livret cosmetique de l'ennemi projet version fifa - Théâtre de l'Elixir
livret cosmetique de l'ennemi projet version fifa - Théâtre de l'Elixir
livret cosmetique de l'ennemi projet version fifa - Théâtre de l'Elixir
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
THÉÂTRE DE L’ÉLIXIR<br />
Jérôme Angust — Moi aussi, vous m’avez déplu aussitôt. Et puis, cette<br />
question n’était pas du meilleur goût.<br />
Textor Texel — Pourquoi ? La jeune fille vert-<strong>de</strong>-grisée était ravissante.<br />
Jérôme Angust — Oui, mais sur une tombe !<br />
Textor Texel — Eh bien quoi ? La mort n’a rien d’obscène. Toujours est-il<br />
que la jeune vivante a semblé me trouver déplacé et n’a pas daigné me<br />
répondre. Entre-temps, j’avais aperçu son visage. Je ne m’en suis jamais<br />
remis. Il n’y a rien <strong>de</strong> plus incompréhensible au mon<strong>de</strong> que les visages ou,<br />
plutôt, certains visages : un assemblage <strong>de</strong> traits et <strong>de</strong> regards qui soudain<br />
<strong>de</strong>vient la seule réalité, l’énigme la plus importante <strong>de</strong> l’univers, que l'on<br />
regar<strong>de</strong> avec soif et faim, comme si un souverain message y était inscrit.<br />
Inutile que je vous la détaille : si je vous disais qu’elle avait les cheveux<br />
châtains clairs et les yeux bleus, ce qui était le cas, vous seriez bien avancé.<br />
Quoi <strong>de</strong> plus agaçant, dans les romans, que ces <strong>de</strong>scriptions obligatoires <strong>de</strong><br />
l'héroïne...<br />
Jérôme Angust — Pour une fois, je vous comprends.<br />
Textor Texel — Là s’arrête notre connivence, car vous ne comprenez<br />
sûrement pas ce qu’on ressent quand on est rejeté par le visage <strong>de</strong> sa vie.<br />
Vous, vous avez ce qu’on appelle un physique avantageux. Vous ne savez<br />
pas ce que c'est d’avoir si soif et <strong>de</strong> ne pas avoir le droit <strong>de</strong> boire, quand<br />
l’eau est sous vos yeux, belle, salvatrice, à portée <strong>de</strong> vos lèvres. L’eau se<br />
refuse, à vous qui venez <strong>de</strong> traverser le désert, pour ce motif incongru que<br />
vous n’êtes pas à son goût. Comme si l’eau avait le droit <strong>de</strong> se refuser à<br />
vous ! Quelle impu<strong>de</strong>nce ! N'est-ce pas à vous d’avoir soif d’elle et non le<br />
contraire ?<br />
Jérôme Angust — C’est un argument <strong>de</strong> violeur, ça.<br />
Textor Texel — Vous ne croyez pas si bien dire.<br />
Jérôme Angust — Quoi ?<br />
Textor Texel —Au début <strong>de</strong> notre échange, je vous ai averti que je fais<br />
toujours ce dont j'ai envie. C'était déjà le cas il y a vingt ans.<br />
19