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chiques, entre cadets et aînés, entre<br />
ceux qui exerçaient une fonction et<br />
ceux qui n’en avaient pas, et d’autres<br />
rapports analogues. Aujourd’hui,<br />
le concept de respect a connu une<br />
étrange mutation en direction de l’égalitarisme,<br />
et l’une des revendications<br />
les plus typiques des cultures<br />
actuelles de la jeunesse est le fait<br />
que les jeunes demandent le respect<br />
pour l’altérité qui s’attache au fait de<br />
n’être pas encore adulte, le respect<br />
pour l’altérité de l’inculture, le<br />
respect pour l’altérité d’une certaine<br />
absence de chances. Ce sont des figures<br />
tout à fait étranges qui montrent<br />
qu’une grande partie des populations<br />
modernes ne veulent pas aujourd’hui<br />
se laisser aussi prolétariser<br />
intérieurement par leurs handicaps<br />
psychiques. Le concept de respect<br />
incarne précisément ce phénomène.<br />
C’est un refus de la prolétarisation<br />
au niveau psychique, il s’inscrit donc<br />
dans le large spectre de cette réaction<br />
identitaire à laquelle il faut prêter<br />
une très grande attention.<br />
Le dernier topos est celui de “l’exclusivité”.<br />
Il faut dire à ce propos<br />
que l’on ne doit pas comprendre la<br />
globalisation comme un indice du fait<br />
que l’ensemble de l’humanité veuille<br />
et puisse être intégrée dans un vaste<br />
contexte de circulation et de consommation<br />
; la globalisation est au<br />
contraire un indice du fait qu’au sein<br />
de ce collectif de six à sept milliards<br />
de personnes parmi lesquelles nous<br />
nous comptons, un groupe d’environ<br />
un milliard ou un milliard et demi de<br />
personnes s’est pour ainsi dire démarqué<br />
au sein d’un espace de confort<br />
disposant d’un haut degré de<br />
connexions passant par les couloirs<br />
de la consommation et qui a installé<br />
une gigantesque serre de la gâterie<br />
qui recouvre le monde entier – non<br />
pas cependant sous la forme d’une<br />
structure architecturale universelle,<br />
mais comme un système de halls et<br />
de corridors, d’espaces urbains et<br />
d’îles du confort dans lesquels ces<br />
happy few de la globalisation se<br />
meuvent tout en faisant naître un gigantesque<br />
extérieur. On peut dire<br />
que si l’abolition de la séparation des<br />
races a mis un terme, dans le cas<br />
particulier, au fait de l’apartheid en<br />
Afrique du Sud, celui-ci s’est globali-<br />
sé à l’échelle mondiale pour devenir<br />
en quelque sorte planétaire. Il est devenu<br />
un fait universel, mais en tant<br />
que tel d’une certaine manière inattaquable,<br />
parce qu’il est le résultat de<br />
discriminations non volontaires. Bref,<br />
je dirais que la globalisation, si nous<br />
la comprenons sous l’angle philosophique,<br />
repose sur le fait que cette<br />
terre sphérique prend aujourd’hui la<br />
place centrale du monde et de l’image<br />
du monde, oscillant ainsi pour ainsi<br />
dire entre la dissipation et la destruction<br />
sur un point fixe, grâce à de<br />
nouvelles techniques d’éloignement<br />
à l’égard du monde, des distances,<br />
de la réalité, que nous utilisons sous<br />
la forme de la technologie informatique,<br />
et le retour du réel sous la forme<br />
de la terre, qui représente notre<br />
exil cosmique.«<br />
Peter Sloterdijk est professeur de<br />
philosophie et recteur de la Staatliche<br />
Hochschule für Gestaltung de Karlsruhe.<br />
(Traduit de l’allemand par Olivier<br />
Mannoni)<br />
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