Démocratie
Extrait du bulletin n°22 - RCN Justice & Démocratie
Extrait du bulletin n°22 - RCN Justice & Démocratie
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Éditorial<br />
Al’énoncé du sujet « RCN Justice & <strong>Démocratie</strong><br />
et le droit international », je ne peux m’empêcher<br />
de craindre d’être piégé par une série de<br />
concepts tels que « l’adéquation aux standards<br />
internationaux », « la justice transitionnelle », « la lutte<br />
contre l’impunité », « les droits fondamentaux ». Bien sûr<br />
leur évidence ne fait pas de doutes. Par contre, j’avoue<br />
que le fossé entre le vœu et la réalité décourage. Or c’est<br />
là que nous sommes attendus.<br />
Je suis d’abord renvoyé<br />
à certains articles<br />
d’anthropologues qui<br />
avancent que souvent<br />
le droit a fonction de<br />
symbolisation, mais<br />
que penser l’impensable<br />
n’est sans doute<br />
pas son domaine. Or<br />
l’impensable fait échec<br />
au droit, il le met en<br />
échec ainsi que toute<br />
tentative de symbolisation.<br />
En nommant transitionnelle<br />
la justice en<br />
construction, ne<br />
nomme-t-on pas un<br />
contexte précis et d’un<br />
même mouvement<br />
n’élude-t-on pas la<br />
question de la parole.<br />
Or la justice transitionnelle<br />
ne permet<br />
pas de qualifier des<br />
faits de manière juridique<br />
précise. Est-ce<br />
pour cette raison<br />
qu’on l’appelle ainsi?<br />
Quel avenir a ce<br />
concept qui voyage<br />
entre le juridique et le symbolique mais qui réussit toutefois<br />
à énoncer le besoin de justice, même après des crises<br />
graves, ce qui autrefois était impossible?<br />
François Ost nous a commenté dans son livre « Le temps<br />
du droit » qu’au Moyen-âge, le droit canon disposait d’un<br />
concept qui plaçait certaines normes dans un temps à<br />
venir qui n’était pas celui d’un autre monde ou quelconque<br />
paradis, mais qui n’était pas non plus encore de<br />
ce temps, pas incarné.<br />
Va pour la comparaison avec le Moyen-âge: souvent le<br />
droit international me fait l’effet du droit au Moyen-âge,<br />
c’est à dire un droit morcelé, désuni, différent selon les<br />
régions, ne recoupant pas forcément les territoires.<br />
Certainement la comparaison est-elle facile. Le droit<br />
international aujourd’hui est régi par des conventions,<br />
voire une coutume qui s’imposerait à tous. Mais ces<br />
conventions n’ont pas été toutes signées par les mêmes<br />
Etats. Et l’organisation au niveau mondial des compétences<br />
des juridictions nationales et internationales est encore<br />
précaire. Au niveau des poursuites et de l’effectivité<br />
des tribunaux, on sait à quel point les rapports de force<br />
déterminent le pouvoir judiciaire.<br />
Au Moyen-âge, changer de comté permettait souvent<br />
d’échapper à la justice.<br />
Allant de ville en<br />
ville, on allait de justice<br />
en justice. Aujourd’hui,<br />
le monde<br />
est un village : n’a-ton<br />
pas lu dernièrement<br />
que les Etats-<br />
Unis conseillaient à<br />
Laurent Nkunda,<br />
pourtant visé par un<br />
mandat d’arrêt pour<br />
crime de guerre depuis<br />
2005 de fuir le<br />
Congo et de chercher<br />
asile. Dans quel village<br />
?<br />
Bref, le crime de<br />
droit international est<br />
la plupart du temps<br />
impuni, même s’il est<br />
devenu punissable. Et<br />
être optimiste, c’est<br />
penser que ce n’est<br />
pas pour tout de<br />
suite : au Moyen-âge<br />
ont succédé les temps<br />
modernes. Il n’y a<br />
donc pas de raison de<br />
penser que le temps<br />
ne fera pas son œuvre.<br />
Œuvre de Franck Dikisongele<br />
Et là, nous avons notre<br />
part à construire. La<br />
part du colibri, comme dirait Marie-Louise Sibazuri.<br />
RCN Justice & <strong>Démocratie</strong> considère donc fondamental,<br />
et c’est d’ailleurs aussi convenu dans le statut de la Cour<br />
Pénale Internationale, de relier les organes de justice nationaux<br />
et les cours internationales. Ce lien se tissera dans<br />
un lent apprivoisement des unes et des autres.<br />
Il y a de tels écarts dans le monde entre des pays avec<br />
des archipels pauvres et des pays avec des archipels riches<br />
qu’on pourrait dessiner une autre carte du monde. Ce<br />
serait la carte des pratiques et des cultures judiciaires.<br />
On verrait que la justice de la Gombe à Kinshasa aurait la<br />
même couleur que la justice bruxelloise et que la justice<br />
dans un quartier de banlieue aurait la même couleur que<br />
celle d’un pays en crise, que des pratiques se ressembleraient<br />
à des milliers de km de distance…Relier ces différences<br />
incroyables autour de l’idéal de justice et penser<br />
cet idéal en fonction des contextes n’est pas une mince<br />
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