» À vos marques, prêts, BLOGU Notre article « Les juristes francophones ne blawguent pas », publié dans notre numéro d’avril/mai 2006, a suscité de nombreux commentaires. Pour vous donner envie de devenir de fervents adeptes des blogues, nous avons fait appel à deux juristes déjà bien présents sur la toile. Il vous font part de leur vision et de leurs conseils pour apprivoiser ce nouveau médium. Par Patrick Cormier & Dominic Jaar Illustration par Anne Villeneuve 32 NATIONAL OCTOBER · NOVEMBER 2006
Les juristes curieux des tendances auront remarqué, au cours des dernières années, une augmentation régulière et diversifiée des pages Web de type « blogue ». Nouveau forum d’échange d’idées et d’informations pour les uns, outil de marketing pour les autres, les blogues auront un impact certain sur la profession juridique au cours des années à venir. L’offre de blogues juridiques en langue anglaise est grande, mais les juristes francophones prennent plus de temps à emboîter le pas. Nous explorerons plus loin les raisons qui, selon nous, expliquent ce phénomène. Nous soulignons toutefois au passage qu’il existe peu de documentation disponible en français pour le juriste qui s’intéresse à la question. Il s’agiraitlà peut-être d’une première explication. Qu’est-ce qu’un blogue, comment les blogues auront-ils un impact sur la profession juridique, comment devient-on un bon blogueur et quels sont les défis particuliers auxquels les juristes francophones doivent faire face? À vous de le découvrir au cours des prochaines lignes. Qu’est-ce qu’un blogue? Le « blogue » est la version française du mot anglais « Blog », une combinaison des mots « Web » et « log ». Il s’agit d’un journal publié sur le Web, en ordre chronologique inversé. Les premiers blogues prenaient souvent la forme d’un journal intime sur lesquels les auteurs jetaient aléatoirement leur prose sur des sujets d’actualité ou de peu d’intérêt pour autrui. On y exposait surtout ses réflexions personnelles sans toujours se soucier de l’utilité ou de la justesse de l’information transmise. Au cours des dernières années, la tendance s’est complètement inversée : de plus en plus de blogues spécialisés et cor- EZ! poratifs ont vu le jour. En fait, nous pourrions dire que nous assistons présentement à une véritable explosion des blogues partout sur la planète. À la fin du mois de juillet 2006, on comptait plus de 50 millions de blogues. Ce nombre double, sans s’essoufler et de façon régulière, tous les six mois depuis le début de 2003. En moyenne, deux blogues sont créés à chaque seconde. Le blogue est l’une des technologies sous-jacentes à un mouvement plus large de transformation de l’Internet que l’on nomme « Web 2.0 ». Web 2.0 représente une nouvelle façon d’expérimenter le Web pour les internautes, de façon beaucoup plus interactive et participative. Un internaute peut OCTOBRE · NOVEMBRE 2006 www.cba.org ainsi publier régulièrement grâce aux blogues, modifier facilement une foule de pages Internet inter-reliées grâce aux wikis et recevoir le contenu de ses sites favoris dans un seul lecteur de nouvelles grâce aux fils RSS et agrégateur de nouvelles. Le blogue et les juristes Plusieurs juristes établissent déjà une importante présence virtuelle grâce au blogue. On recense près de 700 blogues juridiques à travers le monde. Avocats, juges, professeurs de droit et étudiants ont adopté ce nouveau médium. En avril 2006, le Centre Berkman pour l’Internet et la société, de l’Université Harvard, positionnait l’impact des blogues juridiques de façon stratégique. « Les blogues transforment une grande partie de la société américaine, dont le gouvernement, la politique, le journalisme et le monde des affaires, peut-on lire sur le site du Centre. Au cours des quelques dernières années, les blogues ont influencé la formation juridique, la création et la diffusion des bourses d’études, ainsi que la pratique du droit. » Les blogues juridiques offrent une niche intéressante entre la publication d’articles traditionnels et le journalisme professionnel. Pour Dahlia Lithwick, auteure d’un article sur la façon dont les blogues ont révolutionné la couverture de l’information juridique, les blogues permettent de contourner la peur qu’ont les journalistes d’émettre leur opinion tout en faisant ressortir les aspects juridiques d’une nouvelle sans tomber dans le drame personnel. Ils offrent aux « penseurs du droit » un forum où ils peuvent mettre de côté la prudence qui les caractérise. « La blogosphère est florissante parce qu’elle se trouve à la frontière de la tour d’ivoire et de la culture populaire, écrit-elle. Il s’agit d’un terreau fertile à l’émergence d’une conversation juridique pertinente et collée sur l’actualité. » Preuve que les blogues constitue désormais une source d’information sérieuse et crédible, certains juges n’hésitent pas à démarrer leur propre blogue et vont même jusqu’à citer des blogues dans leurs décisions. C’est du moins le cas au sud de la frontière canadienne. Nous avons d’ailleurs accès à ces décisions par l’intermédiaire d’un blogueur, Ian Best, qui les recense sur son blogue 3L Epiphany (http://3lepiphany.typepad. com/3l_epiphany/2006/04/united_states_v _14.html). Le blogue dessert aussi très bien les intérêts du praticien du droit. En offrant un commentaire régulier sur l’activité juridique, le blogueur se positionne progressivement comme une ressource clé en la matière, attirant les invitations aux conférences et ciblant de nouveaux types de clients. La présence des blogues juridiques se fait surtout sentir aux États-Unis où l’on organise des conférences très pointues sur le sujet. Au Canada, les blogues font timidement leur apparition. Dans un article publié dans son numéro d’avril/mai 2005, le <strong>National</strong> nous présentait quelques blogueurs juridiques canadiens déjà bien connus. D’excellents blogues, dont celui de la Faculté de droit de l’Université de Toronto (http://utorontolaw.typepad.com/faculty _blog/) et le blogue collaboratif Slaw (http://www.slaw.ca) comptent de nombreux lecteurs. 33