Boxoffice Pro n°464 – 13 mars 2024
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EXPLOITATION<br />
©Nicolas Lochon<br />
Les Méliès à Sant-Marcellin<br />
CINÉODE ÉTEND SA TOILE<br />
La société d’Oliver Défossé, qui a repris le 5 <strong>mars</strong> le cinéma de Saint-Marcellin en Isère, exploite en<br />
délégation une quarantaine d'établissements à travers la France, et en programme autant.<br />
« Une petite société dans des petites villes », décrit Olivier<br />
Défossé au sujet de sa structure, qui, depuis 34 ans, n’en<br />
quadrille pas moins le territoire, en répondant aux appels<br />
à projets lancés par les collectivités qui souhaitent confier<br />
la gérance de leurs salles de proximité. Dernière en date :<br />
la Ville de Saint-Marcellin, entre Grenoble et Valence<br />
dans l’Isère, qui a mis fin à la DSP la liant à Lydie et<br />
Frédéric Ratajczyk, exploitants des Méliès depuis 27 ans,<br />
au profit du groupe Cinéode. Ce dernier reprend le<br />
cinéma de 2 salles, cette fois en location gérance des<br />
locaux et du fonds de commerce. Et quand on lui demande<br />
quelle est sa recette pour séduire les élus locaux, Olivier<br />
Défossé répond qu’il propose « ce qu’on fait partout : une<br />
programmation mixte, art et essai et tout public, avec des<br />
animations ». À Saint-Marcellin, qui compte 8 000<br />
habitants, il table sur une fréquentation entre 46 000 et<br />
50 000 entrées dans les 5 ans, ce que faisait Les Méliès<br />
dans les bonnes années.<br />
Toujours en Isère, Cinéode a repris fin décembre Le Rex<br />
de Villard-de-Lans (2 salles) et du Clos à Autrans (1<br />
salle), deux sites de montagne qui étaient précédemment<br />
exploités par MC4 en DSP. « Ce sont des conventions de<br />
mise à disposition pour un an. Il a fallu relancer l’activité<br />
à Villard-de-Lans, qui était fermé depuis juin 2023, et où<br />
j'espère atteindre 30 000 entrées pour la première année.<br />
Quant à Autrans, cinéma de station saisonnier, je vise les<br />
5 000 entrées. » Début janvier, Cinéode a repris par ailleurs<br />
la délégation du Casino de Vence (2 salles) dans les<br />
Alpes-Maritimes, pour les cinq prochaines années. Olivier<br />
Défossé espère augmenter la fréquentation de 30 000 à<br />
40 000 entrées, notamment « grâce au travail avec des<br />
associations locales très dynamiques ».<br />
Plus neuf, Olivier Défossé exploitera à partir d’octobre<br />
prochain, à son ouverture, le cinéma de Nay dans les<br />
Pyrénées-Atlantiques <strong>–</strong> entre Lourdes et Pau <strong>–</strong>. Il s’agit<br />
de 2 salles de 120 et 80 places intégrées à un pôle culturel<br />
de 2 300 m², abritant aussi une médiathèque. Un projet<br />
porté par les 29 communes de la collectivité du Pays de<br />
Nay, soit un bassin de 60 000 habitants, qui a confié la<br />
DSP à Cinéode.<br />
Enfin, Olivier Défossé porte en son nom propre un projet<br />
de 5 salles au centre-ville de Lens, validé par la CDACi<br />
du Pas-de-Calais en <strong>mars</strong> 2023, puis confirmé en CNACi<br />
cet été, après les recours des deux multiplexes les plus<br />
proches, le Pathé Liévin et le CGR Bruay La Buissière.<br />
« Ce sera mon premier cinéma en exploitation privée : le<br />
projet d’une vie, dans ma région des Hauts-de-France à<br />
laquelle je suis très attaché », explique l’exploitant, qui<br />
attend « des nouvelles de l’aide sélective » pour lancer les<br />
travaux. Pour rappel, Lens est l’une des rares villes de<br />
plus de 30 000 habitants dépourvue de cinéma, où Olivier<br />
Défossé, qui espère une ouverture en 2025, vise les<br />
150 000 entrées la première année.<br />
Entente de programmation<br />
Lens est aussi la plus grosse ville où sera présent Cinéode,<br />
tous ses établissements en délégation étant situés dans<br />
des villes de moins de 15 000 habitants. Idem pour les<br />
salles en programmation, deuxième activité de Cinéode.<br />
« Nous programmons une quarantaine de salles, principalement<br />
dans les Hauts-de-France <strong>–</strong> 70 % des mono écrans<br />
de Picardie <strong>–</strong>, en plus de celles que nous exploitons, soit<br />
une centaine de cinémas au total. » Un travail de programmation<br />
qui s’adapte bien sûr au contexte socio-démographique<br />
de chaque ville <strong>–</strong> « à Saint-Quay-Portrieux,<br />
nous proposons 40 % d’art et essai, à Fourmies principalement<br />
des blockbusters ». Et en lien avec les acteurs<br />
locaux, comme à Vence, « où l’association compte beaucoup<br />
d’adhérents auprès desquels elle communique, ce qui<br />
est un gros plus ». De façon générale, Cinéode essaie de<br />
mettre en place des clubs de spectateurs qui participent<br />
au choix des films et animations, en lien avec les deux<br />
médiateurs que la société a embauchés, pour gérer le<br />
travail avec les équipes sur le terrain. Sur cette activité<br />
de programmation <strong>–</strong> « mon premier boulot » <strong>–</strong> et les<br />
évolutions de ces dernières années, Olivier Défossé n'a<br />
pas à se plaindre. « Je suis servi royalement, nous arrivons<br />
à satisfaire tout le monde, y compris sur les sorties nationales,<br />
en faisant des circulations sur 4 ou 5 semaines. Les distributeurs<br />
me font confiance, et pour peu que l’on joue le jeu<br />
en nombre de séances, nous sommes libres. C’est beaucoup<br />
plus simple depuis le numérique. »<br />
La course aux DSP ?<br />
Ainsi “depuis le numérique”, la société Cinéode, créée<br />
en 2007, a peu à peu tissé sa toile à travers tout le<br />
territoire, dans des villes et villages dont on ne connaît<br />
pas toujours le nom, mais qui ont ensemble totalisé<br />
850 000 entrées en 2023. Des cinémas de proximité<br />
dont la fréquentation reprend plus vite que la moyenne<br />
nationale, qui ensemble sont à moins 10 % par rapport<br />
à 2019 mais dont certains ont retrouvé leur niveau<br />
d’avant Covid. « Pendant une période, il a fallu grandir<br />
pour se faire connaître des distributeurs. Aujourd’hui, nous<br />
n’avons plus besoin de nous étendre à tout prix et je choisis<br />
un peu plus les appels auxquels je réponds. » Bien sûr,<br />
Cinéode perd aussi des DSP qui ne sont pas renouvelées,<br />
« sur des conditions financières ». Car en intervenant dans<br />
des communes de 5 000 habitants, Olivier Défossé est<br />
confronté à leur paupérisation. « Le cinéma est souvent<br />
le seul lieu culturel de ces communes et elles y sont généralement<br />
très attachées, mais il est clair qu’elles n’ont plus<br />
d’argent et ont de plus en plus de mal à obtenir des<br />
subventions. » Sans citer de nom, l’exploitant mentionne<br />
ainsi un cinéma sans chauffage depuis cinq ans, ou un<br />
autre qui attend d’être rénové depuis 20 ans. De son<br />
côté, Cinéode s’est développée, comptant 80 collaborateurs<br />
dont les enfants d’Olivier Défossé qui l’ont<br />
rejoint récemment. « Mais nous restons une petite société,<br />
et je ne peux pas prendre trop de risques. Si j’arrive à<br />
concrétiser le projet de Lens, je me recentrerai sur mes<br />
propres cinémas. »<br />
Cécile Vargoz<br />
28 N°464 / <strong>13</strong> <strong>mars</strong> <strong>2024</strong>