Guide des documents relatifs a I'Amerique du Nord fran~aise et ...

4. Le xvm e siecle
L' Amerique du XVIIICsiecle differe visiblement de celle du siecle precedent. Au XVlIc siecle, on
etait bien davantage toume vers I'Atlantique que vers l'interieur du continent. Les Anglais comme
les Fran~ais restaient confines aux rivages du Nouveau Monde. Pour leur part, les Fran~ais, meme
s'ils connaissaient mieux l'interieur du continent et s'en declaraient les maftres, etaient en fait regroupes
dans Ie bassin du Saint-Laurent. Des escarmouches eurent lieu entre Anglais et Fran~ais pratiquement
des Ie moment ou ils poserent Ie pied dans Ie Nouveau Monde, mais les Americains et les Canadiens
etaient trop occupes a resoudre leurs problemes economiques et demographiques pour tenter de se
dominer les uns les autres. Pour leur part, Londres et Versailles ne calculaient somme toute qu'en
termes de strategies europeennes, et les colonies americaines comptaient peu dans l'equilibre des forces
en Europe. L' Amerique du Nord n'etait pas seulement un monde nouveau, mais aussi un monde
different, separe de I'Europe par un vaste et dangereux ocean et peuple presque uniquement de
non-Europeens.
L'Amerique du Nord du XVIIIcsiecle etait tres differente. Tandis que les colonies britanniques
connurent une croissance demographique spectaculaire, la Nouvelle-France etendit son emprise jusqu'au
golfe du Mexique et aux montagnes Rocheuses. Les Fran~ais ne possedaient cependant la plupart de
ces terrltoires que de fa~on bien theorique. L'economie n'eut plus la meme importance, et Versailles
et Londres en vinrent a considerer leurs colonies en fonction d'une volonte d'hegemonie imperiale et
militaire a l'echelle mondiale. Non seulement l'ocean Atlantique, mais egalement la plus grande partie
du continent nord-americain avaient ete soumis. La Mediterranee etait maintenant plus hostile que
l' Atlantique, et Ie littoral de l' Afrique du Nord (sans parler de l'interieur) etait certainement plus
etranger aux Europeens que celui de l' Amerique. Les avant-postes d'autrefois dans un monde inconnu
etaient devenus de simples annexes de leurs meres patries europeennes 47 •
Isoles dans la cite de Rome, loin de l' Amerique mais aussi des cours de Saint-James et de
Versailles, les responsables de la Propagande etaient egalement touches par l'evolution generale de la
perception qu'avaient les Europeens du Nouveau Monde et y participaient. Cependant, comme tous
les bureaucrates, ils n'aimaient pas Ie changement et, laisses a eux-memes, ils auraient change Ie moins
possible. Cette attitude conservatrice se reflete dans l'organisation de leurs archives qui temoigne du
mode de travail des bureaucrates de la Propagande. Les documents etaient mis en reserve pour etre
utilises, et non pour etre conserves pour la posterite. Au debut, tous les responsables de la Propagande
se reunissaient periodiquement en seances plenieres (Congregazioni Generali), et les documents re~us
etaient classes dans la serie intitulee SOCG, tandis que les proces-verbaux des reunions l'etaient dans
la serie Acta. Les documents de la serie SOCG etaient classes selon un ordre geographique, en
fonction du lieu d'origine du document re~u. Cette disposition temoigne des perspectives intemationales
des premiers responsables de la Propagande, mais elle empeche parfois d'avoir facilement acces aux
preuves documentaires. Des erreurs fondamentales de la part de copistes ignorants qui, par exemple,
confondaient Armenie et Amerique ou Terre-Neuve et Terre sainte ne facilitaient certes pas les
recherches 48 • A partir de 1669, les documents de la serie SOCG furent classes par ordre chronologique,
mais d' autres series, par exemple 1es series Congressi et Congregazioni Particolari commencerent ou
continuerent d'etre classees par ordre geographique. Aucune autre rHorme substantielle n'eut lieu dans
Ie mode de travail de la Propagande aux XVII C et XVIIICsiecles. A deux occasions differentes, on
proposa d'etablir des procurateurs pour s'occuper de certaines parties du monde, mais ces deux
propositions furent rejetees 49 • La Propagande ne sentait evidemment pas Ie besoin de se doter d'une
structure exagerement lourde ni de changer une routine bien ancree.
Si l'on s'en tient a l' Amerique du Nord, cette immuabilite du mode de travail de la Propagande
se reflete dans l'etonnante uniformite de son attitude envers Ie Nouveau Monde. Les temps
changeaient, les responsables changeaient, mais vers la fin du XVIIICsiecle, chaque decision prise par
9