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Mai 2011 - Nevers

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VOYAGE HARASSANT d’une journée,<br />

Walter Benjamin et ses compagnons<br />

d’infortune arrivent en gare<br />

de <strong>Nevers</strong>. Ils doivent rejoindre à pied et sous<br />

escorte leurs lieux d’internement. Pour Walter<br />

Benjamin c’est le château de Vernuche situé à sept<br />

kilomètres (actuellement rue Colette à Varennes-<br />

Vauzelles). Très affaibli par ces journées dans le<br />

stade et par le voyage, et malade du cœur, il fait un<br />

malaise pendant le trajet. Un jeune homme qui,<br />

depuis Colombes, s’était attaché à lui et l’avait<br />

aidé, prend en charge sa lourde petite valise remplie<br />

surtout de livres et de papiers. Après deux heures<br />

de marche, ils arrivent à la nuit au château de<br />

Vernuche, grande bâtisse complètement vide. On<br />

les répartit par étages et par pièces et, épuisés, ils<br />

s’étendent à même le sol pour dormir. Le lendemain,<br />

ils découvrent qu’ils vont devoir vivre à près<br />

de 300 dans un bâtiment dénué de tout confort.<br />

<strong>Mai</strong>s très vite les internés s’organisent : ils construisent<br />

des latrines dans le parc, posent des<br />

conduites d’eau, tirent des lignes électriques,<br />

confectionnent des paillasses, trouvent des couvertures,<br />

se procurent une marmite à la cantine des<br />

soldats qui les gardent, fabriquent des gamelles et<br />

des gobelets avec des boîtes de conserve. Le troc<br />

fonctionne avec différents objets : cigarettes, boutons,<br />

clous, crayons… Ainsi, comme l’écrit Hans<br />

Sahl : « ...bientôt sortit du néant une communauté<br />

qui commença à fonctionner. Du chaos et du désarroi<br />

naquit une société ».<br />

crédit photos : droits réservés. C’EST À LA MI-SEPTEMBRE QU’APRÈS UN<br />

WALTER BENJAMIN, LUI, A INSTALLÉ SA PAILLASSE SOUS UN ESCALIER<br />

dans un réduit où l’on ne pénètre qu’à quatre pattes et que son<br />

jeune disciple a fermé par une vieille toile de sac. <strong>Mai</strong>s cet isolement<br />

est tout relatif ; l’intellectuel désemparé et à la santé fragile<br />

qu’il est, souffre de la promiscuité, du bruit, du dénuement. Malgré tout, il<br />

apporte sa contribution à la communauté en donnant des cours de philosophie<br />

en plein air pour auditeurs avertis qui le rémunèrent en cigarettes ou boutons<br />

de culottes ! Et puis l’espoir de pouvoir sortir du camp pour se rendre à<br />

<strong>Nevers</strong>, comme le font deux détenus cinéastes qui sont censés préparer un<br />

film, l’incite à créer une revue de haut niveau intellectuel qui permette de montrer<br />

aux français qui sont ceux enfermés ici comme ennemis de la France.<br />

Deux fois par semaine, il organise une réunion des quelques rédacteurs sous<br />

son escalier où sont lus les textes écrits sur du papier d’emballage. <strong>Mai</strong>s la<br />

revue ne verra pas le jour avant leur libération. Walter Benjamin, comme les<br />

autres détenus, a le droit d’écrire deux lettres par<br />

des cours<br />

semaine qui sont soumises à la censure. Dans ses<br />

lettres, il reste discret sur ses difficultés, s’inquiète de philosophie<br />

des interventions de ses amis pour le faire libérer, en plein air contre<br />

se préoccupe de l’impression de son Baudelaire. boutons et cigarettes<br />

Dans une lettre du 12 octobre à Gretel Adorno, il<br />

décrit un rêve qu’il a fait sur la paille et où l’on retrouve de nombreux symboles<br />

de son œuvre. On apprend dans une autre qu’il est en train de lire les<br />

Confessions de Jean-Jacques Rousseau. Il signale quelques personnalités présentes<br />

à Vernuche ou dans les camps voisins : les écrivains Hans Sahl et<br />

Herman Kesten ; le chef d’orchestre Hans Bruck... <strong>Mai</strong>s il y en avait d’autres<br />

tel le journaliste Hans Fitko (dont l’épouse, Lisa, a témoigné de sa rencontre<br />

Dans le cadre de l’inauguration de l’esplanade Walter-<br />

Benjamin, le samedi 14 mai, une conférence sera proposée<br />

par Bruno Tackels, essayiste et docteur en philosophie, sur<br />

le thème : “Walter Benjamin, quelques traces d’hier et<br />

d’aujourd’hui”... L'épisode de <strong>Nevers</strong> est passionnant pour<br />

lire<br />

et décrypter la pensée profonde du philosophe. Dans sa chair,<br />

il a vécu le "monde des vaincus" ; le seul qui écrit véritablement<br />

l'Histoire. Nous verrons comment ses intuitions profondes<br />

sont précieuses pour comprendre et décrypter les enjeux<br />

de notre monde contemporain dans ses multiples facettes.<br />

Conférence le samedi 14 mai à 15h30 à l’auditorium<br />

patrimoine<br />

humain et<br />

événementiel<br />

L’internement<br />

au camp de Vernuche Un prisonnier exemplaire<br />

avec W. Benjamin) ou l’homme de théâtre<br />

Max Schlessinger. Pendant ce temps,<br />

ses amis et admirateurs se sont mobilisés<br />

pour démontrer à la Commission<br />

interministérielle chargée de statuer sur<br />

chaque cas que la fidélité de Benjamin à<br />

la France et son opposition au Reich<br />

sont indiscutables. Ils y arrivent finalement<br />

et il est libéré de Vernuche le 16<br />

novembre 1939. <strong>Mai</strong>s n’arrivant pas<br />

véritablement à se décider à quitter<br />

Paris et sa chère Bibliothèque Nationale<br />

- quant il en était encore temps - il ne<br />

fuit la capitale qu’à l’arrivée des<br />

Allemands. Et après quelques tentatives<br />

ratées pour quitter la France, il arrive à<br />

passer la frontière espagnole à pied<br />

entre Banyuls et Port-Bou. Menacé<br />

d’être renvoyé en France, il se suicide le<br />

26 septembre 1940.<br />

une esplanade Walter-Benjamin à <strong>Nevers</strong> Bibliographie<br />

- “Walter Benjamin,<br />

Une vie dans les textes”<br />

de Bruno Tackels -<br />

Paris, Acte Sud (2009).<br />

- "Walter Benjamin,<br />

les découvertes d’un flâneur"<br />

in Magazine littéraire,<br />

n°408 (avril 2002).<br />

Rédaction : Jean-Louis BALLERET.<br />

Service municipal<br />

d’Animation du Patrimoine :<br />

contact au 03.86.68.46.25.<br />

in magazine <strong>Nevers</strong> ça me botte n°173 - avril/mai <strong>2011</strong>

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