différentes migrations qu’il a connues,

a occupé par vagues successives le territoire qui lui est assigné de nos jours.

La société banen à cette époque présentait une structure sociale et une

hiérarchie bien précise. Elle était régie par des règles. Certaines d’entreelles

existent encore de nos jours, d’autres ont été modifiées ou ont disparu.

1. Structure sociopolitique à l’époque précoloniale

chez les Banen :

a) Formation des tribus et clans :

L’accroissement de la population avait favorisé la création des clans. Les

familles, ne pouvant plus cohabiter, étaient obligées de se séparer pour

s’installer sur de nouvelles terres.

Une personne pouvait décider de quitter sa famille pour s'installer

quelque part. Et dans son mouvement, il partait avec sa famille nucléaire,

ou avec quelques personnes en plus qui s’étaient attachées à lui, et lui

faisaient confiance, ou qui partageaient la même vision que lui. Ainsi

commençait la migration de ce groupe. Et cet homme devenait par le fait, le

guide. Tous le suivaient, et respectaient les règles qu'il décidait. La cohésion

et surtout la sécurité des membres du groupe dépendaient de cette

organisation tacite.

Lorsqu’il arrivait à un point où il pensait s'installer, s'il était un stratège,

il s'intégrait au milieu de la population qu'il avait trouvée. Si par contre il

était un baroudeur, il s'imposait à ces populations en les soumettant par la

force, à son autorité. Il gagnait ainsi un territoire et une population

constituée de son groupe initial et les populations qu'il avait absorbées. Et

dont il restera toujours le réfèrent. Une tribu était née.

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La structure de la société peut être représentée comme suit :

Le peuple banen constitue une ethnie ; c’est un groupe de personnes qui

partagent une même culture, en particulier pour la langue et la tradition.

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L’ethnie banen est divisée en tribus. La tribu étant un ensemble de

personnes qui descendent d'un même ancêtre ; ils partagent les mêmes

coutumes, langue et territoire. Ils sont liés par naissance, par alliance et par

adoption. La tribu est divisée en clans.

Un clan est un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou

fictive, fondée sur l'idée de descendance d'un ancêtre commun, qui, luimême,

peut être réel, imaginaire ou mythologique. Un clan peut être

considéré comme un sous-groupe d'une tribu.

Certains clans, du fait de l’accroissement, se sont divisés en sous-clans.

Les tribus portent les noms de leurs pères fondateurs, qui eux-mêmes

étaient les descendants d’un même ancêtre ou guide.

L’ethnie des Banen est constituée de dix (10) principales tribus qui sont :

Ndiki ; Itound.; Eling; Endekoko; Ndikbanol ; Ndikbiakat; Ndikinanga;

Ndikitun; Endekenenoho; Ndokbou +Kinding.

Chacune d’elles a son histoire. Ces tribus existent toujours de nos jours.

b) Lignage et mariage :

Les clans sont des patriclans, c'est-à-dire l’enfant appartient à son père.

Dans de nombreuses lignées chez les Banen, la limitation des liens de

parenté n’existe à la septième génération que pour les filles qui vont faire

les enfants là où elles sont mariées. Mais pour ceux qui partagent

l’occupation spatiale, il n’y a aucune limite de la relation parentale.

Par exemple, dans la descendance d’Eyap, qui occupe le même espace

géographique, il n’y a pas de mariage entre les descendants depuis Eyap. Il

en est de même de la descendance de Bagna, Mounif...

On comprend donc pourquoi les Ndekeyap ne se marient pas entre eux. Il

en est de même des Ndekbagna, etc. Briser l’interdit est considéré comme

l’inceste, le pouhouit, qui doit être soigné en public.

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Certains clans sont divisés en sous clans, ensuite surviennent les lignages.

Ces lignages sont de grandes familles étendues. Ils sont apparentés et ne

peuvent pas se marier entre eux. Ces lignages à leur tour se subdivisent en

branches et familles.

Il existe chez les Ndiki, une exogamie de clan. Il existe le mariage par

échange simple et le mariage par achat.

2. Hiérarchie du pouvoir traditionnel à l’époque

précoloniale :

a) Le pouvoir traditionnel :

Les différents clans dès le départ étaient chapeautés par un chef de clan.

Ainsi, le chef qui se déportait avec sa famille pour un autre lieu était

considéré comme le chef du clan. Les clans s’étant constitués en tribus, à la

tête de chaque tribu, le peuple banen connaissait trois pouvoirs spécifiques:

- le Munen ou ɛ́fɔ̀n ;

- le Muteng et ;

- le Mululu, Mukuku.

Ces trois personnalités étaient à la tête des tribus et avaient des rôles

complémentaires ; et leurs rôles réunis assuraient la stabilité de la

communauté. Il n’y avait pas de chevauchement.

Le Munen ou ɛ́fɔ̀n était celui-là qu'on assimilait à un intendant ou au

trésorier des biens de la communauté. Il était réputé posséder toutes les

terres et tous les biens de la communauté. C’était lui qui apportait la

solution matérielle en cas de nécessité. Il était l’administrateur et diplomate.

Il existait un Munen et un seul dans chaque tribu.

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Le Muteng, c’était l’homme du public, le grand orateur, le porte-parole de

la communauté. Il avait l’art du discours, de la rhétorique. Et quand il y

avait des problèmes, c’est lui qu’on appelait pour les régler.

Le Muteng était le chef de guerre qui régnait par la force et la terreur. Le

Muteng était généralement craint, arrogant et brutal. C’était le conquérant.

Ce qui suppose en fait que la tribu qui n’avait pas d’ambition expansionniste

n’avait pas de Muteng.

Le Mululou ou Mukuku, était l’homme de la nuit. Il avait des dons

divinatoires. C’était lui qui voyait tout ce qui se passait dans le village

pendant la nuit et c’était lui qui apportait des solutions. Il était le gardien

des traditions. On le respectait et on obéissait à sa parole parce qu’il était en

communion avec les ancêtres.

Un Mukuǩ est le dépositaire de ɔ̀ŋámbɛ́ ou uŋgóyi ou ɛkâká yɛ́ bɛ́ha bi

nikúl. C’est le troisième pouvoir.

Il n’y en avait pas toujours pour chaque famille, simplement parce qu’il

n’est pas donné à chaque famille de posseder ce don. Ainsi, il arrivait que les

deux ou trois au plus d’une localité, travaillent en synergie.

b) L’accession au trône :

La société banen est une société patriarcale. L'accession au trône est faite

par l'homme. C'est lui qui subit l'initiation pour devenir chef. Et c'est

l'homme qui incarne le pouvoir. Et ce pouvoir, qui vient des ancêtres est

remis par des hommes et non par des femmes. Il faut cependant signaler que

la femme avait une place de choix dans la société traditionnelle banen.

Chaque famille a à sa tête un chef de famille. Le statut de chef de famille

revient au fondateur d’une famille.

Au niveau de la tribu, le Munen et le Muteng trônaient de façon intuti

persone, les bəkuǩ (sing. Mùkǔk) siègeaint et étaient constitués en

assemblée.

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(Nékɔ́ta nɛ́ bəkuǩ) sont des représentants de chacune des familles.

La hiérarchie du pouvoir traditionnel peut être schématisée comme suit :

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- Comment compter les générations chez les banen ?

Pour définir le mundetè/mondotè, donc la personne neutre, le comptage

devait partir de Ndandè et quand on comptait bien la lignée, on arrivait à

accentuer ceci :

Ndandè-ndandè-ndandohoho et l’on se retrouvait à la huitième

génération. Et comme l’homme est sage, avant qu’on arrive au

mundetè/mondotè c’est-à-dire l’homme neutre, on nommait un représentant

de la famille à la septième génération. C’était lui qui continuait de mener le

peloton. Et ce n’était pas facile de retrouver la personne neutre.

L’exercice qui était fait, c’était qu’après Luna, on allait à Ndandè. Après

la huitième génération, Munen tembien pa. Et on n’attendait pas que

l’homme neutre arrive dans cette lignée, on nommait quelqu’un qui

conduisait le peloton.

3. L’organisation sociale précoloniale :

La société banen avait un souci d’éducation et de transmission des valeurs

à sa progéniture, et elle le faisait de façon bien élaborée. Elle menait des

activités de subsistance, et en cas de conflit, faisait appel à un tribunal.

a) L’éducation :

Il y avait un amour intense à la naissance d'un enfant. C'est toute la

communauté qui veillait à son éducation. Même si le géniteur avait la

prépondérance, tous avaient une grande estime pour l'enfant si bien que

chacun apportait sa contribution à son éducation. Tous étaient libres de

corriger ce dernier, au cas où il commettait une bêtise, sans attendre le

géniteur. C'était pareil pour la fille.

En famille, les tâches étaient partagées. Le père assumait l’éducation du

garçon et la mère celle de la fille. Il était souvent dit : « Un garçon ressemble

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à son père et une fille à sa mère ». C'était au vu de l'éducation que chacun

donnait à son enfant.

Le père dialoguait beaucoup avec son fils, quand ils étaient ensemble au

champ, lors de la cueillette des régimes de noix de palme, sur la route pour

aller vendre des produits dans les grands marchés périodiques.

Il en était également de la maman et de sa fille.

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Les parents étaient les spécialistes de l'éducation orale.

Le soir, les contes étaient racontés. Ils s'accompagnaient des chants et des

danses. Ils étaient faits dans le souci d’éduquer la communauté et de se

divertir. Et c’était un héritage qui se transmettait de génération en

génération. Les enfants étaient obéissants.

Aux temps des ancêtres, il fallait être digne pour entrer dans le cercle des

vieux qui cassaient la kola et qui se chauffaient autour des bûches de bois

pour raconter l’histoire des Banen.

L’oralité était au centre de l’apprentissage, de la formation. Les parents

transmettaient les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire qu’ils avaient

reçus de leurs parents, qui, eux aussi, les avaient reçus des leurs, d’aïeux en

aïeux.

Les filles restaient, chaque soir, à côté des mamans, qui leur

transmettaient des valeurs culturelles essentielles pour leur existence.

On formait les garçons à être des hommes et les filles à devenir des

femmes et des mères.

b) les activités :

La société banen, à l’époque précoloniale tirait une bonne partie de

ressources de subsistance de la nature à travers la chasse, la cueillette des

fruits sauvages, le ramassage et la pêche qui sont des activités primitives,

l’agriculture pratiquée au sein de cette communauté est extensive à l’origine

et concerne les cultures vivrières au rang desquelles, les ignames qui font la

notoriété de la localité par leur diversité et leur qualité. Le peuple menait

également des activités telles que la chasse et la pêche.

c) La justice :

S'agissant de la résolution des conflits, il y avait un comité restreint de

notables, un tribunal coutumier, chargé de résoudre les différends qui

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opposaient les individus du même clan, d'une même famille, d’une même

tribu ou des clans voisins.

La mise en place du tribunal coutumier pendant la période précoloniale

était faite par les Souverains. Des titres étaient attribués à chaque

représentant des tribunaux coutumiers en fonction des clans.

d) Religion :

Les Banen sont à l’origine animistes. Même s’ils sont conscients de

l’existence de celui qu’ils appellent KôLó, qui doit être à l’origine de la vie,

celui-ci est le Mùkéti, ‘’celui qui mesure’’ ou Mɔ̀pɔ́t, ‘’le créateur, celui qui

fonde, qui initie toute chose’’ à partir de rien y compris l’homme lui-même

dont le rôle est de transformer les autres créatures afin d’en faire sa

propriété. KôLó chez les Banen est l’équivalent du Dieu des traditions judéochrétiennes

ou des autres civilisations monothéistes. Cet Être est

‘‘extraordinaire’’ (Isίm) par le fait qu’après avoir tout mesuré et tout créer, il

a confié tout cela au contrôle de l’homme qui doit en prendre soin puis s’est

retiré en haut, au dessus des nuages (pélɔ́nd’ɔ́mbáŋ) et qui n’est accesible

qu’à travers d’autres procédés.

Son nom est si sacré que le Munen ne l’évoque que dans des circonstances

qu’il juge suffisamment graves et qu’il suffit de prononcer son nom pour

montrer la sincérité des propos et pour magnifier son créateur. L’évocation

du nom KôLó chez les ǝliŋ et les Tɔpóány par exemple est quasiment

inexistante dans le langage courant. On préfère le désigner par ses

synonymes. Comme Mùkéti, Mɔ̀pɔ́t, Isίm, ɔ́mbáŋ, mwitί-mέsέ ou mwitί-misi

et d’autres expressions ou circonlocutions qui renvoient à sa personne.

Malgré toute la considération que les Banen ont de ‘’Kóló’’ le créateur de

la vie (Hwέlέ ou Hóέlέ), ils ne lui vouent aucun culte à proprement parlé. Ce,

parce qu’il est ‘‘Extraordinaire’’ (Isίm) qu’il vit sans l’avis de qui que ce soit

et n’est accessible qu’à travers son messager l’araîgnée mygale (έŋgámb)

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moyens qui permettent de satisfaire à leur besoin de spiritualité. Car pour

le Munen, l’humanité : « baigne dans un monde invisible et très vaste des

forces variées » , qui se côtoient, s’entrechoquent et à des moments créées

des situations ou des évènements qui suscitent l’émerveillement ou la

stupéfaction des hommes du fait de leurs oppositions et la dualité de forces

bipolarisées les unes opposées aux autres comme le jour et nuit, le soleil et

la lune, le bien et le mal, la vie et la mort, les hauts et les bas, les joies et les

peines, etc. Ce monde qui n’est rien d’autre que la VIE et qu’ils appellent

‘‘Hwέl ou Hóέl’’.

55



IV - LE PAYS BANEN SOUS LA PERIODE

COLONIALE ALLEMANDE

1. Conquête du Cameroun par les Allemands

a) Les Allemands au Cameroun

Après l’abolition de la traite négrière au 19 e siècle, le territoire

camerounais, comme tous les autres territoires de l’Afrique Sub-saharienne,

est la convoitise de quelques puissances européennes. Les Allemands,

conduits par Gustave Nachtigal, un explorateur qui a mené l’exploration à

l’intérieur des terres, signent un traité de protectorat avec les chefs Douala,

le traité Germano-Douala, le 12 juillet 1884.

57


Dans ce traité, les chefs Douala, agissant pour le compte du Cameroun,

cèdent tous leurs droits de souveraineté, législation et administration aux

commerçants allemands. Le territoire s’étant du long du fleuve Cameroun

entre le fleuve Bimbia au nord et Kwakwa au sud et jusqu’au 4° 10’ de

longitude nord 1 . L’autorité allemande sur le territoire lui est conférée à la

conférence de Berlin, tenue de novembre 1884 à février 1885, à Berlin.

Après la conférence de Berlin, les commerçants allemands continuent leur

activité sur les côtes, pendant que la métropole cherche à asseoir son

autorité sur tout le territoire. Dès lors, une vaste campagne de conquête est

menée ; et elle n’a pas été sans résistance.

Les Allemands étaient venus pour conquérir tout le territoire de l’actuel

Cameroun. Ils ont commencé par Douala. Ils avaient installé des comptoirs

sur la côte. Et les populations venaient de partout pour y faire le commerce.

Il y avait des conflits d’intérêts entre les chefs Douala et Bakoko. Et ceuxci

ne voulaient pas que les Allemands pénètrent l’hinterland, parce que ces

chefs se faisaient de supers profits. Ils sont allés jusqu’à expliquer aux

Allemands que l’hinterland était très dangereux. À l'époque, il n'y avait pas

de route pour circuler facilement à l’intérieur du pays.

Lorsque les Allemands découvrent que c’était une duperie, ils décident

d’entrer dans l’hinterland. Ils se servent des fleuves pour intégrer le pays.

C'est ainsi qu'ils créent le port fluvial de Yabassi. Et c’est ce port qui

ravitaille tout l’hinterland en 1898, puis le port d'Edéa. Ils ont par la suite

soumis certaines personnes aux travaux forcés, leur faisant creuser des

routes pour le chemin de fer jusqu'à Eséka. Ils ont créé des comptoirs à

Yabassi, à Edéa, à Sombenguè, Eséka....

1 1 Traduction du traité Germano-Douala du 12 juillet 1884. (Rédigé en anglais). HISTOIRE Le monde de la 2 ème

moitié du XIX siècle à nos jours. 3 ème INSTITUT D’ÉTUDES GÉOSTRATÉGIQUES

58


Les populations banen pouvaient, à travers une piste, arriver à

Sombenguè.

Les Bafia, les Yambassa, les Banen, les Bamiléké... quand ils voulaient

du sel, des étoffes, de la poudre... allaient échanger avec leurs produits. C'est

ainsi que les comptoirs sont nés à l'intérieur du pays.

Les Allemands ont commencé à intégrer le pays banen par le nord, à cause

de l’accès favorable. En 1890, les missionnaires allemands créèrent une

station à Ndikbiakat, et en 1906 ils y envoient les pasteurs Hofmeister,

Herwig Hilgat et Adolphe Otneier évangéliser. Ils le firent jusqu’en 1914.

La pénétration coloniale servira dans un premier temps à l’intensification

des transactions commerciales entre l’Afrique et l’Europe. Mais dès 1895

pour le Cameroun, s’implantèrent des unités de production.

Les échanges entre les produits européens et les produits africains

s’accentuèrent. Sur les côtes camerounaises, les firmes allemandes

Woermaun et Dautren Thomahlen étaient implantées.

b) Conquête du territoire et ses conséquences :

Pendant la conquête allemande du Cameroun, la colonie a été confrontée

à de grandes résistances, et a perdu son influence. La perte de l'influence de

l'Allemagne a entrainé une chasse à l'homme qui se faisait par les

populations côtières qui étaient pro-germanisantes.

Les résistances à la colonisation ont provoqué des migrations et mixages

des peuples, à l’intérieur du pays.

Les opposants étaient obligés d'aller vers l'hinterland pour changer de

nom, et notamment aussi, vers la contrée de Yabassi qui était un grand pôle

de l'homme côtier. Certains étaient obligés de fuir pour se transformer en

Mbô, ou revenir du côté de Douala pour s'assimiler. D’autres allaient du côté

du Moungo.

59


Quand les Allemands accostaient la rive, ils avaient de très grands

bateaux. Ils les déchargeaient, et pour les remplir, il fallait de nombreux

produits locaux. Les Douala ne pouvaient pas les remplir, et ils savaient qu’il

fallait compter sur la main d’œuvre venue de l’hinterland, donc dans les pays

banen et bassa.

Après l’abolition de l’esclavage, les chefs continuèrent à le pratiquer pour

assujettir les peuples au moyen des rapts, des enlèvements. Les échanges de

site en site n’étant pas possible, on était vendu parfois pas très loin de chez

soi, mais le manque de route empêchait aux gens de se retrouver.

Les Banen et les Bassa vont fusionner pendant la période coloniale, où ils

vont rivaliser d’emblée avec les chefs King Akwa, Deido… Les Banen étaient

à la côte et ils étaient ceux qui supportaient dans l’hinterland,

l’approvisionnement des vivres qui étaient demandées par les Allemands,

par le truchement des chefs Douala.

Les Allemands avaient fait la route pour sortir et entrer facilement dans

la contrée Banen. Elle partait de Douala, passait par Bonepoupa, Mamba.

C'est la route la plus brève pour arriver chez les Banen. Que ce soit au Sud,

que ce soit au Nord. Leur ambition était de soumettre les peuples, mais elle

ne s’est pas faite sans résistance.

Les Allemands, comme aimait dire le professeur Engelbert Mveng, ont

effectué une sorte de regroupement des populations qui jusqu'ici, se

trouvaient éparses, n'ayant pas dans la plupart des cas, des lieux, vivant

chacun dans un hameau. Celles-ci se sont retrouvées réunies par le hasard

ou les circonstances. Il fut créé une région banen en 1909. Elle s’appelait

Somo et était comprise dans le district de Douala, devenue préfecture du

Wouri.

Les Allemands étaient très bien renseignés sur le territoire banen pour

avoir mené à trois reprises la bataille contre Somo Mambock et celle de

60


Manimben Tombi selon les travaux de thèse de Dr. Emock Paul Valentin sur

le pays banen et Bafia.

2. Organisation du pays banen sous la période

allemande :

a) Organisation administrative du pays banen sous la

période allemande :

- Le Poste de Somo :

En 1909 Somo Mambock fut arrêté dans le canton Inoubou Nord.

Et une fois les résistants conquis, il fallait laisser un représentant sur le

territoire, d’où le nom de poste de Somo créé en 1909 avec les regroupements

énumérés plus haut.

Durant la période allemande, le poste de Somo couvrait les

arrondissements actuels de Ndikiniméki, Makénéné, Nitoukou, Yingui, une

partie de Tonga et le pays Lemandé. Et ceci constituait le pays banen. Le

poste de Somo dépendait de Douala, puis Douala Yabassi et par la suite

Yabassi avant d'être amputé d'une partie pour être rattaché à la

circonscription de Bafia.

Le colon préparait son entrée dans un coin en installant en premier lieu

une unité de Commandement. Il associait dans son groupe les missionnaires

qui à leur tour venaient avec les œuvres de bienfaisances comme les petits

centres de santé et au même moment l'instruction (école) qui facilitait la

communication entre lui et la population.

Hervick fut alors le premier missionnaire Allemand à s’installer à Bikob

créant une première école Allemande et un dispensaire. Ce fut en 1908-1909

puisque à la même période M. Manga Elokan Joseph de Bonamouti de

Douala évangélisait à Essele Ye Nikeng à Indikihambala communément

appelé Indikbalemb.

61


Du temps des Allemands, il y avait la Région de Yabassi, la Région de

Bafia.

À cette Période, la circonscription de Yabassi n’incorporait pas toutes les

zones banen. Par exemple les Lognanga faisaient partie d’Edéa et les

Indikbiakat de la circonscription de Douala.

Dans les années 1900-1901, les Ndikbiakat et les Ndiknana étaient

rattachés à Yabassi. Et Yingui était à cette période un poste administratif.

Le poste de Somo ne dépendait pas de Yabassi mais de la circonscription

de Douala.

La Région de Yabassi comprenait Ndikiniméki.

Durant toute la colonisation allemande, les régions de Yabassi, de Bare,

de Banen étaient comprises dans le district de Douala devenu préfecture du

Wouri.

À cette époque, les Banen étaient des fournisseurs de main d’œuvre ; on

les estimait à 18 000 et ils étaient robustes. Ceux-ci étaient recrutés dans

les entreprises de Douala.

- Les chefferies :

Les chefferies ont commencé à exister avec l'arrivée du colonisateur en

Afrique, et au Cameroun avec l'expansion coloniale allemande.

La colonisation avait mis des souverains à la tête des populations, à qui

on avait attribué à un moment donné le titre de chef de race. La chefferie

regroupait au sein des institutions qu’ils appelaient groupements, des

familles parfois sans aucun lien de parenté. La nomenclature

institutionnelle présente depuis la période coloniale trois types de

chefferies :

La chefferie de premier degré qu'on appelle chefferie supérieure, dont le

ressort territorial couvre au moins deux chefferies de second degré.

62


La chefferie de second degré qu'on appelle encore chefferie de canton ou

chefferie de groupement.

Actuellement chez les Banen de Ndiki, on retrouve la chefferie de

groupement Etoundou, Inoubou sud et Inoubou nord. Même s'il est vrai que

dès le départ, elles étaient deux. À la suite d'une communication de 1982, il

y a eu une scission donnant naissance à trois cantons. Ce qui a entrainé les

chefferies de troisième degré, donc les chefferies de village.

D’après le professeur Alain Ndedi (2006), sous le mandat allemand au

Cameroun au cours des années 1880, un référendum fut organisé dans les

régions auparavant détenues par les Banen. C’est l'actuel canton de

Ndockmakumak en pays Bassa (Babimbi II), le village de Logkat et le village

de Ndobianga, tous peuplés par les populations qui autrefois parlaient le

Tunen, mais parlent de nos jours la langue Bassa.

La question posée aux populations banen à l’époque était de savoir si elles

préféraient rejoindre Ngambè (la ville Bassa) ou rester sous la domination

de Yingui (la ville Banen). Ces populations avaient accepté rejoindre les

Ngambè de la tribu Bassa et sont désormais considérées comme des Bassa.

Plus récemment, la population appelée ‘Banen Ba Ngwanga’ parle la langue

Bassa bien qu’appartenant à l’ethnie banen.

b) Organisation socio-traditionnelle pendant la période

allemande :

Le pays Banen est à cette époque constitué de quatre grands ensembles

formant une diversité de souverains, mais une communauté de coutumes,

de traditions et de langue, le Tunen surtout entre ces quatre : Ndiki, Itundu,

Eling, Ndikoko (cf. Dugast).

Les Ndiki étaient installés autour de la rivière Inubu. Ceux-ci

comprenaient de nombreux sous-ensembles tels que Ndikiniméki, Nebolen,

63


Ndekehok, etc. Tous étaient sous l’autorité du Chef très controversé

Malanga placé à leur tête par les Allemands.

Les Ndikoko sont composés de Ndekbagna, Ndekeyap, Nekom, Ndéma,

Ndikotti, Ndikbaloumek, Noména, Ilobi, Etong, Banif.

Les Eling comprennent les Ndoukbissoung, Néboya, Ekondj et Nitoukou.

Chez les Indikibiakat, Matun Ndol fut le premier chef. On l'appelait

Hiotot yi metun.

Il eut son onction en 1907 et resta chef jusqu’en 1909. Il mourut en 1916.

Son fils Elol Matun lui succéda.

Les chefs banen étaient à la tête des villages et ils rendaient compte aux

chefs de district (Allemands).

Pendant la domination allemande, la métropole exerçait sur la population

une autorité excessive.

Les chefferies étaient bien structurées. Le chef était un grand

rassembleur laborieux, qui n’attendait pas souvent de présents de ses sujets.

Certains avaient de grandes plantations (cacaoyers, caféiers palmeraies).

Certains encourageaient leurs administrés à la vaillance et non à la

fainéantise. Le chef pouvait se marier de plusieurs femmes.

Lors de leur passage, chaque chef de famille, avec toute sa maisonnée,

était obligé de racler les routes, et à la moindre désobéissance, il était

bastonné devant sa famille.

Dans l’arrondissement de Yingui, on distingue les chefferies de 2 e et 3 e

degrés (des cantons et villages).

Les Ndikbiakat ont également leurs origines dans l’arrondissement de

Ndikiniméki. Les Indikbiakat selon Prof Bahoken ont leur ancêtre qui

s’appelait Mui ti bonon Biakat. Il donna trois (3) fils : Balemb, Menokon et

Bien.

64


Les Indikbiakat ont une forte natalité.

Dans le territoire du 3 e fils de Biakat, Hambala, communément appelé

Balemb, on trouve deux (2) groupes sociologiques :

01/ Moussoke à la limite avec les Indikiniben (Sanaga Maritime) au lieu

dit Ekongo Kounde.

02 / L'autre est situé dans le même territoire de Hambala communément

appelé Balemb, mais à proximité de Bayeck sortant de Mamba.

Hambala (Indikbalemb) commence au cours d’eau Nebo’o qui sert de

limite avec l’arrondissement de Yabassi du côté droit vers l’amont jusqu’à

Makoa vers Lognanga (Indikinanga). On y rencontre de nombreux cours

d’eau comme Houkeu, Beyeck, Nekem, Nikeng, Engala, Meyine, Baneufeck,

Mouthe, Imbebi, Enyabelocko, Ibomboli, Bandongena, Massaka, Ewakala,

etc.…

Dans la chefferie de Hambala (Indikbalemb) I et II et Indikibendengelim

on a 3 chefs : Moufofé, Hiomilit, Bikongo, Nouyeu, etc.… Chefferie

Indikimenokono I et II (3 Chefs + 1 Canton).

Nouyeu, Moussacka, Ngomengoas, Chefferie Indikebiene (3 Chefs).

Notez en passant que tous ces cours d’eau énumérés par chefferies y sont

jusqu’à présent.

- L’économie :

La prospérité économique, sociale et culturelle des Banen lors de la

période coloniale était liée aux conditions naturelles favorables de son

espace géographique.

Peuplé d’hommes de grande taille, robustes et travailleurs, le terroir

Banen était nourricier pour les régions voisines ; y étaient cultivés le cacao,

le café, les palmiers à huile, la kola et autres cultures vivrières.

- La justice :

65


Pendant la période coloniale, les membres du tribunal coutumier étaient

nommés par le chef de circonscription sous proposition du chef de

subdivision. C’était la période du commissariat et même celle du haut

commissariat. Le tribunal coutumier a subsisté après l'indépendance.

Il y avait des personnes chargées de trouver la sentence qu'on proposait

au chef qui devait trancher en dernier ressort.

Les Banen ne sont pas polythéistes.

66


V - LE PAYS BANEN SOUS LA PÉRIODE

COLONIALE FRANCAISE

1. L’administration française :

a) Occupation du territoire des Banen par la France :

La France et l’Angleterre en voulaient aux Allemands. L’Angleterre pour

l’avoir devancée et signer avec les chefs Douala le traité Germano-Douala.

La France n’avait pas apprécié le fait que l’Allemagne lui avait pris une

partie de ses terres de l’Afrique Equatoriale Française.

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Pendant la première guerre mondiale (1914-1919), la France et

l’Angleterre faisaient partie de l’Alliance et étaient opposées aux Alliés,

groupe dans lequel évoluait l’Allemagne. Les combats s’étaient déroulés sur

plusieurs fronts et l’Allemagne avait été vaincue. La France et l’Angleterre

lui avaient pris le territoire du Cameroun. L’Angleterre avait pris le 1/5, la

partie Ouest et la France les 4/5, la partie Orientale.

Le territoire du pays des Banen revenait donc de ce fait à la France.

Lorsque la France arrive en pays banen en 1916, elle ne connait pas de

résistance de la population. Les autochtones la considèrent comme un

libérateur, car las de subir les travaux forcés que leur imposait l’Allemagne.

La France s’installe en pays banen avec une unité de commandement

composée de missionnaires. Ils occupent les bâtiments laissés par

l’Allemagne : les bureaux, les centres de santé, les résidences, les écoles…

Certains de ces édifices existent encore de ce jour.

La France dissout l’école allemande et implante l’école Française.

L'église évangélique s'installe et parmi les missionnaires, on a des

militaires déguisés. La pratique de la religion traditionnelle connait son

déclin avec la ruse mais surtout la brutalité utilisée par les missionnaires

européens comme méthodes de converstion des populations indigènes en

particulier par les missionnaires catholiques notamment dans la région de

Ndikiniméki où les Banen se sont vus enlevés l’essentiel de leurs objets de

prière.

Selon un témoignage du doyen Luc Mbendé, lorsque les missionnaires

arrivaient dans des villages pour l'évangélisation, ils prennaient le soin de

faire des enquêtes auprès des populations, leur demandant ce qu’elles

utilisaient pour se protéger. Après avoir relevé la fonctionnalité de l'herbe

ou de l'oignon par exemple, ils leur disaient :

- Non, c'est méchant, Dieu n’aime pas, il faut jeter. Arrachez !

68


Le missionnaire remetait l'herbe arrachée à son serviteur en lui intimant

en public de la jeter plus tard.

C’était ainsi qu'ils avaient pillé et détruit la tradition.

Il y avait un missionnaire qui s'appelait Vaquin, et un autre Valéry.

Valéry était un officier de l'armée de l'air, un réserviste. Un jour, on fit

appel à lui quand il était en plein culte, pour qu'il aille combattre. Il dit aux

fidèles :

- La nation m'appelle.

Il abandonna le culte et partit. La population se rendit compte à ce

moment-là qu’il était un missionnaire réserviste.

Plus tard, un étudiant banen partit pour la France poursuivre ses études.

Il voulut rencontrer Valéry et s’était renseigné. Ils s’étaient vus. Valéry avait

planté dans un jardin tout ce qu'il avait pris chez les Banen.

Quand ce dernier a su que l’étudiant était un Camerounais, il était confu.

Les puissances coloniales avaient détruit la tradition pour mieux assimiler

les populations.

b) Réorganisation administrative des Français chez les

Banen :

Quand les Français arrivent, ils réorganisent ce territoire en 1916, puis

en 1921. Les Banen sont dans quatre régions différentes :

1 - Les Ndikbiakat dans la région de Douala ;

2 - Les Ndiknanga dans la région d’Edéa ;

3 - Les Eling de l’Ouest, les Ndiktun, les Ndik nyak, les Ndik-mem, les

Ndik-hende et les Ndik-banol de l’Ouest dans la région de Yabassi ;

4 - Les Ndik-somo, les Ndik-mbale, les Nyokon, les Eling et les Ndikbanol

de l’Est, les Yambetta et les Lemandé dans la région de Bafia.

69


En 1923, Yingui fut rattaché à la subdivision de Yabassi et

Ndikiniméki à la subdivision de Bafia, d'où la séparation des zones, du fait

de la difficulté à rallier le sud du pays banen. Ndikiniméki va en cette date,

être rattachée à Bafia, pour être supprimée en 1927 et réintroduite en 1934.

La région du Mbam est créée en 1935.

Pendant l’administration coloniale française, les Ndikbiakat faisaient

partie de la région de Douala, les Eling de l’Ouest (appelés aujourd’hui

Yingui), les Ndiktouna, les Ndiknyak, les Ndikbanol de la région de Yabassi,

les Ndiknana à Edéa, les Ndik-Somo, les Ndik-Mbale, les Nyokon, les Eling

et les Ndikbanol de l’Est, Les Ndiksomo, les Nyokon, les Yambetta et les

Lemande dans la région de Bafia.

Les Idikbiakat et Ndikbanol étaient les premiers à atteindre le sud. Les

Ndikbiakat habitent entre le Dibamba Nebamb et le Ebo Nébo, et sont sur

les plateaux.

C’est dans les années 1920 que le poste Somo fut rattaché à Yabassi, puis

amputé d'une partie (sud) qui est restée à Yabassi tandis que l'autre (nord)

a été rattachée à Bafia.

Les régions de l’administration allemande sont devenues des subdivisions

dans l’Administration coloniale Française et les circonscriptions comme

Douala sont devenues des préfectures. La circonscription de Bafia en 1927.

C’est en 1923 que Yingui est détachée de la subdivision de Ndikiniméki

pour être rattaché à Yabassi du fait de la difficulté de rallier le sud Banen.

Yingui a toujours existé mais comme un district dépendant de la région

Yabassi ainsi que Ndikiniméki. C’est quand la circonscription du Mbam est

créée que les Français vont l’affecter et le Nkam à Yabassi va en 1930

intégrer les Indikbiakat lesquels se trouvaient depuis dans la circonscription

de Douala.

70


Les groupements Mbang et Banen, du fait de leur accès difficile ne furent

visités par les colons qu’en 1933, 1935 et 1938.

On recensait en 1930, dix-sept factoreries à Yabassi gérés pour la plupart

par les européens. Il s’agissait des maisons de commerces. Ceci aurait aussi

pu bénéficier à Yingui si Yabassi ne perdait pas son importance au détriment

du Moungo à cause de la voie ferroviaire qui y avait été créée. La pénétration

coloniale mettra fin au monopole commercial des côtiers notamment les

Douala.

Les grandes plantations s’implantèrent dans le Moungo car le Moungo

offrait une plaine ouverte et disposait d’un sous-sol riche au détriment de

Yabassi qui avait une topographie tourmentée.

Vers les années 1940, une forte Communauté Banen se retrouva à

Mboppi. Entre 1951-1952 un poste administratif fut créé à Yingui. Les

archives mentionnent une note des chefs banen du nord revendiquant le

ralliement avec leur peuple du sud. Ils avaient écrit en 1951 à Monsieur le

haut-commissaire de la République française au Cameroun pour le

rattachement de la subdivision de Ndikiniméki à la Région du Nkam.

La ville de Yingui fut créée comme district en 1950.

En 1951-1952, un poste administratif fut implanté à Yingui. Une souspréfecture

pour tous les Banen du sud (Ndiktouna, Ndiknyak, Ndikmem,

Eling, Ndikbanol, Ndikhende, Ndiknanga, Ndikbiakat).

Yingui devient arrondissement en 1966.

2. La guerre du maquis en pays banen :

a) Causes et effets de la guerre du maquis :

- Causes :

Une deuxième guerre avait éclaté ; la deuxième guerre mondiale (1939-

1945). La France avait demandé aux puissances africaines qui étaient sous

71


son autorité de combattre aux côtés de ses troupes. Une condition leur avait

alors été imposée par les Africains : celle d’avoir le droit de vote à l’Assemblée

Législative et celui-ci leur avait été accordée.

Après la guerre, les Français n’avaient pas tenu leur promesse. Des

années plus tard, des mouvements nationalistes commencèrent à voir le

jour dans plusieurs pays d’Afrique. Les populations réclamaient leur

Indépendance, ce que la France ne voulait pas leur accorder. Les groupes

nationalistes ou indépendantistes entrèrent dans une révolte très active. Ils

avaient adopté une stratégie de guerre qui était semblable à celle menée en

Europe lors de la 2 e guerre mondiale, ou les populations combattaient de

nuit et le jour, se cachaient dans les maquis, une végétation touffue et

épineuse. Les français les avaient donc appelés « les maquisards ».

Les leaders des mouvements nationalistes au Cameroun étaient

originaires des régions des Bassa et des Bamiléké. Le pays des Banen se

situait à mi-chemin de ces deux régions et avait l’avantage d’abriter une

grande forêt dans sa partie sud.

Le territoire très enclavé du sud était un facteur favorable à

l’implantation des troupes indépendantistes.

- Effets de la guerre en pays banen :

Les maquisards combattaient les sympathisants des colons et n’hésitaient

pas à tuer tous ceux qui payaient les impôts à l’administration coloniale

française. Ils avaient été soutenus à un moment donné par des Banen qui

espéraient, par cette guerre, que le pays obtienne son indépendance.

Certains Banen avaient nourri les troupes indépendantistes. On faisait la

collecte de la nourriture pour apporter en brousse aux maquisards, là où ils

se cachaient.

L’administration coloniale avait changé de stratégie et la guerre prit une

ampleur importante.

72


L'administration qui, se sentant incapable de protéger toutes les

populations, avait exigé leur évacuation et décrété l’état d’urgence sur

l’ensemble du département du Nkam, lequel état avait été levé il n’y a pas

très longtemps. Le pseudo marquis a duré jusqu’en 1971 dans les régions du

Nkam et du Moungo.

L’abandon des villages n’était pas volontaire.

Il y a eu une première vague migratoire. La seconde est survenue de 1945-

1955 à la suite des guerres d’indépendance.

- Témoignage des périodes de déguerpissements des Banen :

Nos parents n’avaient qu’un seul problème : trouver asile ailleurs.

Moi qui vous parle, j’avais commencé à fuir les maquisards depuis ma

naissance jusqu’en 1971 à Loum où j’avais assisté à l’exécution du dernier

maquisard au stade municipal. Nos parents n’avaient ni moyens matériels

ni moyens physiques pour réintégrer leurs villages, témoigne Bengala

laurent.

Ce déguerpissement des banen était horrible à vivre, affirme le Doyen Luc

Mbendé : « Nous étions en vacances, mon grand-frère et moi, quand le

malheur est arrivé. Le seul qui tenait la tête, fut un brave chef de 2 e degré.

Le chef de Canton de l’époque avait fui en forêt. Parmi les deux veuves de

mon père, il n’y avait que ma mère qui avait un peu de force pour porter ne

serait-ce que le panier de provisions. Sa coépouse, malade, marchait à peine.

Elles ont marché pendant sept jours et sept nuits avant d’arriver à Yingui.

Et c’était pendant la saison des pluies.

Dans la forêt d’Ingoloko, plusieurs sont morts rien que pour atteindre

Mosse. Étant déjà élève à Ndogbele Yabassi, mon frère et moi possédions nos

cartes d’identité scolaires. Nous étions obligés d’aller à Yingui à la rencontre

du car de transport qui devait nous ramener à l’école. Au passage des

militaires, les maquisards restaient brûler les habitations de nos parents. Il

73


n’y avait qu’un seul chemin à suivre, Yingui. Le côté de la Sanaga Maritime

était plus dangereux, la base des agresseurs. Quand les gens passaient

quelque part, un boulevard était bien visible. Comme c’était la saison des

pluies, la traversée des marécages où l’eau pouvait atteindre la poitrine était

périlleuse.

Les familles affluaient massivement vers Douala. Là, il s’agit des années

54 à 55. Douala n’était pas la seule ville de refuge. Il y avait Sole, Penja et

Loum qui accueillaient la plupart des migrants. Mais il y avait un contrôle

strict à Yingui. Sans laissez-passer, personne ne bougeait. Certains

passaient par la brousse pour rejoindre Bataba afin d’échapper au contrôle.

b) Conséquences de la guerre :

- Les migrations :

L’une des conséquences est le déguerpissement. Les Banen se sont

retrouvés à plusieurs endroits. Le sud a été très touché, en ce qui concerne

les migrations à la suite des émeutes. Les habitants sont allés jusqu’à Ndiki,

et plus loin que Ndiki, parce qu’il y a des colonies jusqu’à Bafia et à Bokito.

Elles ont intégré le Moungo, Ebolowa, Edéa, Loum-Paris.

Mais la première base des Banen est Douala (Mboppi). C’est le marigot

Mboppi qui a donné le nom au quartier. Ils se sont aussi installés à Bepanda,

PK 13. On y trouve par exemple l’Église Logdengué à PK 13 qui fait

référence à un village Banen.

Des quartiers existent aussi à Douala ayant une appellation en Tunen

parfois avec des déformations. On peut citer par exemple Ndogbong en

Tunen indik’mboπo, Bonadibong – indik’mbong, Logbessou – indik’bissou,

Logpom – indik-nèfom, etc.

Les noms banen de Ndogbong et Logbessou sont une certitude, car le

second est Indiknanga et le premier est même en train de réclamer ses

origines de Mamba, proche de Indikbiakat donc il est Indikbiakat.

74


- État du territoire déguerpi :

De 1938 à nos jours, rien n’a changé. Le problème que constituait la route

Ndiki-Yingui se posait déjà dans les années 1950. Les manœuvres

entreprises par les députés de l’époque furent énormes, mais hélas vaines.

Les multiples collines dans le Nkam furent aussi un frein à l’avancement

des travaux. Car selon un ingénieur français, en 1957, les Français devaient

créer 5 km de route, mais à Mosse, il y avait une colline qui se dressait et les

moyens ne permettaient pas de la contourner. À l’heure actuelle, Yingui n’a

pas de routes praticables. Et par conséquent, il n'y a pas beaucoup de

localités accessibles par la route.

Il y eut une courte période au cours de laquelle on a pu visiter certaines

localités. Les récits des administrateurs coloniaux de la tournée effectuée

par Really Henri, adjoint au chef de la région du Nkam, dans les

groupements Banen de Ndikbiakat et Ndiknanga du 07 février au 13 mars

1938 démontrent les difficultés d’accessibilité dans ces terres.

Les tournées médicales n’ont d’ailleurs pas été fréquentes. Les Ndikbiakat

et les Lognanga forment une suite de montagnes couvertes de forêts,

difficiles d’accès, où il est quasi impossible aux gens de se grouper par

villages.

L’arrondissement de Yingui ne s’est pas développé à cause du manque de

voies d’accès qui pouvaient le rattacher à une autre localité environnante,

car la zone est fermée et sa dépendance à Yabassi est presque totale.

Yingui est une vieille unité administrative. On peut noter l’énorme

différence de niveau de développement avec les unités de la même

génération. Investir dans cette zone est un calvaire à cause du manque de

route, d’électricité, de télécommunication...

Des hommes ont vécu jadis en ce lieu qui est aujourd’hui la forêt d’Ebo.

Les preuves sont l'existence des safoutiers, des palmiers à huile, des

75


cacaoyers… Aux nombreuses allégations selon lesquelles ce sont les oiseaux

qui lâchaient les graines dans la nature, la preuve de l’occupation de ses

localités par les Banen a été donnée par les explorateurs qui y ont découvert

une tombe. Ces derniers ont alors cherché et retrouvé sa descendance.

La présence de la seule tombe en béton armé témoigne de l'importance de

l'homme à l'égard des Allemands qui firent ce geste de compassion.

Beaucoup de reliques y ont été retrouvées, des ruines d’habitats, des tombes

des ancêtres. Tout cela a convaincu les explorateurs de la vie des hommes

sur ce territoire jadis.

76


VI - LE PAYS BANEN APRÈS LES

INDÉPENDANCES

1. L’Indépendance du Cameroun :

a) Les revendications et la loi cadre :

Les Africains en général et les Camerounais notamment voulaient se

gérer tout seul et réclamaient de plus en plus le départ des puissances

coloniales. La France n’était pas prête à abandonner ses intérêts en Afrique

et au Cameroun en particulier.

À la session d’octobre-novembre 1957, plusieurs projets de lois dont la loi

cadre furent soumis à l’examen des députés, parce que les revendications

des couches éclairées de la population africaine se faisaient sentir et le mot

magique d’Indépendance était déjà lancé. Cette loi cadre fut préparée par

Gaston Defferre en liaison avec Félix Houphouet Boigny.

Comme son nom l’indique, c’était une loi qui servait de cadre à des textes

d’application, à l’intérieur de laquelle le gouvernement pouvait promouvoir

des réformes. Elle fut votée le 23 juin 1956. Comme changement positif

amené par ce texte, il faut citer l’introduction du suffrage universel, qui

consacre la promotion de la population paysanne à la majorité civique, et qui

va entrainer un contact plus étroit des politiciens avec les masses rurales.

De même, l’introduction du collège unique implique une sorte

d’africanisation du débat.

Cette loi cadre d’un autre côté humiliait presque le Cameroun et l’Afrique

francophone, et conduisait à un assimilationnisme que personne ne voulait.

Malgré les multiples oppositions, la France a réussi à l’imposer et c’est à

cette condition qu’elle pouvait remettre au Cameroun oriental son

Indépendance.

77


b) La proclamation de l’Indépendance :

L’Indépendance du Cameroun oriental est proclamée le 1 e janvier 1960

par la France. À ce moment, la partie occidentale du Cameroun qui est sous

l’administration de l’Angleterre n’a pas encore la sienne.

La superficie du Cameroun occidental n’était pas suffisamment vaste pour

que lui soit accordé le statut d’État, selon les Nations unies. Ce terroir ne

pouvait obtenir son Indépendance que via le rattachement soit au Cameroun

oriental ou au Nigéria. Un plébiscite a été organisé le 11 février 1961. Les

populations du Cameroun occidental étaient appelées à répondre aux

questions suivantes :

78


- Voulez-vous atteindre l'Indépendance par l'unification avec la

Fédération Indépendante du Nigéria ?

- Voulez-vous atteindre l'Indépendance par l'unification avec la

République Indépendante du Cameroun ?

La partie nord du Cameroun occidental avait choisi d’être rattachée au

Nigéria et la partie sud du Cameroun occidentale avait choisi son

Indépendance via le rattachement au Cameroun.

Suite à ce vote, une Conférence avait été organisée à Foumban du 17 au

21 juillet 1961, L’ordre du jour était la constitution d’un État Fédéré qui

unirait le Cameroun oriental et le Cameroun occidental qui deviendrait

indépendant par une unification. La proclamation de l’Unification du

Cameroun s’est faite le 1 e octobre 1961,

79


2. Réformes du pays banen après l’Indépendance :

Après son Indépendance, le Cameroun doit se prendre en charge. Les

français quittent le pays et le pays banen. L’administration camerounaise

récupère les locaux.

a) Réorganisation administrative :

Le territoire des Banen en période précoloniale était sous l’administration

traditionnelle. Pendant la période coloniale allemande, il a connu comme

tout le territoire camerounais, il a subit une organisation administrative

étatique qui sera modifié pendant la période coloniale française. Après les

Indépendances, le territoire subit des réorganisations et érigé en quatre

communes :

Ndikiniméki, Makénéné, Nitoukou qui sont administrativement

rattachés dans le département du Mbam et Inoubou, Région du Centre et

l’arrondissement de Yingui qui lui, est rattaché au département du Nkam,

Région du Littoral. Suivant l’organisation administrative actuelle du pays,

ces arrondissements sont confondus aux commeunes dont ils partagent

toponymie cartographique.

- L’espace territorial et administratif de Ndikiniméki :

* Évolution du statut juridique :

La commune de Ndikiniméki est crée par Arrêté N°237 du 07 Juillet 1955.

Elle s’étend sur une superficie : 2.650 km². Elle compte 32 villages et 18

quartiers dans l’espace Mbam (soit 50 chefferies de 3ème degré). Elle compte

aussi des groupements ou chefferies de 2ème degré qui sont : Etoundou,

Inoubou Nord, Inoubou Sud, Ndikoko.

Suivant les données du 3è recensement générale de la population et de

l’habitat de 2005 (2è RGPH), sa population est estimée à 17 462 000 âmes.

Sur le plan ethnolinguistique, on y parle le tɔ̀póány et le tùfɔ́mbɔ̀.

80


* Espace territorial et limites administratives :

L’arrondissement de Ndikinimeki est limité respectivement par les unités

administratives ci-après ainsi qu’il suit :

Au Nord par l’arrondissement de Makenene ;

Au Sud Ngambe et Yingui (Région du Littoral) ;

À l’Est par les arrondissements de Ndom (région du Littoral), Bokito,

Nitoukou et Kon-Yambetta ;

À l’Ouest par Yingui (région du Littoral).

- L’espace territorial et administratif de Nitoukou :

* Evolution du statut juridique :

Le district de Nitoukou est créé dans l'arrondissement de Ndikiniméki par

Décret n° 92/187 du 01/09/1992 en 2010, Nitoukou est érigé en

arrondissement par éclatement de celui de Ndikiniméki, suivant le décret n°

2010/198 du 16 juin 2010 portant érection des Districts en Arrondissements.

La Commune de Nitoukou est située à 23 kilomètres de la Commune de

Ndikinimeki, à 27 kilomètres de la Commune de Ndom et à 82 kilomètres

de Bafia.

* Espace territorial et limites administratives :

C’est le plus petit espace territorial et administratif du pays Banen. Il

s’étend sur une superficie d’environ 854 km². Et compte à ce jour 15

chefferies tradionnelles de 3è degré (Ndougbissoung, Ekondj I, Ekondj II,

Ekondj III, Ekondj IV, Ndéma, Nébassel, Ndikibil, Etong, Neboya, Ilobi,

Nekom I, Nekom II, Ndekeyap et Nitoukou village) pour une population

estimée à 4 831 habitants suivant les données du Bureau Central de

recensement de la population de 2005. Ils parlent tous le tùǝliŋ et le tɔ̀póány.

L’arrondissement de Nitoukou est limité respectivement par les unités

administratives ci-après:

81


Au Nord et à l’Est par l’arrondissement de Ndikinimeki ;

Au Sud par la Commune de Ndom (Région du Littoral) ;

À l’Ouest par l’arrondissement de Bokito.

- L’espace territorial et administratif de Makenene :

* Evolution du statut juridique :

D’une superficie de 885 km², Makénéné est un territoire banen occupé de

nos jours à 90 % par les allogènes issus des déplacements des populations

originaires pour la plupart des régions de l’Ouest (Bamileke, Bamoum) et du

Nord-Ouest et d’ailleurs (africains de l’Ouest.

Le district de Makénéné est créé dans l'Arrondissement de Ndikiniméki

en 1965 est érigé en arrondissement en 1992 suivant le décret n°92/127 du

26/06/1992. Il compte 16 chefferies de 3 e degré à savoir : Mock-Centre, Mock-

Sud, Ngokop, Barrière, Carrière, Nyokon II, Makénéné-Centre, Hôpital,

Makénéné-Est, Town Water, Nyokon I, Nyokon III (Mbalam), Nyokon IV,

Kinding-Ndé, Kinding-Ndjabi Et Nyingo.

* Espace territorial et limites administratives :

Makénéné est limitée de par et d’autres comme ci-dessous :

Au Nord par la l’arrondisszement de Massangam (Noun, Région de

l’Ouest) ;

Au Sud par les arrondissements de Yabassi (Nkam, Région du Littoral et

Ndikinimeki ;

À l’Ouest par les arrondissements de DEUK et de Kon-Yambetta.

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- L’espace territorial et administratif de Yingui :

* Evolution du statut juridique

Yingui est un arrondissement situé dans le département du Nkam, région

du Littoral. La commune Yingui éponyme a été créée en 1970 puis a été

ratachée à Yabassi pour à nouveau être restaurée en 1997.

Sur le plan de l’organisation du territoire, l'arrondissement de Yingui est

composé de cinq cantons que sont : Indikbanol, Indiktuna, Indikbiakat,

Lognanga, Ndem pour quinze (15) villages.

De plus 15000 âmes dans les années 1930, la population de

l’arrondissement de Yingui a décru pour être de 5000 personnes

effectivement présentes dans la localité lors du 3è récencesment général de

la population et de l’habitat de 2005 du fait de deux facteurs fondamentaux

à savoir : le phénomène de l’exode rural et surtout le déplacement forcé des

populations par les pouvoirs publics lors de la guerre d’indépendance. La

variante principale du Tùnen ici parlée est le Tùfɔ́mbɔ̀ constitué de deux

sous variantes que sont le Tùndiktuna et le Tùndiknanga.

* Espace territorial et limites administratives :

L’arrondissement de Yingui est située entre le 4ème et le 5ème degré de

latitude nord et entre le méridien 11°3’ du coté nord-ouest et le méridien

4°35’ vers le sud. Il est limité :

Au Nord par l’arrondissement du Nord-Makombe ;

Au Nord-Est par l’arrondissement de Ndikinimeki (Mbam et Inoubou,

région du Centre) ;

Au Sud et à l’Ouest par l’arrondissement de Yabassi ;

À l’Est par l’arrondissement de Ngambé (Sanaga-Maritime).

83


b) État du territoire déguerpi :

La guerre du maquis a causé le déguerpissement. Le territoire jadis habité

s’est transformé en forêt.

- Infrastructures sociales et économiques :

Un faible développement de l’économie locale, un faible développement

organisationnel et institutionnel au sein de la communauté.

- Difficulté d’accès aux services sociaux de base

- Enclavement de la Commune

- Faible production agropastorale

- Déforestation

- Faible impact des activités de l’institution communale

- Faible valorisation des potentialités locales.

- L’économie :

L'agriculture est la principale activité économique, la population produit

les cultures vivrières (manioc, banane plantain, arachide) et les cultures de

rentes comme le cacao et le palmier à huile.

Et les cultures de rente dont le cacao et le café qui sont les cultures

traditionnelles et d’introduction coloniale puis de plus en plus, le palmier à

huile, dont la culture entre de plus en plus dans les mœurs des jeunes

générations.

Quant à l’élevage, il concerne le petit bétail et la volaille. Avec l’ouverture

au monde extérieur, les vastes savanes de la partie septentrionale du pays

banen connaissentt la pénétration d’un nouveau type d’élévage ; celui des

ovins qui est introduit par la nouvelle élite bourgeoise de la localité.

Les activités commerciales sont pratiquées à très modeste échelle en

majorité par les ressortissants d’autres tribus du pays et même par les

84


étrangers. Elles sont plus orientées vers la vente de produits de première

nécessité et quelques produits manufacturés (produits de quincaillerie…) ;

produits de rente et du surplus des vivres.

- La santé :

La ville de Yingui est dotée d'un Centre Médical d'Arrondissement qui

compte plusieurs médecins et quelques personnels paramédicaux et où sont

effectués les soins médicaux de base, disposant des médicaments essentiels

malgré un plateau technique médiocre.

- La cartographie dans le pays banen :

La cartographie de cette région a été influencée par le déguerpissement

des populations.

Certaines localités n’existent plus sur les cartes. Les cartographes

semblent ne pas mettre des localités où il n’y a pas d’individus. Ils mettent

les cours d’eau, ils mettent les collines.

Les cartes semblent également ne pas restituer les localités tribales ou

claniques selon les riverains. Dans le sens de l’organisation administrative,

le village vaudra ce qui a été défini dans le cadre avec cet objectif : l’on veut

regrouper un certain nombre de personnes dans une unité.

Mais ce n’est pas ce qui fait la définition dans la langue courante. Un

village pour quelqu’un, c’est très souvent le lieu où il est né. Le peuple s’étant

dispersé, l’évaluation de la population localité par localité n’est pas possible.

Elle ne peut que se faire par village.

À l’intérieur de Ndoukbayebi 2, il y a des hameaux qui peuvent exister,

tels Ndikel, Ndikbondè, mais sur le plan administratif, on considère qu’il y

a un chef de village. Un chef de village est à la tête d’un village. C’est ce

village-là qui regroupe plusieurs hameaux. De manière générale, un

Ndibondë peut dire : « Je rentre dans mon village ».

85


Le travail de délimitation des villages semble n’avoir pas été bien fait chez

les Ndikbiakat ; il aurait fallu repositionner certains villages sur la carte.

Les villages du nord de la région banen ressortent sur la carte. Tous les

villages de Inoubou sud sont sur la carte. Pareil pour les villages de

Indiknanga et Ndiktouna. Mais Ndogno qui ressort sur la carte c'est

Ndikmoroé après Ndikedeng.

Il y a Mossé et Kobéka qui sont représentés comme des villages. Par

contre, il n'y a jamais eu de chefferie à Kobéka. Sur la carte des villages qui

sont en réalité des sites ont été représentés à plusieurs endroits.

Ce qui ressort sur les cartes de Ibo forêt, c'est Mouffon, Nikoup mais non

Ndikminokon 2. La chefferie de Ndikminokon 2, c'est à Bikombi. Or il y a

des gens qui sont rattachés à cette chefferie-là, mais qui sont à Mougins, à

plus de dix kilomètres. Comment peut-on parler de village qui regroupe des

gens qui sont distants de 10 km ? Et ces villages, c'est Bikombi et Moufon.

Nous avons des cartes qui portaient ces noms, mais seulement, ces noms

représentaient les sièges des chefferies traditionnelles et non des villages.

La politique de création des chefferies n'étant pas appliquée de la même

manière partout, il reste difficile de juger le niveau d'occupation des terres.

Ce que nous considérons comme villages au sens des démographes, ce sont

des localités (Bikombi, Messeng, Indikimoulong, etc.)

Dans la plupart de nos villages, la délimitation nette est généralement un

bosquet, une grande forêt. En ce qui concerne le regroupement Iboti que tout

le monde peut visiter maintenant, il y a Bohend, Bokak, Boundeng.

On peut le constater aussi en parcourant la liste des villages retenus par

canton dans l'arrondissement de Yingui en 1966/67. Actuellement, il y a

seulement Iboti et Logndeng. Les autres villages ont disparu.

86


87



VII – LES HUIT CANTONS QUI CONSTITUENT

LE PAYS DES BANEN :

I. Présentation et répartition des cantons :

a) Présentation des cantons :

Les Banen sont regroupés par cantons, c’est-à-dire par proximité

sociologique, rattachés à des autorités locales traditionnelles, des chefs.

Nous avons Yingui, Indiktuna, Indikbu, Lognanga.

89


Les cantons voient le jour avec les chefferies, à l’arrivée du colon. Un

canton regroupe parfois deux ou plusieurs villages de 3 e dégré.

Les cantons sont des entités ou regroupements familiaux. Les sept

cantons qui composent le pays banen sont :

À Ndikinimeki :

• Le canton Itoundou,

• Le canton Inoubou-Nord,

• Le canton Inoubou-Sud,

À Yingui :

• Le canton Yingui,

• Le canton Indiktuna,

• Le canton Indiknaŋa,

• Le canton Indikbiakat,

• Le canton Ndem.

b) Répartition territoriale des cantons :

b1. Le canton Itoundou :

Autrefois, le canton Itoundou était constitué de deux grands groupes : les

Itoundou et les Eling. Un vent d’émancipation a tôt fait de souffler sur les

Eling et ceux-ci se sont progressivement affranchis de la tutelle de leurs

voisins. Ils veulent aujourd’hui se constituer en canton autonome. Ces deux

tribus sont installées dans la savane ou encore dans une zone de transition

entre la savane et la forêt.

Les Itoundou : La route Yaoundé-Nkongsamba les a désenclavés, même si

elle n’est pas passée par tous les villages. Les populations des villages non

desservis par la route se sont déplacées pour s’installer dans leur

90


emplacement actuel. Ce territoire qui les a tous accueillies serait l’habitat

traditionnel du clan Nomale.

Les Eling : à défaut de les désenclaver totalement, l’axe Ndiki – Nitoukou

– Omeng et les bretelles qui desservent les grands groupements comme

Indikbissoung, Ekondj… ont rendu tous leurs villages accessibles.

b2. Le canton Inoubou-nord (population : 4006 habitants environ

en 1952) :

Tout comme pour le canton Itoundou, les villages du canton Inoubou-nord

ont été désenclavés par les routes Yaoundé – Nkongsamba et Ndiki –

Nitoukou – Omeng. Les populations dont les habitats traditionnels sont

situés dans la grande forêt se sont déplacées dans un premier temps pour

offrir leurs services dans les chantiers de construction de la route Yaoundé-

Nkongsamba, le long de laquelle elles se sont, dans un deuxième temps,

définitivement établies. C’est le cas des Indiktolè, Endèkèhok, Indikyel …

Certaines de ces populations ont depuis un temps entrepris des actions de

recolonisation de ces terres situées dans les forêts arrosées par les rivières

Kiakan, Molo, Nihep, Makénéné, Noun... Elles y créent de vastes

exploitations agricoles.

b3. Le canton Inoubou-Sud (population : 2953 habitants environ

en 1952) :

Dans le canton Inoubou-sud, il faut distinguer deux zones : la zone

Indikbou et la zone Indikbanol.

La zone Indikbou : Elle est constituée de très petites peuplades perdues

dans l’immense forêt d’Inoubou. Ce sont les Indikbou et mêmes, les Bahalè,

les Endekanyebe, les Indikmbot, les Indikngol, les Indikmbalè, les ondol...

L’immensité de la forêt d’Inoubou constitue le plus grand obstacle de cette

zone. Indikbou, regroupement tribal phare, est à pratiquement 45 km de

Ndikiniméki, chef-lieu de l’arrondissement auquel il est rattaché. Grâce à

91


une société forestière, une piste y avait été ouverte mais reste impraticable

sur une bonne partie de l’année à cause du mauvais état de la chaussée et

du manque de ponts sur les rivières.

La zone Indikbanol : La particularité de la zone Indikbanol est la position

géographique de ces différents regroupements claniques. Depuis la nuit des

temps, toutes les populations de la zone Indikbanol se sont établies le long

de la piste Iboti – Nioni melouebend – Indiknabaho. La fin des travaux

d’ouverture de la régionale N° 16 désenclaverait à coup sûr quasiment tous

les villages de la zone. D’ailleurs, plusieurs de ces villages sont desservis par

le tronçon de cette régionale N°16 déjà ouvert (Endeknenoho, Endekon,

Endekwanen, Endekbassaben, Endekbandalemak, Indikbekoumek). Du sud

de la zone, les derniers travaux d’ouverture de la régionale N°16 ont permis

d’atteindre le village Indikbekom en passant par Indikbessiomi. Il reste à

ouvrir le tronçon Indikbekon – Indikbek 6 Itong (Indikjotè) – Indiknyako –

Indikbelak – Nebamo pour que le canton Inoubou-sud zone Indikbanol soit

totalement désenclavé.

b4. Le canton Yingui (population : 1049 habitants environ en

1952) :

Tous les villages du canton Yingui sont desservis soit par la régionale N°

16 (Indikhèndè, Indikmèmè sud et nord, Yingui 1 et 2, Mossè), soit par des

bretelles (Indikenyak, Indiktun, Bèyamb, Toubok, Bakong et Metiye).

b5. Le canton Indiktuna (population : 1665 habitants environ en

1952) :

Le territoire du canton Indiktouna est situé entre la rivière Makombè et

le fleuve Nkam. Nous l’appelons le canton en « V ». Contrairement aux deux

autres cantons de l’arrondissement de Yingui, Indikbiakat et Indiknaŋa

notamment, il n’existe pas beaucoup de dénivellations du sol sur le territoire

92


du canton Indiktouna. Seulement, pour y accéder, il faut traverser la

Makombè, large de plusieurs dizaines de mètres et un débit très élevé.

Cependant, les Indiktouna peuvent accéder à leur territoire à partir du

village Ndobtiba en pays Bandem dans l’arrondissement de Nkondjock.

Néanmoins, en plus de la construction du pont sur la rivière qui sert de

limite naturelle aux deux communautés, il faut, du côté de l’arrondissement

de Nkondjock, ouvrir la route qui mène à cette rivière.

b6. Le canton Indiknagna (population : 1844 habitants environ en

1952) :

Pour accéder au territoire du canton Indiknaŋa par voiture, il faut

parcourir une bonne partie des pays Bakoko, Bikok et Babimbi. La seule

piste qui dessert le canton Indiknaŋa a été ouverte par une société forestière.

Cette piste qui part du village Lokat en pays Babimbi, traverse les

territoires de deux regroupements claniques, les Indikendoun et les

Indikbanamouan. Les territoires des 10 autres regroupements restent

totalement enclavés sur les collines. Les travaux d’ouverture du tronçon

Nioni meluebend (chez les Indikbiakat)-Indikbanamouan (chez les

Indiknaŋa) ont été confiés il y a quelques années au Matgenie. L’ouverture

de ce tronçon permettrait de rallier à partir de Yingui, chef-lieu de

l’arrondissement, le territoire Indiknaŋa par voiture. Ces travaux n’ont pas

été réalisés.

b7. Le canton Indikbiakat (population : 5069 habitants environ en

1952) :

Le canton Indikbiakat est un vaste territoire. Il représente à lui seul plus

de la moitié de tout le territoire de l’arrondissement de Yingui. La rivière

Nebo’o (Ebo) y déverse ses eaux depuis le village Massouang jusqu’au

confluent avec le fleuve Nèbamb (Dibamba). Il abrite au moins 95% de la

93


forêt connue au niveau mondial aujourd’hui sous la dénomination de « forêt

d’Ebo ».

Ses regroupements claniques y sont dispersés à l’extrême. Plusieurs

d’entre eux sont sur les collines comme chez les Indiknaŋa, leurs voisins de

l’Est. Le territoire du canton Indikbiakat est totalement enclavé. La

régionale N° 16 traverse son territoire à sa limite nord. Elle ne dessert que

quatre localités : Massouang, Iboti, Indikmolong nord et Indikelen –

Indikbiakat. Elle laisse très loin à droite, les 31 autres regroupements

claniques de ce canton. Les bretelles qui pouvaient contribuer au

désenclavement de certains de ces regroupements claniques sont restées des

culs-de-sac.

À l’ouest, la bretelle qui part de Mossè dans le canton Yingui s’arrête net

au village Indikendeŋe après la traversée de la rivière Nébo. Les villages

Indikmolong et Bikombi sont respectivement à 5 km et 9.5 km de là.

À l’Est, la piste qui part de Lokat en pays Babimbi et traverse le canton

Indiknaŋa arrive dans son territoire au village Indikmenye. L’obstacle ici

étant la rivière Mako, limite naturelle entre les Indikbiakat et les

Indiknaŋa.

Au sud, une piste a été ouverte par la société SNC Bois jusqu’à Beyeck, à

une bonne distance après avoir traversé la rivière Nébo dans la partie

inférieure. Malheureusement le pont n’était pas encore construit sur la

rivière Nébo lorsque la société avait décidé d’orienter son exploitation

forestière en deçà de cette rivière afin de sortir les bois par Kopongo et non

par Mamba-Bonépoupa comme ce fut le cas avant. Les travaux d’ouverture

de cette piste furent arrêtés, laissant à des dizaines de kilomètres le

regroupement clanique Indikbendeŋelim, premier village du canton

Indikbiakat. L’ouverture de cette piste n’a plus jamais été à l’ordre du jour

jusqu’à l’heure où nous faisions cette note.

94


B8. Le canton Ndem :

Faire une note sur ce canton.

Détour par la chefferie Indikembol-Indikibiakat (chefferie

Logmbo) :

Cette Chefferie couvre les clans Indikeboum et Indikelen.

- 1 e Chef Yemba ;

- 2 e Chef Bengala ;

- 3 e Chef Bessomen ;

- 4 e Chef Essoke ;

- 5 e Chef Moussandja ;

- 6 e Chef Titil (actuel Chef).

95



VIII - LE TUNEN, LANGUE DES BANEN :

1. La langue tunen et ses variantes :

a) La langue :

Au Cameroun, le français et l’anglais sont les deux langues officielles.

Toutes les deux sont héritées de la colonisation. Au-delà de celles-ci, il y

aussi l’allemand et l’espagnol qui sont les premières langues de contact des

camerounais avec les occidentales même si depuis des décennies, leur usage

est des plus résiduelles car ne sont enseignées et usitées que dans le cadre

des humanités dans les établissements secondaires et de l’enseignement

supérieur notamment dans les universités d’État et de grandes écoles de

formation des formateurs dans les Écoles Normales Supérieure set celles des

traducteurs et interprètes du pays où elles constituent de unités

d’enseignement. Malgré tout, ce sont des langues du fait d’avoir été ou d’être

encore véhiculaires dans notre pays qui ont influencé et/ou continuent

d’influencer les pas moins de 240 langues nationales dont le Tùnen qui est

la langue des Banen.

Les langues dites Bantous se caractérisent par l’utilisation des systèmes

de classes nominales. Les classes nominales regroupent des couples qui

correspondent au singulier et au pluriel. Le tunen rentre dans cette

catégorie, parce qu’il répond à ce critère. Tunen est le pluriel de hinen ; c’est

une classe de deux noms singulier-pluriel. Banen est la forme plurielle de

Munen.

Le linguiste allemand Tessman désigne sous le nom Mittel Kamerun

Bantu, les langues qui s’en rapprochent assez pour y être incluses, tout au

moins les Banen, Nyokon, Yambetta, Lemandé, peut être pas les Bafia ni les

Yambassa.

97


La langue des Banen appelé Tunen, est une langue multidimensionnelle.

Elle a un vocabulaire très élargi qui s’emploie selon le ou les contextes. Elle

est une langue riche qui a plusieurs variantes. Bien la parler relève de

plusieurs mécanismes à savoir : trouver les homonymes et aussi les

synonymes d'un mot, savoir conjuguer, utiliser les intonations et la dictions

qui conviennent. La variation des mots dans un contexte précis donne des

significations différentes aux phrases. Il suffit de prêter attention pour noter

des différences.

Le groupe linguistique tunen du Cameroun compte plus de 100 000

habitants (J. Mbongue en 1997), la plupart d'entre eux résidant dans la

région du Centre : division Mbam-Inoubou avec pour subdivisions

Makénéné, Nitoukou et Ndikiniméki, et la région du Littoral : division du

Nkam avec pour subdivision Yingui.

Cinq dialectes et plusieurs sous-dialectes sont signalés : Toboany (Itundu,

Ndiki, Ndikoko…), Tufombo (Lognanga, Ndogbang, Ndikbiakat, …),

Alinga/Eling/Tuling (Nitoukou, Néboya, Ndoukbissoung…), Ndiktouna,

Niguessen (Mese, Paningesen, Sese).

Le Tunen est similaire au Nyokon [nvo], Nomande [lem] et Tuotomb [ttf].

Notez que Tunen est distinct du Pinyin [pny] du groupe Ngemba. Il y a de la

littérature, des textes et une grammaire dans la langue, mais le nombre de

lecteurs est faible.

Les points cardinaux en tunen proviendraient des types de désignation

des dialectes. Par exemple le Nord : nomènà ; le Sud : éfombo, l’Est : nómàlɛ;

l’Ouest : bièny.

Généralement, on utilise le mot Efombo pour désigner les Banen du sud

mais aussi leur langue. Ceci serait à tort du fait qu’éfombo veut juste dire

sud. En d’autres termes, dans les éfombo, il y a un regroupement de

98


plusieurs tribus qui génèrent encore plusieurs variantes. C’est dire que

l’éfombo n’est qu’un mélange des langues tunen.

Il existe donc certaines subtilités de cette langue qu’il serait peut-être

préférable de parler de dialectes au lieu de variantes.

Il est important de préciser cette approche entre deux versions tunen :

« topoagne et biakat » c'est à dire les versions de communication utilisées

dans les deux régions qui sont le Centre et le Littoral.

b) Les variantes :

Le Tùnen est composé de trois ou quatre dialectes, comme le relève le Pr.

Mbongue Joseph dans son Mémoire de Maîtrise portant sur l'Inter

compréhension des locuteurs du Tunen. L’interprétation de la langue est

fonction de la distance géographique et sociale. Raison pour laquelle il est

prudent de signaler dans les interventions la région d’où l’on vient.

Les Banen dans les 4 régions ou arrondissements ont évolué selon les

périodes. Il y a eu des mixages et des influences dans leur langue.

Dans la langue tunen, on relève cinq dialectes (Toboany, Tufombo,

Niguessen, Tuling et Ndiktouna).

Si on traduit « je suis bien » ou « je ne suis pas bien »,

Le Tunen du sud dira :

1. Mè baka mwès,

2. Mè lè ba mwès.

Et le parler Toboany :

1. Mè lè mwès,

2. Mè lè pa mwès.

Selon l’ethnologue Barbara Grimes, on dit, Tunen mais aussi Banen,

Banend, Penen, Penyin.

99


Il y a donc une grande diversité dans cette langue. Par exemple bÓkànyè

en Tunen du Sud est la même chose qu’en Tobòàny. C’est-à-dire maléfice qui

signifie quelque chose sur lequel on a prononcé des paroles pouvant porter

malheur à toute personne qui voudrait transgresser l’interdit. Seuls les

Eling désignent le Tunen des autres Topoagne.

L’arrivée des Banen du sud avec une variante du Tunen a amené les

Banen de nomènà, ceux que ceux du sud appelaient banen ba somo, à

désigner cette variante par tunen ba éfombo. Efombo veut dire le sud et

Nomènà le nord.

Voici quelques exemples :

Hissemb = matin.

Hissemb hiess = bonne matinée.

Hissemb = La perdrix.

Mina Hissemb hallen = J'ai attrapé une Perdrix.

Manong = le Sang.

Manong manou miang yiol= je saigne.

Manong = les peuples ou les pays.

Manong ma missi mikim ma na tenem= tous les peuples de la terre sont

debout.

Massak = applaudir.

Soubek Massak = taper les mains - applaudir.

Massak = dents qui ont mal poussé et ont fait des doublons.

Mounou wou Massak = une bouche aux dents doublées.

Mial qui est le pluriel de Moual la noix de kola appelée (beeter kola).

Mial = le buffle.

100


Mial na Missek ba baka ebom ? Le buffle et l’éléphant sont-ils en brousse

? Et l'autre de répondre : èè. C'est un petit jeu d’enfants.

Chez les Banen, le jeu de mots dans les phrases relève du sens qu’on veut

donner à cette dernière. Par exemple

Ileng : qui veut dire amant ou amante en tunen.

Yam ileng yè= c'est mon amant (e).

Ileng : le fer ou l'acier.

Yam emba yè ileng= ma machette en acier.

En fait, le Tunen est une langue à tons. Les tons correspondent aux

accents. Ce qui fait que la position d'un ton change systématiquement le sens

et la signification du mot à cause des nuances dialectales qui le caractérise.

À propos du "bɛ̀" ou "bɛ́", il y a confusion entre la grammaire et la

conjugaison.

En grammaire, le /bɛ́/ est le pluriel du /mù/ qui renvoie à : On, Celui/Celle

ou Quelqu'un.

Par contre en conjugaison, ce graphème renvoie à ce qu'on désigne dans

d'autres langues comme indicateurs d’Infinitif du verbe. Sauf que l'infinitif

en Tunen notamment en Tɔ̀póāny et en Tùǝ̄liŋ a été édulcoré par nos

devanciers dans l'écriture quand ils ont éludé les préfixes (ɔ̀, ù et w) en les

remplaçant par les tirets (-).

Au Littoral, "u silin ou silekin" veut dire "chaleureux ou accueillir

chaleureusement".

Le tunen se bonifie au contact des autres langues et s’enrichit

constamment de nouveaux mots ou idiomes, dans le jeu d’interinfluences et

d’interpénétrations par les apports des langues dont elle est en contact

permanent notamment les occidentales citées plus haut et celles nationales

101


avec lesquelles elle partage la proximité à l’instar du basaa, du Duala, du

Yambasa et même des langues peules, hausa ou même de l’arabe.

En l’absence des statistiques sur les différents emprunts idiomatiques, il

est néanmoins utile de noter que les emprunts issus des langues nationales

au rang desquelles les deux premières citées, c’est-à-dire le basaa et le Duala

sont les plus abondants. Tandis que pour les autres langues notamment

européennes, les emprunts sont le plus souvent en rapport avec la politique,

la religion, l’économie, la culture et surtout les nouvelles technologies de

l’information et de la communication (NTIC). Citons-en quelques uns :

* En politique :

Kàyέsa vient de l’Allemand ‘‘Kaiser’’ pour désigner le Roi, le Chef ;

Ikίŋ de l’anglais ‘‘the King’’ pour dire le Chef, le Roi ;

Ngɔ́mὲn de l’anglais ‘‘government’’ pour dire une Autorité administrative.

* En religion

Misίón vient de l’anglais ‘‘mission’’ pour mission

Pásίtó vient de l’anglais ‘’pastor’’ pour Pasteur protestant

Sélà vient du français ‘’Sœur’’ religieuése ;

Pésɔ́b vient de l’anglais ‘’Bishop’’ pour évêque ;

Mésà vient du français ‘’messe’’ ;

Mίtίn de l’anglais ‘’meeting’’ pour office religieux

* En économie

Mɔ̂ nέ de l‘anglais ‘’ money’’ pour l’argent

Ndɔ́la vient de l’anglais americain ‘’Dollar’’ pour dire 5 FCFA

Ɔŋgàlɔ́m de l’anglais ‘’gallon’’ pour le bidon

Litǝ du français ‘’litre’’

102


Isús (pl. pίsús) vient de l’anglais ‘’shoes’’ pour chaussures

* Dans le domaine de l’industrie et des NTIC

Mǝsίn vient de l’anglais ‘‘machine’’ pour dire le train et autres objets de

mécanique usuels roulant ou pas mais à l’exception de la voiture et de la

moto

Mà̀tɔ́ vient de l’anglais ‘‘motor’’ pour dire voiture

Injίn vient de l’anglais ‘‘engine’’ pour dire moteur

2. Lexique et orthographe grammaticale :

a) Lexique :

- Préfixe :

Généralement en tunen, les noms commençant par "Ba" font appel à un

ordre, une recommandation, une action en cours d’accomplissement alors

que ceux commençant par "Bè" forment des noms au pluriel à quelques

exceptions près.

Ex. Bassilekin, veut dire "que l'on acclame ou accueille" Bassemback, "que

l'on esquive" Baboulé, "que l'on chasse".

Alors que "Bèhalal" veut dire, "le bercail, le patrimoine d'une famille",

Bessack "les conflits", etc.

Dans Betela, on voit un b' qui est le pluriel du mot " ètèl ou ètèla" qui a le

sens de "ce qui glisse" en parlant d’un lieu ou d’un objet.

Les enseignants du tunen devraient apporter de plus amples explications

ou porter des objections.

Toutefois, il est à noter que les préfixes "Ba" et "Be" dans l'onomastique

Tunen tels qu’exposés ci-dessus signifieraient la même chose, c'est-à-dire

qu'ils évoqueraient une accusation. Le parent qui nomme ainsi son fils, se

103


pose en victime.

tout le temps.

En fait, se référant à :1) Bassilekin= celui à qui on en veut

<=> /Bá/=>, les gens (accusation).

Radical (verbe) /ùsíl/ => agacer, acculer, chercher noise.

Suffixe /kin/=> Ce pour quoi ou celui pour qui on m'en veut (affixe

répétitif).

Begnaken /bényákɛ̀n/, Bekemen /bɛ́kɛ́mɛ̀n/, bekeaken /békéàkɛ̀n/, Bekem

/békém/=> correspondent à la même description que dessus. Ce ne sont pas

des exceptions. Pour l'essentiel, /Be/ renvoie au pluriel de /bù/ => une chose.

Ainsi, pour le nom Bétela, on l’explique par « les choses qui glissent ».

C'est cette approche entre deux versions du Tunen " topoagne et biakat"

c'est à dire les versions de communication utilisées dans les deux régions qui

sont le Centre et le Littoral.

La particule ndek ou ndik chez les Banen

Elle veut dire « ceux de » par exemple Ndik-Biakat « ceux de Biakat », la

descendance de Biakat.

Les nuances linguistiques dans la langue Tunen.

Les langues dites Bantous sont des langues qui se caractérisent par

l’utilisation de systèmes de classes nominales. Le tunen rentre dans cette

catégorie parce qu’il répond à ce critère. La langue est riche en vocabulaire.

Il existe plusieurs termes pour dénommer l’arachide par exemple, selon

qu’on se situe à Yingui, à Ndikiniméki ou à Nitoukou. Les classes nominales

correspondent au singulier et au pluriel de la langue française. Les noms en

tunen se classent en deux formes.

Le tunen a seize classes nominales.

Autres exemples :

104


Banen est la forme plurielle de Munen.

Éfombo : toufombo.

Hèpoagn : Topoagne le parler Ndiki.

Eling : Tuling.

Éfombo signifie Sud. Au Sud, tous les peuples ne parlent pas de la même

manière. On trouve certaines déclinaisons, selon qu’on passe d’une tribu à

une autre : Ndikbiakat, Ndinanghe, Ndibono, Yingui, Ndikeniak, Ndimémé.

Le Tunen est une entité abstraite, une union de plusieurs langues. Elle a

des sous variantes.

Et qu'est-ce qui est responsable de ces différences linguistiques au sein

d'un même peuple ?

On dirait peut-être les influences d'autres langues. Quelles langues ont

influencé quels groupes ?

Le Yambassa, le Lemandé, le Bassa chez les Alinga et le Bassa, le Douala

chez les éfombo.

Et chez les Indiki, Ndikoko, Itoundou et autres ?

b) L'orthographe grammaticale tùnən :

Les pronoms personnels :

*En Tuǝliŋ*

Je : => méaŋɔ̀

Tu : => ɔ́ŋɔ̀

Il/Elle : => waš

Nous : => bósù

Vous : => bónù

Ils/Elles : => bǝ̌p ou bǎp

105


Nɛ́n ou Nɛ̌ n

Le mot Nɛ́n ou Nɛ̌ n étymologiquement, renvoie à au moins deux verbes :

a) ɔ́nɛ̀n/uǹɛ̀n= bercer, cajoler

b) ɔ̀nɛ̌ n en Tuéliŋ= laisser, libérer.

Dans l'un des deux cas, il apparaît l'idée de délicatesse, de dignité, de

quelque chose de précieux.

Sur le plan purement linguistique, le B des bantous a été imposé aux

Banen par l'Éducation des Français assisté du Douala. (Culture acquise ou

adaptation circonstancielle).

Dans le Tunen de nos jours, le phonème originel P est tenu de cohabiter

avec le phonème acquis B, en variation libre. C'est la linguistique

descriptive, et Le Précis d'orthographe le démontre très bien. Cependant sur

le plan étymologique, Bakak est très différent de Pakak, dans ce sens que

pour un Topouagne Bakak n'a pas le sens de Pakak. Inversement, pour un

Éfombo, tous ces mots signifient la même chose, par la force de l'acquisition

complémentaire.

D’autres lettres aussi ont subi des influences. On a écrit par exemple

batifilek, batif, bassoubek, difoumbi, mboune, dikoni, mbom..... Au lieu de

betifilel, betif, bessoubek toufoumbou, oumboune, toukoni, embom...

Parlant de ce Précis d'orthographe, s'il a le mérite d'être un outil

d'apprentissage pour les nouveaux apprenants de la langue tunen, certains

estiment qu'il devrait être relu. Selon l’ouvrage, « la langue n'admet pas de

phonème consonantique finale. »

Les voyelles qui sont écrites en finale dans tous les mots de ce document

laissent penser que c'est ainsi que sont les mots Tùnèn et particulièrement

du Tufombo qui semble être le dialecte des Banen qui a contribué à la

106


rédaction de cet opus. Or, il n'en est pas ainsi. Car ils sont nombreux les

locuteurs de cette variante qui l'ont réfuté, dont le frère Tomo.

Dans toutes les langues, il y a des lettres ou allophones qui sont plus

présentes que d'autres. Si en primo position elles n'apparaissent pas assez,

en position médiane, ou en finale, elles sont assez bien représentées.

3. Calendrier en tunen

a) Les jours de la semaine en Tunen

Au départ chez les Banen, la semaine comptait quatre à cinq jours, en

fonction des marchés qui étaient organisés dans certaines localités. Mais

aujourd’hui pour ne pas être en marge de ce qui existe au niveau

international, voici les jours de la semaine :

Lundi= Hèsandjè ;

Mardi=Bikenini ;

Mercredi=Yile ;

Jeudi=Nèbata ;

Vendredi=Ėsèmbèlô ;

Samedi= Biloumbeloumb ;

Dimanche=Indili

b) Les mois de l'année chez les Banen

Le mot « mwil » en tunen signifie la lune. Et cette désignation correspond

à la division cyclique du temps telle que présentée par le calendrier

grégorien. Et le mot « hiot » signifie la saison sèche, à ne pas confondre avec

« hiotot » qui renvoie au soleil. Au départ, les mois tiraient leurs

dénominations du rythme des saisons et des activités agricoles. On avait des

périodes d’une longueur variant entre 20 et 45 jours. On disait donc :

Mwili Wo Hiot (Le mois de sécheresse) : janvier

107


Elòlo (Les grands travaux champêtres) : février et mars ;

Messòmbol (les termites) : fin mars début avril ;

Metíl (la disette) : avril- mai ;

Itíke (les prémices, débuts des récoltes de première campagne) : juin ;

Ondjamo (la petite saison sèche) : mi-juin, juillet ;

Mwili w'Imbúl ou tuyìye (les pluies fines, intermittentes) : août

Èkàta pêfàkafaka (les averses) : septembre ;

Èsòn'embóm (les pluies diluviennes) : octobre ;

Mehou (les récoltes des grandes cultures, ignames, macabo, Taro) : minovembre

décembre.

Le tunen moderne essaye de s’adapter au calendrier grégorien pour

trouver 12 mois. Dans des calendriers de nos jours, nous avons des

dénominations comme « Ipilenine » pour designer décembre ; ceci n’est qu’un

euphémisme, qui n'existe pas. Décembre est plutôt désigné par: *mwílí w'u

̀twənɔ̀mbɛ́l* en rapport avec la baisse de l'intensité des activités champêtres.

Hiot ou ikuilí yɛ́ hiɔt c'est une longue période de l'année qui correspond à

une saison : la saison sèche. Au cours de celle-ci, les activités humaines

connaissent une variation importante. En effet, c'est à cette période que la

cueillette, le ramassage, la chasse (notamment avec les feux de brousse) et

la pêche occupent les populations autrement que les activités agricoles.

Cette période allait de mi-novembre à mi-mars avec le retour effectif des

pluies. Son opposé est dit ikùilí y'ɛ́mbɔŋ (saison des pluies).

Les deux périodes étaient séparées par un temps de latence où les

pluies modérées alternaient avec un temps ensoleillé : « ɔ̀njàmɔ » (mi-juin

à mi-juillet). À cette période, les graines et les céréales récoltées étaient

séchées et gardés au grenier avant l'arrivée de la période dite des grandes

pluies. Pour certains, il y a une différence entre Ikuili yé hiot (c’est

108


effectivement une longue période) et mwili wo hiot (le mois de sécheresse)

qui correspond au mois le plus sec de l'année, car il ne tombe aucune pluie.

Ce qui est un fait suffisamment marquant pour caractériser le mois de

Janvier. En clair, on a deux conceptions pour désigner les 12 mois de l’année

en tunen :

Première conception :

Mayaboh : janvier (la période de grande chaleur suivie d’un froid sec

et humide. Il y a un phénomène naturel que ‘on désigne par « koung » en

tueling où l’on constate que les gens ont les lèvres fendillés. C’est aussi le

mois où l’on prépare es semis des ignames) ;

Elòlo : février (la grande chaleur, la sécheresse) ;

Messòmbol : mars (les termites) ;

Mekoul : avril (le nettoyage, le sarclage, le binage) ;

Metíl : mai (la disette) ;

Itíke : juin (les prémices) ;

Kelon : juillet (la période de ramassage d’une variété de termites ailés,

comestibles) ;

Bienim : août (période marquée par des pluies intermittentes. C’est le

mois qui marque la fin de « ondjamo » (petite saison sèche) et le début de la

saison des pluies. .

;

Ekàta pêfàkafaka : septembre (les tornades qui font tomber les lianes)

Esòn’embóm : octobre (Les pluies qui nettoient les champs par leur

ardeur) ;

Mehou : novembre (les récoltes) ;

Outwenombèl : décembre (période de repos, où l’on reste à la maison).

109


Deuxième conception :

Mwili wo hiot : janvier (le mois le plus chaud de l’année où il ne tombe

aucune pluie)

Metoul : février (la période de préparation des champs, les labours)

Elòlo : mars (les grands travaux)

Mekoul : avril (sarclage et buttage des champs)

Metíl : mai (période de disette, de soudure)

Itíke : juin (les récoltes)

Bienim : juillet (la petite saison sèche)

Imboul ou pèyèyè : août (les pluies fines)

Ekàta pêfàkafaka : septembre (les tornades)

Esòn’embóm : octobre (les pluies diluviennes)

Mehou : novembre (les grandes récoltes : tubercules, cacao, cultures de

saison).

Mangand : décembre (les réjouissances annuelles, les fêtes).

Aussi, Août avec ses pluies intermittentes qui mettaient les récoltes en

péril, est-il désigné par mwílí wù biənim et non mwílí wɔ́ Péyɛ́yɛ̀.

110


IX – ATTRIBUTION DES NOMS CHEZ LES

BANEN

1. Les patronymes

a) Préfixes attribués selon le sexe de l’enfant

Les ancêtres avaient pensé à distinguer les noms masculins des noms

féminins. Ils se distinguent par des préfixes.

Inbom désigne le nom d’un garçon. Et son féminin, que l’on attribue à une

fille, c’est Engbom.

Toutefois, il y a des noms neutres, qui sont attribués autant au garçon

qu’à la fille. Ils n’ont pas de préfixe.

Chez les Ndikbiakat dans l’arrondissement de Yingui, chez les filles c’est

Eng ou Mona qui veut dire la fille de…

Chez les Eliŋ, on utilise le terme *mɔ̂ na* pour l'enfant garçon et pour la

fille, c'est le terme *ɔ́mɔ́l'á* pour dire la fille de...

Ex. Ùlūmū mɔ́nà wà Baśɔ́m => OULOUMOU c'est le fils de Bassom. Pour

faire simple, on remplace le terme *mɔ́nà* par la particule de possession

*yɛ́*/ *yé* ou *ɔ́yɛ́* / *ɔ́yé* => Ùlūmū ɔ́yɛ́ Básɔ́m pour faire facile, Ùlūmū yɛ́

Básɔ́m.

Par contre, lorsqu'il faut designer une fille en faisant allusion à son

parent, on utilisera le terme *"ɔ́mɔ́l'á"* pour /ɔ́mɔ́l wà/ Ex.: ɔ́ngbèkɔ̀ ɔ́mɔ́l'á

Béhàlāl => Ongbeko fille de Behalal.

Chez les Eling, quatre affixes indiquent les noms des jeunes filles : Ongo-

(ɔ́ŋɔ́)/Eng-(ɛ́ŋ-) ou Ing- (íŋ-) et Engana (ɛ́ŋańà). Il en est demême chez les

Topouagne.

111


Ongo ou Eng + le mot qui lui est accolé, illustre le superlatif ou le

caractère excessif, parfois exagéré, l'abondance du mot qu'il désigne signifie

celle qui a assez, beaucoup de...

Ex : Ongomakagne (ɔ́ŋɔ́mākānyɛ̀) = personne qui possède beaucoup de

fétiches.

Eng- (ɛ́ŋ-)

Eng+Embom (brousse, forêt, champ) (ɛ́ŋɛ́mbɔ́m)= personne qui possède

beaucoup de champs.

Eng+Emok (Souffrance, peine) (ɛ́ŋɛ́mɔ̌ k)= personne assez souvent éplorée

ou qui connait beaucoup de peines, de souffrances.

Ing+Imou (cheveux blancs) (íŋímú)= personne ayant beaucoup de cheveux

blancs.

Engana (ɛ́ŋáná)= sans, introduit l'idée de précarité, d’absence de ce qui

est nommé.

Ex : Enganalim (ɛ́ŋánàlim) ou (ɛ́ŋańǝ̀lim) = personne sans famille.

Enganaboaye (ɛ́ŋańàbóaýɛ̀) = personne qui n'a rien ou qui n'a pas de

village, qui n’a pas de famille.

Par ailleurs, on pourra utiliser *Eng-* au lieu de *Ong-*. Ce qui

donne*Engndak* : la préférée.

b) Désignation des patronymes selon les circonstances

Chez les Africains en général et en pays Bantou en particulier, le nom

était donné à l'enfant suivant :

Les circonstances de la naissance (l'endroit où l'enfant naissait, la position

de parturition, les circonstances particulières : premier né après des

jumeaux ou un décès, etc.).

112


L'âge avancé d'un des parents notamment du père.

L'événement majeur qu'aurait vécu la famille avant cette naissance.

Le caractère de celui/qu'on veut surnommer ou même la dernière volonté

de ce dernier.

La matrone qui a assisté la parturiente entre autres.

Le « kou » est ou était associé à un événement qui se passe ou se passait

au moment de la naissance d'une fille dans une famille.

Par exemple, pour une femme qui avait des contractions au marché, la

nouvelle née était nommée kounioni...

Ou une femme qui avait accouché au champ, on appelait la nouvelle née

Koumbom. Pour une femme qui pleurait pendant la grossesse, la fille était

nommée Koumalela...

In fine, le kou est associé à un événement lié au couple qui donne vie à

une fille.

« Kou » serait l'équivalent de "Ong-" ou "Ing-" lorsque le nom qu'il veut

désigner commence par la voyelle "i" des Topoany et des Eling qui signifie

celui où celle qui a... (Plein, en trop, dans une situation constante ou

d'abondance).

Kou-Malela=> Ong-Malela qui est l'équivalent de Eng-Emok. Tous ces

noms renvoient à « l'état d'esprit ou au sentiment d'une personne qui se sent

accablée par les malheurs ou qui est régulièrement en pleurs, en souffrances

ou en peine. »

Certains noms sont donnés à l’occasion des naissances circonstancielles,

le reste dépend des variantes...

L’emploi du préfixe Kou revêt aussi d’autres origines qui ne sont pas

toujours le fait des circonstances.

113


2. Influence de l’orthographe des noms banen par les

langues d’autres peuples

a) Les officiers d’état civil

Les premiers enseignants qui sont arrivés en pays banen étaient les

Douala. Ils étaient également les secrétaires d’état civil, comme certains

Babimbi. Ils écrivaient les noms selon leur entendement. Et c'est ainsi que

plusieurs noms ont été déformés. Les autres appelaient leur fille Ki et quand

les Banen venaient donner le nom de leur fille, puisqu’on ne pouvait pas

donner Ki, ils donnaient Kou.

Le 'kou' qui n'est pas toujours associé à ce que nous croyions... « La fille de

». Par exemple, Mbom, Nioni, Massock, pour Koumbom, Kounioni et

Koumassock... respectivement...

Les officiers d’état civil écrivaient les noms des Banen selon leur

entendement ; celui qui correspondait à la prononciation dans leur langues.

Ce qui fait qu’on peut retrouver des noms douala chez les Banen, des noms

bassa, babimbi etc.…

En fait, chez nos voisins les Bassa ‘a, les filles concrètement, n'ont pas de

noms en dehors de celui du père. Seuls les garçons sont nommés en dehors

de cette exception avec l'affixe *Ki* qui aurait la même signification que nos

*Ongo-, Eng-, Ing- et Kou*.

Dans l'arrondissement de Yingui, plus particulièrement le canton

Indikbiakat, on appelle : Engbissak, mais dans l'acte de naissance

Koubissak.

Cependant, chez les filles Indiki et Eling, indiscutablement, parlé et écrit

se confondent dans les appellations : Eng : Engmok, appel et écrit, Engben :

Ong= Ongmagne, Ongmakagne, Ongbéhalal…

*Endák* = la femme de confiance, la confidente d'un polygame.

114


C’est dire combien dans certaines localités, les noms ont subi une grande

influence.

b) Exode rural et attributions de noms non banen

À l'époque, il y avait ce qu'on appelait le Salawis. Ce qui veut dire la ville

ou encore service. Certains parents quittaient le village pour se rendre à

Douala afin de trouver du travail ou des meilleures conditions de vie. Et il y

avait ce que l'on appelle le combo. Le combo, c'était la pêcherie. Plusieurs de

nos pères avaient besoin d'argent pour se marier, pour s'équiper en

ustensiles et autres. Et ils accompagnaient les pêcheurs Douala dans leur

combo, ils péchaient le poisson, le séchaient, le vendaient. Et quand certains

recevaient leur argent, ils s'équipaient pour rentrer au village. Mais la

majeure partie a trouvé mieux d'y rester, jusqu'à s'identifier aux Douala. Ils

ont donné des noms Douala à leurs enfants.

Aujourd'hui, de nombreux Banen portent des noms Douala. Et certains

ont progressé vers le Moungo. Ils y ont laissé de grandes plantations de café.

On a des cas où les noms donnés sont influencés par le fait des adoptions.

Par exemple, les Banen Bagouanga sont une communauté Bassa.

Aujourd’hui, il est difficile de reconnaître qu’à l’origine, ce sont des Banen.

Ces Banen avaient été accueillis par un monsieur qui s’appelait Gouanga et

les avaient installés en ce lieu. Étant une communauté d’adoption, on ne

pouvait pas les appeler Dog comme la descendance en ligne directe chez les

Bassa ; on les a appelés les Banen ba Gouanga.

3. Calendrier en tunen :

a) Les jours de la semaine en Tunen

Au départ chez les Banen, la semaine comptait quatre à cinq jours, en

fonction des marchés qui étaient organisés dans certaines localités. Mais

aujourd’hui pour ne pas être en marge de ce qui existe au niveau

international, voici les jours de la semaine :

115


Lundi= Hèsandjè ;

Mardi=Bikenini ;

Mercredi=Yile ;

Jeudi=Nèbata ;

Vendredi=Ėsèmbèlô ;

Samedi= Biloumbeloumb ;

Dimanche=Indili

b) Les mois de l'année chez les Banen

Le mot « mwil » en tunen signifie la lune. Et cette désignation correspond

à la division cyclique du temps telle que présentée par le calendrier

grégorien. Et le mot « hiot » signifie la saison sèche, à ne pas confondre avec

« hiotot » qui renvoie au soleil. Au départ, les mois tiraient leurs

dénominations du rythme des saisons et des activités agricoles. On avait des

périodes d’une longueur variant entre 20 et 45 jours. On disait donc :

Mwili Wo Hiot (Le mois de sécheresse) : janvier

Elòlo (Les grands travaux champêtres) : février et mars ;

Messòmbol (les termites) : fin mars début avril ;

Metíl (la disette) : avril- mai ;

Itíke (les prémices, débuts des récoltes de première campagne) : juin ;

Ondjamo (la petite saison sèche) : mi-juin, juillet ;

Mwili w'Imbúl ou tuyìye (les pluies fines, intermittentes) : août

Èkàta pêfàkafaka (les averses) : septembre ;

Èsòn'embóm (les pluies diluviennes) : octobre ;

Mehou (les récoltes des grandes cultures, ignames, macabo, Taro) : minovembre

décembre.

116


Le tunen moderne essaye de s’adapter au calendrier grégorien pour

trouver 12 mois. Dans des calendriers de nos jours, nous avons des

dénominations comme « Ipilenine » pour designer décembre ; ceci n’est qu’un

euphémisme, qui n'existe pas. Décembre est plutôt désigné par: *mwílí w'u

̀twənɔ̀mbɛ́l* en rapport avec la baisse de l'intensité des activités champêtres.

Hiot ou ikuilí yɛ́ hiɔt c'est une longue période de l'année qui correspond à

une saison : la saison sèche. Au cours de celle-ci, les activités humaines

connaissent une variation importante. En effet, c'est à cette période que la

cueillette, le ramassage, la chasse (notamment avec les feux de brousse) et

la pêche occupent les populations autrement que les activités agricoles.

Cette période allait de mi-novembre à mi-mars avec le retour effectif des

pluies. Son opposé est dit ikùilí y'ɛ́mbɔŋ (saison des pluies).

Les deux périodes étaient séparées par un temps de latence où les pluies

modérées alternaient avec un temps ensoleillé : « ɔ̀njàmɔ » (mi-juin à mijuillet).

À cette période, les graines et les céréales récoltées étaient séchées

et gardés au grenier avant l'arrivée de la période dite des grandes pluies.

Pour certains, il y a une différence entre Ikuili yé hiot (c’est effectivement

une longue période) et mwili wo hiot (le mois de sécheresse) qui correspond

au mois le plus sec de l'année, car il ne tombe aucune pluie. Ce qui est un

fait suffisamment marquant pour caractériser le mois de janvier. En clair,

on a deux conceptions pour désigner les 12 mois de l’année en tunen :

- Première conception :

Mayaboh : janvier (la période de grande chaleur suivie d’un froid sec et

humide. Il y a un phénomène naturel que ‘on désigne par « koung » en tueling

où l’on constate que les gens ont les lèvres fendillées. C’est aussi le mois où

l’on prépare es semis des ignames) ;

Elòlo : février (la grande chaleur, la sécheresse) ;

Messòmbol : mars (les termites) ;

117


Mekoul : avril (le nettoyage, le sarclage, le binage) ;

Metíl : mai (la disette) ;

Itíke : juin (les prémices) ;

Kelon : juillet (la période de ramassage d’une variété de termites ailés,

comestibles) ;

Bienim : août (période marquée par des pluies intermittentes. C’est le

mois qui marque la fin de « ondjamo » (petite saison sèche) et le début de la

saison des pluies. .

Ekàta pêfàkafaka : septembre (les tornades qui font tomber les lianes) ;

Esòn’embóm : octobre (Les pluies qui nettoient les champs par leur

ardeur) ;

Mehou : novembre (les récoltes) ;

Outwenombèl : décembre (période de repos, où l’on reste à la maison).

- Deuxième conception :

Mwili wo hiot : janvier (le mois le plus chaud de l’année où il ne tombe

aucune pluie)

Metoul : février (la période de préparation des champs, les labours)

Elòlo : mars (les grands travaux)

Mekoul : avril (sarclage et buttage des champs)

Metíl : mai (période de disette, de soudure)

Itíke : juin (les récoltes)

Bienim : juillet (la petite saison sèche)

Imboul ou pèyèyè : août (les pluies fines)

Ekàta pêfàkafaka : septembre (les tornades)

Esòn’embóm : octobre (les pluies diluviennes)

118


Mehou : novembre (les grandes récoltes : tubercules, cacao, cultures de

saison).

Mangand : décembre (les réjouissances annuelles, les fêtes).

Aussi, Août avec ses pluies intermittentes qui mettaient les récoltes en

péril, est-il désigné par mwílí wù biənim et non mwílí wɔ́ Péyɛ́yɛ̀.

119



X - CULTURES ET TRADITIONS :

1. Naissance :

a) Les rites du nouveau-né :

À la naissance d’un enfant chez les Banen, on utilise une plante

dénommée la canne des jumeaux pour entourer la maison qui devient un

lieu sacré. Ce n'est pas n'importe qui y entre. Si quelqu'un vient avec "deux

cœurs ou deux esprits", c’est-à-dire avec de mauvaises intentions, la canne

des jumeaux l'empêchera d'atteindre le nouveau-né.

Le nouveau-né sera gardé à la maison, dans la chambre, pendant cinq

jours ou neuf, cela dépend des familles. Passés ces jours, l'enfant peut quitter

la chambre pour le salon. Cette étape s'accompagne d'un petit rite où on

souhaite la bienvenue à l'enfant, on le consacre comme fils de la maison...

Quinze jours après, cela correspond au vingtième jour de la naissance, la

famille organise une célébration en l'honneur du bébé. Elle fait à manger, et

c'est l'occasion pour les convives d'apporter des cadeaux au nouveau-né. Dès

ce jour, l'enfant peut déjà être conduit à l'extérieur de la maison.

Chez les Banen, c’est à la doyenne de la famille paternelle ou (maternelle

si la mère a épousé un non Banen) qu’est remis le nouveau-né avant de lui

imposer son nom.

121


Le traitement des jumeaux est différent.

Il est interdit aux femmes qui ont l'habitude d'avoir des tranchées après

l'accouchement d'accéder à la chambre où se trouvent le bébé et la mère

avant le cinquième jour, de peur de les contaminer.

Après l'accouchement, la femme doit se faire masser tous les matins avec

de l'eau chaude, une serviette ou des branches de certaines plantes.

Il est interdit aux femmes de porter les bébés pendant la période de

menstruation de peur de leur donner des boutons.

b) La naissance des jumeaux :

Autrefois, on attendait neuf jours fois deux avant de sortir les jumeaux de

la chambre, et de la maison. Et c’était le jour où on exécutait la danse des

jumeaux.

De nos jours, c’est vingt jours fois deux, selon les clans et c’est le

quarantième jour qu’on sort les enfants de la maison avant de faire le rituel

de naissance.

On ne va pas voir les jumeaux les mains vides. Il faut avoir au moins deux

paquets. Chaque enfant doit avoir son cadeau.

122


À l’entrée de la chambre des jumeaux, se trouvent deux seaux d’eau

potable additionnée d’argile.

Le visiteur est tenu de boire cette eau. Elle lui est servie et il prend neuf

petites gorgées dans chaque seau. Quelques gouttes de cette eau lui sont

aspergées à l’aide des palmes.

Après cela, il peut entrer et saluer les jumeaux.

Après les quarante jours, la famille organise une fête qu’on appelle le

saleka qui est une fête en l’honneur des jumeaux.

À cette occasion, les jumeaux et même les membres de la famille subissent

un traitement préventif contre une maladie appelée le néhass. Elle se

manifesterait par des vertiges de manière régulière.

Le traitement permettrait aussi d’éviter les mauvaises moissons.

Noms donnés aux jumeaux

Dans la dénomination des jumeaux, on est devant deux cas : le Munen du

Sud et le Munen du Nord. Donc, il peut s'agir des différences entre les

Banen.

- Au Nord :

Les jumelles ont des noms tels Sen et Sol, les jumeaux, Essomo/Somo et

Loumou.

Sen l’ainée, Sol la cadette chez les filles, Essomo/ Essomè /Somo l’aîné,

Loumou le cadet chez garçons. (Banen de Ndiki, Nitoukou, Itoundu,

Ndikoko, etc.)

Dans le cas de naissance des jumeaux de sexe différent, on aura :

- Sen, l’aînée, Loumou le cadet

- Essomo l’aînée, Sol la cadette.

123


- Au Sud :

Au Sud, c'est différent. Voici ce qui s'y applique :

Aîné (Garçon) : Essomè ; Aînée (Fille) : Keleke ; Second (garçon) : BEAS :

Seconde (fille) SEN.

Si on reprend, dans le Sud du pays banen, on aura :

Aîné (Garçon) : Essomè ; Aînée (Fille) : Keleke.

Cadet (garçon) : Beas ; Cadette (fille) Sen.

Certains noms, comme Sen et Sol, Éssomè et Doumaon, on les utilise

quand on a eu plusieurs fois les jumeaux. Dans le nord du pays banen,

Keleke et Beas n’existent pas.

Chez nous, les femmes gardent ce nom qui fait souvent office de nom et

prénom quand bien même il y en a. À l'inverse chez les hommes, on leur

adosse un nom de famille qu'ils utilisent rarement ou pour un usage

purement administratif et la désignation des jumeaux est largement utilisée

en famille.

2. Mariage :

a) les étapes incontournables :

Le mariage polygamique était un choix, ce n’était pas une exigence. Celui

qui le voulait pouvait se marier à plusieurs femmes.

Par exemple, un père qui était fils unique à sa maman et dont les quatre

sœurs sont allées en mariage, se sentait obligé de les remplacer par quatre

femmes. Mais certains hommes ont épousé une seule femme qui leur a donné

beaucoup d’enfants.

Dans de nombreux villages banen, Ndikoko par exemple, il y a quatre

étapes en ce qui concerne le mariage d’une jeune fille : niki ou kitele

(demander la main de la fille /toqué porte), nèpal o nètètè (petite dot), nèpal

124


(grande dot), nitik (on accompagne la fille chez son époux). De manière

générale, le prétendant, en aucune de ces étapes, n’a la parole ; c’est le

responsable de sa famille qui parle : son père, son frère, un oncle, un de ses

cousins, etc.

Dans la première étape, le fiancé se présente à la famille de l’élue de son

cœur pour demander sa main. Cette étape est sans rituel, sans grande

exigence : un whisky quatre côtés, cent mille francs. Ce whisky ne sera

consommé qu’avec l’assurance que le mariage est effectif (après la grande

dot par exemple). Le prétendant se découvre, et peut désormais aller chez sa

fiancée en plein jour.

C’est après cette étape que la famille lui donne un rendez-vous pour

recevoir la liste des deux différentes dots. Le prétendant peut décider de

cumuler les deux dots. Les coûts des dots sont variables selon les villages et

parfois selon les familles. On sait par exemple que la dot d’une jeune fille est

plus élevée à Nekom qu’à Ndekbagna, plus élevée chez les Eling que chez les

Ndikoko.

b) La grande dot :

La grande dot est un moment exceptionnel. C’est d’ailleurs, comme on l’a

dit plus haut, le jour du mariage traditionnel. Le prétendant, non seulement

doit honorer toutes les exigences de la liste, mais encore, il doit se soumettre

aux caprices de sa belle-famille et aux multiples sanctions. Ce qui peut

paraître comme de petits jeux ne reste en réalité que des moments de racket,

d’extorsion de fonds et de biens ou chaque entité familiale à son rôle à jouer

et ses bénéfices à engranger : une chèvre pour les oncles maternels, de

l’argent pour les femmes qui se sont arrangées à cacher la jeune fille et avec

lesquelles il faudra longtemps parlementer pour la faire sortir, de l’argent

pour les filles de la concession, etc.

125


Le jour de la dot, l’heure de début est déjà un piège pour le prétendant.

S’il arrive très tôt avec les siens, il est sanctionné pour trouble et autres. S’il

arrive avec quelques minutes de retard, il ne trouvera personne. Il devra

aller négocier avec chaque dignitaire de sa belle-famille. On sait que

négocier signifie payer son déplacement, parfois de quelques mètres. Quand

la liste n’est pas respectée, la négociation peut s’enliser et aboutir à une

impasse. Mais pour éviter l’enlisement, la famille du prétendant accepte des

crédits qu’elle règlera plus tard. C’est ce qui justifie en partie l’adage, « la

dot ne finit jamais ».

Les paroles prononcées avant chaque rituel par les parents de la fille sont

déterminantes. Quand le père lui demande de prendre la kola, parfois

mélangée à du sel et aux graines d’un fruit séché (hèloa hè passa), il lui dit :

« La kola est le fruit de l’union et de la fraternité. Si tu sais que tu ne vas

pas rompre cette union entre nos deux familles, donne-la-moi. » Quand la

jeune fille la lui donne, il lui demande : « Veux-tu que je la mange ? En es-tu

sûre ? » Quand elle répond par l’affirmative, il la mange, lui demande de

prendre un quartier, de le remettre à son fiancé qui le croque avant de le

passer à son père.

Pour le vin, il précise : « Le vin est un fétiche chez nous. Il ne tolère pas

la traîtrise. Si tu veux que je le boive, c’est que tu veux qu’on signe un pacte

de fidélité entre nos deux familles. Veux-tu que le boive ? » Quand il boit, il

126


lui demande de servir un verre, de le donner à son fiancé qui le boit à son

tour et passe le verre à son père.

Et après, ce sont les conseils et les chansons de circonstances entonnées

par les femmes des deux camps qui se défient amicalement :

Tonéta a é… Tonindi a é…

Le jour où une femme qui n’a pas été « dotée » meurt, s’il n’y a pas eu

compensation bien avant, son époux ou la famille de celui-ci doit payer la

dot, même de manière symbolique, avant son enterrement.

Par ailleurs, l’époux est toujours présent matériellement, financièrement,

physiquement dans tout ce qui se passe dans sa belle famille. N’oublions pas

que « la dot ne finit jamais ».

Le nitik est la dernière étape. La famille de la femme, au lendemain de la

cérémonie de mariage, l’accompagne chez son époux avec de nombreux

présents : ustensiles de cuisine, vêtements, etc.

L’un des moments les plus importants du nitik, de l’accompagnement de

la jeune fille, est l’offrande du Moukono w’èmbok. Celui-ci est cuisiné à base

du mukondo, graine de courge ou de melon. Il porte en lui-même une forte

127


symbolique. En effet, depuis la nuit des temps, à travers les peuples par le

monde, et plus singulièrement dans nos traditions, la courge et le melon sont

associés à la fécondité, l’abondance, la santé et la prospérité.

Ainsi donc, le gâteau confectionné à partir des graines de courge ou de

melon et offert à une jeune mariée exprime les vœux de fécondité, de santé,

d’abondance, de prospérité…dans le foyer qu’elle est appelée à fonder :

èmbok. Plus il est gros, bien cuit et succulent, plus grands et majestueux

sont les vœux. C’est pourquoi cette récompense, manifestation d’une

immense gratitude, est offerte par toute la famille. C’est ce qui explique

aussi que le jour de la cérémonie d’accompagnement, le Moukono w’èmbok

soit en tête de la procession, lors de l’entrée dans la concession de la bellefamille,

suivi de présents, de chansons de circonstances ou pikusse. Cette

offrande célèbre également le partage, car c’est le gâteau de mariage, cuisiné

au feu de bois par des mains expertes, reçu par la belle famille et partagé à

toute l’assistance.

3. Mets et danse traditionnels :

a) Quelques mets traditionnels :

Les mets traditionnels en pays banen ont été influencés par des facteurs

naturels tels que la végétation ou les saisons.

Les mets prisés chez les Banen lors des cérémonies :

Les mets prisés chez les Banen lors des cérémonies : le gâteau de petits

pois appelé (matobo) = Oumboto wou matobo (èkoka yè matopo), le mets de

pistache : (Moukohn)= moukoon wou Mikondo, les légumes sans sel (issoko

yi bellam), le gibier et le poisson, puisque nous sommes de la forêt avec

plusieurs rivières et cours d'eaux. Tous ces mets peuvent être accompagnés

par du plantain, des ignames, du macabo, du manioc, des taros, des

(mitoumba) : pâte de manioc trempé + de l'huile de noix de palme+ du sel et

du piment emballés dans des feuilles sauvages cuits à la vapeur. Les autres

128


comme le riz, les pommes de terre et les pâtes viennent de chez les autres.

D’autres mets sont assez singuliers :

- Moussakssak

C'est un plat festif et prisé chez les Banen. Une sauce faite à base de

graine de courge appelée pistache, de viande ou de poisson avec une bonne

quantité d'huile. Elle est accompagnée de tubercules au choix. Un régal !

- Elokombatè

Elokombatè : c'est une fleur comestible qui pousse d’une plante à

tubercules, le taro. Le taro ancien, comme on aime si bien le dire, le taro du

village. Au départ, la feuille centrale est verte, à sa maturité elle jaunit. On

peut donc la retirer de la plante. Elle parfume délicatement bien nos plats

pour en faire un délice.

Le mouyileuk avec la « mère macabo », « les ma_ngeuhb ».

b) La danse engand :

- Origine de la danse engand :

L’Engand est une danse traditionnelle Banen. Elle a son origine chez un

oiseau généralement appelé oiseau-gendarme ou tisserin, qui, tout en

tissant son nid sur les feuilles de palmiers et de cocotiers, bat

frénétiquement les ailes, comme pour exprimer son contentement de pouvoir

enfin s’abriter. Il arriva un jour qu’un original observa attentivement

l’oiseau en train de construire son nid et décida d’inventer une danse

semblable au battement d’ailes du tisserin. C’est ainsi que naquit l’Engand

qui depuis est demeuré chez les Banen comme l’une des danses

traditionnelles les plus prisées.

La danse Engand est devenue une danse pour hommes, mais femmes et

enfants peuvent s’y joindre pour la grande joie de tous.

129


- Costumes :

Autrefois, les danseurs portaient un pagne en écorce d’arbre battue, le

torse maquillé à l’argile, chasse-mouches ou fourreau à la main droite. De

nos jours, les danseurs portent des pagnes multicolores de fabrication

européenne, un maillot de corps et agitent des foulards.

- Instruments de musique :

- Ikoh : grand tambour d’appel ou tam-tam

- Himbeleng : tambour d’appel ;

- Engon /engomb : tambour à membrane ;

- Nessakalen.

- Chants de l’Engand :

1

Iséluk, Munen an'on dafam owaw’onyam, tono ndafam, tono ndasa

owaw’onyam.

Tobé n’iloki aowawo hipeten owindi n’ubilen n’uhikeni owesu mèlèm.

Tondo yiakobo eloayè pwese pukim na penyon.

« Seigneur, le Banen est arrivé pour te louer.

Nous voici devant toi,

Nous sommes venus te louer,

Nous te glorifions avec la joie et l’amour dans nos cœurs. »

2

_Paño nèpat ni pinget tiñe esse yof ye meko oneseñ

Wey’alea ye kindeni, oño wey’alea kena ye bindeni

Ata wa pikwit elena weya na wa Muninyè,

Ikindeni eloayè ye wen’uhikeni wo nenak

130


« Celui qui pour toi noue un pagne tacheté tel une panthère.

Celui-là est ton prochain, appelle-le frère

À cause de son affection ainsi manifestée. »

3

_ Iseluk, ikindeni, india miañô puluk pokoasea meno kaheanak , minoulou

o makolo. India miaño Meluk « England » oma tondo fin Ukeni w’undu ato

wo pukindeni w’ikulité.

« Seigneur, camarade donne-moi à boire,

« Car je m’en vais,

« je m’en retourne chez moi à pied.

« Apporte le vin pour l’Engand que nous dansons,

« un vin d’amour et d’amitié »

Publication de la Direction des Affaires Culturelles du Ministère de

l’Education, de la Culture et de la Formation Professionnelle

Yaoundé_Cameroun, Danses du Cameroun

Ethnie Banen

131



XII –PROVERBES, LEGENDES, INTERDITS :

1) Proverbes :

ɔ̀ lɛ́ néá ùmìlə̄ , ù li wə̄ hékàŋ. (Proverbe əliŋ) : Tu ne récoltes que ce que tu

as semé.

Tant que tu ne te reproches de rien, pourquoi craindre les conséquences ?

• Dans tes ballades nocturnes, si tu vois le fantôme, c'est qu'il t'a aussi

vu.

• N'utilise pas la cuillère de ta grand-mère au repas, tu pourrais perdre

toutes tes dents précocement.

• C'est quand le vent souffle que l'on voie les fesses de la poule.

• Tɔ́aḱàk ə nùíy, tɔ́ánɔ́ lâkānān (Proverbe Eliŋ). Quand on va à la

rivière, on ne se donne rendez-vous.

• « Celui qui n’a pas craché sur la toiture n’a pas peur de l’eau de la

pluie ».

• Pányàmà nà wə́ ɔ̀mbańdɛ́ (proverbe Eliŋ).

• Núíyi nén'ákán á mɔ́kéndá pipuə̀ néná kɔ̀tɛ̀m (proverbe Eliŋ).

• Hí tǝnú ɔ́nyéā ɔ́ séá hé ná fiánénà métánà.

• Emagna a baka yele siana omóloa ho môndô ômôtè.

• Abá ona sune mandiang.

• Faut toujours écouter les conseils.

• Nul n'a le monopole du savoir etc.

• ɛ́ɛ̀. mbà néni?

• ɔ́ŋɔ̀ hinə́mbǝ̀ lɛ́ kɛ́sá mɔ́lóà ɔ́mɔ́tɛ́ (proverbe Eliŋ)

• Nul n’a le monopole du savoir, il faut écouter les conseils des autres

133


• avant de poser un acte, pense premièrement aux conséquences

• Monatè a balaka ubuti wu ideñe niak = quand ton frère est élevé en

dignité tu jouis des privilèges de son élévation.

• A beau mentir qui vient de loin.

• Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute (proverbe Eling).

• wáména miɔ́kɔ̀ á màkɔ́lɔ́ ɔ́ sǎ ndánɛ́

• À nebamo a n'a tahak a la tifeni ou Sun inoubou

• Mu kedaken sa feli sè melueck na muiti bang

• Mutilé asaya suken u niafakan

• Himoti ka pènamanè nè ;

• Mèssombolo ka kouana tona to ndo nom ;

• Mona mondo o toana alè ho hino ;

• Hingueti gueti ka mokolo nok

• O nyoko sisi pèkolakola omana onè

• Apaka palè èmagna liene

• Ohala ona linguèmèna o mepine hianakana o yetayè èssal.

• Hèpa hèndolè ossia ikeki pak;

• Èndandè pinek assiekine a niof ;

• Poutimek poulok oulok ;

• Missoue ka niayanik hileni ;

• Missoupi yi loune a nyohok à pan

• Hí (hɛ́kátɔ́k = vieux panier servant de poubelle).

• Títə̄ k mbǎ mùítí tɔ́lɔ́ wà/pú (personne/animal ou chose) misítómbi lɛ́

bákɔ̀n

134


• Mɔ́kɛ́ndá hiá ɛ́háŋ’ɔ́māny

• Atà pí nikúlə̄ ɔ́maĺà baḱɔ́n

• Oyā sá yā ɔ̀lɛ́ lǎ ɔ̀sɛ́ā ɔ̀ ná fiaǹénà métaǹā

• Hiɔ́fɔ̀ lɛ́à nuìý, hiá mɔ́ nɔ́f.

• Ményāmà lɛ́’mbɔ́m hiá mɔ́ hālɛ̀n

• Mǐmə̄ sɛ̀ mɛ́lɛ́mb sɛ́ mɔ́nd (ceĺibataire) ɛ̀paĺɛ́ sɛ́lɛ́ yaḱàs/yaḱɔ́pɔ́ (sɛ́ nɔ́

tánán)

• ɛ́bɛ́tɔ̂ k yi mùǝndú ná Paliɔ́ŋɔ̀ ǝlímǝ̄ nɔ̀kɔ̀

• Hénɔ́màtɔ̀ hɛ́ pɔ́sɔ̀m ɛ́pàlɛ́ hiliwə métànā

• émoà niák álɛ́ mɔ́n’índí

• Ngataka hé kόkôno nga buyeki a sa nônobia sena : C’est grâce à ce

petit tronc d’arbre que la fourni a réussi à traverser le cours d’eau.

Meko aka mona a Iloung onok anou houle ondolo a moutombo oumbel ou

nieti (La panthère avait tué le fils d’Iloung qui était allé mendier la

nourriture chez Moutombo).

2. Contes et légendes :

a) Conte 1 :

Il était une fois, deux femmes dans un village : l’une s’appelait « Iloung »

et l’autre « Moutombo ».

Iloung travaillait beaucoup et Moutombo travaillait très peu. Iloung allait

au champ très tôt et rentrait tard. Elle cultivait de grands espaces, et elle

n’avait pas le temps de s’occuper ni de son mari ni de ses enfants. Elle

récoltait aussi beaucoup, vendait aussi beaucoup et presque tout au marché

du village. Tout le monde la célébrait comme la grande bosseuse, mais

malheureusement son mari et ses enfants étaient mal nourris et ne

cessaient de maigrir.

135


Quant à Moutombo, elle cultivait très peu sur un espace réduit. Avant

d’aller aux champs, elle se rassurait que son mari et ses enfants avaient bien

mangé. Le peu qu’elle récoltait dans son petit espace était consacré à sa

famille et elle vendait juste un peu par nécessité. Son mari et ses enfants

avaient de l’embonpoint parce qu’ils étaient bien nourris.

Un jour, le fils d’Iloung eut faim et sachant qu’il y avait toujours à manger

dans la maison de Moutombo, il s’y rendit et fut bien servi. Et régulièrement,

il s’y rendait et était toujours bien servi.

Un jour, comme d’habitude, ne pouvant pas supporter la famine, il se

rendit chez Moutombo qui était effectivement était en train de faire la

cuisine. Il se mit à attendre que sa bienfaitrice finisse la cuisine, mais la nuit

tomba. Lorsque Moutombo termina, elle servit à manger au fils d’Iloung et

celui-ci se régala.

Après le repas, le fils d’Iloung se mit à chercher la route du retour. Entre

les deux maisons, il y avait un bosquet où se cachait une panthère. Celle-ci

surgit et dévora le fils d’Iloung. Tout le village en fut consterné et tout le

monde chercha à savoir d’où il venait. Il sortait effectivement de chez

Moutombo parce qu’il avait faim.

« Anou houle ondolo a Moutombo oumbel ». (Il est allé quémander la

nourriture chez Moutombo.)

Cette histoire suscite des questionnements :

• À quoi sert-il de trop travailler si on néglige sa famille ?

• Le fils d’Iloung serait-il mort s’il avait à manger chez lui ?

• Entre Moutombo et Iloung, qui travaille véritablement pour sa

maisonnée ?

136


• Ce proverbe peut-il concerner les intellectuels Banen ? Combien sontils

qui s’intéressent à l’histoire et à la culture ou au développement de leur

communauté ?

• Sommes-nous sur la bonne voie ?

• Pouvez-vous la continuer ?

Ne fouillons pas dans la poubelle du voisin ou des autres.

Kolong lètalèmen.

b) Conte 2 :

Il y a quelques temps, dans la forêt qui sépare Yingui et Ndiki, il régnait

un arbre dénommé Kolong lètalèmen. Son rayon s’étendait sur des centaines

de mètres. Aucune plante, aucun arbre ne poussaient autour de lui. Aucun

oiseau, aucun objet ne pouvaient le survoler. Aucune feuille ne tombait dans

son enceinte. Il se faisait voir quand il le voulait. Le premier avion qui avait

essayé de passer à quelques dizaines de mètres au-dessus de lui s’était

écrasé avec tous ses occupants. C’est plusieurs années plus tard qu’on avait

retrouvé les débris dans la forêt d’Ebo. Posséder une écorce de Kolong

lètalèmen vous conférait des pouvoirs extraordinaires. Mais comment avoir

son écorce ? Il fallait qu’un initié dépose non loin de ses limites, un coq rouge,

comme offrande et une lance, après avoir formulé des incantations. Quand

l’arbre acceptait, au bout de trois jours, il trouvait l’écorce sur le bout de la

lance. C’est à cause de Kolong lètalèmen que les Allemands n’ont pas pu

créer la route entre Ndiki et Yingui. La puissance de l’arbre détruisait leurs

engins chaque fois qu’ils se rapprochaient de lui.

Est-ce un mythe ?

Dans son livre Du Bantou actuel aux sources adamiques, le doyen

Luc Mbendé a évoqué deux arbres qui parlent dans le village Indikihambala

communément appelé Indikbalemb, pour ne pas écorché, lire Moussokè. Il

est dans deux zones bien connues.

137


3. Le nèmo et le pouhouit chez les banen :

La société banen est pleine d’interdits. Si certains sont spécifiques à des

clans ou a des tribus, d’autres sont communes à toute l’ethnie. Les

transgresser peut entraîner des conséquences graves. Le nèmo et le pouhouit

en font partie. Les deux dénominations sont en rapport avec la sexualité.

Elles concernent donc l’homme et la femme.

a) Le nèmo :

Le terme nèmo est difficile à traduire en français. On peut cependant en

donner une explication. A la naissance d’un enfant, la mère doit obéir à un

certain nombre d’interdits pour la préservation de la vie de son nourrisson,

de celle de son mari et de la sienne :

- ne pas avoir de rapport sexuel avec un homme autre que le père légitime

de l’enfant. Le mot légitime ici revêt une importance capitale, car chez les

Banen, l’enfant est celui du mari. Même s’il y a eu relation extraconjugale,

même si la femme a conçu à partir d’un acte d’infidélité, l’enfant est celui de

son époux, tant qu’elle reste sa conjointe ;

- ne pas se laisser embrasser par un homme avant d’avoir consommé le

premier rapport sexuel qui suit la naissance de l’enfant avec son époux ;

- ne pas boire dans le même verre ou dans tout autre objet destiné à cet

effet avec des hommes qui ne sont pas de la même famille qu’elle.

Généralement, ce sont les hommes de la famille de son époux qu’elle doit

éviter, parce que vivant en communauté. L’acte de boire suggère un contact

des lèvres avec le contenant.

- ne pas se laisser traverser les pieds par un homme autre que son époux;

- ne pas se laisser voir nue par un homme autre que son époux.

De toute évidence, la naissance d’un enfant oblige la femme à la fidélité et

à la pudeur. Et l’homme attend souvent que l’enfant soit sevré avant de

138


reprendre les ébats avec sa femme. Et cela peut durer deux ans. Dans le pays

banen, la relation sexuelle n’est pas conseillée pendant que la mère allaite

son rejeton. On dit qu’on a « écrasé l’enfant », car si cela se fait, le bébé

maigrirait, son nez coulerait de manière permanente.

Certains hommes profitent de la naissance d’un enfant pour punir leurs

épouses en les privant de sexualité pendant de nombreuses années.

Il faut noter qu’il est difficile pour une femme de quitter son ménage

quand elle est enceinte ou quand elle a un bébé. Partir dans ces conditions

signifie avoir recours à son époux quand elle n’allaitera plus l’enfant pour

retrouver sa liberté.

Quand l’homme meurt pendant que sa femme est enceinte ou qu’elle

allaite, c’est un de ses frères ou de ses fils qui accomplit le premier acte

sexuel. S’il n’y a personne de sa lignée ou de son sang, la femme peut être

libérée par un de ses propres fils. Celui-ci ne s’accouplera en aucune façon

avec sa mère. Elle se couchera nue sur le sol et il la traversera neuf fois.

C’est l’unique cas où cette solution est appliquée.

Si la femme transgresse l’interdit, la conséquence du nèmo est radicale :

la mort du bébé et du père si ceux-ci ne sont pas soignés à temps. Le père

peut découvrir que sa femme l’a trompé et il décide de se soigner et de

soigner son enfant en cachette. Dans ce cas, c’est la mère qui meurt. C’est

pourquoi on dit que le nèmo est une « arme ». Des traitants existent, et

gardent secret le traitement hérité des ancêtres. Cependant, le nèmo n’existe

pas pour les enfants naturels. Une fille peut avoir cinq enfants de cinq pères

différents. Après la naissance de l’enfant, elle peut avoir des relations

sexuelles avec un autre amant, sans attendre que le géniteur vienne poser

le premier acte.

Les réflexions que cette pratique suggère sont nombreuses :

139


- le pouvoir de l’homme dans la société banen est sans partage. C’est lui le

père de la famille, qui décide de l’harmonie et de la bonne marche de celleci.

Il peut également, pendant que son épouse est confinée avec le bébé,

multiplier les maîtresses sans aucune conséquence ;

- la limitation des naissances dans la société banen est naturelle et surtout

modulée par les caprices du mari. Il peut décider de l’espacement des

naissances.

- l’enfant appartient à la famille dans laquelle il naît, qui que soit son

géniteur.

La réflexion reste ouverte.

b) Le pouhouit :

Le terme pouhouit signifie inceste, maladie qui découle d’un acte

incestueux. La parenté est très difficile à circonscrire en pays banen.

Certains disent qu’elle se prolonge jusqu’à la septième génération : isekine

(grand-père), isse (père), mon (fils), monane (petit-fils), endandè (arrière

petit-fils), endandèdandolone (arrière-arrière petit-fils), indilili (arrièrearrière-arrière

petit-fils). Cette limitation ne peut être effective que pour les

filles qui vont se marier dans d’autres familles.

Mais dans le cas des enfants qui restent dans la concession, la parenté

n’a pas de limite. Elle est un héritage d’une génération à une autre.

D’ailleurs, de nombreux villages sont formés à partir de familles précises. A

l’intérieur de ces villages, donc de ces familles, il n’y a ni relation sexuelle

entre les membres, ni mariage. A Ndikoko par exemple, les descendants de

Bagna, qui forment le village Ndekbagna, ne se marient pas entre eux. Il en

est de même de ceux d’Eyap (Ndekeyap), d’Ekom (Nekom), etc. Malgré des

siècles qui les séparent de leur ancêtre commun, les enfants d’une même

famille restent parentés. Ils ne peuvent pas avoir une relation sexuelle,

considérée comme incestueuse.

140


Très souvent, les conséquences de l’inceste sont visibles : perte des dents,

maladies inexplicables, etc.

Le traitement de l’inceste coûte cher et est très spectaculaire. Il se fait en

public et a un rôle dissuasif. Les deux coupables sont placés nus devant

l’assistance et des chèvres sont décapitées sur eux. Ils reçoivent sur leurs

corps souillés, en plus du sang et des déjections des animaux décapités, des

décoctions préparées par un tradipraticien. Toutes les humiliations subies

par les coupables visent à décourager les autres membres de la famille.

Toutefois, certains pensent qu’il y a des situations qui permettent

d’échapper aux conséquences du pouhouit :

- le secret entre les amants, quand leur acte n’est pas divulgué ;

- l’ignorance de lien de parenté par les amants ;

- la naissance d’un garçon. Si le couple, pourtant parenté à pour premier

enfant un garçon, il est sauvé.

La sagesse en pays banen voudrait qu’on se renseigne sur les origines de

la femme qu’on convoite. C’est pourquoi il y a quelques années, pendant les

fiançailles, des enquêtes étaient faites par les deux familles pour savoir si le

choix qui est fait est le meilleur possible. Outre le lien de parenté, on vérifiait

les maladies, la fécondité, la moralité, etc.

141


XII – QUELQUES FIGURES EMBLEMATIQUES DU PEUPLE BANEN

1. Manimben Yi Tombi dit « Le Lion noir banen »

La vigueur, la force, la bravoure et la résistance d’un homme face à la

domination occidentale.

Photo du résistant Manimben Yi Tombi.

MANIMBEN YI TOMBI, dit le Lion Noir Banen, est l’un des célèbres

résistants et nationalistes camerounais qui ont lutté contre la domination

occidentale de leur pays. Fils du Chef TOMBI YI MELINE, un souverain

prestigieux grâce à qui les descendants des habitants du village Itundu,

partie orientale de l’arrondissement actuel de Ndikiniméki, atteignirent leur

apogée. La grandeur et la popularité de ce peuple se caractérise par ses

nombreuses victoires lors des guerres contre les villages voisins, guerres au

cours desquelles il réussit à se tailler un véritable empire.

Le monarque de cette contrée avait, par sa puissance, établi un

gouvernement autocratique où le souverain est le seul à diriger son territoire

après Dieu. Dans la pratique, l’empire était divisé en provinces administrées

par les fils du souverain. Cette méthode de gouvernement lui a valu la

dénomination par certains historiens de MUNENISME, entendu comme

142


étant un système gouvernemental autocratique axé sur l’association au

trône, c’est-à-dire, que du vivant du Munen, « chef » en fonction, il associe

son successeur à la gestion du territoire de telle sorte qu’au moment où il

décède, celui-ci soit apte à prendre immédiatement la place et à utiliser les

emblèmes que la société a acceptés comme instruments de reconnaissance

d’autorité.

Né vers 1840, Manimben Yi Tombi était un colosse de près de deux mètres,

bien dressé sur ses jambes puissantes. Il avait un teint sombre, un regard

flamboyant avec des yeux séducteurs comme tout Banen. Dès l’âge de sept

ans, il est initié à la guerre car à cette époque, tout Banen devait avant tout,

être guerrier dont l'inévitable tâche était de lutter constamment afin de

s'imposer à l'extérieur du territoire. C'est dans cette atmosphère martiale

contrôlée par son père que Manimben vécut sa jeunesse.

Au cours de ses multiples combats initiatiques dont celui contre le peuple

Lemandé, peuple voisin dont les descendants se retrouvent dans l’actuel

arrondissement de Bokito, Manimben Yi Tombi fut capturé. Son père,

furieux et dans le souci de sortir son fils de cette capture, dût verser une

importante rançon chiffrée à neuf moutons, neuf jeunes filles vierges et neuf

pointes d'ivoire pour qu'il soit libéré. Une fois sortie, et pour éviter une

prochaine capture de son fils, son père Tombi dut l’initier à la

métempsychose. C’est donc à la suite de cette initiation que Manimben

acquiert la capacité de se transformer en lion pour échapper à ses bourreaux,

se rendant ainsi invulnérable et craint même par ses frères.

À la mort de son père, et dans le système du Munenisme, la succession se

fait de père en fils ainé si et seulement si le défunt n’avait pas choisi et

désigné son successeur de son vivant. Ce qui fut le cas pour la famille Tombi.

Donc, à la mort du chef Tombi, c’est son fils ainé Batikalak qui devait le

succéder. Mais seulement, Manimben, son frère cadet, conteste ce pouvoir.

Certaines sources orales affirment qu’il réagit de la sorte du simple fait qu’il

143


fut le fils ainé de son père et d’autres par contre, tout simplement parce qu’il

n’acceptait pas l’autorité et pour le démontrer, il monta sur le dos de son

frère Batikalak, et alla danser sur le toit de la maison.

À l’époque chez les Banen, à la mort d’un grand chef comme celui-là, ses

enfants exprimaient leur douleur par des démonstrations sur le toit de la

maison. Ce qui laisse donc croire que Batikalak était véritablement fils ainée

de Tombi. Mais Manimben voulait le pouvoir et il n’a pas accepté de se

soumettre à son frère ainé. Il succède malgré tout à son père, car il fut

intronisé au cours d'une cérémonie grandiose ; cérémonie au cours de

laquelle il reçut les attributs du pouvoir de son père dont les plus importants

étaient le chapeau de plume et la lance du commandement, symbole de la

force militaire. Manimben devenait ainsi le Munen des Itundu et le

souverain de l'Empire conquit par son père.

Le roi Manimben était fort et puissant, il remportait tous ses combats, et

étendait sa royauté dans la contrée, mais il était loin de s'imaginer que les

européens s'étaient partagé l'Afrique, et que les allemands, depuis 1884,

avaient jeté leur dévolu sur ce qui allait devenir le Cameroun.

Son frère Batikalak, qui devint son ennemi politique, n'était pas à mesure

de le combattre. Il alla donc voir le chef de Yoko pour lui expliquer la

situation et restaurer son autorité. Tous deux, c’est-à-dire le Chef de Yoko

et Batikalak, se rendirent auprès du commandant allemand qui s’y trouvait.

Ils lui remirent deux défenses d’éléphant et lui demandèrent d’aider

Batikalak à combattre Manimben, car ils possédaient « le Machine Gun ».

Contre toute attente, les Allemands se heurtèrent à une farouche résistance.

Ces derniers, dans leur conquête du territoire, avaient réussi à implanter

leur base à Yoko, dans le Grand Mbam, ville située à l’épicentre du

Cameroun. Ainsi, sachant que le pays banen était bien riche en ivoire,

caoutchouc et huile de palme, richement cultivé et peuplé de manière dense,

avec un climat subéquatoriale favorable à leur épanouissement, et un

144


commerce fructueux, ils nourrissaient depuis 1901 le désir de s’implanter

dans ce territoire et bénéficier de ces richesses. Ils profitèrent donc de

l’occasion que venaient de leur offrir Batikalak pour envahir le pays Banen

car la présence des deux défenses d’éléphant venait tout simplement

confirmer la richesse du territoire et la présence d’un allié sur le terrain.

Face à cette situation, le commandant de Yoko envoya effectivement une

expédition sous la direction du lieutenant Menzel, Chef de la sixième

compagnie dans le pays Banen en 1906. Elle atteignit donc Ndoukbissoung

où se trouvait Manimben Tombi. La confrontation entre les forces en

présence se fit à l’avantage des troupes de Manimben qui, sans pitié,

obligèrent les allemands à rebrousser chemin, abandonnant sur le terrain

de nombreuses armes avec lesquelles Manimben continua de lutter contre

ses voisins et de s’imposer à eux. Cet échec obligea les Allemands se

réorganiser pour réattaquer plus tard.

La seconde phase de cette résistance de Manimben Tombi se fit contre

l’expédition Nkam-Noun à la tête de laquelle était placé le célèbre capitaine

Hans Dominik. (Octobre 1 909- Février 1910). La bataille entre les deux

armées fut cette fois-ci très féroce et on dénombra de part et d’autre de

nombreuses victimes dont le chiffre s’élevait à plusieurs centaines. Hans

Dominik ne pouvait donc savourer sa victoire, car le véritable adversaire,

Manimben Tombi, avait réussi à se soustraire de se yeux. Il demeurait en

liberté et constituait donc par ce fait un défi et un danger pour les allemands.

Son arrestation devint par conséquent un impératif catégorique et une

nouvelle expédition fut lancée en 1911.

Lors de la deuxième bataille contre Manimben, il y eut des centaines de

morts Itundu mais ils ne purent pas mettre la main sur le roi Itundu. Devant

ce déploiement de force, Manimben fit un retrait stratégique pour mieux

attaquer les envahisseurs, mais c'était sans compter sur la trahison qui

allait s'en suivre.

145


Après une longue et minutieuse préparation, les Allemands revinrent

pour la troisième et dernière bataille, c'était en 1911, plus que jamais décidés

à anéantir Manimben. Afin de se prémunir des surprises désagréables, ils

initièrent une nouvelle stratégie, celle de l'encerclement utilisée

précédemment par Manimben. Trois détachements se mirent en route dont

celui venant de Yoko, l’autre de Yaoundé et le dernier partant de Yabassi.

Ils devaient ainsi prendre l'îlot d'insubordination en étau. Un poste avancé

fut créé à Yafa pour ne donner aucune chance de fuir à ce vaillant chef.

Face à ce déploiement et conscient du rapport de force existant,

Manimben Tombi opta pour une nouvelle stratégie, celle de la terre brûlée.

Il créa donc et vide dans son propre territoire et se retira à l’ouest dans la

région de Ndoukbissoung, en zone montagneuse. C’est de là qu’il décida de

lancer la première attaque contre ses assaillants lorsque ceux-ci se furent

engagés dans un défilé. En effet, Manimben cherchait à se faufiler derrière

la troupe pour se jeter sur la colonne des porteurs. Cet assaut de Manimben

ne fut repoussé que grâce à l’utilisation par les Allemands de la mitrailleuse.

C’était le 8 Mars 1911.

La bataille décisive entre les deux camps eut lieu à Gujo où Chacun usa

en abondance de ses armes à feu. Malheureusement, Manimben fut

désavantagé au cours de cette bataille du fait de l’abondante pluie qui

s’abattit sur la région. Son désavantage venait de ce que son armée utilisait

des fusils qui avaient pour munitions de la poudre qui une fois mouillée

devenait inutilisable. Face à cette conjoncture défavorable et soumis à la

fureur des armes ennemies, certains lieutenants de Manimben se rendirent

aux Allemands.

Le redoutable résistant, conscient de ce qu’il valait mieux être libre pour

continuer le combat, pris la fuite à son tour et alla se réfugier en pays

Lemandé chez son beau-frère nommé Embamb Ipem.

146


Son beau-frère, pris de peur et en même temps de cupidité, savait que les

Allemands étaient très riches et qu'on allait le récompenser s’il les livrait le

Roi Manimben. C'est alors qu'à la veille de l'arrestation du héros Banen, son

beau-frère lui fit boire du vin de palme « ébalé » bien dosé jusqu'à l'enivrer.

Et quand le héros était saoul, il n'avait plus de pouvoir pour se transformer

en lion. Étant sous l’effet de cette boisson, il alla se coucher et son beau-frère

sortit la même nuit pour aller le dénoncer auprès des Allemands. C’est ainsi

que Manimben fut livré le 20 Mars 1911 et la résistance brisée.

Voilà comment le grand résistant, trahi, fut traqué et pris par surprise en

plein sommeil.

Sachant que Manimben détenait le pouvoir de se transformer en lion et

pour éviter les mauvaises surprises, les Allemands lui enchaînèrent les

mains, les pieds et lui bandèrent les yeux. Entre temps, son frère prit le

pouvoir et récupéra la femme du roi Manimben. Toutes les nouvelles de la

détention venaient les trouver dans le royaume. Après son arrestation, il fut

déporté de toute urgence à Douala et on emprunta le chemin le plus court

pour y arriver.

D'après les sources orales, les geôliers de la prison de Douala eurent du fil

à retordre, car il observa une grève de la faim pour protester contre son

arrestation. Chaque fois qu'on lui apportait à manger, il demandait à ses

geôliers de lui apporter, pour tout repas, une tête humaine pour les narguer,

il fit des mois sans manger, subit des menaces de toutes sortes mais il

résistait toujours et était en bonne santé.

Ses concerts terrifiants, nocturnes et cycliques s'amplifièrent, infligeant

au voisinage des longues nuits d'insomnies et des cauchemars. Tout

simplement, parce qu’étant en cage, il ne pouvait pas se transformer en lion.

Il gardait cependant la tête haute tout en protestant contre sa détention. Il

s'opposait farouchement à toute autre forme de déportation qu'il trouvait

arbitraire.

147


Lorsque la date du voyage fut proche, redoutant ses réactions agressives

et les dommages qui pourraient en découler, car l'on savait qu'il préférait le

suicide à la déportation, on lui annonça plutôt une rencontre imminente avec

le grand blanc qui devait décider de sa libération. A l'heure de quitter sa

cellule, une impressionnante escorte fut déployée, la direction prise était le

port autonome de Douala. A cette époque, les bateaux accostaient en haute

mer et on les rejoignait par la chaloupe.

Alors on le fit monter dans la chaloupe pour arriver au bateau qui devait

l'emmener en Allemagne pour étudier son organisme et comprendre le

mystère de sa transformation. Lorsqu'il comprit que les Blancs lui avaient

menti, il garda son calme, car il savait que c'était le dernier tournant de sa

vie. Il pensa à son Royaume, à toutes les guerres qu'il avait remporté, il

pensa à toutes les femmes qu'il avait séduites et aimées et des larmes

coulèrent de ses yeux.

Lorsqu'il revint en lui, la chaloupe était en train de démarrer. Subitement

tous ceux qui l’accompagnaient perdirent l'équilibre et il profita pour faire

un bond et se retrouva au bord du fleuve. Même comme il avait les chaînes

aux pieds, il réussit à se mouvoir et à toucher l'herbe, car au contact des

herbes, il était capable de se transformer en lion et de disparaître du lieu où

il se trouvait.

En effet, Chaque fois que le roi Manimben se transformait en lion, il

disparaissait du lieu où il se trouvait et retournait dans son village. Ses

ennemis avaient beau le chercher dans le champ de bataille, on ne le trouvait

pas. Chaque fois qu'il disparaissait du lieu du combat, il se retrouvait dans

la case des totems. La porte de la case des totems devait toujours rester

ouverte, surtout en son absence.

Sa femme eut donc à livrer ce secret au frère du Roi Manimben qui brûla

la case des totems pour que le lion, de retour au village ne se retrouve plus.

C’est ce qui se passa.

148


Cependant à Douala, sur les berges du Wouri, ce corps qui avait subi les

contrecoups de son processus de disparition, gisait toujours dans la verdure

au bord de la plage. L’Allemand, qui était chargé de son embarcation, se

tourna vers ses frères en essuyant une larme et dit : « Voilà un grand homme,

car il est mort en héros ».

Lorsque les hommes qui le gardaient tirèrent sur lui, il se transforma en

lion et disparu, arrivé au village, le lion erra pendant sans pouvoir localiser

son refuge familier, et ne retrouva plus la case et c’est son corps qui revint

au lieu de l'embarcation. C’est ainsi que notre Lion Banen mourut.

On transporta son corps à Bonanjo où ses exploits se racontaient à cœur

joie dans toute la ville et son haut rang de dignitaire contraignirent

l'administration coloniale à ériger sur sa tombe un monument sur lequel fut

inscrit sur le flanc du socle LE LION NOIR BANEN qui malheureusement

n’existe plus de jour du fait du remplacement du socle initial dans les années

1950.

Stèle dite du Lion Noir Banen à Douala.

Les années passèrent et le Cameroun eut comme président Ahmadou

Ahidjo. Le président était à la recherche d'un nom pour notre équipe

nationale et un symbole pour nos forces armées. Le président convoquait des

réunions et passait même au sondage, mais tous les noms qu'on lui proposait

ne lui plaisaient pas.

149


Certains historiens s’accorderaient pour dire que son exécution se serait

déroulée au même moment que celle de Rudolph Douala Manga Bell, c’està-dire

le 8 Août 1914.

Après la mort de Manimben, les Allemands ont reconnu en cet homme le

courage et la bravoure et c’est la raison pour laquelle, ils ont érigé un

monument en sa mémoire sur lequel est inscrit :

« Manimben Yi Tombi, le lion noir Banen », et aujourd’hui encore, ce

monument qui surplombe l’entrée de la ville de Ndikiniméki, est un référent

identitaire de la population.

Aujourd’hui, pour rendre hommage à ce valeureux guerrier, le peuple

Banen a institué le festival MANIMBEN Yi TOMBI dit « le Lion noir Banen

», lequel est organisé tous les ans, et à chacune des éditions, les festivaliers

sont conquis par la représentation des exploits du chef guerrier sous fond de

sketch.

2. Quelques figures avant les indépendances :

- Député du Nkam : Hans Dissake ;

- Député du Mbam : Ndounokon.

3. Quelques figures après les indépendances :

Député du Nkam :

M. Moth Samuel Dieudonné

Députés du Mbam et Inoubou actuels (2021) :

M. Mandio William Peter

Mme N'nolo épouse Onobiono Marie Suzanne

M. Mpon Francois Xavier

Les maires actuels (2021) :

Maire de Yingui : M. Lovet Banengui Laurent.

150


Maire de Ndikiniméki : M. Bessoubel Patrice

Maire de Nitoukou : Mme Osianembom épse Enanga

Maire de Makénéné : M. Imbeng David

Les chefs Banen :

1- SM Dipita Gaston : Indikbiakat

2- SM Singha Jean Paul : Indiknanga

3- SM Ndedi Mack : Ndiktouna

4- SM Moufomoum Lombi : Yingui

5- SM Bassok Ndefeli Georges : Inoubou Sud

6- SM Bayouak Sil : Inoubou Nord

7- SM Ndjana Begneki: Itoundou

Chef Canton Etoundou : SM Ndzana Bagneki Armel Come.

Chef sup Bissiongol Bongan Antoine

Dekat Moïse

Belema Emmanuel

Titil Abel.

Toukolin Charles

Sokmack Félix

Ndewe Daniel

Dol Otto

Boten Célestin

151


Canton Inoubou Nord:

Chef Supérieur Innocent Charles Sil Bayoack .

Sa Majesté Mokala Jacques Ndekalend.

Sa Majesté Mounen Sébastien Ndikinimeki.

Sa Majesté Moudoubou Joseph Bougnombang.

Sa Majesté Semouya Luc Edon.

Sa Majesté Bêle Belombe Ndiki Koss.

Sa Eyole Balifoune Martial

.Sa Majesté Oyenguelek André Ndikitiek.

Sa Majesté Bakafengue Guy Pendant Ndokomai.

Sa Majesté Okem Jean Marie Ndokobelak 1.

Sa Majesté Alimayemo Oscar Ndokohok

Sa Majesté Obekal André Akouté. __

Canton Etoundou

Chef Supérieur Armel Bagneki Ndzana

.Sa Majesté Hessemb Franck Edouard Nomale.

Sa Majesté Batouanen Gabriel Etoundou 3.

Sa Majesté Owaken Nefante.

Sa Majesté Baila Maurice Etoundou 2.

Sa Majesté Bagneken Mokala Éric Béringer Etoundou 1.

152


Canton Inoubou - Sud:

Chef Supérieur Georges. Bassock Defeli.

Sa Majesté Ndjaki Massem Samuel Ndokobassaben.

Sa Majesté Mouyibi Albert Ndokowanen.

Sa Majesté Miloumi Mathieu Ndokobassiomi.

Sa Majesté Nkon Samuel Ndokobilak 2.

Sa Majesté Ihogolok Newton Isaac Ndoktok.

Sa Majesté Ndewe Lovet Ebenezer Ndokobou 2

Sa Majesté Bossek Jean Marie Ndokobou 1

Sa Majesté Inguen Alphonse Ndokon.

Sa Majesté Biket Roger Ndobakoumek.

Sa Majesté Mapoko, Ndokobnok.

Sa Majesté Embangnoho.....Ndokobekom.

Nitoukou : Président De L'actanid

Sa Majesté Antoine Bieteke Bissiongol.

Sa Majesté Engal Joseph Ndema Bakol.

Sa Majesté Béké Simplice Nebassel.

Sa Majesté Bisselindi Jean Marc Ilobi.

Sa Majesté Boayebeck Johanes Etong.

Sa Majesté Bassilekin Emmanuel Ndekeyap.

Sa Majesté Manga Balemba François Ndoungbissoung.

Sa Majesté Ibel Simon Nekom 1.

Sa Majesté Yenemek Jean Marc Nekom 2.

153


Sa Majesté Kissebini Egnamaniak Miguel Thierry NDIKIBIL.

Sa Majesté Ndembiyembe Paul Célestin EKONDj 1.

Sa Majesté Beyokol Bernard EKONDj 2.

Sa Majesté Essakal Gabriel EKONDj 4.

Sa Majesté Eheth Salomon EKONDj 3-

Sa Majesté Matong Zéphyrin Neboya.

Canton Yingui :

Chef Supérieur Camille Lomby

Sa Majesté MOUYENGA VALENTIN. NDOKANYACK,

Sa Majesté NBOUNY Dokmem sud,

Sa Majesté ESSOUSSE DINGOLO YINGUI 2.

Sa Majesté Emoulanok Ndema Aviation.

Sa Majesté Dakin.Ndikoti

Sa Majesté Balela Martin Ndikokti 2.

Sa Majesté Wombel Paul Elond

.Sa Majesté Banok Thomas Dupond Ndoksomb.

Canton Indikibiakat : Chef Supérieur Gaston Dipita.

Sm Dekat Moïse

Indikminokon 1

Sm Boten Célestin,

Indikminokon 2

154


Sm Belema Emmanuel

Indikedenge

Sm Titil Abel

Indikelen

Sm Ndewe Daniel Indikmoulong

Sm Toukolin Charles

Indikbalemb 1

Sm Dol Otto

Indikbalemb 2.

Sm Sokmak Felix

Indikbanegelim

Canton Indikibiakat:

Chef Supérieur Gaston Dipita.

Sm Dekat Moïse

Indikminokon 1

Sm Boten Célestin,

Indikminokon 2

Sm Belema Emmanuel

Indikedenge

Sm Titil Abel

Indikelen

Sm Ndewe Daniel Indikmoulong

Sm Toukolin Charles

155


Indikbalemb 1

Sm Dol Otto

Indikbalemb 2.

Sm Sokmak Felix

Indikbanegelim

156


.

157


Hommage à Mme Idelette Dugast pour ses œuvres

De la mission religieuse à l'ethnologie : le parcours d'Idelette Allier au

Cameroun (1930-1936). Ref : Histoire et missions chretiennes, 2010/4 (n 16)

Idelette Allier est née en 1898, à Paris. Son père, Raoul Allier, doyen de

la Faculté de théologie protestante de Paris, semble avoir eu une influence

décisive tant sur sa vocation missionnaire que sur son attrait pour

l’ethnologie. Lui-même, originaire d’une famille très pieuse de négociants et

vignerons du Gard, occupe la chaire de philosophie à la Faculté de théologie

158


protestante de Paris dont il est le doyen de 1920 à 1933. Il est également le

premier président de la Fédération Française des Associations Chrétiennes

d’Étudiants et l’un des membres influent du Comité directeur de la Smep.

Elle accomplit au Cameroun deux séjours consécutifs : le premier dans la

ville de Douala entre 1930 et 1933, où elle enseigne dans un lycée de jeunes

filles, et le second entre 1934 et 1936, dans l’arrière-pays cette fois, à Ndiki-

Somo. À l’issue de ce second séjour, Idelette, quoiqu’encore profondément

chrétienne, ne renouvelle pourtant pas son contrat avec la Smep. Son

expérience en tant que missionnaire, comparée à celle de beaucoup d’autres,

est donc assez courte. Après avoir été missionnaire, Idelette est devenue

l’une des premières femmes ethnologues du pays. Elle a publié alors de

nombreux ouvrages et articles, essentiellement des monographies, se

passionnant pour les langues et les migrations des peuples.

Idelette est venue au Cameroun avec la volonté d’être une bonne

missionnaire, pleine d’espoir quant aux perspectives illimitées qu’offre

Douala. Après son année de congé à Paris, Idelette revient au Cameroun en

1934. Elle est envoyée cette fois dans la station de Ndiki-Somo, à quelques

300 kilomètres de Douala. Sa mission relève toujours du domaine scolaire.

Idelette a la charge de l’enseignement du français dans la station, mais elle

doit aussi inspecter le travail des catéchistes dans les différentes écoles de

villages, dispersées en forêt. Ces écoles regroupent près de 5000 enfants.

Elle est amenée, par son travail de missionnaire, à beaucoup voyager ; elle

passe de longs séjours en brousse durant lesquels elle a tout le loisir

d’observer les populations. Mais cette observation se fait désormais sous un

autre regard, un regard laïc.

En 1936, Idelette Allier fait la rencontre de M. René Dugast,

administrateur en chef de la région de Nkongsamba, avec lequel elle se

marie quelques mois plus tard. Son mariage symbolise la rupture avec la

Smep. Après avoir quitté la Smep, Idelette se consacre pleinement à

159


l’ethnologie, notamment à l’étude de la population banen pour laquelle elle

effectue plusieurs séjours dans la région de Somo entre 1938 et 1953. La

consécration de ce travail est la publication de la Monographie de la tribu

des Ndiki.

À propos des auteurs

Nous avons eu l'idée de faire revivre notre histoire et de contribuer à la

faire connaître par des écrits, car dans la littérature, on retrouve plusieurs

publications sur le peuple banen. Elles sont pour la plupart produites par

les Européens, et ceci dans le cadre de leur recherche ethnologique.

Certains ont été au pays banen où ils ont exercé comme pasteurs,

ingénieurs des routes, etc. De leurs souvenirs, ils ont retracé la vie des

Banen ainsi que leur regard sur notre patrimoine culturel. Il nous a semblé

très intéressant de les parcourir puis d’y puiser des éléments de

compréhension de notre culture et de notre identité tout en nous

préoccupant des faits relatés ou des contradictions. La liste de ces auteurs

ne saura être exhaustive, mais nous leur témoignons ainsi notre

reconnaissance et notre gratitude.

Il s'agit de :

COLLECTION AUTEURS :

1. Abbé Mboh Calvin,

2. Afaga Aunel Malaury,

3. Bahoken Bekona Herman,

4. Bakak Marcel,

5. Balhiki André,

160


6. Banyack Yannick Patrice

7. Behalal Jean Marc

8. Bengala Laurent,

9. Bitouk Paul,

10. Bouaye Alex

11. Diboua Paul Bien-venu,

12. Diwo Francois,

13. Ebagne Severin,

14. Einom Cyrille,

15. Ekama André,

16. Keth Guillaume,

17. Kondo Marceline,

18. Koungoyo Dora,

19. Lovet Kouwe Isabelle,

20. Mabout Dieudonné,

21. Makan 2 Samuel,

22. Massin Baheten Martine Sylvestre,

23. Mayombot David,

24. Mbende Luc,

25. Mbollo Jules,

26. Moutebek Samuel,

27. Ngo Baleng Monique,

28. Ngombi Fany

29. Ngouaka Dora Calice

161


30. Noumi Patricia,

31. Nyembi Paul,

32. Oloumou Francis,

33. Outekelek Sabeyam Adeline,

34. Pr Ndedi Alain,

35. Sabehiam Michel,

36. Solheyl Boumsong Mbissick Emmanuel,

37. Tawedi Elvis Robert,

38. Tomo Jean Claude,

39. Tsango Annicet.

Mon conseil à la jeunesse par le patriarche Mbende Luc

La jeunesse Munen, du nord au sud, de l'est à l'ouest, doit prendre

conscience de son état. Si Dieu a permis qu'en ce jour, il y ait quelques

rescapés qui peuvent conter l'histoire du Munen, cela représente une grande

fierté. Je demande aux jeunes de s'adonner à l'histoire de notre peuple, de la

pérenniser. Ils ont des moyens à l'heure actuelle pour conserver cette

histoire. Ils peuvent la perpétuer. Ils peuvent la réciter, comme nous le

faisions auparavant avec les sciences, l'histoire, la géographie et autres. De

cette manière, ils pourront la transmettre à leurs enfants. Et notre histoire

ne sera jamais oubliée. Cela est important parce qu’aujourd'hui, chacun

voudrait connaître ses ascendants.

Les enfants sont plus équipés, ils ont des appareils sophistiqués qui

peuvent leur reprendre cette longue marche qu'a effectuée l'homme qui a

parlé le hinen jusqu'à nos jours. Et que les enfants enlèvent de leur tête que

nous sommes plusieurs Benen. Nous sommes un seul Munen quelles que

soient les différences lexicales, phoniques, prosodiques, etc. Que les jeunes

sachent que Dieu a voulu que nous parlions de cette façon pour enrichir

162


notre vocabulaire. Que ce soit Ndiktouna, Ndikeniak, Ndikmèmè,

Ndikbiakat, Ndikmanga, Ndikbanol, Ndikeling, Ndikbeneu, tout ça c'est une

seule personne. Et qu'on ait un amour intense entre nous. Qu'on se

soutienne. Cela permettra à notre éclosion un rayonnement singulier. Voilà

comment le Munen, qui est retourné aux sources, a pris le problème de ses

terres corps et âme. Il n’a pas fait de différence entre ceux du Nord, du Sud,

du Centre, de l'Ouest, de l'Est. Il s'est levé pour la défense des intérêts du

Munen qui a été marginalisé depuis l'arrêté préfectoral de 1965. Ainsi, que

cette jeunesse comprenne que c'est notre temps d'écrire notre histoire, de

réciter notre histoire, de nous l’imposer parce que c'est notre histoire, et de

cette façon, notre nom va rayonner dans le monde entier.

La consigne de l'ancêtre à ses enfants était : mondo amotè, c’est-à-dire une

seule personne. Il est vrai que l’arrivée dans leur habitat actuel n'était pas

simultanée. Mais chaque groupe était bien constitué.

Outoukou ayant déjà parachevé son travail, leur insertion dans le

patrimoine s'est étendue à une longue période, jusqu'à l'occupation totale.

La population qui est hors de nos terres est plus nombreuse que celle qui

y était avant le déguerpissement.

Voilà pourquoi nous voulons prendre cette disposition pour que la

principale route, l'axe central, passe, et qu’on essaye pour ceux qui

connaissent, d'indiquer à chaque groupe son lieu d'habitation. Je me dis

qu’avec beaucoup de patience, et d'amour, on se partagera le peu de terrain

qui existe.

163



NOTE Par Bitouk Paul

Tout le pays banen est debout pour s’approprier son histoire, pour

construire son destin, pour enraciner ses fils et ses filles à sa culture. N’estce

pas fantastique, cette unité nouvelle ?

Sous la houlette d’André Ekama, jamais un projet n’a réuni autant

d’intelligences et de sagesses du pays Banen comme la conception et

l’écriture du livre intitulé Monographie des Banen. Que de temps consacré à

la réalisation de ce projet ! Que de débats contradictoires d’une rare vitalité

que seules la distance et la médiation des technologies de la communication

atténuaient ! Et surtout, que de générosités dans l’offrande de la pensée,

dans l’exploitation des sources, dans le don de l’héritage commun que

l’oralité et l’écriture ont léguées à la postérité ! Que de recherches dans les

mairies et les sous-préfectures de Makénéné, Ndikiniméki, Nitoukou, Yingui

(c’est par ordre alphabétique), dans les mémoires, les thèses, les écrits des

Allemands et les travaux de Mme Dugast ! Que de descentes sur le terrain

pour toucher du doigt les réalités, pour les immortaliser ! Que de sacrifices

des rédacteurs, des dessinateurs, des infographes, des secrétaires, des

relecteurs ! Et au bout de l’heureuse et productive mobilisation, la longue

maturation et la naissance de la Monographie des Banen.

Hommage soit rendu à tous les initiateurs de ce projet, aux différents

monarques, à tous ces fils et toutes ces filles de différentes générations qui

nous invitent, à travers la Monographie des Banen, au voyage.

Ce voyage est tout d’abord initiatique. Il refuse l’aliénation,

l’acculturation et l’inculturation, à travers les connaissances que véhiculent

les épopées, les contes, les proverbes, la langue avec toute sa poésie. On y

découvre une culture de la tolérance, de l’unité, de la paix, de l’amour dans

toutes ses significations, de la fraternité, de la communion autour des

valeurs ancestrales.

165


Le peuple banen est pacifique. Il dit « PAIX » à tous ses nombreux frères

et voisins d’hier et d’aujourd’hui que sont les Béti, les Bassa, les Bamoun,

les Bafia, les Yabassi, les Douala, les Bamiléké, etc. Ce peuple d’hommes

robustes et travailleurs dit « PAIX » à ceux qui sont éloignés de ses terres, à

ceux qui connaissent l’agression, l’oubli, à ceux qui sont traumatisés par la

guerre. Il demande pardon à ceux que son action, au cours de ses

déplacements dans sa quête de la stabilité territoriale, a offensés. Son vœu

le plus cher est que tous les déracinés, chassés, meurtris, connaissent le

bonheur de retrouver la terre natale, d’y vivre en paix, dans le respect de la

différence.

Ce voyage nous invite ensuite au tourisme. Il faut remonter au début du

13ème siècle pour retrouver les origines de la communauté banen, entre

recherche de la stabilité et migrations, et plus tard entre résistance aux

colons allemands et luttes contre les envahisseurs Bamoun et Tikar. Il faut

suivre les traces de ces ancêtres sur les rives du Noun, près de la grotte de

Ngog Lituba, dans les savanes et les forêts d’Inoubou, de Yingui, de

Ndikbiakat, de Ndoukbissoung, sur les rives de la Makombé, etc. Il faut

s’interroger au passage sur ces noms qui commencent par « endek », « indik

» pour comprendre que, même si la plupart des noms des villages banen

commencent par ces particules, d’autres échappent à cette règle. Et ceux

commençant par « Ndog », « Log » sont spécifiques à nos voisins, les Bassa.

Il faut se demander pourquoi les noms des filles commencent par « Ong », «

Eng », Kou… et ceux des garçons par « Ba », « Be », etc.

Le voyage enfin mène à l’errance sur les montagnes qui culminent, pour

certaines, à plus de 1000 mètres. Le voyageur peut s’enfoncer dans les

profondeurs des forêts qui occupent près de 90% de la végétation du pays

banen. Il peut visiter les plaines, les vallées, etc. Alors, comment ne pas se

mobiliser pour défendre la forêt d’Ebo qui attise tant de convoitises ?

166


Le voyageur ne manquera pas de constater que ce peuple est ouvert au

monde grâce à sa diversité humaine, géographique et culturelle. Chacun

découvre, apprend, s’interroge. Et tout le bonheur est là, dans le partage,

l’hospitalité légendaire, dans la joie de vivre de ses populations désireuses

d’oublier les exactions subies pendant la colonisation, les luttes tribales, le

maquis, etc.

Ce bonheur-là, je l’ai reçu le matin du jeudi 21 octobre de la voix de

Marcelline Kondo à travers un bonjour en chanson et de nombreux conseils.

Et le samedi 16 octobre, l’histoire du gorille, ponctuée par une chanson,

relatée par Luc Mbende. Une sorte de parabole de l’invitation à l’hospitalité

et au partage, à la retenue devant les informations.

Nous n’avons plus le droit de dire que notre communauté n’est pas connue,

que notre peuple est en retard. Nous sommes debout devant notre histoire,

en ordre de bataille. Notre marche est lente, mais progressive et dynamique.

A partir de nos pratiques anciennes, nous allons bâtir celles qui se

renouvellent. Nous venons de dire, comme le héros d’Aimé Césaire, le Roi

Christophe dans la tragédie éponyme, « un pas, encore un autre pas, et tenir

pour gagner chaque pas. »

Bitouk Paul, natif du quartier Elond à Ndekbagna, village Ndikoko.

167



Le bureau exécutif ALBD – Association Livre Banen et Développement

Son but : L’Association Livre Banen et Développement a pour objectifs

principaux de :

- Promouvoir et encourager la connaissance de la culture banen, l’écriture

de notre histoire et de l’enseignement de la langue tunen aux jeunes ;

- Mener des recherches sur le peuple banen et conserver les mémoires

dans la littérature du

Peuple banen pour la postérité ;

- Identifier et encourager les travaux relatifs à la conservation du

patrimoine culturel banen.

169



Conclusion :

Le peuple bane existe bien avant son établissement sur les terres qu’il

occupe à présent au Cameroun.

Les Banen sont un peuple établis au Cameroun dans la zone forêt-savane

qui recouvre en partie les régions du centre et du litoral. Ils s’y sont installés

par vagues successives et par occupation bien avant la colonisation. Une

partie du peuple atteint le territoire en le pénétrant par sa partie nord, et

l’autre y accède par sa partie sud.

Le territoire des Banen s’étend sur la zone forêt savane qui couvre une

partie du centre et une partie du littoral. Son relief est très varié et connaît

une riche hydrographie dans sa partie sud.

Le Munen qui est le singulier de Banen, connait avant la colonisation une

civilisation, une structure et une organisation sociale et politique bien

établies.

Cette civilisation, ainsi que les traditions qui s’y pratiquent connaissent

une forte détérioration avec l’arrivée des Allemands sur le territoire des

Banen.

La conquête du territoire des Banen par l’Allemagne ne s’est pas faite sans

résistance, mais les armes et les moyens des populations étaient limités.

L’Allemagne s’impose donc et impose une nouvelle civilisation. Elle organise

administrativement le territoire et enseigne la langue allemande à l’école.

Après la défaite de l’Allemagne à la première guerre mondiale, le

territoire des Banen revient à la France. Elle poursuit l’œuvre de

l’Allemagne en réorganisant le territoire, mais transforme l’école allemande

en école française.

171


Le Cameroun réclame et obtient son Indépendance en 1960 et

l’administration française quitte le territoire. L’autorité camerounaise

prend les reines de l’administration locale.

La langue parlée des Banen est le tunen, qui en réalité regroupe plusieurs

hinen qui sont des sous dialectes ou variantes. Le tunen, du fait des

déplacements et des voisinages a subi des influences de diverses langues.

La partie du pays des banen dans la région du litoral connait un fort

enclavement dû à son relief très accidenté, ce qui a contribué à un faible

développement de cette localité.

Le livre Repère sur les Banen du Cameroun s’est attelé à ressortir

quelques points essentiels de la vie ce peuple et de son évolution, à partir

des différentes collectes de données. Il n’a pas manqué de souligner certains

problèmes que connaissent la localité. Les membres de l’ALBD, à travers

leur association, entendent apporter leur par dans le développement du pays

banen.

172


Collection d’auteurs :

Les membres du comité de rédaction du Livre

André Ekama, passionnés de littérature, Emmanuel Solheyl Boumsong

Mbissick

Président de l’Africa Culture Rhein-Neckar Président de l’Association des

Banen du Benelux

(Hekok)

Samuel Makan Makan, Resp d'Organe de Presse et Patricia Noumi,

auteure Magazine kwin.

Chargé de Communication pour le Livre Banen

173



POUR LE LIVRE BANEN

PARRAINS DE ALBD :

Hon. Moth Samuel Dieudonné,

SM Bissiongol Bieteke Antoine,

SM Engal Joseph,

SM Hessemb Franck Edouard,

SM de Ndema Nitoukou,

SM Ndzana Bagneki Armel.

COLLECTION AUTEURS :

1. Abbé Mboh Calvin,

2. Afaga Aunel Malaury,

3. Bahoken Bekona Herman,

4. Bakak Marcel,

5. Balhiki André,

6. Banyack Yannick Patrice

7. Behalal Jean Marc

8. Bengala Laurent,

9. Bitouk Paul,

10. Bouaye Alex

11. Diboua Paul Bien-venu,

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12. Diwo Francois,

13. Ebagne Severin,

14. Einom Cyrille,

15. Ekama André,

16. Keth Guillaume,

17. Kondo Marceline,

18. Koungoyo Dora,

19. Lovet Kouwe Isabelle,

20. Mabout Dieudonné,

21. Makan 2 Samuel,

22. Massin Baheten Martine Sylvestre,

23. Mayombot David,

24. Mbende Luc,

25. Mbollo Jules,

26. Moutebek Samuel,

27. Ngo Baleng Monique,

28. Ngombi Fany

29. Ngouaka Dora Calice

30. Noumi Patricia,

31. Nyembi Paul,

32. Oloumou Francis,

33. Outekelek Sabeyam Adeline,

34. Pr Ndedi Alain,

35. Sabehiam Michel,

176


36. Solheyl Boumsong Mbissick Emmanuel,

37. Tawedi Elvis Robert,

38. Tomo Jean Claude,

39. Tsango Annicet.

177



Référence :

Idelette Dugast, Monographie de la tribu des Ndiki (Banen du Cameroun),

Vie matérielle, tome I, Paris, Institut d’ethnologie, 1955 ;

Monographie de la tribu des Ndiki, Banen du Cameroun. Vie familiale et

sociale, tome II, Paris, Institut d’ethnologie, 1960.

Dugast, Idelette, 1949. Inventaire ethnique du Sud-Cameroun. (Mémoires

de l'IFAN (Inst. Français de l'Afrique Noire), série 'populations', 1.) Mem.

Inst. Franc. Afr. Noire, Cent. Cameroun, Ser. Pop. Dakar: IFAN. xii+159pp.

Dugast Idelette, 1975, Contes, proverbes et devinettes des Banen : (Sud-

Ouest du Cameroun)

Dugast Idelette, Grammaire du Tunen, 1971

Dugast Idelette, Lexique de la langue tunen, 1967

Farelly Maurice, Chronique du pays banen, Société des Missions

Evangéliques, Paris 1948 Tome 1 et 2.

Mahend Betind Pierre Libere, Rites et croyances relatifs à l’enfance chez

les Banen du Cameroun / Banema bi Banen ba Kamerun na mobu ma

behonol elo a ye mon, Présence Africaine - 1966.

Iyebi Mandjeck Olivier, L’évolution du système Agraire en pays Banen,

Etude géographique, Thèse de Doctorat 3ème cycle, Université de Yaoundé.

Stéphane Prévitali, Je me souviens de Ruben : mon témoignage sur les

maquis du Cameroun, 1953 – 1970, Editions Karthala.

Ndedi Alain, Loka Daniel et Pitchou-Behalal (2020), la lutte contre

l’expropriation des terres Banen au Cameroun. Editions Universitaires

Européennes.

Pour l’amour de mon Cameroun : Sa’a Jip Tchonang, Patricia Noumi.

179


Ndedi, Alain Aime and Ndedi, Alain Aime, Restoration of Cultural

Identity: The Case of the Banen Tribe in Cameroon (January 1, 2006).

Available at SRN: https://ssrn.com/abstract=877868.

180


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