Guide des documents relatifs a I'Amerique du Nord fran~aise et ...

siecles dont i1 est questionici. IIs ont vu de leurs propres yeux Ie Nouveau Monde changer, et c'est
souvent eux qui ont ete les instruments de ce changement. Grftce a leurs lettres, a leurs requetes, a
leurs questions, a leurs descriptions, a leurs recits et a leurs petitions, les responsables de la Propagande
ont egalement participe a cette mutation.
La raison qui explique pourquoi l'attitude de la Propagande a 1'egard de 1'Amerique du Nord
a change, tout comme ceUe de la France et de l' Angleterre, est double. D'une part, en tant que
membres importants d'un gouvemement europeen qui se trouvait au centre du monde catholique, les
prelats de la Propagande partageaient la plupart des experiences et, en fait, la meme realitC que leurs
homologues des autres capitales europeennes. Les points de vue pouvaient etre differents, et Us
1'etaient souvent, mais Ie systeme de reference general etait Ie meme. L'Amerique du Nord commen~a
a faire partie du systeme de reference des Europeens au cours de la seconde moitie du XVIIIc siec1e,
d'abord avec la guerre de Sept Ans, puis avec la Revolution americaine, et plus tard encore a 1'epoque
de la Revolution fran~aise82. Dans cette perspective, la Propagande (et Ie Saint-Siege en general)
changea d'attitude a 1'egard de 1'Amerique du Nord de la meme maniere que tous les autres
gouvernements europeens qui jouaient un r6le sur 1'echiquier international. Par aiUeurs, les relations
de la Propagande avec ses correspondants nord-americains rendirent son cas tout a fait special,
comparable seulement a celui de la France et de I'Angleterre. Des 1622, affluerent des lettres qui
representaient la realite changeante du Nouveau Monde teUe que la connaissaient ceux qui y vivaient.
Petit a petit, les responsables de la Propagande se mirent a partager les idees, les points de vue, les
perceptions et les images de leurs correspondants. Tant a Rome qu' a Londres et a Paris, les decisions
relatives a l' Amerique du Nord etaient prises selon un systeme de reference profondement influence
par les Europeens qui avaient choisi de vivre dans Ie Nouveau Monde.
6. Conclusions
L'auteur a examine Ie cadre general des relations entre Rome et l' Amerique du Nord et montre dans
queUe mesure l'attitude de la Propagande a l'egard du Nouveau Monde avait change d'une fa~on
similaire a ceUes de la France et de I'Angleterre. 11y a lieu ici de se pencher sur une question
evidente : les politiques du Saint-Siege envers l' Amerique du Nord ont-eUes eu une incidence veritable
sur l'histoire de ce continent? Par Ie passe, les historiens catholiques ne faisaient aucune distinction
entre Ie Saint-Siege et Ie catholicisme en general. Les deux etaient confondus dans une interpretation
missiologique des progres de la religion dans un pays donne (Ie Canada ou les Etats-Unis)83. Le cas
de I'Amerique espagnole et portugaise (dont il a deja etC question) montre que meme si 1'on admet
que Ie catholicisme a joue un r6le dans l'histoire du Nouveau Monde, cela ne signifie pas
necessairement que Ie Saint-Siege y est pour quelque chose. Recemment, d'autres historiens ont
simplement pris pour acquis l'importance du catholicisme dans Ie Nouveau Monde et se sont rendu
compte que Ie Saint-Siege avait en fait entrave 1'expansion de 1'Eglise catholique aux Etats-Unis dans
la periode qui suivit immediatement la guerre de l'Independance americaine 84 .
L'auteur croit que la question de 1'influence reelIe du Saint-Siege sur 1'histoire de l' Amerique
du Nord ne peut etre abordee de fa~on globale, mais uniquement selon des regions, des personnes et
des epoques donnees. Dans 1'exemple de Terre-Neuve qui ouvrait Ie present chapitre, on pourrait
soutenir que l'intervention du Saint-Siege ne fut qu'une simple formalite, puisque la nomination de
O'Donel avait deja ete decidee a St. John's et a Waterford, la Propagande ne faisant que prendre note
d'une decision deja prise et la consigner dans ses dossiers.
Toutefois, on pourrait egalement affirmer que 1'acheminement indirect de la requete envoyee
par les habitants de Terre-Neuve prouve qu'ils savaient que Ie Saint-Siege avait Ie dernier mot a dire
dans cette affaire. Si la Propagande avait refuse d'accepter la nomination de O'Donel, l'ile aurait ete
laissee entre les mains des deux ou trois pretres « scandaleux » qui, comme d'autres avant eux,
n'avaient pu regrouper autour d'eux de nombreuses ouailles ni donner a leur communaute un sentiment
16