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Spéculation autour des Gorges du Toudgha Spéculation autour des ...

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<strong>Spéculation</strong><br />

<strong>autour</strong> <strong>des</strong> <strong>Gorges</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Toudgha</strong><br />

© Ph.DR<br />

Sud-Est marocain. Nous sommes<br />

au pays berbère <strong>des</strong> Aït Hdidou,<br />

à 160 kilomètres à l’est de la<br />

ville de Ouarzazate. A15 bornes environ<br />

de la vallée de Tinghir et sa luxuriante<br />

palmeraie s’étendant jusqu’aux<br />

contreforts de l’Atlas, les gorges <strong>du</strong><br />

<strong>Toudgha</strong>, quasi-inatten<strong>du</strong>es, surprennent<br />

le voyageur de leur brute et sauvage<br />

beauté.<br />

Les gorges <strong>du</strong> <strong>Toudgha</strong>, profon<strong>des</strong> de<br />

300 mètres, sont encadrées par deux<br />

impressionnantes falaises abruptes.<br />

Réputées mondialement auprès <strong>des</strong><br />

férus d’escalade, les gorges sont traversées<br />

par l’oued <strong>Toudgha</strong>. Un oued<br />

éponyme aux eaux fraîches et limpi<strong>des</strong>,<br />

jamais à sec, qui prend sa source<br />

dans le Haut-Atlas.<br />

Tous les ans, <strong>des</strong> grappes de touristes<br />

<strong>du</strong> monde entier parcourent <strong>des</strong><br />

milliers de kilomètres pour immortaliser<br />

de leur appareil photo ou de leur<br />

50<br />

caméra portative ce site spectaculaire.<br />

Mais, derrière les rires <strong>des</strong> enfants <strong>du</strong><br />

pays aux joues rougies et asséchées<br />

par le rude froid montagnard, saluant<br />

de leurs petites mains les cars de touristes<br />

en partance, se dissimule une<br />

blessure vive et silencieuse. Une souffrance<br />

que certains devinent parfaitement.<br />

Tel Ahmed Sadqi, président de<br />

la Fédération <strong>des</strong> associations de développement<br />

de Tinghir. Cette fédération,<br />

créée voilà 3 ans, regroupe trente<br />

huit organisations non gouvernementales<br />

oeuvrant communément pour le<br />

développement <strong>du</strong>rable de la région.<br />

Pour tous ces militants, rien n’est assez<br />

fort pour sauver leur site bien-aimé<br />

d’un désastre annoncé.<br />

Les inondations ravageuses <strong>du</strong> 27 et 28<br />

octobre 2006 ont été pour ainsi dire<br />

l’élément déclencheur d’une lutte<br />

confinée à ses débuts à un litige plutôt<br />

banal entre riverains et promoteurs.<br />

Les habitants et<br />

la société civile<br />

de Tinghir ont<br />

peur pour l’avenir<br />

<strong>du</strong> site <strong>des</strong><br />

<strong>Gorges</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Toudgha</strong>, menacé<br />

de dégradation.<br />

Face à l’inertie<br />

<strong>des</strong> autorités,<br />

ils lancent un<br />

SOS pour la<br />

sauvegarde<br />

de ce patrimoine<br />

éco-touristique.<br />

Les torrents en colère, en détruisant<br />

certaines <strong>des</strong> infrastructures <strong>des</strong> établissements<br />

touristiques (hôtels, cafés,<br />

campings privés…) situés entre les<br />

gorges <strong>du</strong> <strong>Toudgha</strong> ont vu leur débit<br />

hydraulique s’accélérer. À la grande<br />

satisfaction <strong>des</strong> habitants <strong>des</strong> villages<br />

avoisinants, qui ont pu s’approvisionner<br />

davantage en eau potable pour leurs<br />

besoins domestiques.<br />

Mais, moins d’un mois plus tard, les<br />

opérateurs privés concernés entament<br />

la reconstruction <strong>des</strong> équipements<br />

détruits par les eaux, mais sans autorisation<br />

préalable. Pour les habitants et<br />

les membres de la société civile de<br />

Tinghir, c’est la goutte qui fait déborder<br />

le vase. Plus question de revenir en<br />

arrière.<br />

En manifestant par dizaines devant le<br />

siège de l’arrondissement de Tinghir<br />

(Qiyada) le 22 novembre 2006, les<br />

riverains dénoncent ce qu’ils<br />

☛<br />

Maroc Hebdo International N° 726 <strong>du</strong> 29 Déc. 2006 au 11 Jan. 2007


considèrent comme un manquement<br />

à la loi et une appropriation de bien<br />

public.<br />

La Fédération <strong>des</strong> Associations de<br />

Développement de Tinghir prend la<br />

relève. Elle décide d’organiser un sitin<br />

collectif quatre jours plus tard, le<br />

26 novembre 2006. Ses revendications<br />

sont plus générales.<br />

En plus de transformations «irrationnelles»,<br />

d’autres menaces pèsent en<br />

effet sur le site de <strong>Toudgha</strong>, faisant<br />

craindre sa dénaturation et sa dégradation<br />

totale et irréversible. Il en va<br />

ainsi de la pollution <strong>du</strong> site et de ses<br />

ressources hydrauliques, in<strong>du</strong>ite par<br />

les flux de touristes et les changements<br />

<strong>du</strong> mode de vie <strong>des</strong> riverains. Une<br />

logique implacable mêlant démographie<br />

et modernité.<br />

Plus d’habitants, ce sont plus de fosses<br />

septiques. Plus de modernité, ce<br />

sont plus de pro<strong>du</strong>its de consommation<br />

in<strong>du</strong>striels. Autant de substances chimiques<br />

et nocives qui viennent s’infiltrer<br />

dans les nappes phréatiques.<br />

Ajouté à cela un mauvais marketing<br />

touristique.<br />

La population avoisinante <strong>des</strong> <strong>Gorges</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Toudgha</strong> ne profite pas de ce qui,<br />

selon toute vraisemblance, s’apparente<br />

à un tourisme de passage.<br />

La majorité <strong>des</strong> touristes, poussés,<br />

entre autress par le manque de lieux<br />

d’hébergement, séjourneraient ailleurs,<br />

à Erfoud ou à Ouarzazate. Sans oublier<br />

le problème <strong>des</strong> faux-gui<strong>des</strong> et l’état<br />

«déplorable» <strong>des</strong> routes menant vers<br />

les gorges. Ahmed Sadqi et ses acolytes,<br />

« pour <strong>des</strong> raisons sécuritaires<br />

» se voient opposer le refus de manifester<br />

de la part <strong>des</strong> autorités locales,<br />

qui bloquent néanmoins les travaux<br />

entamés par les opérateurs exerçant<br />

dans le site <strong>des</strong> gorges.<br />

«Nous demandons à ce que soit appliquée<br />

la loi 10-95 relative au secteur de<br />

l’eau, notamment l’article 117, qui<br />

stipule que l’agence de bassin dispose<br />

<strong>du</strong> droit de faire procéder à la <strong>des</strong>truction<br />

de tous ouvrages gênant la<br />

circulation, la navigation ou le libre<br />

écoulement <strong>des</strong> eaux. Nous ne cherchons<br />

pas la guerre avec les promoteurs,<br />

bien au contraire. Tout ce que<br />

Maroc Hebdo International N° 726 <strong>du</strong> 29 Déc. 2006 au 11 Jan. 2007<br />

SOCIÉTÉ ET CULTURE<br />

La population<br />

avoisinante<br />

<strong>des</strong> <strong>Gorges</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Toudgha</strong> ne<br />

profite pas de<br />

ce qui, selon<br />

toute vraisemblance,s’apparente<br />

à un<br />

tourisme de<br />

passage.<br />

nous réclamons, c’est que le règlement<br />

soit respecté et que <strong>des</strong> mesures<br />

soient prises en concertation avec les<br />

intervenants locaux afin de sauvegarder<br />

ce patrimoine national sans pour<br />

autant toucher aux intérêts <strong>des</strong> uns et<br />

<strong>des</strong> autres. Sans cela, nous serons tous<br />

perdants», conclut Ahmed Sadqi.<br />

Le suspens a assez <strong>du</strong>ré... Aux appels<br />

de détresse <strong>des</strong> riverains, répondent<br />

en échos les mugissements de l’oued<br />

<strong>Toudgha</strong>. Et les bêlements lointains<br />

d’une vieille chèvre noire perchée sur<br />

une <strong>des</strong> falaises, à laquelle la légende<br />

<strong>des</strong> villages alentours prête une âme de<br />

djinn (esprit) bienveillant . Comme si,<br />

l’Homme et la Nature pleuraient à l’unisson<br />

la symbiose per<strong>du</strong>e d’un éden<br />

en péril.❏<br />

Mouna Izddine<br />

51<br />

© Ph.DR<br />

© Ph.DR

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