LE MARCHÉ DE L’art
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Ai Weiwei considère en effet que la manière la<br />
plus excitante de faire de l’art est de critiquer les<br />
problèmes concrets. Cet artiste profondément militant<br />
et contestataire, doublé d’un activiste politique,<br />
est un véritable pionnier sur la scène artistique.<br />
A 21 ans, il fait partie du groupe d’artistes<br />
Les Étoiles, une avant-garde opposée au réalisme<br />
socialiste chinois, prônant l’individualisation<br />
et l’expérimentation artistique. Il s’installe en<br />
1981 à New York, fréquente la Parsons School<br />
of Design, s’intéresse au ready made de Marcel<br />
Duchamp, décide d’intégrer totalement l’art dans<br />
sa vie, et vice versa. Il retourne à Pékin en 1993,<br />
pour rejoindre son père souffrant. Son profond<br />
désaccord avec le régime chinois ne fait alors<br />
que s’amplifier et son art devient plus subversif. Il<br />
entreprend, en 1995, la fameuse série de photographies,<br />
Study of perspective (1995-2003), lançant<br />
un doigt d’honneur à tous les grands symboles de<br />
pouvoir dont la tour Eiffel, l’opéra de Sydney, la<br />
Maison-Blanche, la Joconde de Léonard de Vinci<br />
et la place Tian’anmen. Cette série marque si bien<br />
les esprits que la première épreuve proposée aux<br />
enchères double son estimation, flirtant avec les<br />
14 000 $ 1 en 2006. Mais ces œuvres sont une denrée<br />
trop rare sur le marché : la dernière - un doigt<br />
lancé à la Joconde - a été mise en vente en 2008<br />
à Pékin. Ce travail moins bien reçu en Chine<br />
1) Tiananmen Fuck Off, tirage au gélatino-bromure d’argent,<br />
E.A., Artcurial Paris, le 29 juin 2006.<br />
qu’ailleurs, se vendait sans éclat pour 9 000 $,<br />
dans sa fourchette d’estimation 2 .<br />
Ai Weiwei conteste, sans cesse, avec irrévérence,<br />
et par tous les moyens possibles : photos, installations,<br />
performances, réseaux sociaux, et par son blog,<br />
l’un des plus visités de Chine. Dépassé par la portée<br />
de ses œuvres et de ses actes, le gouvernement<br />
chinois le fait surveiller de près et finit par le faire<br />
arrêter le 3 avril 2011. Ses studios et sa résidence<br />
sont perquisitionnés et ses ordinateurs confisqués.<br />
Une grande manifestation de soutien est organisée<br />
pour lui à Hong Kong le 17 avril. Le 7 mai, il est élu<br />
membre de l’Académie des arts de Berlin. Il est libéré<br />
sous caution le 22 juin, après avoir passé 81 jours<br />
en prison, surveillé 24 heures sur 24. En décembre,<br />
le Time Magazine l’élit “homme de l’année 2011”.<br />
Deux grandes expositions ont été inaugurées<br />
sans l’artiste ces derniers mois, Evidence au musée<br />
Martin Gropius de Berlin et la rétrospective du<br />
centre d’art Virreina de Barcelone 3 . Impossible<br />
pour Ai Weiwei de se rendre sur place, puisqu’il<br />
se trouvait privé de passeport. A Barcelone,<br />
on exposa notamment sa table de travail, pour<br />
mieux souligner son absence (On the Table). Le<br />
gouvernement chinois fait aujourd’hui preuve<br />
2) Untitled, photographie couleurs, 1999, #A/P, Beijing Council<br />
International Auctions, Pékin, le 7 décembre 2008.<br />
3) Evidence au musée Martin Gropius de Berlin (avril-juillet<br />
2014) et la rétrospective du centre d’art Virreina de Barcelone<br />
(novembre 2014-février 2015).<br />
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