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La France est le seul pays européen<br />
qui ait sauvé son cinéma<br />
Certains diraient que c’est grâce au soutien des<br />
pouvoirs publics….<br />
Alors commençons par la fin : le fonds de soutien n'est<br />
pas une subvention de l'État. C'est l'argent du spectateur,<br />
l’argent des télévisions, et aujourd'hui un peu l'argent<br />
des plateformes. Il ne s’agit pas d’une recette financée<br />
par le contribuable, <strong>mai</strong>s par celles et ceux qui vont au<br />
cinéma et qui regardent la télévision ; cela s'appelle une<br />
taxe, qui est d’ailleurs gérée par un organisme particulier,<br />
le Centre national de la cinématographie. Au-delà de<br />
donner des émotions à tous ceux qui y vont, le cinéma<br />
français est créateur de richesse, d'emplois, avec en plus<br />
un bilan export de qualité. Il faut tordre le cou de cette<br />
idée selon laquelle nous serions des gosses de riches gavés<br />
de subventions.<br />
L’histoire du cinéma français des cinq dernières<br />
décennies, c'est aussi un peu celle de la famille<br />
Seydoux, à commencer par la vôtre et celle de vos<br />
deux frères. Qu’est-ce qui vous a donc poussés dans<br />
ce secteur qui pouvait peut-être être considéré<br />
comme hasardeux ?<br />
Vous pouvez enlever le “peut-être” ! Je n’ai pas de réponse<br />
à cette question à laquelle j'ai souvent essayé de réfléchir.<br />
Ce qui est sûr, c'est que nous avons la chance d'avoir été<br />
élevés dans une famille où la peinture, l'écriture et la<br />
culture en général n'étaient pas absentes. C’est ma grandmère,<br />
quand j’avais 7 ans, qui m'a fait découvrir mon<br />
premier film, La Belle et la Bête de Jean Cocteau, dans<br />
un cinéma à côté de la gare Saint-Lazare.<br />
Le premier à entrer dans le cinéma a été mon petit frère<br />
Michel [producteur dont la première réalisation, le<br />
documentaire Le Chêne cosigné avec Laurent Charbonnier,<br />
a rassemblé près de 420 000 spectateurs en 2022, distribué<br />
par Gaumont, ndlr.]. En ce qui me concerne, en 1970,<br />
je travaillais dans une banque d’investissements aux<br />
États-Unis lorsque j’ai décidé de changer de secteur.<br />
Pourtant, l’année précédente avait été la plus faible en<br />
termes de box-office américain, aux alentours de 900<br />
M$, alors qu’il était de 4 milliards en 1945 (et aux<br />
alentours d'un 1,2-1,3 milliard aujourd’hui).<br />
À l’époque, tout le monde disait que la télévision<br />
avait tué le cinéma…<br />
Mais que regardent les téléspectateurs ? Des films bien<br />
sûr. Le livre de poche pourrait-il tuer le livre broché ?<br />
Alors certes, le cinéma est né comme monopole de l'image<br />
en 1985. Aux États-Unis, le duopole avec la télévision<br />
arrive vers 1945-1946, et en Europe, avec le couronnement<br />
de la reine d'Angleterre en 1953. Et à partir de là,<br />
la fréquentation des cinémas baisse…<br />
Certains pays réagissent très vite, notamment les États-<br />
Unis, où les studios sont aussi ceux qui fabriquent les<br />
séries télévisées. Leur puissance est d’autant plus exceptionnelle<br />
que leurs films sont faits pour rassembler le<br />
public d’une terre d'immigration, à commencer par les<br />
Irlandais, les Siciliens, les Chinois, les Japonais, puis la<br />
vague sud-américaine. Quand vous plaisez à des gens<br />
dont les racines sont si différentes, vous ne pouvez que<br />
plaire au reste du monde.<br />
L’arrivée de la télévision transforme le monopole<br />
du cinéma, et après ?<br />
Et après ne survivent, dans le monde occidental, que les<br />
cinémas américains et français. Au Royaume-Uni, la<br />
BBC ne s’est en rien faite avec le cinéma, alors que la Rai<br />
a soutenu le cinéma italien. Mais, il n'y a pas un grand<br />
film italien qui ne soit une coproduction française <strong>–</strong> et<br />
un film français sur deux ou trois importants est, à<br />
l’époque, une coproduction italienne, des comédiens<br />
comme Claudia Cardinale, Sophia Loren, Marcello<br />
Mastroianni étant alors quasiment plus connus à Paris<br />
qu'à Rome ou à Milan.<br />
Qu’est-ce qui a fait la différence du cinéma français<br />
dans ce duopole avec la télé ?<br />
Sa grande force, après avoir convaincu les pouvoirs publics<br />
de créer le fonds de soutien au lende<strong>mai</strong>n de la guerre,<br />
est de les avoir persuadés de faire participer les télévisions<br />
au financement du cinéma. Et Canal+ est né, en 1984,<br />
avec cette idée <strong>–</strong> totalement révolutionnaire à l'époque<br />
<strong>–</strong> de participer au financement du cinéma français sur<br />
un pourcentage de son chiffre d'affaires. S’il échouait, le<br />
cinéma ne pouvait pas lui reprocher de lui avoir volé des<br />
spectateurs. S'il réussissait, il allait incontestablement<br />
aspirer un certain nombre de spectateurs ; en revanche,<br />
le cinéma pouvait continuer à tourner. Et c’est ce qui<br />
s’est passé : 1992-1993 ont été des années absolument<br />
dramatiques pour la fréquentation des salles, avec moins<br />
de <strong>12</strong>0 millions d’entrées. Mais la machine a continué<br />
à tourner, et le parc de salles à se transformer pour être<br />
plus adapté aux goûts des spectateurs ; ce qui permet<br />
aujourd’hui à la France de proposer le meilleur parc<br />
cinématographique du monde, couvrant l'ensemble du<br />
territoire avec toute une variété de salles et de prix.<br />
BOXOFFICE<br />
CANNES FORUM,<br />
LE PROGRAMME<br />
Quel avenir pour les salles et la création<br />
face aux bouleversements du monde<br />
digital ? C’est le sujet qui sera exploré<br />
par le rendez-vous <strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />
cannois, autour de Nicolas Seydoux,<br />
à l’occasion de la sortie de son livre,<br />
“Le cinéma, 50 ans de passion”, aux<br />
éditions Gallimard.<br />
Date : vendredi 17 <strong>mai</strong>, de 9h à <strong>12</strong>h30<br />
Lieu : plage Vegaluna, boulevard de la Croisette, Cannes<br />
Déroulé des conférences<br />
Allocution keynote de personnalités :<br />
Dominique Delport, CEO Arduina Partners,<br />
ex-membre du CA de Havas, Vivendi, Vice Media<br />
L'avenir des salles de cinéma en France<br />
et à travers le monde<br />
Nicolas Seydoux, Gaumont<br />
Laura Houlgatte, CEO Unic<br />
Richard Patry, président FNCF<br />
Tim Richards, CEO Vue Entertainment<br />
Niels Swinkels, EVP & MD, Universal Pictures<br />
La création et le droit d'auteur<br />
à l'heure des bouleversements<br />
technologiques<br />
Nicolas Seydoux, Gaumont<br />
Henri de Roquemaurel, directeur financement<br />
média, BNP Paribas<br />
Justine Ryst, MD France, Lead Europe du<br />
Sud, YouTube<br />
Dominique Delport, CEO Arduina Partners<br />
Stan McCoy, President & MD, MPA EMEA<br />
En clôture, entretien entre M. Nicolas Seydoux<br />
et Julien Marcel (DG AlloCiné/<strong>Boxoffice</strong>)<br />
Cocktail et dédicace par Nicolas Seydoux de son<br />
livre à l’issue des échanges.<br />
Planning horaire<br />
09h : Accueil, café<br />
9h30 - 11h45 : Conférences<br />
11h45 - <strong>12</strong>h30 : Cocktail et signature du livre<br />
Si vous souhaitez assister au <strong>Boxoffice</strong> Forum,<br />
merci de contacter forum@boxoffice.com.<br />
Accès dans la limite des places disponibles.<br />
N°468 / <strong>12</strong> <strong>mai</strong> <strong>2024</strong><br />
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