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The Truman Show

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À la limite, on pourrait dire que le « <strong>Truman</strong> <strong>Show</strong> » est presque une vision<br />

intellectuelle (même si le point de départ est encore, pour l’instant, assez extrême) de la téléréalité.<br />

Là encore, le personnage de Cristof semble trop sophistiqué pour représenter un<br />

producteur de ce genre d’émissions ; ou le choix d’un <strong>Truman</strong> écoutant du Mozart ne<br />

correspondant pas aux canons de l’orthodoxie télé-réalité.<br />

Cependant, limiter <strong>The</strong> <strong>Truman</strong> <strong>Show</strong> à un simple révélateur de la télé-réalité serait trop<br />

réducteur : il y a une véritable réflexion philosophique et politique sur le principe de réalité.<br />

Philosophie, oui, car la comparaison avec le mythe de la caverne de Platon vient tout de suite<br />

à l’esprit. Coincés depuis leur naissance dans une grotte, les hommes prennent les ombres<br />

projetées pour la réalité. <strong>Truman</strong> ne peut que réagir de la même manière, dupé qu’il est depuis<br />

sa naissance.<br />

Dans la très belle séquence de la bibliothèque, plus significative encore que celle du<br />

bateau, <strong>Truman</strong> fait l’effort de se surélever, dans tous les sens du terme, de passer au-dessus<br />

de la barrière de l’étagère pour découvrir le principe de la réalité représenté par Lauren.<br />

Symboliquement, il s’adresse à elle en japonais… toujours l’envie et la curiosité de l’ailleurs,<br />

de l’au-delà des apparences et des ombres. Pour en terminer sur ce point, il n’échappera à<br />

personne que le mythe de la caverne est en soi une splendide métaphore du cinéma, mais aussi<br />

une mise en abîme (encore !) : les ombres et les couleurs projetées sur l’écran ne sont-elles<br />

pas plus vraies que …la réalité ?<br />

Politique, oui, car on ne peut pas manquer les allusions au totalitarisme. Formaté,<br />

éduqué, socialisé par le show, le <strong>Truman</strong> prétrentenaire ne peut que ressembler au modèle<br />

imposé (les moindres déviances étant, on l’a vu, « recyclées » par le show : métaphore des<br />

régimes qui récupèrent leur propre contestation). N’ayant connu que le projet parfait et<br />

totalitaire de Seaheaven, il répond aux exigences de la pensée cristofienne. Faire le parallèle<br />

avec les projets totalitaires staliniens et nazis sera donc facile, avec le petit « plus » d’un<br />

exemple de totalitarisme doux, car pas de police politique, pas de camp, pas de propagande<br />

(sauf la publicité) à Seaheaven : une vie trop bien réglée, sécurisée, finit par nier la liberté de<br />

l’individu, au contraire de ce que prétend Cristof dans son dialogue avec Lauren. Sur ce point,<br />

une étude littéraire à partir de l’excellent Globalia de J.C. Ruffin semble pertinente. Peter<br />

Weir sécrète pourtant l’antidote : la possibilité du grain de sable, de la défaillance technique<br />

(le projecteur, la radio, la pluie) ou humaine (le défaut de surveillance), qui permet la prise de<br />

conscience, le doute, puis la rébellion. Dans le film, le réalisateur nous offre en « bonus »<br />

l’efficacité finale de cette rébellion sous forme de happy end exempt de haine : <strong>Truman</strong> quitte<br />

son cocon protecteur par une pirouette dialoguée.<br />

À l’inverse des rebelles aux systèmes écrasants, Cristof ne pouvait pas tuer <strong>Truman</strong>, pression<br />

d’audience et d’éthique… commerciale obligent. Mais rien n’indique que d’autres ne<br />

prendront pas le relais, ou même prendront en compte la rébellion comme élément du show (il<br />

paraît que c’est le cas à l’heure actuelle, où il y a toujours le « rebelle » de service).<br />

Là encore, le dernier plan « Où est le programme ? » ouvre toutes les possibilités, même<br />

les plus tragiques. Politique aussi, la critique des évolutions sociologiques des Etats-Unis. Sur<br />

ce point, Peter Weir rappelle avec une pointe d’ironie qu’il est australien, que Niccol est néozélandais<br />

et que le chef op’ Biziou est anglais… Bref, que tous ont quelque part au moins un<br />

reste d’Europe dans leur point de vue.<br />

La première dérive montrée est bien sûr la croissance des villes aseptisées, vidées de leurs<br />

pauvres (voir l’incident du retour du père qui provoque les titres vengeurs des journaux), où le<br />

bonheur aseptisé et poli à l’excès dégouline dans le microcosme de Seaheaven ( les passagers<br />

du bus constituant un microcosme sociétal à lui tout seul, amusez-vous à faire l’inventaire).<br />

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