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Elie Gourion<br />
L’Amour d’Ana<br />
<strong>Publibook</strong>
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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions <strong>Publibook</strong> en 2010
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Je tiens à remercier Aaron, mon père, qui,<br />
dans son amour de la langue française, et dans<br />
sa perspicacité à traduire mes idées, a fait que<br />
ce recueil de contes sera lisible et beaucoup<br />
plus revalorisé !
À Annick.
La guerre du bien<br />
(conte pour enfants accompagnés de leurs parents)
Chapitre I<br />
Il est de notoriété publique que <strong>les</strong> hommes ont cette<br />
fâcheuse habitude de ne s’aimer point – pour n’employer<br />
que cet euphémisme. La couleur de peau, la philosophie,<br />
<strong>les</strong> différentes mentalités, <strong>les</strong> us et coutumes, pour ne parler<br />
que de cela, sont-ils des facteurs déterminants ?<br />
L’éloignement peut-être ? Mais que veut dire loin ?<br />
Évidemment, il s’agissait là du passé et, alors, en l’an<br />
de grâce 2300, force était de s’apercevoir qu’un semblant<br />
d’harmonie régnait en notre monde.<br />
Jamais, de souvenir d’homme, notre brave planète<br />
n’avait connu plus grand calme, plus de sérénité et… de<br />
paix !<br />
Le monde était divisé en cinq puissances économiques<br />
et militaires qui ne se jalousaient, ni ne s’enviaient.<br />
Les Amériques vivaient en autarcie, comme tout un<br />
chacun.<br />
L’Europe, quant à elle et selon ses habitudes, se mêlait<br />
de tout… sauf de son propre sort !<br />
L’Asie était toujours animée par cet esprit de compétition<br />
et voulait surpasser ses concurrents, et cela à<br />
n’importe quel prix !<br />
L’Afrique était enfin fière de sa réussite, due en partie<br />
aux nombreux emprunts accordés pas <strong>les</strong> (généreux ?)<br />
continents voisins.<br />
Enfin, l’Océanie, toujours isolée géographiquement,<br />
s’en était fait, sinon une raison, du moins une fierté.<br />
Voici brièvement planté le décor de notre monde : un<br />
monde aimant, puisque dopé par l’épanouissement de chaque<br />
région.<br />
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Toutefois, contrairement à l’adage, <strong>les</strong> voies du Seigneur<br />
sont pénétrab<strong>les</strong>. En effet, Berck, le président de<br />
l’Europe, nourrissait un rêve secret : celui de menacer Hireux,<br />
l’incontesté chef de l’Asie. Berck, se sachant<br />
militairement plus puissant que son rival, pensait qu’une<br />
guerre, à ce moment précis, serait bénéfique pour son continent.<br />
L’Europe exigea donc de l’Asie la restitution<br />
intégrale de la mère Russie, puisque celle-ci était partagée<br />
entre <strong>les</strong> deux continents. Les Européens étaient persuadés<br />
que la Russie faisait partie intégrante de leur territoire.<br />
« C’est le bras de l’Europe ! », scandaient-ils et clamaientils<br />
au cours de vives manifestations.<br />
Que voulait donc Berck l’Européen ? S’annexer la Russie,<br />
la faire prospérer au sein de l’Europe ? Les<br />
diplomates, par leurs va-et-vient incessants, semblaient<br />
danser sur une musique composée par leurs dirigeants,<br />
afin d’exprimer – voire imposer – leurs idées. Mais la<br />
guerre, elle, n’attendait qu’une étincelle pour éclater.<br />
Moshe l’Américain observait ces manigances, mais<br />
avait, lui aussi, sa propre opinion quant à l’appartenance<br />
légitime de la mère Russie. Il pensait que si celle-ci<br />
finissait géographiquement sa course aux frontières de<br />
l’Alaska, elle jouxtait donc <strong>les</strong> épau<strong>les</strong> de son protecteur :<br />
<strong>les</strong> Amériques !<br />
Quant à l’Afrique et à l’Australie, el<strong>les</strong> restaient dans<br />
l’expectative, pensant avec justesse que le monde avait la<br />
même valeur avant ou après une guerre.<br />
Pourquoi la faire ? me direz-vous.<br />
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Chapitre II<br />
Vodkaski le Russe, fier de constater tout l’intérêt que<br />
portait le monde à sa nation, ne savait pas lui-même où<br />
situer sa patrie. Timidement, dans son esprit, germait<br />
l’idée – jusqu’à en devenir une certitude – que la Russie à<br />
elle seule formait un continent. Et ni l’Europe – cette<br />
naine puisque la moins étendue de nos terres – avec ses<br />
ambitions géantes, ni l’Asie – dont ni la population ni <strong>les</strong><br />
langages ne ressemblaient peu ou prou à ceux de ses compatriotes<br />
– ne pouvaient prétendre s’annexer la bonne<br />
vieille Russie. D’ailleurs, <strong>les</strong> Russes restaient persuadés<br />
que l’Asie serait bien vite vaincue si confrontation il y<br />
avait avec toutes <strong>les</strong> Russies.<br />
Quant aux Amériques, rien ne pouvait <strong>les</strong> rapprocher ;<br />
bien au contraire, trop de divergences existaient entre ces<br />
deux régions. Pour s’en convaincre, notre brave Vodkaski,<br />
n’avait qu’à penser aux films aux budgets faramineux, aux<br />
chewing-gums qui faisaient ressembler ces mastiqueurs à<br />
des ruminants, ou aux grosses cylindrées, servant essentiellement<br />
à faire étalage de fortunes… vraies ou factices.<br />
Berck, fort de son Europe à la vieille histoire, et Hireux,<br />
déterminé par son Asie besogneuse, se montraient du<br />
doigt. Mais le bras était russe !<br />
Vodkaski décida donc de parcourir le monde pour apaiser<br />
<strong>les</strong> tensions.<br />
17
On le retrouva donc en Europe, serrant la main de<br />
Berck. Leur tête-à-tête dura une journée entière et se prolongea<br />
une partie de la soirée. C’est soulagés qu’ils<br />
s’adonnèrent à l’incontournable séance photo, séance qui<br />
symbolisait par là même la fin des entretiens graves et<br />
sérieux. Nul doute que la publication de ces photos aurait<br />
plus d’impact que tous <strong>les</strong> beaux discours…<br />
De toutes ces palabres, il ressortit que <strong>les</strong> Européens<br />
étaient convaincus que l’histoire du monde était l’histoire<br />
de l’Europe ; quant aux Russes, ils arguaient que leur territoire<br />
était cinq fois plus grand que la vieille Europe.<br />
C’était un argument !<br />
Vodkaski, un peu déstabilisé par la fierté des Européens,<br />
déclara : « Le petit frère – l’Europe – désire être<br />
l’aîné, mais la guerre bouscule la famille ! »<br />
On put dès lors entrapercevoir des sinistres… euh des<br />
ministres ressemblant à des automates se forger des rictus<br />
qui se voulaient être des sourires, serrer des mains rusées<br />
et teintées d’hypocrisie. Mais Vodkaski ne voulait pas<br />
d’une guerre, et, en être le détonateur ou la cause horripilait<br />
le peuple russe. Il quitta l’Europe pour se diriger<br />
directement vers cette Asie qui se targuait d’aimer véritablement<br />
la vieille et ô combien vénérable Russie.<br />
Hireux affirma que la ressemblance entre <strong>les</strong> deux espaces<br />
n’était pas seulement physique, mais métaphysique :<br />
« Il faut dépasser la forme des yeux pour ne s’attacher<br />
qu’à ce qu’ils sont capab<strong>les</strong> de faire, affirma sentencieusement<br />
Hireux… Fabriquer des larmes de joie ! »<br />
Cette phrase eut le don de plaire énormément à Vodkaski,<br />
et <strong>les</strong> ruses… euh <strong>les</strong> Russes se mirent soudain à<br />
réaliser que, finalement, ces Asiatiques étaient plus proches<br />
d’eux, et que <strong>les</strong> liens de parenté étaient somme toute<br />
plus réels qu’il n’y paraissait !<br />
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