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Dossier Les nouveaux modèles familiaux Portrait du psychologue André Forest

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éorganisation, avec les conflits et les désirs de vengeance à<br />

l’égard de l’ex-conjoint, les enfants représentent un enjeu extrêmement<br />

important. Ils sont souvent les personnes auxquelles<br />

les parents sont les plus attachés, et la tendance à les assimiler<br />

à leur propre avenir peut être forte ; cela peut aller jusqu’à<br />

l’aliénation parentale. L’utilisation des enfants pour punir<br />

l’autre parent en le privant de ses objets d’amour et de sa parentalité<br />

in<strong>du</strong>it une dynamique extrêmement corrosive et il<br />

faut dissiper la confusion entre le « conjugal » et le « parental »<br />

le plus tôt possible dans le processus. <strong>Les</strong> parents doivent comprendre<br />

que l’intérêt de leur enfant n’est pas assimilable à leur<br />

propre intérêt. <strong>Les</strong> besoins comme les trajectoires des acteurs<br />

doivent être distingués lors de la séparation et l’intérêt de l’enfant,<br />

dont tous se réclament, ne commande en rien la coupure<br />

avec l’un de ses parents. Pour bien se développer, les enfants<br />

ont besoin de tout le soutien dont leurs parents sont capables.<br />

La situation familiale va changer, c’est certain<br />

Comme dans toutes les familles, les besoins des enfants et<br />

des parents séparés évolueront avec le temps, de sorte que<br />

les arrangements <strong>familiaux</strong> adoptés, souvent à l’improviste, au<br />

moment de la séparation des parents devront nécessairement<br />

être ajustés aux nouvelles réalités. Par exemple, une nouvelle<br />

union conjugale pourra survenir qui provoquera une recomposition<br />

de la famille 3 . <strong>Les</strong> liens et les rôles <strong>familiaux</strong> seront alors<br />

reconfigurés en fonction des <strong>nouveaux</strong> membres, avec de<br />

bons défis d’ajustement pour tous. Or, ces deuxièmes unions<br />

étant plus fragiles que les premières, la probabilité qu’une<br />

nouvelle séparation y survienne est plus forte qu’elle ne l’était<br />

au moment de la première union. Au Canada, les enfants nés<br />

de parents recomposés vivraient trois fois plus de séparations<br />

parentales avant l’âge de 10 ans comparativement à leurs pairs<br />

nés dans une famille intacte 4 . À la séparation des parents, ou<br />

à leur recomposition, peuvent s’ajouter des changements de<br />

formule de garde comme le passage d’une garde partagée<br />

à une garde exclusive, ou l’inverse. <strong>Les</strong> besoins d’un enfant de<br />

huit ans seront très différents dans cinq ans, lorsqu’il franchira<br />

le seuil de l’adolescence. Pour s’adapter à ces changements<br />

naturels, les ex-conjoints, encore parents, doivent pouvoir<br />

communiquer entre eux pour convenir des ajustements requis<br />

dans leurs arrangements <strong>familiaux</strong> 5 .<br />

<strong>Les</strong> transitions familiales comportent des risques<br />

<strong>Les</strong> réorganisations provoquées par une séparation ou une<br />

recomposition résultent de choix parentaux posés dans l’espoir<br />

d’un mieux-être, mais elles représentent néanmoins un<br />

potentiel réel d’appauvrissement de la cellule familiale dans<br />

ses fonctions auprès des membres ; elles ont un coût. Un coût<br />

matériel, un coût psychologique et un coût social. Sur le plan<br />

matériel, les relocalisations coûtent cher, les services juridiques<br />

aussi. Il n’y a pas de nouvelles entrées d’argent, mais plusieurs<br />

nouvelles dépenses. Soit, il faut distinguer ici la séparation de<br />

la recomposition familiale, où le nouveau parent peut apporter<br />

des ressources matérielles supplémentaires, mais la complexification<br />

des arrangements <strong>familiaux</strong> en famille recomposée<br />

s’accompagne souvent de coûts humains et matériels substantiels<br />

6 . Au moment de la réorganisation, les membres de la<br />

famille connaîtront probablement des tensions, des craintes,<br />

des remises en question relationnelles et des besoins non comblés<br />

; leur capacité fonctionnelle au travail ou à l’école pourra<br />

en être affectée. Lors de ces épreuves, ceux et celles qui ont<br />

moins de réserves personnelles seront plus à risque de réactions<br />

inadaptées, elles-mêmes porteuses de tensions interpersonnelles.<br />

Sur le plan social, la transition peut menacer toute<br />

une partie <strong>du</strong> réseau de soutien : éloignement de la famille<br />

élargie <strong>du</strong> parent non gardien, réseau d’amis tronqué par la<br />

relocalisation, etc. 7 . Ce cumul des transitions dans la trajectoire<br />

familiale met à risque la stabilité émotionnelle et l’adaptation<br />

fonctionnelle des membres, parents comme enfants 8 .<br />

Dans ce contexte, la protection des acquis et l’élimination<br />

des pertes deviennent alors hautement stratégiques pour la<br />

capacité familiale. Nul besoin de mentionner ici que les conflits<br />

conjugaux, très coûteux, peuvent être extrêmement dommageables<br />

sur le plan des ressources matérielles, des liens<br />

d’attachement et de l’adaptation fonctionnelle des membres.<br />

Au contraire, la préservation des contributions matérielles,<br />

psychologiques et sociales de chaque parent peut faire toute<br />

la différence dans la réussite des transitions 9 . C’est là où la<br />

coparentalité peut avoir un effet salutaire.<br />

La coparentalité, sans miracle<br />

La coparentalité, c’est la coopération des parents dans l’actualisation<br />

de leurs rôles parentaux respectifs auprès de leur enfant<br />

commun 10 . Elle implique la capacité d’entretenir une relation<br />

fonctionnelle avec l’autre parent : partage des responsabilités,<br />

synchronisation des rôles, consultations appropriées lors des<br />

prises de décisions é<strong>du</strong>catives, respect des ententes, acceptation<br />

des différences dans le style de vie… Voilà autant de « défis<br />

coparentaux » pas toujours faciles à relever en tandem avec une<br />

personne avec laquelle les contentieux ne sont pas tous éteints.<br />

En fait, la coparentalité est un phénomène relatif : elle présente<br />

des variantes dans son intensité et ses formes d’engagement,<br />

de même que dans la qualité de la synchronisation<br />

mutuelle 11 . La coparentalité n’a pas à être parfaite pour être<br />

utile, et il faut s’attendre à ce qu’elle évolue avec le temps 12 . Elle<br />

n’implique pas nécessairement un partage « moitié- moitié »<br />

des dépenses ou de la garde physique des enfants. Toutes<br />

sortes de formules de contribution existent et elles peuvent<br />

être utiles au soutien de l’enfant. Dans tous les cas, cependant,<br />

la coparentalité implique le respect de la valeur de la<br />

contribution de l’autre parent, même quand on estime que<br />

celle-ci pourrait être plus grande. Sur la base des interactions<br />

de communication, de coordination des rôles et des conflits,<br />

Beckmeyer, Coleman et Ganong (2014) définissent trois<br />

patrons d’engagement coparental après une séparation :<br />

a) « coopératif et impliqué » (30 % de leur échantillon) ; b) « modérément<br />

engagé » (45 % des cas, caractérisés par un niveau<br />

modéré de communication, de coordination et de conflit); et<br />

DOSSIER | Psychologie Québec, vol. 32, n o 6 | 23

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