Base'Art à Fréjus - Union Patronale du Var
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CHANTEMESSE<br />
LES REFERENCES SINGULIERES DE CHANTEMESSE<br />
Les biographies artistiques éclairent et précisent, les lignes de force d’un parcours qui, pour Chantemesse,<br />
se décline en « sentiers qui bifurquent ». Après avoir étudié <strong>à</strong> l’Ecole des Beaux-Arts de Toulon de<br />
1954 <strong>à</strong> 1955, et suivi l’enseignement de Baboulène, Pertus, Palmieri, (un itinéraire des plus classiques<br />
où se révèle la permanence d’une tradition liée <strong>à</strong> l’école provençale et spécifiquement toulonnaise de la<br />
première moitié de l’autre siècle), il participe <strong>à</strong> des expositions de groupe en 1960 et 1969. Il interrompt<br />
ce début de carrière prometteur pour des raisons professionnelles. Sa longue traversée <strong>du</strong> désert, se termine<br />
en 1994 avec le 12ème rendez-vous des plasticiens «Elstir». L’exposition qu’il présente en 1996 au<br />
Centre de Rencontres et d’Echanges Culturels <strong>du</strong> Fort Napoléon <strong>à</strong> la Seyne-sur-Mer constituera une étape<br />
essentielle de ce retour dans le monde de l’art. Elle propose une série de dessins et de toiles consacrés aux<br />
Chantiers Navals de la Ville dévastés par la crise économique, transformés en friche in<strong>du</strong>strielle, en terrain<br />
vague, en no man’s land habité par une mémoire qui se conjugue dans la douleur. Un temps suspen<strong>du</strong>,<br />
représenté dans sa dimension tragique et transitoire, où la réalité <strong>du</strong> travail ne s’incarne plus que dans<br />
l’apparence des ruines in<strong>du</strong>strielles. Une narration par défaut, qui peu <strong>à</strong> peu, sous l’influence d’artistes tels<br />
que Giacobazzi, Klasen, Rancillac, Monory, Lézin, Messac, Morteyrol, va se préciser pour s’inscrire pleinement<br />
dans un courant né en France, au milieu des années 60, et qui est connu désormais sous le nom<br />
de Figuration Narrative. Longtemps assimilé au Pop Art, souvent occulté dans les années 80, cette école<br />
informelle qui confrontait dialectiquement la peinture au réel et <strong>à</strong> l’hégémonie des images (y compris celles<br />
relevant <strong>du</strong> commerce ordinaire de la culture médiatique), se retrouve aujourd’hui au premier plan aussi<br />
bien dans sa dimension historique que dans ses prolongements actuels. Chantemesse témoigne pleinement<br />
de la pérennité foisonnante de ce regard ludique et critique. Désormais, le peintre utilise les collages,<br />
(d’inspiration surréaliste le plus souvent), l’acrylique, juxtaposant les images pour leur donner force et sens.<br />
Chantemesse joue avec l’insertion de matériaux tels que le carton, l’affiche, la toile de jute, et manifeste<br />
cette volonté de compiler, d’agencer, de découper, de fragmenter l’image pour en révéler la face obscure.<br />
L’érotisme ici se veut rémanent, presque obsessionnel, s’incarnant dans le cliché pour mieux le dépasser.<br />
L’icône spectaculaire ne peut se dissocier dans l’espace de la toile, de la réalité sociale, commerciale, publicitaire,<br />
qui l’a vu naître. Son travail avoue ses sources et ne dissimule pas ses influences, sans pour autant<br />
perdre son originalité. Tout au contraire, la référence précise la singularité. Sa volonté d’appartenance <strong>à</strong><br />
la Figuration Narrative doit se lire également comme un clin d’œil permanent, redondant, et décalé <strong>à</strong> un<br />
segment de l’histoire de l’art contemporain, dont l’un des axes était précisément la mise en abyme séquentielle<br />
des images artistiques. Images de l’art (Iconoclast) et synthèses de la représentation narrative (Twin<br />
Towers). La volonté de discernement qui se manifeste dans le choix méticuleux des images publicitaires,<br />
recadrées et réinscrites sur la toile, comme autant de références subtiles et ironiques, conforte le propos.<br />
Les codes de la Figuration Narrative se déclinent désormais comme autant de private-joke visuels (Batchelor’s,<br />
Bovril). Ce ne sont plus uniquement les récurrentes mythologies illustrées américaines (Mickey,<br />
Superman, Betty Boop) ou belges (Tintin, Spirou), qui sont mises <strong>à</strong> contribution, mais les héros des fumetti<br />
d’origine italienne. La bande dessinée comprise dans son acception triviale (Kit Carson). Ici se manifeste<br />
un regard qui joue dans l’entre-deux, entre voyeur et voyant, dans cette ambiguïté qui dépasse le cliché et<br />
qui permet <strong>à</strong> l’imagerie d’être au service <strong>du</strong> projet pictural.<br />
Robert Bonaccorsi