Paul Sylvestre

la collection
la collection
fecit : Univers intimiste, nous sommes dans votre
salon, deux œuvres se font face !
PS : Intimiste non, je n’aime pas ce terme ! Épure
volontaire voire imposée. Je m’explique. J’aime être
surpris, d’où mon amour de l’art, je ne pourrais
vivre sans. Donc j’accumule. Chaque acquisition
revêt une histoire, un sentiment, une émotion, une
rencontre qui m’est propre. Avant j’entreposais,
j’accrochais ci et là. Véritable accrochage à l’italienne.
Puis un jour j’ai acquis
cette monumentalité
envoûtante, je fais
référence à l’ellipse que
vous pointez de Sophie
Hasslauer. Cette œuvre
est extraordinaire à mes
yeux. Elle ne dit rien, ne
montre rien et pourtant,
je ne m’en lasse pas. Elle vous répond, répond à vos
questions, vous projette et vous maintient. Je pourrais
m’étendre et évoquer mes souvenirs, mais non ! Je vous
laisse regarder.
Si les artistes se jouent de nous parfois ! Si l’art se
joue de nous ! C’est à mon tour de faire de même.
J’ai souhaité reproduire cela ici. Mettre en évidence
une œuvre. Dire et montrer qu’il s’agit d’art. Mais
pas que ! L’œuvre en contrepoint de Vincent Dulom,
qui vous fera dos ou face n’est donc pas là par hasard.
Essayez ! Soit vous êtes spectateur, soit vous êtes acteur.
Spectateur d’une idée mise en scène où vous vous
positionnez entre ces deux projections picturales. Je
joue l’artiste ! Je vous interroge et vous devenez acteur.
Cette œuvre est extraordinaire
à mes yeux. Elle ne dit rien,
ne montre rien, et pourtant,
je ne m'en lasse pas.
Autant de clés pour découvrir mon antre et surtout
pour vous donner les clés de ce qu’est l’art. Que
ressentez-vous ? Vous avez froid ? Vous frissonnez ?
Cela vous dérange ?
fecit : Vous aimez nous interroger, dites-vous.
Nous faire regarder. Moi par exemple j’ai envie de
toucher l’œuvre que l’on découvre en entrant
dans la cour. De m’installer dans votre deuxième
salon. Mais je ne sais
que faire. M’allonger
peut-être. Est-ce votre
voiture ? Nous passons
sans la voir ou bien au
contraire, nous scrutons
les moindres détails. Le
Givre s’est figé, comment
est-ce possible ? Estce
votre assise quotidienne ! Je ne sais plus que
dire ou que faire ! Tout ici laisse à penser l’art
ou du moins à penser différemment. Essayez-vous
d’orienter notre regard ?
PS : Vous cherchez à me faire dire ce que je ne veux pas
dire. Regardez plutôt.
Voyez ce qui m’entoure…
fecit : Une vue d’ensemble, un point nodal se
profile dans mon esprit. Tout y est sculptural ?
PS : J’aime beaucoup votre analyse.
Effectivement l’ensemble des œuvres et objets visibles
dans mon humble demeure est sculptural. J’aime être
en présence de volume. Mais ! Il y a toujours un mais.
Dans ma quête compulsive, une idée m’est venue. Il se
trouve que l’ensemble de ces œuvres, aussi sculpturales
soient elles, est pictural. « Picasso » par exemple,
une de mes dernières acquisitions, est avant tout une
idée, une réflexion sur l’art, sur l’Histoire de l’art.
Le volume s’est transformé en planéité. Seule la peau
sculpturale est conservée pour devenir une surface.
Le titre, n’en parlons pas, est plus qu’évocateur. Des
terminologies propres à la peinture donc. L’ellipse
se veut « substance », se veut ovale, reprend les codes
de l’antiquité ! Évoque une relation au passé, tout en
ne conservant que la forme. La 204 par exemple est
un travail de surface. L’objet conserve ses formes, son
nom, il est apparenté à une 204, mais n’en est plus
une.
Avez-vous remarqué mes jolis mugs ? Avez-vous
observé ma collection de disques ?
fecit : Justement, non ! Je n’y avais même pas prêté
attention. Ici encore il s’agit de déjouer notre
regard ?
PS : Rentrer en contact avec des objets. Être un objet à
penser, c’est la démarche engendrée par François Henri
Galland ou d’autres artistes de cette génération, teintée
d’humour. Mugs, vase, chaussure, plante verte, cadre
photo, où est le vrai du faux !
fecit : Frontière ou limite ?
PS : Je soulignerai une œuvre pour répondre à votre
question : Brillo.
Brillo est avant tout un objet, un objet signé, dessiné.
Votre regard s’est-il posé sur un carton qui n’en n’est
pas un ? Être au plus près du réel. Représenter le
réel : la peinture par ses textures, la sculpture par
ses volumes, la photographie par ses aplats et ses
profondeurs. Chaque élément représenté est choisi
avec minutie. Choix d’être représenté ou choix de
représenter. Montrer l’i-montrable. Générer un facsimilé.
Ni frontière, ni limites, que des distances…
Visite nonchalante. Expérimentation. Questionnement
dès la porte d’entrée. Autant d’œuvres signées ou non
pour générer une lisibilité. Faire croire, faire dire,
déranger, s’interroger et repartir interloqué.
photos ©Sophie Hasslauer
7 | OCTOBRE 2015 | FECIT FECIT | OCTOBRE 2015 | 7