courrier international
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Juin Hussein Harmouche est le premier<br />
officier de l’armée syrienne à annoncer<br />
publiquement sa désertion. La première<br />
unité de l’Armée syrienne libre (ASL)<br />
est ainsi formée. La révolte pacifique<br />
se militarise.<br />
Tactique<br />
Le président baasiste a encore des atouts<br />
Une armée majoritairement<br />
fidèle au régime, une opposition<br />
désunie, enfin la crainte<br />
d’une mainmise islamiste…<br />
Tout cela permet au président<br />
syrien de gagner du temps.<br />
Bitter Lemons Jérusalem<br />
�<br />
a révolution syrienne est<br />
L entrée dans une nouvelle<br />
phase, plus inquiétante. Le<br />
régime du président Assad est considérablement<br />
affaibli et isolé. La mission de<br />
la Ligue arabe en Syrie a tourné au fiasco.<br />
L’économie est en ruine. Les manifestations<br />
organisées par l’opposition continuent<br />
de plus belle. Mais les principaux<br />
piliers du régime résistent toujours.<br />
L’armée et les forces de sécurité lui<br />
demeurent fidèles, surtout pour des raisons<br />
communautaires [la communauté<br />
alaouite d’Assad est fortement présente<br />
dans les forces armées]. Assad peut<br />
toujours compter sur le soutien d’une<br />
grande partie de la population, en particulier<br />
parmi les minorités religieuses<br />
[alaouites, druzes et chrétiens] dont<br />
les peurs et les états d’âme existentiels<br />
restent intacts.<br />
Spectre d’une guerre fraticide<br />
Parce que ces piliers du régime n’ont pas<br />
encore cédé (et pour de multiples autres<br />
raisons), les perspectives d’Assad apparaissent<br />
meilleures qu’elles ne l’étaient<br />
il y a deux mois. Le bon score des salafistes<br />
aux élections égyptiennes justifie<br />
apparemment la thèse fallacieuse des<br />
partisans d’Assad, selon laquelle la seule<br />
alternative à l’autoritarisme est l’intégrisme<br />
et la bigoterie. Damas se frotte<br />
aussi les mains de voir Paris et Ankara<br />
se déchirer après l’adoption par la<br />
France de la loi interdisant la négation<br />
du génocide arménien. Le désengagement<br />
des Etats-Unis en Irak et le<br />
spectre d’une guerre fratricide entre<br />
sunnites et chiites dans ce pays apportent<br />
de l’eau au moulin de la propagande<br />
officielle syrienne.<br />
Par ailleurs, après les manifestations<br />
anti-Poutine à Moscou, la Russie craint<br />
d’autant plus la contagion révolutionnaire<br />
et ressent la nécessité de continuer<br />
à soutenir Assad. Le glissement de la<br />
Libye vers la guerre civile et l’incapacité<br />
des autorités de l’après-Kadhafi à procéder<br />
à un désarmement soulignent<br />
les risques inhérents aux interventions<br />
étrangères et à la militarisation d’une<br />
révolution. Face aux menaces occidentales<br />
et au durcissement des sanctions,<br />
l’Iran est encore moins tenté<br />
de prendre ses distances avec son seul<br />
allié arabe. Enfin, l’opposition syrienne<br />
ne parvient toujours pas à surmonter ses<br />
1 er octobre Le Conseil national<br />
syrien (CNS), fondé à Istanbul<br />
fin août, annonce sa volonté<br />
de coordonner l’opposition<br />
au régime de Bachar El-Assad.<br />
26 décembre La Ligue arabe envoie<br />
divisions et à présenter un plan d’action<br />
rassurant et cohérent.<br />
Tous ces facteurs confortent Assad<br />
dans l’illusion qu’il lui suffit de laisser<br />
passer la tempête en s’accrochant au<br />
pouvoir. Même s’il est moins doué que<br />
son père, il a retenu ses leçons et s’efforce<br />
encore une fois de gagner du<br />
temps. Il sait que 2012 est une année<br />
électorale pour la France, les Etats-Unis<br />
et la Russie, et qu’une intervention militaire<br />
occidentale n’est pas envisageable.<br />
Il sait également que l’Irak, sous<br />
influence grandissante de l’Iran, évincera<br />
prochainement le Qatar à la tête de la<br />
Ligue arabe. Assad reste persuadé que<br />
son régime peut résister, au moins en<br />
l’absence d’un grand marchandage américano-russe<br />
ou américano-iranien qui<br />
amènerait ses deux protecteurs à lui retirer<br />
leur soutien.<br />
une mission d’observation<br />
en Syrie. Les travaux de cette<br />
mission très décriée sont suspendus<br />
le 28 janvier 2012.<br />
2012. 4 février Au Conseil<br />
de sécurité des Nations unies,<br />
� Sur les sièges : le fils, le frère, le petit fils, le neveu, etc… Dessin d’Ali Farzat, Syrie.<br />
Sarcasmes<br />
Le Qatar en ligne de mire<br />
Le quotidien officiel syrien<br />
fustige l’émirat du Golfe et<br />
ses leçons de démocratie.<br />
Quand le Premier ministre<br />
et ministre des Affaires<br />
étrangères du Qatar [Hamad<br />
bin Jassem Al-Thani, qui préside<br />
le comité ministériel de la Ligue<br />
arabe sur la Syrie] a commencé<br />
à parler de la crise en Syrie<br />
et tenté de déformer la réalité,<br />
il a failli éclater en sanglots sur<br />
le triste sort des Syriens.<br />
Selon lui, ceux-ci se font<br />
Courrier <strong>international</strong> | n° 1110 | du 9 au 15 février 2012 � 33<br />
la Russie et la Chine opposent<br />
leur veto à un projet de résolution<br />
condamnant la poursuite<br />
de la répression en Syrie. Depuis<br />
le début de la révolte, la répression<br />
a fait au moins 6 000 morts.<br />
Assad sait que 2012 est<br />
une année électorale pour<br />
la France, les Etats-Unis<br />
et la Russie, et qu’une<br />
intervention militaire<br />
n’est pas envisageable<br />
Mais la vieille tactique baasiste<br />
consistant à essayer de gagner du temps<br />
marchera-t-elle encore ? Plusieurs raisons<br />
permettent d’en douter. Dans l’esprit<br />
de pans entiers de la population<br />
syrienne, le régime est d’ores et déjà<br />
tombé et il a perdu toute légitimité.<br />
Comme l’a dit le président Barack Obama<br />
dans son discours sur l’état de l’Union,<br />
Assad ne tardera pas à s’apercevoir qu’il<br />
pourchasser et tuer, comme<br />
le suggère en effet la couverture<br />
tendancieuse qui est faite<br />
depuis des mois par la chaîne<br />
satellitaire Al-Jazira, elle aussi<br />
qatarie, afin d’induire les<br />
téléspectateurs en erreur,<br />
d’aggraver la crise et de verser<br />
de l’huile sur le feu. Ce qui m’a<br />
fait le plus de mal, c’est<br />
d’entendre le cher Hamad<br />
parler de l’instauration<br />
de la démocratie en Syrie.<br />
Comme si lui-même avait<br />
accédé à son poste<br />
par les urnes, dans un pays<br />
régi par une Constitution<br />
démocratique. Nous savons<br />
tous comment lui-même et<br />
son émir [Khalifa bin Hamad<br />
Al-Thani] sont arrivés au<br />
pouvoir. Il n’est certainement<br />
pas le mieux placé pour parler<br />
de démocratie, de liberté<br />
d’expression, d’égalité des<br />
chances, de justice sociale<br />
et d’autres choses dont il<br />
parle à satiété mais qui, dans<br />
sa bouche, n’ont aucun sens.<br />
Tout à mon souci<br />
est impossible d’arrêter les forces du<br />
changement. De nombreuses institutions<br />
sont sur le point de s’effondrer. Des alliés<br />
de jadis [au Liban et parmi les Palestiniens]<br />
quittent le bateau. Plusieurs chefs<br />
d’Etat arabes, notamment d’anciens<br />
alliés d’Assad, ont définitivement perdu<br />
patience et sont décidés à le chasser<br />
du pouvoir.<br />
Mais le plus important est que la<br />
situation économique est probablement<br />
devenue intenable. Les sanctions de<br />
l’Union européenne, empêchant la Syrie<br />
de vendre son pétrole, coûtent au pays<br />
450 millions de dollars par mois. Les<br />
recettes fiscales ont diminué de moitié.<br />
Le déficit budgétaire atteint presque<br />
20 % du produit intérieur brut.<br />
L’opposition est désorganisée<br />
On en est arrivé au point où le régime est<br />
tellement affaibli qu’il n’est plus en<br />
mesure de réprimer les manifestations,<br />
alors que l’opposition est désorganisée<br />
et incapable de le renverser. Devant ce<br />
bras de fer, d’aucuns en appellent à la<br />
militarisation de la révolution et à une<br />
intervention étrangère.<br />
Ceux qui souhaitent la chute d’Assad<br />
sont désormais placés devant le vieux<br />
dilemme philosophique opposant Machiavel<br />
et Kant : la fin justifie-t-elle les moyens<br />
ou, au contraire, le bon acte déterminet-il<br />
la bonne fin ? Une étude approfondie,<br />
publiée par Columbia University Press et<br />
analysant des dizaines de cas passés, vient<br />
étayer la seconde thèse. A l’en croire, si<br />
un dictateur est renversé par des moyens<br />
pacifiques, il y a 51 % de chances pour<br />
qu’une transition démocratique ait lieu<br />
au bout de cinq ans. En cas de lutte armée,<br />
les chances sont réduites à 3 % seulement.<br />
On comprend que l’opposition syrienne<br />
soit impatiente d’abattre le régime et<br />
de respirer librement. Néanmoins, elle<br />
devrait méditer sur ces chiffres.<br />
Karim Emile Bitar<br />
de généraliser le beau modèle<br />
de la démocratie qatarie,<br />
je propose à la Ligue arabe<br />
d’organiser des stages<br />
sur ce modèle dans l’émirat.<br />
Ainsi les masses arabes<br />
pourraient profiter utilement<br />
de la riche expérience<br />
qui a fait parvenir le Premier<br />
ministre et son émir au pouvoir<br />
[en 1995, ils ont pris<br />
le pouvoir pendant un voyage<br />
à l’étranger du père de l’actuel<br />
émir]. Jamal Hamama<br />
Teshreen (extraits) Damas