Guide des documents relatifs a I'Amerique du Nord fran~aise et ...

Les relations de la Propagande avec la Compagnie de Jesus nuent encore plus difficiles,
particulierement au debut. Les jesuites virent dans la Congregation une concurrente, et ce, des sa
creation. En 1625, la Propagande ecrivit au general des jesuites, Muzio Vitelleschi, s'infonnant quant
a la possibilite de fonder des missions dans Ie Nouveau Monde. Vitelleschi repondit aussit6t que son
ordre avait deja envoye trois de ses membres en Amerique du Nord onze ans auparavant (pierre Biard,
Enemond Masse et Jacques Quentin, ainsi que Gilbert du Thet, un frere conyers), et que cette annee-1a,
trois jesuites (Charles Lalemant, Enemond Masse et Jean de Brebeuf) et deux freres conyers (Gilbert
Burel et Franc;ois Charton) avaient ete envoyes au « Canada confinante con la Nuova Francia »37.
[Voir la traduction dans I'Annexe A.] L'histoire des missions jesuites chez les Hurons et de leur fin
tragique et soudaine a la fm des annees 1640 est trop connue pour etre racontee ici. Bien que la
Compagnie de Jesus ait envoye de temps a autre des listes de ses missionnaires a la Propagande, il y
a lieu de noter 1'independance de facto des jesuites d' Amerique du Nord par rapport a la Congregation,
independance qui dura jusqu'a la creation du diocese de Quebec en 1674. Les jesuites insistaient pour
jouir des memes privileges en Amerique du Nord que ceux qui leur avaient ete accordes aux Indes
orientales. Naturellement, la Propagande soutenait que les autorisations etaient accordees a tous les
missionnaires sans discrimination et que les jesuites n'avaient pas droit a un traitement de faveur 8 •
Suite a ce conflit, on nota une absence presque totale de cooperation entre la Compagnie et la
Propagande, ce qui fut aggrave par Ie fait que presque tous les missionnaires jesuites etaient franc;ais
et traitaient avec la France. La nomination de Laval au poste de vicaire apostolique mit finalement
un tenne a cette hostilite, car celui-ci avait toujours eu de bonnes relations avec eux 39 • A la fin du
XVIII" siec1e,lorsque les jesuites furent supprimes et disperses, Us demeurerent au Canada en tant que
missionnaires seculiers dependant de l' eveque de Quebec, Briand, qui avait rec;u pour instruction
d'executer Ie bref Dominus ac Redemptor qui dissolvait la Compagnie «pacate ac tranquille »40.
Quant aux colonies britanniques d' Amerique, la Propagande, apres avoir rec;udes renseignements sur
Ie Maryland au XVII" siec1e, n'entendit plus parler d'elles. Les jesuites y devinrent les seuls
missionnaires et rec;urent leurs autorisations directement de leurs provinciaux anglais 41 • Lorsque Ie
diocese de Baltimore fut cree en 1789, Ie c1erge seculier des Etats-Unis ne comptait que d'anciens
jesuites, dont Carroll, de sorte qu'on l'accusa de fonner une clique puissante et exc1usive 42 • A cette
epoque, toutefois, la Propagande delegua l'administration des anciennes colonies britanniques a l'eveque
de Baltimore, et toute rivalite avec la Compagnie naguere toute-puissante etait maintenant chose du
passe.
Les relations que la Propagande entretenait avec d'autres ordres reuvrant en Amerique du Nord
furent plus simples et ne poserent jamais de problemes. Les capucins, qui avaient ete actifs en Acadie
aux debuts de la colonisation europeenne et a qui l'on confie plus tard des missions en Louisiane,
entretinrent des relations solides et durables avec la Propagande 43 • Les recollets se trouvaient dans la
meme situation. En fait, lorsque la Propagande mentionna pour la premiere fois la necessite de creer
un diocese au Canada, c'est un recollet qui fut choisi 44 • Les sulpiciens n'entretenaient aucune relation
avec la Propagande, n'ayant etabli de liens qu'avec Paris, et, si l'on fait exception de la controverse
susmentionnee entre Champvallon et Laval, ils ne poserent pas non plus de problemes a la
Congregation 45 • Les spiritains, venus au Canada et a Saint-Pierre-et-Miquelon vers la fin du XVIII"
siec1e, furent envoyes et diriges par leurs superieurs de Paris. Ceux-ci demanderent souvent des
autorisations a la Propagande et rendaient compte de la situation dans leurs missions 46 •
Les relations entre la Propagande et Ie clerge seculier d' Amerique du Nord etaient alors tres
directes et bien structurees. n ne fait aucun doute que tous - des eveques aux simples missionnaires
- consideraient Rome, et plus particulierement la Propagande, comme la source de leur competence
territoriale et de leur pouvoir spirituel. On ne peut pas en dire autant des ordres reguliers, puisque
leurs membres se devaient d'etre loyaux et envers Rome (la Propagande) et envers leurs superieurs
directs. Et pourtant, a part quelques exceptions importantes, eux aussi entretinrent de bonnes relations
avec la Congregation, particulierement apres la creation des eveches de Quebec et de Baltimore.
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