lire les premières pages - Publibook
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Xavier Patrigeat<br />
Le Rêvaliste<br />
Entre rêve et réalité<br />
<strong>Publibook</strong>
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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions <strong>Publibook</strong> en 2012
Inconnue…<br />
C’était sans doute l’hiver, je me souviens de cette<br />
écharpe qui me collait à la peau. Ou bien, je me trompe.<br />
C’était juste le grand vent d’automne qui me frôlait le cou.<br />
En tout cas, ce n’était pas le printemps ; ou alors, son début,<br />
avec ses grands jours de soleil et ses lendemains<br />
pluvieux. Une certitude, je ne l’ai pas connue un soir d’été<br />
à moins que ses yeux m’aient glacé le cœur et que, par<br />
précaution, je me suis camouflé dans cette longue chaussette<br />
tricotée par ma mère.<br />
Oh ! Je sais bien que je divague… Mais, il faut reconnaître<br />
que ces sensations de froideur et de bien-être se<br />
confondaient ce jour-là. Il faut dire que la petite bise<br />
n’avait pas fait autant de dégâts sur ma petite mine que ce<br />
regard posé sur moi. Elle ne cessait de me mirer et je<br />
n’osais en faire autant, par timidité sans doute. Mon visage<br />
se décomposait seconde après seconde. Et pourtant, je ne<br />
quittais pas la scène. Je restais planté là telle une proie qui<br />
se laisse mourir sans se débattre. Elle était là, ma prédatrice,<br />
mon amoureuse, qui devait me dévorer avant l’hiver<br />
ou le printemps, l’automne peut-être. Il n’y a pas de saison,<br />
ni même de temps quand la passion vous arrache <strong>les</strong><br />
yeux. Je devenais de plus en plus aveugle dirigé par ces<br />
deux pupil<strong>les</strong> qui prenaient le pouvoir sur <strong>les</strong> deux miennes.<br />
Pire encore, je prenais du plaisir à me laisser envahir.<br />
Et puis, elle baissait <strong>les</strong> yeux et me quittait sans adieu.<br />
Un instant, je me sentais seul. Mais, très vite, ses yeux me<br />
revenaient en mémoire. J’aurais voulu la suivre,<br />
9
l’embrasser ou, tout simplement, lui dire merci pour ce<br />
petit bonheur. Mais cette satanée timidité me l’interdisait.<br />
Et puis, à quoi bon ? De quel droit pouvais-je la suivre ?<br />
A-t-on déjà vu un mouton courir après une louve ?<br />
Je n’arrivais pas à quitter l’endroit. J’étais planté au<br />
beau milieu de ce parc Saint Pierre en plein centre<br />
d’Amiens et me sentais bien bête à l’instar de tous ces<br />
volati<strong>les</strong> qui prenaient leur bain sur l’étang du parc. Puis,<br />
assis sur de vieil<strong>les</strong> lattes de bois, je songeais à ce qu’il<br />
aurait pu se passer si j’avais osé. Oser lui dire que j’étais<br />
sous le charme, oser lui dire que je n’avais jamais vécu un<br />
tel moment… Bref, oser lui dire tant de choses quitte à<br />
être ridicule ! N’est-ce pas cela d’ailleurs être amoureux,<br />
n’est-ce pas tout simplement être honteux de ces gestes au<br />
point de ne pas être à la hauteur de l’événement. J’avais,<br />
sans doute, laissé passer ma chance. Que dis-je : ma vie !<br />
L’amour de ma vie venait de me quitter et je n’avais pas<br />
su réagir. Un minable, voilà ce que j’étais ! J’étais planté<br />
sur ce banc, planqué derrière ma grosse laine et je me morfondais.<br />
Il était bien temps ! Elle était déjà loin… Un stylo<br />
traînait dans mes poches ainsi qu’un papier de convocation<br />
pour un nouveau casting. Je le retournai puis je me mis à<br />
écrire tout ce que je pensais d’elle et de moi surtout qui<br />
était là comme une lopette à me lamenter sur mon sort :<br />
Il n’y a pas de rencontre s’il n’y a pas de mots !<br />
Ne serait-ce qu’un « bonjour » pour donner le tempo…<br />
Comment donc ai-je pu être alors aussi idiot ?<br />
Oui, je me sens bien nul d’avoir fuit sans un mot !<br />
N’empêche que maintenant, cloué sur ce vieux banc,<br />
Ne sachant réagir, je pleure tout mon être !<br />
Une plume à la main, je ne sais où me mettre,<br />
Et me dit que pleurer, ce n’est plus le moment !<br />
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Après ces quelques alexandrins, je fuyais cet endroit.<br />
Le parc commençait à être désert et le jour laissait place à<br />
la pénombre. J’étais de plus en plus mal et, tête baissée et<br />
épau<strong>les</strong> lâches, je traînais mon corps jusqu’à<br />
l’appartement. Les rues étaient peuplées de jeunes qui se<br />
rendaient dans le quartier Saint-Leu sans doute pour vider<br />
quelques pintes de bières. Je croisais également quelques<br />
clochards qui mendiaient à chaque coin de rues : ils traînaient<br />
notamment le long du Boulevard Alsace-Lorraine ;<br />
et ce, jusqu’à la gare située quelques dizaines de mètres<br />
plus haut. Je <strong>les</strong> connaissais tous notamment pour avoir<br />
souvent discuté avec certains d’entre eux. Il m’arrivait, en<br />
effet, de me prendre pour l’Abbé Pierre et écouter leur<br />
problème, leur passé douloureux… Toutefois, je n’avais<br />
pas cette ambition ce jour-là. Je me souviens, d’ailleurs,<br />
avoir tracé mon chemin en entendant l’un d’eux<br />
m’interpellait. Je n’avais pas ma tête à entendre leurs palabres<br />
souvent plaintifs et misérab<strong>les</strong>. Mon cœur était lui<br />
aussi des plus misérab<strong>les</strong> et n’avait aucunement la force<br />
d’endosser d’autres conversations avec ces miséreux alcooliques.<br />
Je me faufilais alors dans la rue Ju<strong>les</strong> Barni et<br />
avançais à grands pas jusqu’à mon appartement. J’habitais<br />
le quartier dit Saint-Anne, rue Leprince. C’était un petit<br />
appartement (voire un studio) où tout était disposé très<br />
simplement : une kitchenette, un coin salon et un petit coin<br />
« dodo ».<br />
En rentrant, je me pris un café bien corsé et je me mis à<br />
écouter des musiques tristes. N’étais-je pas en train de<br />
sombrer dans une quelconque dépression passagère ? En<br />
tout cas, une chose était certaine : je n’avais le goût à rien<br />
et plus rien ne semblait avoir de goût ! Je m’assoupissais<br />
sur le canapé du salon en espérant très vite oublier ce visage<br />
qui m’entêtait depuis cette traversée du parc. Nous<br />
étions une de ces saisons où l’amoureux arrête le temps !<br />
Je ne me souviens pas de cette journée à partir de ce moment…<br />
L’alcool sans doute ! J’avais entamé une bouteille<br />
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de whisky qui traînait dans le placard. Enfin, quand je dis<br />
« entamé », c’était bien plus que ça… Je crois que je me<br />
suis endormi sur le canapé après quelques verres bien servis<br />
! Je me rappelle simplement du bruit de la bouteille qui<br />
roulait dans l’appartement. Un appartement, d’ailleurs, qui<br />
semblait tout nouveau pour moi : Etait-ce cette rencontre<br />
qui m’avait tant troublé ? Je ne reconnaissais pas <strong>les</strong> pièces,<br />
<strong>les</strong> murs ; choqué certainement par cette aventure<br />
matinale. Enfin, je dis « matinale »… Quelle heure étaitil<br />
? Quand étions-nous ? Je n’en savais rien ! Je n’en sais<br />
toujours rien ! Ce dont je me rappelle c’est simplement ce<br />
regard qui me fuyait à chaque minute ! Allais-je le revoir<br />
un jour ou l’autre ? Etait-il du passé pour toujours ? Mes<br />
paupières se faisaient lourdes, mes yeux se fermaient ; je<br />
crois qu’ils pleuraient aussi…<br />
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Sommeil<br />
La gueule de bois, je quittai mon lit pour me retrouver<br />
sur une île côtière. « Allongé sur le sable » comme le dit la<br />
chanson de Renaud, je profitais du soleil qui me chauffait<br />
le ventre. J’étais dans l’un de ces moments de ma vie où le<br />
farniente prend le dessus ! Rien faire était devenu mon<br />
leitmotiv dans cet endroit paradisiaque où, comme par<br />
magie, elle faisait son grand retour. Elle était là, à côté de<br />
moi. Je n’y croyais pas… Nous étions au bout du monde et<br />
mon rêve se réalisait. L’espionnant avec un verre de cocktail<br />
à la main, je la voyais chercher le soleil. Une fois<br />
allongée sur cette étendue sableuse, elle se munissait<br />
d’une paire de lunettes de soleil ainsi que d’un gros livre.<br />
Quant à moi, il fallait bien que je l’approche. Il fallait bien<br />
que je lui fasse sentir ma présence. Il fallait qu’elle se souvienne.<br />
Alors, je m’approchais avec autorité essayant de<br />
provoquer une rencontre qui aurait pu me permettre de<br />
connaître, pour la première fois, le son de sa voix. Je<br />
m’avançais. Au fil des pas, le stress de la possible rencontre<br />
me crispait quelque peu. Toutefois, je ne faisais pas<br />
marche arrière comme j’aurais très bien pu le faire auparavant.<br />
Je dominais mes faib<strong>les</strong>ses avec une certaine<br />
aisance et une grande surprise. A quelques mètres d’elle,<br />
mon rêve se brisa à cause d’une maudite branche morte<br />
qui croisait mon chemin. Moi, maladroit, je ne faisais pas<br />
dans la dentelle à tel point que je me pris <strong>les</strong> pieds dans ce<br />
vieux bois pourri. Ni une, ni deux, je m’encastrais le nez<br />
dans le mur du bar et m’assomma comme un idiot !<br />
Je me réveillais en ne voyant personne…<br />
13
J’étais seul. Pas de plage, pas de soleil. Il n’y avait<br />
qu’un lit, ma mélancolie et moi. J’avais à la fois la sensation<br />
de vertiges et de mal-être. Je ne comprenais que mal<br />
ce qu’il venait de m’arriver. J’étais seul et si loin de ce<br />
bout de sable sur lequel je venais de vivre un moment<br />
inoubliable.<br />
Lever difficile voire pénible, l’odeur de whisky imprégnait<br />
le studio. Je nettoyais la pièce à grands coups de<br />
serpillère. J’étais déjà « à la bourre ». Je préparais mon<br />
petit déjeuner tout en me rappelant ce drôle de rêve. J’étais<br />
si bien, si heureux dans ce petit paradis terrestre. Voilà que<br />
la réalité avait repris ses droits, sa priorité en me séparant<br />
de cet être qui m’obnubilait…<br />
La journée commençait et pourtant, j’avais l’impression<br />
de ne pas être dans le monde réel. J’étais comédien et je<br />
traînais de petit rôle en petit rôle. Quelques années auparavant,<br />
certains scénaristes et réalisateurs me voyaient<br />
comme la star de demain. J’y ai d’ailleurs longtemps cru<br />
jusqu’au jour où j’ai compris la cruauté de ce métier. Aujourd’hui,<br />
je me contente de faire quelques apparitions<br />
dans des courts et longs métrages ou encore jouer<br />
l’homme comblé par une quelconque machine à laver ou<br />
un je ne sais quel savon dans une quelconque publicité qui<br />
ferait le bonheur de la pause « pipi » du téléspectateur.<br />
C’était d’ailleurs pour une « réclame » que le radio-réveil<br />
m’avait éloigné de mes songes. En effet, je me dépêchais<br />
de quitter l’appartement pour me rendre sur le lieu du<br />
tournage.<br />
La matinée fut longue. Sans cesse, je pensais à cette<br />
fille dont je ne savais plus trop si elle existait ou non. A<br />
chaque « Moteur ! » lancé par le réalisateur, je restais souvent<br />
inerte songeant à ce qui venait de m’arriver. Plusieurs<br />
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fois le cinéaste me lançait des noms d’oiseaux, agacé sans<br />
doute par mes étourderies et mon envie de quitter <strong>les</strong><br />
lieux. D’ailleurs, dès la fin du tournage, en fin d’aprèsmidi,<br />
je fonçais en laissant un petit « à demain ! » derrière<br />
moi me fichant bien de tout ce qu’il venait de dire.<br />
Sur le chemin du retour, je descendais du train et flânais<br />
dans <strong>les</strong> rues en espérant la croiser ou, tout au moins,<br />
lui trouver un sosie. Mais, rien. Pas l’ombre d’une ressemblance.<br />
Je rentrais chez moi en essayant de me faire une<br />
raison. Peu d’appétit, juste l’envie de ruminer, me dire que<br />
je n’aurai plus jamais ce bonheur. Il n’en restait qu’un<br />
regard qui flottait dans mon esprit et qui, au fil des minutes,<br />
devenait de plus en plus flou… Je fatiguais, la nuit<br />
avait été courte sans doute et, après avoir avalé quelques<br />
aspirines, je m’endormais.<br />
15
Ou suis-je ?…<br />
Il y avait un son d’harmonica qui envahissait la plage<br />
presque désertique. Le soleil tapait fort à tel point que j’en<br />
concluais d’ailleurs que nous devions être dans le milieu<br />
de la journée. Les volets des bungalows étaient, en effet,<br />
fermés et je supposais que tous <strong>les</strong> locataires étaient en<br />
pleine sieste ! Les pieds nus, j’avançais dans le sable épais<br />
m’approchant de la mer colorée par <strong>les</strong> coraux jaunes,<br />
orange, verts également. Je pensais bien me baigner dans<br />
cette eau calme. Ainsi, retirant mes affaires, je me trempais<br />
timidement le bas du corps. Surpris par la tiédeur de<br />
la température de l’eau, je me jetais rapidement dans cette<br />
étendue.<br />
Je fus vite rejoint par quelques bronzés qui<br />
m’accompagnaient dans ma trempette. Moi qui, jusqu’alors,<br />
ne pensais connaître que <strong>les</strong> mers et océans<br />
glaciaux de l’hémisphère nord de notre Terre, je<br />
m’égayais dans cette eau claire et plaisante de douceur.<br />
Et puis, l’appétit se fit sentir. Je partais à la recherche<br />
d’une brasserie. J’approchais petit à petit d’un snack-bar<br />
où l’odeur des frites et du steak dominait la pièce. Je<br />
m’asseyais au bar et fit ma commande. Avalant le sandwich<br />
avec voracité, je me rassurais en regardant <strong>les</strong> gens<br />
dévorer leur repas à leur tour. J’étais heureux et je ne me<br />
l’expliquais pas.<br />
Ballonné par ce copieux déjeuner, je filai naturellement<br />
dans un vaste appartement qui s’avérait être le mien. Je<br />
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m’allongeais afin de commencer ma sieste… Quand soudain,<br />
quelqu’un cliqua la porte. Je me levai lourdement et<br />
fonça vers la porte légèrement aigri. « Un instant, criai-je,<br />
le temps d’enfiler un maillot de corps et je vous ouvre ! ».<br />
C’était elle, celle qui me noyait dans un doux moment de<br />
bonheur depuis mon dernier voyage là-bas ou plutôt ici sur<br />
cette île que je ne connaissais pas. Toutefois, ce moment<br />
était si magique que cette question « où suis-je ? » ne me<br />
traversait plus l’esprit. Seuls ses mots, ses gestes et son<br />
être comptaient. Je me souviens encore de son entrée et de<br />
la sensualité de sa voix : « Salut toi ! T’as bien dormi ? »<br />
m’affirmait-elle avec délice et une pointe d’ironie. Moi, je<br />
ne savais qu’approuver ses propos et je hochais de la tête<br />
sans broncher à sa question si brutale et autoritaire qui<br />
était pleine de familiarité. Mon mutisme ne semblait pas la<br />
déranger à tel point qu’elle se lâchait dans un monologue<br />
qui racontait sa matinée avec sa soi-disant amie qui l’avait<br />
emmenée visiter la région. Ce long regard paraissait<br />
l’avoir également affectée et émue. Ainsi, selon ses dires,<br />
la matinée fut belle et agréable. Je ne comprenais absolument<br />
rien : Pourquoi voulait-elle me raconter toutes ces<br />
choses ? Elle me parlait comme à son propre petit ami :<br />
c’était à la fois délirant et jouissif, à la fois incroyable et<br />
merveilleux…<br />
Après un jus d’orange, elle me proposait une baignade.<br />
Nous nous amusions et, m’allongeant sur le sable, je pensais<br />
à tout ce qui m’arrivait… Je ne comprenais pas, elle<br />
était, de nouveau, là, près de moi. Un seul détail en<br />
moins : pas de berceau et, par là même, pas de bébé.<br />
Dans un sens, je l’avais véritablement connu sur cette<br />
plage. Nos <strong>premières</strong> conversations s’étaient construites<br />
sur ce petit coin de paradis et en aucun cas dans cet affreux<br />
parc !!<br />
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