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proposons qu’elle se fasse sur les entrées. Au niveau<br />
économique, les salles ont besoin de moins d’aides pour<br />
un film qui a très bien fonctionné sur l'ensemble du<br />
territoire : les films art et essai qui fonctionnent à l’échelle<br />
nationale, fonctionnent partout. En somme, nous<br />
proposons une pondération qui prend en compte une<br />
majoration sur les films Recherche et Découverte et une<br />
minoration sur les films qui ont réalisé plus d’entrées ;<br />
c'est juste économiquement, c'est juste culturellement<br />
et c'est juste territorialement.<br />
Enfin, dans la continuité du travail des salles qui se sont<br />
emparées des projets 15-25, dans le contexte du fonds<br />
Jeunes cinéphiles, nous prônons la création, dans le cadre<br />
de cette réforme, d'un label 15-25 pour continuer de<br />
soutenir l'engagement des salles auprès des jeunes.<br />
Concernant le sujet de la sélectivité, comment<br />
réorganiser les critères pour la prioriser ?<br />
C'est simple : plus de commissions et des grilles de lecture<br />
simplifiées pour les membres. Pour que l'on puisse<br />
vraiment échanger sur les salles et leur dossier, avec une<br />
vraie connaissance du territoire, il est nécessaire d'augmenter<br />
le nombre des commissions régionales de classement<br />
de 5 à 8. Les associations territoriales, qui sont<br />
les plus à même d'évaluer un travail sur un territoire,<br />
doivent aussi être davantage représentées.<br />
Ensuite, nous nous sommes proposés auprès du CNC<br />
pour les accompagner dans le grand chantier de la<br />
modification du dossier de classement et de sa compréhension.<br />
Nous souhaitons que ce dossier permette de<br />
mieux comprendre la politique culturelle menée par<br />
chaque salle, de mieux catégoriser leurs événements et<br />
leur intégration dans la programmation globale. Ce n'est<br />
pas tout à fait le cas aujourd'hui ; ce sera, je l'espère, le<br />
cas de<strong>mai</strong>n.<br />
Cette réforme ne doit pas inquiéter : elle ne consistera<br />
pas à demander aux salles d’en faire plus, <strong>mai</strong>s à mieux<br />
valoriser leur travail déjà engagé.<br />
Lors des dernières assemblées générales des syndicats<br />
régionaux, le CNC a évoqué un barème<br />
plus linéaire, avec moins d’effets de palier. Qu’en<br />
pensez-vous ?<br />
C'est une très bonne proposition, née des concertations<br />
et échanges avec le CNC, que nous accueillons avec<br />
beaucoup d'intérêt. Aujourd'hui deux salles qui objectivement<br />
n'ont pas le même engagement, peuvent<br />
recevoir la même aide à cause des effets de paliers.<br />
Un barème plus linéaire, chaque indice menant à une<br />
aide spécifique, serait une solution très simple et efficace.<br />
Cette réforme pourra-t-elle répondre aux demandes<br />
des salles programmant plus de 80 % art<br />
et essai, d’être mieux récompensées pour leurs<br />
efforts ?<br />
Que les commissions aient plus de finesse pour évaluer<br />
le travail des salles permettra, nous l'espérons, une plus<br />
juste répartition de l'enveloppe, qui reste contrainte<br />
vu les actuelles restrictions budgétaires. L'Afcae a<br />
toujours dénoncé l'insuffisance de cette enveloppe, la<br />
dernière étant à hauteur de 18,4 millions d’euros, pour<br />
accompagner le travail réel des cinémas. D'un côté,<br />
l'État, les Régions, les Départements, les Villes et les<br />
spectateurs demandent plus d'animations, de débats,<br />
de lieux d'échanges, de convivialité, d'actions solidaires,<br />
d’Education artistique et culturelle (EAC), d’actions<br />
auprès des 15-25 ans… et d’un autre côté, l’enveloppe<br />
est identique !<br />
Donc, la première de nos demandes est de revoir l'enveloppe<br />
à l'aune de ce qu’est vraiment le travail art et essai<br />
des salles aujourd'hui, qui est bien plus que la seule<br />
diffusion. Entendons-nous, une enveloppe un peu plus<br />
importante, une réforme mieux construite nous permettra,<br />
et nous l’appelons de nos vœux, de ne plus avoir d'écrêtement.<br />
Dans un monde idéal, à quelle hauteur devrait être<br />
l'enveloppe allouée aux subventions art et essai ?<br />
En 2023, il aurait fallu une enveloppe à 21 millions pour<br />
ne pas subir d'écrêtement, <strong>mai</strong>s pour de<strong>mai</strong>n, je ne sais<br />
pas. Si nous regardons les chiffres de ce premier trimestre,<br />
qui ne sont pas bons, ni globalement, ni pour les films<br />
art et essai ; nous avons beaucoup de mal à faire vivre les<br />
films, même les plus évidents. Donc, face à ce tassement<br />
des entrées, les salles font encore plus de débats, plus<br />
d'animations, proposent encore plus d'actions initiées<br />
par les associations territoriales, pour aller chercher le<br />
public. Peut-être que de<strong>mai</strong>n, l'enveloppe devra être<br />
supérieure à 21 millions.<br />
La réforme ne<br />
consistera pas à<br />
demander aux salles<br />
d’en faire plus, <strong>mai</strong>s<br />
à mieux valoriser<br />
leur travail<br />
Alors que le CNC a commandé une étude à Jean-<br />
Paul Cluzel, ancien président de l’Ifcic, sur le secteur<br />
de la distribution, quelles sont les réflexions qui<br />
animent l’Afcae en matière de diffusion des films ?<br />
Nous attendons beaucoup du rapport Cluzel, qui va<br />
mettre en avant, on le craint, les difficultés de la distribution<br />
indépendante. Il faut rappeler que nous avons<br />
été parmi les premiers, au moment du Covid et après,<br />
à soutenir la distribution indépendante et à demander,<br />
au même titre que l’exploitation, qu'elle soit aidée et<br />
soutenue. Nous allons continuer à le faire, parce qu'elle<br />
est un élément indispensable de la filière et particulièrement<br />
pour les salles art et essai. Nous avons vécu<br />
deux liquidations de distributeurs indépendants en ce<br />
début d'année <strong>2024</strong>. Il ne faudrait pas que cela devienne<br />
une hécatombe.<br />
En corollaire à notre soutien, nous espérons que ce rapport<br />
ouvre une discussion sur les engagements de diffusion.<br />
Il est temps de se mettre vraiment autour d'une table, et<br />
que l’on passe d’un système de volontariat à des discussions<br />
concrètes avec les distributeurs.<br />
D’autant plus que lors de ce premier trimestre, alors qu’il<br />
y a moins de films commerciaux à proposer, les salles<br />
grand public se reportent sur les films art et essai les plus<br />
porteurs, ceux qui sont absolument nécessaires pour<br />
attirer un public large dans nos salles classées. Aujourd'hui,<br />
nous ressentons une vraie concurrence sur notre<br />
programmation dont la première conséquence est la<br />
difficulté d'accès à ces films art et essai porteurs. La<br />
deuxième est le nombre de séances demandé. On le dit<br />
depuis très longtemps et on le répète aujourd'hui, les<br />
demandes des distributeurs sont parfois déraisonnables.<br />
Or, dans un objectif de diversité, pour qu'un film plus<br />
fragile puisse rentrer dans notre programmation, il faut<br />
comprendre qu’il n'est pas possible de demander un plein<br />
écran pour les films les plus porteurs.<br />
Par ailleurs, cette concurrence peut aussi amener à ce<br />
que les spectateurs ne se rendent plus compte des spécificités<br />
de la salle. Il y a donc un travail de communication<br />
et d'éditorialisation encore plus important à réaliser.<br />
Nous sommes challengés en permanence.<br />
La profession tire la sonnette d’alarme depuis<br />
plusieurs mois sur les difficultés des dispositifs<br />
d'éducation aux images. Comment la situation<br />
évolue-t-elle ?<br />
Nous manquons encore de chiffres au niveau national,<br />
<strong>mai</strong>s d’après le retour des adhérents, nous constatons<br />
une baisse de l'engagement des enseignants suite aux<br />
réformes du ministère de l'Éducation nationale concernant<br />
le remplacement de courte durée et la formation<br />
hors temps scolaire. Des discussions se sont engagées<br />
entre le ministère de la Culture et de l'Éducation nationale<br />
pour que des aménagements spécifiques soient mis<br />
en place. L'EAC est un levier très important de la vie de<br />
nos salles art et essai, et inversement sans elles il n'y a pas<br />
100 % d’EAC en France. Il est primordial que nous<br />
puissions travailler avec les équipes éducatives et pédagogiques<br />
dans de bonnes conditions.<br />
La deuxième problématique, c'est le pass Culture et<br />
notamment sa part collective, dont les salles art et essai<br />
se sont saisies dans leur grande globalité. Elle est utile<br />
pour promouvoir ce qui fait le cœur du pass Culture,<br />
c'est-à-dire la découverte culturelle et artistique, <strong>mai</strong>s on<br />
constate qu’elle est aussi utilisée pour emmener des<br />
groupes voir des films ultra commerciaux à des tarifs<br />
au-delà de 10 €. Il ne faudrait pas que cette part collective<br />
soit dévoyée, au détriment de l’équité territoriale et de<br />
la découverte de films qui ont un vrai intérêt culturel et<br />
artistique. Nous serons très attentifs à cet aspect.<br />
En parallèle, les associations territoriales remontent un<br />
désengagement des collectivités sur l'EAC et, plus<br />
globalement, sur l'aide aux établissements culturels. Là<br />
aussi, nous tirons la sonnette d'alarme, parce que le<br />
<strong>mai</strong>llage culturel que constituent les associations territoriales<br />
et les salles en régions, dont tout le monde est<br />
si fier, est en danger.<br />
Pour finir, l'Afcae prépare un autre événement<br />
majeur pour l'année prochaine !<br />
En 2025, nous fêterons les 70 ans de l’Association, avec<br />
des actions tout au long de l’année, que nous commencerons<br />
à dévoiler à Cannes. 70 ans d'art et essai que nous<br />
célébrerons sur l'ensemble du territoire, avec l'ambition<br />
de porter haut et fort nos valeurs auprès de nos adhérents<br />
et de leurs publics. Montrons que notre mouvement a<br />
l'expérience de son âge et le dynamisme de sa jeunesse !<br />
<strong>Pro</strong>pos recueillis par Marion Delique<br />
N°468 / <strong>12</strong> <strong>mai</strong> <strong>2024</strong><br />
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