Guide des documents relatifs a I'Amerique du Nord fran~aise et ...
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l' Annexe A.] Au debut, l' Amerique <strong>du</strong> <strong>Nord</strong> <strong>et</strong>ait consideree comme une contree vide, importante pour<br />
ses habitants sauvages <strong>et</strong> barbares, <strong>et</strong> non pour les quelques Europeens qui s'y <strong>et</strong>aient installes 65 . En<br />
1642, Pacifique de Provins refusa d'aller en Acadie, qu'il decrivait comme une sterile <strong>et</strong>en<strong>du</strong>e sauvage<br />
recouverte de neige pendant six mois de l'annee <strong>et</strong> de for<strong>et</strong>s ou on ne pouvait franchir plus d'un mille<br />
tous les cinq jours. Et pis encore, les Indiens <strong>et</strong>aient tres peu nombreux, pas plus de 500 disperses<br />
sur 200 ou 300 lieues. Pacifique n'avait pas l'intention de « finir sa vie a confesser 40 catholiques<br />
fran~ais ». C'est pourquoi il demanda a <strong>et</strong>re envoye ailleurs en Amerique <strong>du</strong> <strong>Nord</strong>, Ia ou il y avait<br />
« beaucoup plus de sauvages a christianiser »66.<br />
Suite a l'echec <strong>des</strong> missions jesuites chez les Hurons a la fm <strong>des</strong> annees 1640 <strong>et</strong><br />
l'augmentation <strong>du</strong> nombre d'Europeens qui immigraient vers Ie Nouveau Monde, les missions chez<br />
les Indiens perdirent de leur importance, alors que la necessite de maintenir la vraie foi chez les colons<br />
catholiques se faisait plus vive. Laval, dans les rapports ct<strong>et</strong>ailIes qu'il envoyait a la Propagande<br />
chaque annee, ne consacrait habituellement que quelques lignes parmi les dernieres aux missions<br />
indiennes, bien que sa parfaite collaboration avec Ie Seminaire <strong>des</strong> missions <strong>et</strong>rangeres de Paris Ie<br />
rendft plus conscient <strong>des</strong> besoins <strong>des</strong> missions que tous ses successeurs 67 . En 1729, Dosqu<strong>et</strong> demanda<br />
a la Propagande la permission d'ordonner « <strong>des</strong> natifs de ce pays» ad titulum missionis. Le lecteur<br />
d'aujourd'hui risque de voir dans c<strong>et</strong>te expression de Dosqu<strong>et</strong> une allusion aux Indiens <strong>du</strong> Canada,<br />
mais les responsables de la Propagande savaient fort bien que Dosqu<strong>et</strong> songeait aux Europeens nes au<br />
Canada, <strong>et</strong> il n'y eut aucune confusion 68 . Plus tard encore, en 1769, Briand informait la Propagande<br />
qu'il esperait recevoir l'autorisation d'utiliser d'anciens jesuites pour les missions indiennes, « pour les<br />
quelles les Canadiens n'ont gueres de gout mais que devrois-je faire »@. La Propagande <strong>et</strong> Ie clerge<br />
reuvrant au Canada (avec quelques exceptions notables chez les jesuites) avaient adopte une attitude<br />
a l' egard <strong>des</strong> missions indiennes similaire a celie de la soci<strong>et</strong>e <strong>et</strong> <strong>du</strong> gouvernement fran~ais. Au debut<br />
de la colonisation, les deux consideraient la conversion <strong>des</strong> autochtones comme primordiale. Plus tard,<br />
les besoins <strong>des</strong> colons europeens devinrent prioritaires aux yeux de tous 70 •<br />
II ne fait guere de doute que l'attitude de la Propagande envers l' Amerique <strong>du</strong> <strong>Nord</strong> changea<br />
au cours <strong>des</strong> XVII. <strong>et</strong> XVIII. siec1es selon l'evolution survenue en France <strong>et</strong> en Angl<strong>et</strong>erre. D'une<br />
part, l'immuabilite de leur mode de travail <strong>et</strong> l'uniformite de leurs politiques nord-americaines semblent<br />
indiquer que les prelats de la Propagande resistaient au changement, <strong>et</strong> que, comme tous les<br />
bureaucrates, ils favorisaient souvent la machine au d<strong>et</strong>riment <strong>des</strong> objectifs pour lesquels elle avait <strong>et</strong>e<br />
creee. D'autre part, leur meilleure connaissance de la geographie <strong>et</strong> <strong>des</strong> evenements <strong>du</strong> Nouveau<br />
Monde, leur attitude envers la conversion <strong>des</strong> Indiens, ainsi que la grande quantite de <strong>documents</strong><br />
nord-americains re~us (particulierement au cours de la seconde moitie <strong>du</strong> XVIII. siecle), montrent que<br />
les responsables de la Propagande se faisaient la meme idee de l' Amerique <strong>du</strong> <strong>Nord</strong> (un peu plus<br />
confuse, toutefois, <strong>et</strong> moins d<strong>et</strong>aillee) que leurs homologues anglais <strong>et</strong> fran~ais, <strong>et</strong> prenaient souvent<br />
leurs decisions a partir <strong>du</strong> meme eventail d'options. Reste a d<strong>et</strong>erminer la raison de tout cela.<br />
5. Vne ere de revolutions<br />
Sous l' Ancien Regime, les changements avaient <strong>et</strong>e si lents que la vie <strong>des</strong> citoyens n'en fut pas<br />
touchee. De generation en generation, tous apprenaient a croire que, meme si de p<strong>et</strong>ites<br />
transformations pouvaient ameliorer ou empirer un peu leurs vies, ils marcheraient en grande partie<br />
sur les pas de leurs parents. La seconde moitie <strong>du</strong> XVIII. siec1e ebranla c<strong>et</strong>te croyance generale dans<br />
un monde statique <strong>et</strong> immuable, tant en Europe qu'en Amerique. La guerre de Sept Ans fit de<br />
<strong>I'Amerique</strong> <strong>du</strong> <strong>Nord</strong>, en grande partie francophone, un continent anglophone. Tandis que Ie Canada<br />
perdit son homogeneite religieuse <strong>et</strong> la plupart de ses chefs politiques <strong>et</strong> militaires, les colonies<br />
britanniques eloignerent leurs voisins hostiles; la possibilite s'offrait a elles de se soulever contre leurs<br />
« tyrans »anglais. Contre toute attente, la Revolution americaine devint une realite pour les<br />
gouvernements d'Europe occidentale. La Revolution <strong>fran~aise</strong>, <strong>et</strong> ses suites, fut encore plus terrifiante<br />
pour les pouvoirs <strong>et</strong>ablis, car son caractere social <strong>et</strong> la violence qu'elle engendra toucherent en<br />
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