Hommage à la Catalogne
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après <strong>la</strong> pauvre Espagne, même Paris paraissait gai et prospère.<br />
Et l’Exposition battait son plein ; mais nous pûmes éviter de <strong>la</strong><br />
visiter.<br />
Et puis ce fut l’Angleterre – l’Angleterre du Sud,<br />
probablement le plus onctueux paysage du monde. Il est<br />
difficile, quand vous faites ce trajet, particulièrement quand<br />
vous vous remettez paisiblement du mal de mer, le derrière<br />
f<strong>la</strong>tté par les coussins de peluche d’un compartiment de trainpaquebot,<br />
de croire que réellement il se passe quelque chose<br />
quelque part. Des tremblements de terre au Japon, des famines<br />
en Chine, des révolutions au Mexique ? Ne vous en faites pas ; le<br />
<strong>la</strong>it sera sur le seuil demain matin, le New Statesman paraîtra<br />
vendredi. Les villes industrielles étaient loin, salissure de fumée<br />
et de misère rendue invisible par <strong>la</strong> courbure de <strong>la</strong> terre. Ici,<br />
c’était toujours l’Angleterre que j’avais connue dans mon<br />
enfance : des talus de voie ferrée enfouis sous l’exubérance des<br />
fleurs sauvages, des prairies profondes où de grands et luisants<br />
chevaux broutent et méditent, de lents cours d’eau frangés de<br />
saules, les vertes rondeurs des ormes, les pieds-d’alouette dans<br />
les jardins des vil<strong>la</strong>s – et puis ce fut <strong>la</strong> morne immensité paisible<br />
des environs de Londres, les berges du fleuve boueux, les rues<br />
familières, les affiches par<strong>la</strong>nt de matches de cricket et de noces<br />
royales, les hommes en chapeau melon, les pigeons de Trafalgar<br />
Square, les autobus rouges, les agents de police bleus – tout ce<strong>la</strong><br />
plongé dans le profond, profond, profond sommeil d’Angleterre,<br />
dont parfois j’ai peur que nous ne nous réveillions qu’arrachés <strong>à</strong><br />
lui par le rugissement des bombes.<br />
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