magazine Lignes d'avenir n° 8 - RFF
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<strong>n°</strong> 8<br />
Février 2010<br />
PLAN DE RELANCE DU FRET<br />
La nouvelle<br />
donne<br />
Trente ans<br />
de grande vitesse<br />
Les LGV à l’heure du bilan<br />
Réduction des<br />
émissions de CO 2<br />
Quels scénarios<br />
pour le ferroviaire ?
<strong>n°</strong> 8 – février 2010<br />
04<br />
Politiques par vocation<br />
Loi ORTF: redéfinir<br />
les rôles de chacun<br />
Quel cadre légal pour le secteur ferroviaire<br />
dans un contexte d’ouverture à la concurrence ?<br />
07<br />
Performants par exigence<br />
Trente ans de grande vitesse:<br />
les LGV à l’heure du bilan<br />
Quelle place occupe aujourd’hui la grande vitesse<br />
dans le paysage économique et social français ?<br />
10<br />
Partenaires par engagement<br />
Plan de relance du fret:<br />
la nouvelle donne<br />
Suite à l’engagement national porté par l’État,<br />
quelles sont les nouvelles pistes pour relancer le transport<br />
de fret ferroviaire?<br />
16<br />
Responsables par conviction<br />
Réduction de CO2: quels scénarios<br />
pour le ferroviaire?<br />
Quelles sont les différentes solutions envisagées<br />
pour limiter l’impact du secteur des transports<br />
sur l’environnement ?<br />
<strong>Lignes</strong> d’avenir, le <strong>magazine</strong> de Réseau Ferré de France - 92, avenue de France -<br />
75648 Paris Cedex 13 – lignesdavenir@rff.fr – Directeur de la publication :<br />
Patrice Kreis – Rédactrice en chef: Sylvie Gelade – Comité éditorial: Pascal<br />
Béria, Franck Chimot, Christian Dubost, Jean Faussurier, Anne Guerrero, Jean-Marie<br />
Guillemot, Bruno de Monvallier, Jean-Louis Rohou, Alain Sauvant – Rédaction :<br />
Claire Beauchamps, Nelly Buffon, Emmanuel Fandre, Géraldine Pascaud-Rasse –<br />
Conception et réali sation : 9378 – Impression : Arteprint.<br />
Imprimé en France sur un papier certificat forestier PEFC, certificat qualité<br />
ISO 9001 et certificat environ nement ISO 14001. ISSN 1960-95661960-9566.<br />
Dépôt légal : février 2010.<br />
Photo de couverture : Frédéric Maigrot/Réa.<br />
02<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
Brèves<br />
© <strong>RFF</strong>/J.-J. d’Angelo<br />
Combiné mer/rail<br />
PROTOCOLES D’ACCORD ENTRE <strong>RFF</strong><br />
ET LES GRANDS PORTS MARITIMES DU HAVRE ET DE ROUEN…<br />
Le 28 octobre 2009, un protocole pour le développement des trafics ferroviaires des ports<br />
de Rouen et du Havre a été conclu entre, d’une part, Hubert du Mesnil, président de <strong>RFF</strong>,<br />
et, d’autre part, Laurent Castaing et Philippe Deiss, présidents des directoires des grands<br />
ports maritimes du Havre et de Rouen. Ce contrat d’objectifs communs traduit la ferme<br />
volonté des deux parties d’œuvrer en faveur du combiné mer/rail à travers des actions<br />
très concrètes, telles que le développement d’installations multimodales, la mise en place<br />
d’opérateurs ferroviaires portuaires ou encore la création d’un bureau horaires commun<br />
aux deux ports, chargé de gérer les accès aux réseaux portuaires en interaction avec<br />
la gestion des sillons de <strong>RFF</strong>. Autre volet du protocole : l’engagement de <strong>RFF</strong> de fournir<br />
des sillons de qualité et la création à court terme d’un itinéraire bis pour faire circuler<br />
des trains longs entre Rouen et Le Havre. Par ailleurs, <strong>RFF</strong> s’engage à convaincre<br />
la Commission européenne d’inscrire les ports normands sur la carte des corridors<br />
européens et d’ouvrir des axes vers l’Ouest.<br />
… ET LE GRAND PORT MARITIME DE DUNKERQUE<br />
Le protocole signé le 7 janvier dernier entre <strong>RFF</strong> et le grand port de Dunkerque porte<br />
sur des objectifs similaires : le développement de l’hinterland de Dunkerque, et plus<br />
particulièrement la part conteneur, l’étude et la promotion de nouveaux trafics ferroviaires,<br />
l’amélioration de la qualité des sillons et de la productivité des entreprises ferroviaires par<br />
le biais d’aménagements de l’infrastructure. Il scelle un accord de collaboration entre deux<br />
gestionnaires d’infrastructures.<br />
Nouvelle ligne Montpellier–Perpignan<br />
et contournement de Nîmes et de Montpellier<br />
DES JALONS POUR LE FUTUR ARC MÉDITERRANÉEN<br />
Le conseil d’administration de <strong>RFF</strong> a décidé fin 2009 de poursuivre les études portant sur<br />
la construction d’une ligne nouvelle entre Montpellier et Perpignan, destinée à la fois au fret<br />
et aux voyageurs, à la suite du débat public qui a confirmé l’intérêt du projet. Les études,<br />
pilotées par un comité associant l’État et les collectivités territoriales impliquées dans le<br />
financement, s’inscrivent dans une vision évolutive visant à assurer la continuité de la grande<br />
vitesse au sud-ouest de l’Europe, préfigurant ainsi l’arc méditerranéen. L’autre maillon majeur<br />
de cet axe ferroviaire européen du futur est le contournement de Nîmes et de Montpellier.<br />
Cet ouvrage de 80 km, dont le financement a été bouclé fin 20091 , est actuellement dans<br />
les starting-blocks, et doit faire l’objet d’un partenariat public-privé. À cet effet, <strong>RFF</strong> a lancé<br />
une consultation le 18 décembre 2009 auprès de Bouygues Travaux Publics, Vinci et Eiffage,<br />
qui se sont portés candidats.<br />
(1) Accord de financement pour un budget de 1,6 milliard d’euros signé le 2 décembre entre l’État, le conseil régional<br />
du Languedoc-Roussillon, le conseil général du Gard, les agglomérations de Nîmes et de Montpellier, et <strong>RFF</strong>.
Lutte contre<br />
les nuisances sonores<br />
<strong>RFF</strong> ET L’ADEME S’UNISSENT<br />
Hubert du Mesnil et Philippe Van de Maele,<br />
président de l’Ademe, ont signé le 1er décembre<br />
2009 un accord de partenariat pour<br />
les deux ans à venir, qui vise à accélérer la<br />
résorption des points noirs du bruit d’origine<br />
ferroviaire. Cette coopération se concrétise<br />
par une première tranche de financement<br />
de l’Ademe à hauteur de 66,7 millions<br />
d’euros, abondée par les 37 millions d’euros<br />
apportés conjointement par <strong>RFF</strong> et l’AFITF1 .<br />
D’ores et déjà, six conventions vont<br />
permettre la réalisation d’ouvrages antibruit<br />
qui supprimeront 620 bâtiments classés<br />
« points noirs bruit », au bénéfice<br />
de 7 000 personnes.<br />
(1) L’Agence de Financement des Infrastructures<br />
de Transport de France.<br />
© <strong>RFF</strong>/Lionel Charrier © Berti Hanna/Réa<br />
Gares nouvelles<br />
<strong>RFF</strong> ASSURE<br />
LA MAÎTRISE D’OUVRAGE<br />
<strong>RFF</strong> est confirmé par le Gouvernement<br />
dans son rôle de maître d’ouvrage des<br />
gares nouvelles. À ce titre, l’entreprise<br />
a en charge la réalisation de points d’arrêt<br />
supplémentaires sur le réseau existant et<br />
la construction de gares sur des lignes<br />
nouvelles. La gestion de ces gares, une fois<br />
achevées, reviendra à la branche Gares<br />
& Connexions de la SNCF.<br />
Édito<br />
© Luc Benevello<br />
« L’ouverture à la concurrence<br />
du transport de voyageurs est-elle<br />
une chance pour l’Europe ou<br />
un problème pour le rail? »<br />
Hubert du Mesnil,<br />
président de Réseau Ferré de France<br />
Le transport international de voyageurs s’est ouvert à la concurrence le<br />
13 décembre 2009, dans la droite ligne du troisième paquet ferroviaire<br />
adopté il y a trois ans.<br />
Des trains de voyageurs n’appartenant pas à l’opérateur historique<br />
circulent déjà sur le réseau ferroviaire français, mais ils peuvent<br />
désormais se faire concurrence. La compagnie italienne Trenitalia est candidate pour<br />
relier par TGV Milan et Gênes à Paris. Au même moment, d’autres opérateurs<br />
marquent leur intérêt pour l’utilisation de notre réseau.<br />
Cette ouverture du service ferroviaire aux voyageurs doit se faire au bénéfice d’une<br />
Europe plus « verte » pour rendre accessible au plus grand nombre le transport par<br />
train et augmenter ainsi la part d’un mode plus écologique. Les péages générés par les<br />
entreprises ferroviaires, tant pour le transport de marchandises que pour celui des<br />
voyageurs, permettront au gestionnaire d’infrastructures d’investir toujours plus dans<br />
le réseau, enclenchant ainsi un cercle vertueux pour l’avenir du rail.<br />
<strong>RFF</strong>, qui se prépare de longue date à cette ouverture, se met en ordre de marche pour<br />
accueillir de nouveaux opérateurs et les accompagner en toute transparence.<br />
Notamment en s’engageant à ce que les demandes de circulation soient traitées en<br />
toute impartialité. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), créée par<br />
la loi du 9 décembre 2009, s’assurera du respect de ces règles d’équité, nécessaires<br />
au bon fonctionnement de la concurrence. Sa création va redessiner le paysage<br />
ferroviaire car, disposant de pouvoirs étendus, l’ARAF devrait veiller à l’application<br />
des règles du jeu par les différents acteurs et apporter sa contribution pour conforter<br />
le modèle économique ferroviaire. <br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 03
Politiques<br />
par vocation<br />
04<br />
Loi ORTF<br />
Redéfinir les rôles<br />
des acteurs ferroviaires<br />
près le fret<br />
ferroviaire, qui<br />
a rejoint l’universconcurrentiel<br />
le<br />
31 mars 2006, le transport<br />
international de passagers<br />
vient lui aussi de franchir<br />
le pas depuis le 1er A<br />
janvier.<br />
Il entre ainsi de plain-pied<br />
dans une ère nouvelle placée<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
Promulguée fin 2009, la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports<br />
ferroviaires – dite ORTF – orchestre les conditions de l’ouverture du réseau à la<br />
concurrence. Elle précise et remodèle les rôles des acteurs existants et en institue un<br />
nouveau, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, dans le but de développer<br />
l’activité et d’améliorer la qualité de service.<br />
sous le signe de la concurrence<br />
et de la régulation.<br />
Cette évolution majeure<br />
et progressive constitue<br />
l’application de la politique<br />
des transports édictée dans<br />
le Traité de Rome puis dans<br />
des directives européennes<br />
successives. La loi relative<br />
à l’organisation et à la<br />
régulation des transports<br />
ferroviaires – dite ORTF –<br />
adoptée le 3 novembre 209 1<br />
va de pair avec cette<br />
ouverture à la concurrence ;<br />
elle conforte ou redéfinit les<br />
rôles des différents acteurs<br />
existants et crée une<br />
Autorité de régulation des<br />
activités ferroviaires (ARAF).<br />
Pour le monde ferroviaire,<br />
elle marque le passage d’un<br />
système administré à un<br />
schéma régulé. « C’est le point<br />
de départ d’une évolution aussi<br />
importante que celle de 1997<br />
qui a institué <strong>RFF</strong> »,<br />
souligne Jean-Louis Rohou,<br />
Secrétaire général de Réseau<br />
Ferré de France.<br />
Inévitable, cette évolution<br />
marque l’aboutissement d’un<br />
long processus jalonné de plu-<br />
Fourmy/Réa<br />
La coexistence de plusieurs opérateurs ferroviaires sur le réseau, aujourd’hui dans le fret demain dans le transport de voyageurs,<br />
Mario<br />
impose une nouvelle relation entre les différents acteurs à laquelle la loi ORTF donne un cadre légal. ©
Le système ferroviaire britannique est régulé par l’ORR, une autorité indépendante<br />
garantissant un accès équitable à tous les transporteurs ferroviaires opérant sur le territoire.<br />
sieurs « paquets ferroviaires »<br />
européens qui avaient pour but<br />
de séparer la gestion du trafic<br />
de celle des infrastructures.<br />
Assurer un traitement<br />
égal à tous les<br />
opérateurs<br />
La loi ORTF conforte en<br />
particulier le rôle de <strong>RFF</strong>.<br />
Ses missions, définies<br />
essentiellement par décret,<br />
prennent d’emblée une<br />
nouvelle dimension puisque<br />
la gestion du réseau et<br />
l’attribution des capacités sont<br />
désormais inscrites dans la loi.<br />
<strong>RFF</strong> gagne aussi en efficacité<br />
grâce à la création d’une<br />
direction de la circulation<br />
ferroviaire (DCF) à la SNCF,<br />
chargée des missions de<br />
gestion du trafic et des<br />
circulations et travaillant pour<br />
le compte de <strong>RFF</strong>. Forte de<br />
14 000 collaborateurs, elle doit<br />
garantir un traitement<br />
équitable à tous les opérateurs<br />
réunissant les conditions pour<br />
utiliser les infrastructures<br />
de <strong>RFF</strong>. Son budget, distinct<br />
de celui de la SNCF,<br />
est financé par <strong>RFF</strong>.<br />
La DCF a donc dans son<br />
« La loi ORTF conforte en particulier<br />
le rôle de <strong>RFF</strong>. Ses missions prennent d’emblée<br />
une nouvelle dimension puisqu’elles<br />
sont désormais inscrites dans la loi. »<br />
© Gilles Rolles/Réa<br />
© Corbis<br />
périmètre direct aussi bien<br />
l’instruction des demandes<br />
de sillons que les dispositifs<br />
(aiguilleurs locaux,<br />
régulateurs, etc.) afin<br />
d’assurer l’égalité d’accès<br />
et de répartition des sillons.<br />
Jean-Louis Rohou estime<br />
capital de disposer d’un tel<br />
outil : « Des précautions<br />
doivent être prises pour assurer<br />
l’égalité de tous les acteurs<br />
et éviter toute discrimination. »<br />
Par souci d’efficacité, les<br />
effectifs de la DCF sont puisés<br />
parmi ceux de la SNCF. Pour<br />
assurer une parfaite >>><br />
3 questions à<br />
«<br />
L’indépendance de<br />
l’ORR est une garantie<br />
de stabilité, de transparence<br />
et de lisibilité<br />
des décisions.<br />
»<br />
Paul Mac Mahon,<br />
Deputy Director, Railway Markets<br />
& Economics, Office of Rail Regulation<br />
Quelles raisons ont poussé à la création<br />
de l’Office of Rail Regulation en Grande-<br />
Bretagne et quelles sont ses principales<br />
missions ?<br />
La principale raison ayant entraîné la création<br />
de l’Office of Rail Regulation était de s’assurer<br />
que le gestionnaire d’infrastructures puisse<br />
mener concrètement et de manière efficace<br />
sa mission en garantissant un accès équitable<br />
et performant au réseau. Depuis 2006, l’ORR<br />
a également en charge la sécurité sur le réseau.<br />
Quels sont les avantages qu’apporte un<br />
régulateur indépendant aux acteurs de l’industrie<br />
ferroviaire et aux consommateurs ?<br />
L’indépendance de l’ORR permet d’assurer<br />
au gestionnaire d’infrastructures et aux opérateurs<br />
ferroviaires un niveau élevé de stabilité,<br />
de transparence et de garantie. Elle permet<br />
également de préserver le secteur des aléas<br />
liés aux pressions politiques et aux cycles<br />
électoraux. Un régulateur indépendant se doit<br />
de protéger les intérêts des investisseurs qui<br />
s’engagent la plupart du temps sur le long terme.<br />
Quel conseil donneriez-vous aux<br />
gestionnaires d’infrastructures et aux<br />
régulateurs des autres pays européens ?<br />
Pour mener à bien leurs missions, les gestionnaires<br />
d’infrastructures doivent mettre en place<br />
des plans à long terme, mettre en œuvre des<br />
technologies récentes et s’assurer qu’ils disposent<br />
d’équipes compétentes et motivées. Ils<br />
doivent également travailler en partenariat avec<br />
les autres acteurs du secteur. Les compétences<br />
des régulateurs doivent éviter d’accroître inutilement<br />
les lourdeurs dues à la réglementation<br />
et leur permettre de prendre leurs décisions<br />
aussi rapidement que possible. Plus de coopération<br />
entre les régulateurs et les gestionnaires<br />
d’infrastructures est nécessaire dans leur propre<br />
pays, mais aussi avec leurs homologues étrangers.<br />
Un benchmark rigoureux et un échange de bonnes<br />
pratiques peuvent permettre aux gestionnaires<br />
d’infrastructures d’améliorer leur efficacité.<br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 05
Politiques<br />
par vocation<br />
>>><br />
impartialité de traitement<br />
à tous les opérateurs,<br />
cette activité sera cependant<br />
clairement isolée. Ses agents<br />
seront soumis à un code<br />
de déontologie spécifique et<br />
sa comptabilité sera établie<br />
indépendamment de celle<br />
de sa maison mère.<br />
« La loi ORTF2 a rendu le rôle<br />
de <strong>RFF</strong> plus clair, analyse<br />
Jean-Louis Rohou. Nous<br />
sommes aujourd’hui formel -<br />
lement les gestionnaires et<br />
nous avons à notre disposition,<br />
avec la DCF, une organisation<br />
spécialisée qui nous permet<br />
© Pierre Gleizes/Réa<br />
06<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
d’aller jusqu’aux régulateurs<br />
et aux aiguilleurs. » En douze<br />
ans, le changement est radical.<br />
À l’époque, <strong>RFF</strong>, pour<br />
assumer sa tutelle juridique<br />
sur 30 000 km de voies, mobilisait<br />
une trentaine de personnes,<br />
la réalité de la gestion<br />
du réseau étant assumée au<br />
quotidien par la SNCF.<br />
La loi ORTF change aussi le<br />
mode de fixation des prix des<br />
sillons tout en confortant le<br />
rôle de <strong>RFF</strong> en tant qu’initiateur<br />
du processus. Ses propositions<br />
seront désormais soumises<br />
à la nouvelle Autorité de<br />
La plupart des autres gestionnaires de réseaux, et notamment RTE et ERDF<br />
chargés de la distribution de l’électricité, exercent déjà dans le cadre d’un marché<br />
régulé par un opérateur indépendant.<br />
C’est concret!<br />
L’autorité de régulation de l’énergie:<br />
un exemple à suivre pour l’ARAF?<br />
Créée en 2000, la Commission de régulation de l’énergie (CRE)<br />
a dû trouver sa place dans un paysage en mutation. Ses missions<br />
sont comparables à celles de l’Autorité de régulation des activités<br />
ferroviaires, soit, pour l’essentiel: garantir un accès équitable<br />
au marché, veiller à la transparence des transactions, sanctionner<br />
les manquements, faciliter le règlement des différends et participer<br />
à l’élaboration de la réglementation. Au terme de sa première<br />
décennie d’existence, la CRE a assis son autorité sur un processus<br />
de concertation systématique, la recherche d’une cohérence<br />
régulatoire au niveau européen et sa capacité à clarifier son action.<br />
Les acteurs de ce marché disposent ainsi d’un régulateur dont les<br />
décisions, lisibles, facilitent leur prise de décision sur le long terme,<br />
et garantissent le développement de l’activité.<br />
« Le législateur donne la possibilité<br />
de confier à des entreprises privées<br />
l’entretien et l’exploitation de lignes<br />
de fret à faible trafic. »<br />
régulation des activités ferroviaires.<br />
Une fois qu’elle aura<br />
délivré son avis, le Gouverne -<br />
ment devra s’y conformer.<br />
« Cela donnera un rôle<br />
essentiel à l’ARAF en matière<br />
de fixation des redevances »,<br />
souligne Jean-Louis Rohou.<br />
Faire émerger de<br />
nouveaux opérateurs<br />
L’un des défis que pose la<br />
nouvelle organisation des<br />
transports ferroviaires a trait<br />
au fret. Malgré des efforts<br />
constants, ce secteur continue<br />
d’enregistrer des déficits et<br />
sa viabilité économique reste<br />
problématique. La demande<br />
existe néanmoins.<br />
De nombreuses entreprises<br />
ne souhaitent pas reposer<br />
uniquement sur la route<br />
et le souci de préserver<br />
l’environnement milite aussi<br />
en faveur du maintien d’une<br />
solution alternative.<br />
Les conditions sont par<br />
exemple réunies pour faire<br />
émerger des « opérateurs<br />
de fret de proximité ».<br />
Conscient de cette opportunité,<br />
le législateur donne donc la<br />
possibilité de confier à des<br />
entreprises privées l’entretien<br />
et l’exploitation de lignes de<br />
fret à faible trafic. Ce transfert<br />
offre un double avantage :<br />
augmenter l’efficacité<br />
des transports et assurer,<br />
à moindre coût, un meilleur<br />
entretien des lignes.<br />
À terme, c’est la santé de<br />
l’ensemble du réseau ferré<br />
qui en bénéficiera.<br />
Preuve de l’intérêt de ce<br />
dispositif, plusieurs projets<br />
À SAVOIR<br />
Quel mode<br />
de fonctionnement<br />
pour l’ARAF<br />
(Autorité de régulation<br />
des activités<br />
ferroviaires)<br />
L’ARAF devrait être<br />
basée au Mans.<br />
Elle est composée<br />
de sept membres<br />
nommés « en raison<br />
de leurs compétences<br />
en matière ferroviaire,<br />
économique ou<br />
juridique, ou pour leur<br />
expertise en matière<br />
de concurrence ».<br />
Ils accompliront un<br />
mandat de six ans<br />
non renouvelable et<br />
ils seront renouvelés<br />
par tiers tous les<br />
deux ans. Les<br />
membres de l’ARAF<br />
sont nommés par<br />
décret et trois d’entre<br />
eux, autres que<br />
le président, sont<br />
désignés par<br />
le président de<br />
l’Assemblée nationale,<br />
le président du Sénat<br />
et le président du<br />
Conseil économique,<br />
social et environnemental.<br />
L’ARAF disposera<br />
d’une équipe<br />
d’une cinquantaine<br />
de personnes et d’un<br />
budget de 8 millions<br />
d’euros.<br />
ont déjà été annoncés.<br />
L’un des plus notables<br />
permettra d’exploiter les<br />
voies qui partent du port<br />
de La Rochelle vers l’intérieur<br />
des terres. Dans le même<br />
temps, deux nouveaux opérateurs<br />
se mettent en place dans<br />
le Morvan et en Auvergne.<br />
La loi ORTF prévoit aussi la<br />
possibilité de transférer les<br />
gares avant le 31 décembre<br />
2010… au profit de <strong>RFF</strong>.<br />
Jean-Louis Rohou y voit un<br />
premier pas encourageant :<br />
« Si tel était le cas, cela renforcerait<br />
nos capacités à aider les<br />
opérateurs de fret de proximité<br />
et ils pourraient ainsi mieux<br />
développer leurs activités. »<br />
Indéniablement, la loi ORTF<br />
va changer en profondeur le<br />
paysage ferroviaire et surtout<br />
remodeler les équilibres traditionnels:<br />
la création d’un marché<br />
régulé va en effet enlever<br />
à l’opérateur historique sa prééminence.<br />
Mais l’enjeu majeur<br />
est déjà ailleurs: à terme, il<br />
s’agit surtout de redynamiser<br />
un secteur qui doit générer<br />
des revenus suffisants pour<br />
couvrir le coût complet de la<br />
maintenance et de l’exploitation<br />
de ses infrastructures.<br />
Chiffré aujourd’hui à environ<br />
6,2 milliards d’euros, il est<br />
encore financé à peu près<br />
à 50 % par des subventions<br />
publiques. En instituant une<br />
nouvelle donne, la loi ORTF<br />
donne toutes ses chances au<br />
réseau. À condition que tous<br />
les acteurs jouent le jeu. <br />
(1) http://www.assembleenationale.fr/13/dossiers/transports.asp<br />
(2) Article 12 de la loi ORTF.
Trente ans de grande vitesse<br />
Les LGV<br />
à l’heure du bilan<br />
commercial. Sur cette base, l’idée d’un<br />
grand axe Nord-Sud à vocation européenne<br />
s’affirme dès 1987. Elle débouchera<br />
sur celle d’un réseau. En 1991, le<br />
Performants<br />
par exigence<br />
En trois décennies, la grande vitesse ferroviaire est entrée dans les mœurs,<br />
adoptée par des millions de voyageurs qui, chaque année, empruntent le TGV.<br />
Depuis la mise en service de la première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon,<br />
le réseau s’est peu à peu étoffé. Mais à quels coûts, pour quels trafics et avec quel<br />
impact sur les territoires concernés ?<br />
Inaugurée en 1981, la première rame de TGV reliant Paris à Lyon initia<br />
un bouleversement dans les modes de transport de passagers en France.<br />
L<br />
e turbotrain avait ouvert la<br />
voie dans les années 1970 à<br />
une desserte rapide et<br />
cadencée entre plusieurs<br />
villes françaises. Sur le<br />
modèle de la navette réalisée entre Tokyo<br />
et Osaka, les pouvoirs publics ont décidé<br />
«<br />
de construire une ligne à grande vitesse<br />
entre Paris et Lyon. Inauguré en 1981, le<br />
TGV Sud-Est est un succès technique et<br />
© Mario Fourmy/Réa<br />
schéma directeur national des liaisons<br />
ferroviaires à grande vitesse est conçu<br />
comme un support à l’intégration européenne<br />
et un outil destiné à améliorer l’accessibilité<br />
des territoires. Conformément<br />
à l’esprit de la Loi d’Orientation sur les<br />
Transports Intérieurs (LOTI) du 30 décembre<br />
1982, le choix des projets repose sur<br />
des critères de rentabilité; rentabilité<br />
interne pour l’entreprise et rentabilité économique<br />
et sociale pour la collectivité en<br />
prenant en compte l’impact sur l’aménagement<br />
du territoire et l’environnement.<br />
Aujourd’hui, le réseau à grande vitesse<br />
compte sept LGV en service et s’étend sur<br />
1 875 km, en France…<br />
Une évaluation voulue<br />
par le législateur<br />
Soumettant les grands projets d’infrastructures<br />
réalisés avec des fonds publics à un<br />
impératif de rationalité économique, la<br />
LOTI impose leur évaluation. « Cet effort<br />
de transparence de l’action publique et<br />
d’exercice démocratique est assez unique en<br />
Europe », observe Christian Vilmart,<br />
chargé de mission à la direction de<br />
Aujourd’hui,<br />
il y a consensus autour de la réussite<br />
du programme LGV. »<br />
>>><br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 07
Performants<br />
par exigence<br />
C’est concret!<br />
Un turbotrain, précurseur du TGV<br />
Au début des années 1970, la demande de dessertes rapides et cadencées interurbaines<br />
s’impose. En France, les turbotrains connaissent leur heure de gloire. Roulant à 160 km/h<br />
là où les trains classiques étaient limités à 140 km/h, voire à 130 km/h, ils ont permis<br />
d’améliorer radicalement l’offre. Sur le trajet Paris–Cherbourg, le temps de parcours est<br />
réduit d’une heure avec une desserte cadencée entre la capitale et Caen. Le trafic suit,<br />
doublant quasiment entre 1970 et 1985. Confortables, équipées de turbines de<br />
conception aéronautique, les rames ETG (élément à turbine à gaz) puis RTG (rame à<br />
turbine à gaz) allient puissance et légèreté, avec une faible charge par essieu et une<br />
agressivité minimale pour la voie. Mais, gourmandes en énergie et de capacité limitée,<br />
elles ne résistent pas à la première flambée des prix du pétrole. Reste qu’elles ont ouvert<br />
la voie aux futurs TGV. Toujours avec le même objectif de raccourcir les durées de<br />
parcours et d’accroître les fréquences, l’électrification de la ligne Paris–Caen–Cherbourg<br />
sera entérinée dans les années 1990.<br />
>>><br />
l’audit à <strong>RFF</strong>. Chaque LGV doit en<br />
effet faire l’objet, cinq ans après sa mise en<br />
service, d’un bilan des résultats économiques<br />
et sociaux. Établi par le maître<br />
d’ouvrage, ce bilan est rendu public.<br />
<strong>RFF</strong> s’est acquitté de la tâche pour les premières<br />
LGV jusqu’à la LGV Méditerranée<br />
Valence–Marseille. « Aujourd’hui, il y a<br />
consensus autour de la réussite du programme<br />
LGV, en dépit de certains écarts<br />
entre les prévisions et la réalité constatée,<br />
notamment sur les trafics ou les rentabilités<br />
qui en dépendent étroitement », souligne<br />
Christian Vilmart. De toutes les lignes, la<br />
ligne Sud-Est (Paris–Lyon) s’avère la plus<br />
rentable.<br />
Des coûts d’investissement<br />
croissants<br />
Le principal intérêt des bilans LOTI est de<br />
mesurer les écarts par rapport aux prévisions<br />
et d’en tirer des enseignements en<br />
soulignant les tendances. La hausse des<br />
coûts de réalisation des infrastructures en<br />
est une. De 4,9 millions d’euros en 1981<br />
pour la LGV Paris–Lyon, le coût kilométrique<br />
en euro constant de la LGV Nord<br />
a grimpé à 9,5 millions d’euros en 1993<br />
et jusqu’à 17,4 millions d’euros pour la<br />
LGV Méditerranée en 2001. Pourquoi ?<br />
Les réalisations les plus récentes favorisent<br />
une meilleure insertion environnementale<br />
et s’accompagnent d’un plus<br />
grand nombre d’opérations connexes. La<br />
LGV Méditerranée a représenté un des<br />
plus grands chantiers du XX e siècle, nécessitant<br />
la construction de 500 ouvrages<br />
d’art et de trois gares. Cette hausse continue<br />
des coûts d’investissement diminue<br />
08<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
forcément la rentabilité interne du secteur<br />
ferroviaire. Elle joue aussi sur la rentabilité<br />
socio-économique pour la collectivité.<br />
Néanmoins, ces opérations affichent un<br />
taux de rentabilité pour la collectivité supérieur<br />
à 8 %, excepté pour la LGV Nord où le<br />
trafic transmanche est loin du dévelop -<br />
pement attendu. Enfin, financés majoritairement<br />
par endettement de la SNCF jusqu’à<br />
la LGV Méditerranée, les projets voient<br />
leur durée de remboursement s’allonger.<br />
De dix ans pour la ligne Paris–Lyon, elle va<br />
au-delà pour les suivantes.<br />
À SAVOIR<br />
LOTI, un cadre pour<br />
le développement des<br />
transports terrestres<br />
La Loi d’Orientation sur<br />
les Transports Intérieurs<br />
(LOTI) du 30 décembre<br />
1982 est la loi cadre<br />
qui organise les servi ces<br />
publics de transport, à<br />
l’exclusion du transport<br />
maritime et aérien.<br />
Dans ses prin cipes<br />
directeurs, elle affirme<br />
un droit au transport<br />
devant permettre aux<br />
usagers de se déplacer<br />
dans des conditions<br />
raison nables d’accès,<br />
de qualité et de prix<br />
ainsi que de coût pour<br />
la collectivité. La loi<br />
clarifie également les<br />
relations entre autorités<br />
organisatrices et<br />
opérateurs. Les bilans<br />
LOTI relèvent de<br />
l’arti cle 14: les grandes<br />
opérations d’infrastruc -<br />
tures réalisées avec<br />
le concours de finan -<br />
cements publics<br />
doivent faire l’objet<br />
d’un bilan de leur<br />
efficacité économique<br />
et sociale.<br />
Pour en savoir +:<br />
http://www.rff.fr/fr/me<br />
diatheque/<br />
Trente ans après son lancement, la grande vitesse est entrée<br />
dans les mœurs et reste un des piliers du développement du territoire.<br />
Des trafics dopés<br />
par la grande vitesse<br />
Autre enseignement, les bilans LOTI affichent<br />
des trafics inférieurs aux prévisions.<br />
« De l’ordre de 10 à 20 %, les écarts restent<br />
acceptables. Il était difficile dix ans auparavant<br />
d’anticiper les taux de croissance<br />
économique, les prix du pétrole ou la<br />
politique tarifaire de la SNCF inspirée du<br />
yield management 1 », poursuit Christian<br />
Vilmart. Quel que soit le différentiel, avec<br />
50 milliards de voyageurs-km 2 effectués en<br />
TGV en 2008, la grande vitesse a clairement<br />
dopé le trafic. Sur les trois LGV de la<br />
zone Sud-Est, 20 milliards de voyageurs-km<br />
ont été effectués, contre 8 s’il n’y avait pas<br />
eu la grande vitesse 2 . En développant la<br />
mobilité, le TGV a favorisé le report modal<br />
vers le train, surtout de l’aérien vers le ferroviaire.<br />
Le report est ainsi de 3 % sur l’interconnexion<br />
en Île-de-France et de 13 à 40 %<br />
sur les autres LGV. Le TGV, par le gain<br />
de temps qu’il offre, a attiré des<br />
catégories de voyageurs aux revenus plus<br />
élevés qui utilisaient auparavant l’avion.<br />
De fait, avec une qualité de service satisfaisante,<br />
la clientèle des CSP supérieures et<br />
intermédiaires est la première bénéficiaire<br />
de la grande vitesse. Au total, le gain pour la<br />
collectivité entre la situation avec et sans<br />
© Gilles Rolle/Réa
Recoura<br />
Laissée de côté dans les années 1980, l’intégration du réseau dans son environnement<br />
<strong>RFF</strong>/Christophe<br />
est aujourd’hui une des priorités prises en compte dans les nouveaux projets. ©<br />
programme TGV est évalué à 82 milliards<br />
d’euros (en 2005), les gains en temps<br />
comptant pour moitié 2 .<br />
Environnement<br />
et aménagement du territoire<br />
La préservation de l’environnement a été<br />
peu prise en compte dans le schéma directeur<br />
de 1991. En obligeant à inscrire dans<br />
la déclaration d’utilité publique des grands<br />
projets d’infrastructure des engagements<br />
à ce sujet, la circulaire Bianco de 1992 a<br />
amélioré le dispositif. Sur la LGV<br />
Méditerranée, 464 engagements ont été<br />
pris et globalement respectés. Il en va ainsi<br />
de la limitation du niveau de bruit à 62 dB,<br />
soit la moitié de la puissance sonore<br />
admise jusqu’alors. Mais de nouvelles<br />
préoccupations émergent avec le temps. À<br />
la protection contre le bruit et la modération<br />
de l’impact sur les paysages, s’ajoutent<br />
désormais l’hydraulique, la préservation<br />
de la biodiversité et des zones protégées<br />
ou encore la diminution de la pollution de<br />
l’air et des émissions de CO 2. Grâce aux<br />
bilans LOTI, on sait que le TGV a permis<br />
par le seul report modal d’éviter la formation<br />
de 1,5 million de tonnes de CO 2<br />
en 2006. Pour le reste, on mesure l’intérêt<br />
aujourd’hui de réaliser des Bilans<br />
Carbone TM et d’intégrer dans les futures<br />
évaluations des critères environnementaux<br />
et sociaux plus précis. Conçu comme<br />
un outil au service de l’aménagement du<br />
territoire, le TGV a enfin rempli son rôle<br />
d’amélioration de l’accessibilité.<br />
Mais s’il est un signe fort de modernité et<br />
de notoriété pour les villes qu’il dessert, il<br />
ne bouleverse pas à court terme la structure<br />
et l’attractivité des territoires. Les<br />
réussites sont avant tout liées à l’existence<br />
d’un potentiel de développement et à un<br />
accompagnement concerté des acteurs<br />
locaux…<br />
« Loin d’être encore complets, les bilans<br />
LOTI sont néanmoins précieux. Ils enrichissent<br />
les bases de données sur lesquelles nous<br />
construisons nos modèles pour les futures<br />
LGV. Ils servent à fiabiliser les calculs et à<br />
formuler des hypothèses plus réalistes »,<br />
conclut Christian Vilmart. <br />
(1) Système de gestion des capacités disponibles.<br />
(2) Source : Commissariat général au développement<br />
durable – <strong>n°</strong> 34/2009 d’économie et évaluation.<br />
Un voyageur-km correspond à un km parcouru<br />
par un voyageur.<br />
3 questions à<br />
«<br />
L’essentiel est la manière<br />
dont les acteurs publics<br />
et privés se mobilisent<br />
autour de la LGV.<br />
»<br />
Marie Delaplace,<br />
enseignant-chercheur au laboratoire OMI<br />
(Organisations marchandes et institutions) –<br />
université de Reims-Champagne-Ardenne 1<br />
Vous avez étudié les expériences passées de LGV.<br />
Quelles sont vos conclusions ?<br />
Notre analyse a confirmé qu’il n’y a pas d’effet systématique<br />
et structurant du TGV. Les effets ne se manifestent qu’en<br />
présence de potentialités économiques et sociales locales,<br />
même si ces potentialités ne suffisent pas. Le TGV ne crée<br />
pas la demande de mobilité, d’abord liée aux activités déjà<br />
présentes et variable selon la conjoncture économique.<br />
L’utilisation du TGV dépend également de la qualité de la<br />
desserte – en nombre, tarification, horaires – et de son articulation<br />
avec le réseau de transport local. Ce sont les caractéristiques<br />
du territoire à l’origine de son attractivité qui<br />
déterminent le volume et la nature des flux de transport. Ils<br />
sont différents entre Lille, métropole urbaine et industrielle,<br />
et Reims, capitale d’une région à dominante agricole.<br />
Quel est le rôle de l’action publique dans l’« effet LGV »?<br />
L’essentiel est la manière dont les acteurs publics et privés<br />
se mobilisent autour de la LGV. L’arrivée du TGV invite les<br />
acteurs locaux à réfléchir collectivement à l’avenir de leur<br />
territoire à partir de diagnostics partagés. S’il y a une clé,<br />
c’est bien la coopération autour de politiques d’aménagement,<br />
de transport et de développement. Le Mans, avec des<br />
caractéristiques économiques qui n’étaient pas spécialement<br />
porteuses, a su jouer collectif pour tirer le meilleur profit<br />
de sa desserte. La transformation du quartier de la gare<br />
en est un bel exemple.<br />
Quelles sont les autres parties prenantes ?<br />
Elles sont différentes selon les activités à valoriser (tourisme,<br />
immobilier résidentiel ou de bureau, etc.). Dans le domaine<br />
de l’immobilier de bureaux, aux côtés des collectivités locales,<br />
les promoteurs immobiliers jouent un rôle décisif. S’ils investissent,<br />
c’est parce qu’ils croient qu’un développement est possible.<br />
De ce fait, ils contribuent à renouveler l’offre immobilière<br />
et à la valoriser. C’est ainsi l’offre immobilière et la proximité<br />
du centre-ville que les entreprises – locales dans un premier<br />
temps, extérieures ensuite – mettent d’abord en avant.<br />
(1) Marie Delaplace est coauteur avec Sylvie Bazin, Sophie Masson et<br />
Christophe Beckerich de l’« Analyse prospective des impacts de la LGV<br />
Est-européenne dans l’agglomération rémoise et en région Champagne-<br />
Ardenne » – Fév. 2006. Les chercheurs de l’université de Reims-<br />
Champagne-Ardenne, avec Corinne Blanquart (équipe Splott, Inrets),<br />
viennent également d’obtenir un contrat de recherche du Predit financé<br />
par l’Ademe sur les enjeux et les opportunités de la grande vitesse ferroviaire<br />
en termes de développement local et de développement durable.<br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 09
© Fred Modalhor/Réa<br />
Partenaires<br />
par engagement<br />
10<br />
L’ouverture à la concurrence du réseau français a été un succès: en trois ans,<br />
de nouvelles entreprises ferroviaires ont conquis près de 14 % de parts de marché du fret<br />
ferroviaire. Malgré cela, le transport de marchandises sur rail n’a pas augmenté, ni même<br />
ne s’est stabilisé. Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité: bien au-delà<br />
de la crise, elle s’explique par l’immense retard accumulé dans la rénovation du réseau<br />
français pendant les trois dernières décennies – période marquée par une baisse<br />
ininterrompue du fret ferroviaire au profit de la route. En Europe, d’autres politiques<br />
publiques ont conduit à de bons résultats. Aujourd’hui, le fret ferroviaire français<br />
concentre toutes les attentions et doit sortir de son déclin.<br />
Plan de relance du fret<br />
La nouvelle<br />
donne<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8
Fret ferroviaire<br />
<strong>RFF</strong>, en première ligne<br />
Porté par les nouvelles ambitions de l’État et des moyens renforcés, <strong>RFF</strong> veut aller au-delà<br />
de son rôle de fournisseur d’infrastructures en s’engageant pour la performance du fret<br />
à travers la qualité du service rendu au client.<br />
Pour relever le<br />
défi, l’entreprise a<br />
décidé d’accompagner<br />
la rénovation<br />
du réseau<br />
par une révision en profondeur<br />
de son approche client<br />
et de sa politique de service.<br />
La mutation est en cours.<br />
Le 16 septembre 2009, l’État<br />
a annoncé une enveloppe de<br />
7 milliards d’euros dans le<br />
cadre de l’engagement national<br />
pour le fret ferroviaire.<br />
L’ambition affichée par le<br />
Gouvernement est de porter,<br />
à l’horizon 2022, de 14 à 25 %<br />
la part des modes alternatifs à<br />
la route pour le transport des<br />
marchandises. Malgré la chute<br />
du trafic liée à la crise économique<br />
et aux restructurations<br />
de la branche, à moyen terme,<br />
le déclin n’est pas inévitable. Si<br />
<strong>RFF</strong> ne peut à lui seul en assurer<br />
le succès, il entend jouer un<br />
rôle de premier plan, en accélérant<br />
la dynamique qu’il a d’ores<br />
et déjà engagée: un bon nombre<br />
de projets retenus par le<br />
Gouvernement sont en cours<br />
de réalisation ou en préparation,<br />
notamment dans le cadre du<br />
contrat de performance signé<br />
fin 2008 avec l’État.<br />
Qualité des sillons:<br />
priorité à l’anticipation<br />
et à la concertation<br />
La première attente de l’ensemble<br />
des clients de <strong>RFF</strong><br />
se focalise sur la qualité des<br />
sillons, c’est-à-dire la garantie<br />
de pouvoir faire circuler les<br />
trains aux heures et sur les<br />
parcours réservés à l’avance.<br />
La difficulté majeure pour <strong>RFF</strong><br />
est de réussir à concilier cette<br />
garantie avec le titanesque programme<br />
de travaux engagés<br />
pour remettre à niveau le<br />
réseau national. Une équation<br />
complexe à résoudre: qualité<br />
implique rénovation, rénovation<br />
veut dire souvent gros travaux,<br />
ce qui peut générer une<br />
annulation de sillons ou une<br />
détérioration de leur qualité<br />
(temps d’acheminement, heure<br />
de départ, etc.). Pour sortir<br />
de ce qui ressemble fort à la<br />
quadrature du cercle, <strong>RFF</strong> se<br />
mobilise pour anticiper et développer<br />
la concertation tout au<br />
long du processus d’attribution<br />
des sillons. « Au siège de <strong>RFF</strong>,<br />
une plate-forme commerciale a<br />
été mise en place afin d’assurer<br />
en continu la prise en charge et<br />
le suivi des demandes des clients »,<br />
explique Stéphane Argoud,<br />
directeur du marketing.<br />
Concrètement, très en amont,<br />
un «plateau commun de<br />
concertation» favorise un dialogue<br />
régulier entre les technico-commerciaux<br />
de <strong>RFF</strong>, les<br />
équipes en charge des travaux<br />
sur le réseau et les clients,<br />
pour formaliser les contraintes<br />
respectives de ces derniers<br />
et orchestrer les réservations<br />
horaires émanant des différents<br />
acteurs du marché; plus<br />
en aval, au sein du centre de<br />
services, des chargés de portefeuilles<br />
prennent en charge un<br />
ou deux clients pour s’assurer<br />
que les promesses soient<br />
tenues au plus près des<br />
demandes et régler les adaptations<br />
si nécessaire. Cette<br />
Tonnes-km, Indice 100 en 1996<br />
La réactivation de la ligne de Flamboin-Montereau permettra le transport de<br />
granulats de la Seine-et-Marne et de l’Aube vers la zone industrielle de Montereau.<br />
240<br />
220<br />
200<br />
180<br />
160<br />
140<br />
120<br />
100<br />
80<br />
60<br />
1996<br />
Source : Eurostat.<br />
nouvelle organisation doit<br />
permettre à <strong>RFF</strong> d’installer<br />
progres si vement d’ici 2012<br />
un régime de performance<br />
– basé sur des engagements,<br />
des évaluations et des pénalités<br />
– appliqué aux sillons empruntant<br />
le Réseau Orienté >>><br />
Évolution du fret ferroviaire<br />
dans les dix principaux pays d’Europe de l’Ouest<br />
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Pays-Bas Grande-Bretagne Allemagne Autriche Suisse<br />
UE 15 Belgique Suède UE 25 Italie<br />
Espagne France<br />
© <strong>RFF</strong>/CAPA/Lionel Charrier<br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 11
Partenaires<br />
par engagement<br />
12<br />
Fret. Un premier engagement<br />
visant à plafonner à<br />
quatre heures l’impact sur les<br />
sillons fret internationaux des<br />
plages de travaux dérogatoires<br />
sera expérimenté dès 2010<br />
sur l’axe Atlantique.<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
7 milliards d’euros<br />
C’est l’enveloppe de l’engagement national pour le fret ferroviaire<br />
qui s’ajoute aux budgets déjà engagés pour la modernisation du réseau.<br />
13 Md€ seront investis d’ici 2015 dans le cadre du contrat de performance<br />
signé le 3 novembre 2008, et 300 M€ du plan de relance de l’économie<br />
sont consacrés au ferroviaire en 2009 et 2010.<br />
>>><br />
Qualité de service:<br />
«penser global»<br />
L’amélioration des infrastructures<br />
constitue l’autre levier<br />
fondamental de la réussite du<br />
plan Fret. À condition de penser<br />
le service dans sa globalité, à<br />
toutes les étapes de la chaîne<br />
du transport des marchandises.<br />
En plus de la modernisation du<br />
réseau et de l’accélération de la<br />
résorption des goulets d’étranglement,<br />
<strong>RFF</strong> concentre ses<br />
efforts sur le développement<br />
du Réseau Orienté Fret (ROF):<br />
9400 km du réseau – sur 30000<br />
« L’amélioration de la qualité du service<br />
passe par des échanges forts<br />
avec le client tout au long du processus<br />
de construction du sillon. »<br />
Le principe des trains longs est une des solutions à la massification du transport de fret<br />
ferroviaire. Son développement est toutefois très dépendant de la topographie du pays.<br />
C’est concret!<br />
Réseau Orienté Fret :<br />
9 400 km à haut niveau de service<br />
Pour donner forme au Réseau Orienté Fret qui dessert les grands ports et comprend les<br />
corridors européens situés en France, <strong>RFF</strong> accélérera les actions engagées ou programmées<br />
pour renforcer le niveau de service sur les 9 400 km des principaux axes de transport<br />
de marchandises : sillons garantis, itinéraires alternatifs (comme la ligne Serqueux–Gisors<br />
qui doit doubler l’axe entre Le Havre et le nord de la région parisienne d’ici 2012),<br />
contournement d’agglomération comme à Montpellier, Nîmes et Lyon, prévus pour<br />
une mise en service entre 2018 et 2020, à la demande de l’État, modernisation des<br />
infrastructures en Île-de-France, lignes dédiées, électrification, actions de modernisation<br />
et de développement. Parmi ces aménagements figurent les autoroutes ferroviaires<br />
et les projets qui favoriseront le transport combiné, et l’utilisation des trains longs.<br />
© Delff Dumont<br />
au total – identifiés comme<br />
prioritaires pour le transport<br />
des marchandises. Dans ce<br />
cadre, le programme d’aménagement<br />
concernant les autoroutes<br />
ferroviaires est réaffirmé 1 :<br />
allongement d’itiné raires, création<br />
de nouvelles plates-formes,<br />
mise au gabarit GB1 permettront<br />
d’augmenter le débit sur<br />
ces lignes stratégiques qui<br />
encouragent la circulation de<br />
trains chargés de camions ou<br />
de remorques. Les acteurs du<br />
fret demandent également des<br />
améliorations à effet rapide sur<br />
les petites lignes qui assurent<br />
la jonction ou même la desserte<br />
finale de leurs sites: électrification<br />
en bout de ligne et allongement<br />
d’une voie de garage,<br />
par exemple, constituent autant<br />
d’aménagements très ciblés,<br />
réalisables rapidement, qui<br />
peuvent grandement favoriser<br />
l’usage du rail en facilitant<br />
les manœuvres, l’affrètement<br />
et la productivité des trains.<br />
Les nouveaux leviers<br />
de productivité<br />
Au-delà de la bonne qualité<br />
des sillons et de l’infrastructure,<br />
<strong>RFF</strong> entend jouer un rôle pour<br />
favoriser un système globalement<br />
plus productif grâce à de<br />
nouveaux partenariats et des<br />
solutions innovantes. Le cœur<br />
de métier des entreprises ferroviaires<br />
étant de faire du transport<br />
massifié sur de longues<br />
distances, l’un des enjeux principaux<br />
est de bien articuler à<br />
toutes les étapes de la chaîne<br />
de service, avec des solutions<br />
adaptées aux différents niveaux<br />
de trafic. Dans cet esprit,<br />
il s’agit de faire émerger un<br />
nouveau type d’opérateur, plus<br />
souple et donc plus apte à faire<br />
vivre le réseau des petites<br />
lignes à faible trafic au plus<br />
près des besoins des clients.<br />
La loi permet en effet à <strong>RFF</strong> de<br />
déléguer à des opérateurs fer-<br />
roviaires de proximité ses missions<br />
d’entretien et d’exploitation<br />
pour des lignes terminales.<br />
Autre préoccupation du gestionnaire<br />
d’infrastructures: renforcer<br />
la massification des flux<br />
à la source, ce qui constitue<br />
l’un des leviers les plus efficaces<br />
pour améliorer la productivité<br />
du fret ferroviaire et donc<br />
son attractivité. Or, ce sont<br />
dans les ports qu’arrivent les<br />
plus gros flux. « L’Allemagne<br />
a développé son fret ferroviaire<br />
grâce à la très forte activité de<br />
ses ports et à une articulation<br />
des transports maritime et ferroviaire<br />
très bien pensée, observe<br />
Stéphane Argoud. En France,<br />
les grands ports et le gestionnaire<br />
des infrastructures ferroviaires<br />
doivent bouger ensemble<br />
pour activer la dynamique du<br />
combiné mer/rail. » <strong>RFF</strong> veut<br />
également faciliter l’évolution<br />
du matériel roulant pour permettre<br />
de transporter davantage<br />
de marchandises sur un<br />
même trajet: allongement des<br />
trains, augmentation de la<br />
charge à l’essieu, modernisation<br />
de l’attelage. Un premier<br />
train de 850 m circulera dès<br />
2010 sur Paris–Marseille à titre<br />
de test, et des études sont en<br />
cours pour un train de 1000 m.<br />
Enfin, <strong>RFF</strong> suit activement<br />
le projet européen Carex, pour<br />
un réseau fret à grande vitesse<br />
associant le rail et l’aérien,<br />
et réfléchit à la possibilité de<br />
transporter des conteneurs<br />
aériens de marchandises<br />
express dans des TGV<br />
circulant la nuit. <br />
(1) Extension de l’autoroute ferroviaire<br />
alpine Lyon–Turin prévoyant la mise<br />
au gabarit B21 de l’axe Dijon–Modane<br />
fin 2010 et le raccordement avec une<br />
nouvelle plate-forme lyonnaise d’ici 2013;<br />
doublement des cadences sur l’axe<br />
Perpignan–Luxembourg et extension<br />
à Marseille par Avignon ; ouverture<br />
de l’autoroute ferroviaire atlantique<br />
Bayonne–Bordeaux–Paris–Dourges en<br />
2011 ; études en cours pour l’axe Calais–<br />
Lyon pour une ouverture en 2013.
Regard d’expert<br />
« Il est indispensable<br />
que <strong>RFF</strong> adopte une posture<br />
plus commerciale. »<br />
Quelle est la position de l’UTP vis-à-vis<br />
de l’engagement national pour le fret<br />
ferroviaire annoncé par le<br />
Gouvernement ?<br />
Bruno Gazeau : L’UTP représente les<br />
entreprises ferroviaires et s’attache à défendre<br />
leurs intérêts. Elle ne peut que se<br />
réjouir d’un engagement national visant à<br />
permettre au fret de reconquérir des parts<br />
de marché. Le défi est immense et les dispositions<br />
pour y parvenir sont variées, mais<br />
toutes indispensables, qu’il s’agisse de la<br />
création d’un Réseau Orienté Fret permettant<br />
régularité et ponctualité, de celles des<br />
entreprises ferroviaires, du dynamisme<br />
des acteurs ou de leur bonne coopération.<br />
Au-delà de cet engagement national, n’oublions<br />
pas la dimension sociale. L’UTP y<br />
prend sa part et conduit la négociation<br />
d’une convention collective du fret. La co-<br />
opération de tous les acteurs, gestionnaires<br />
d’infrastructures, opérateur historique et<br />
nouveaux entrants, chargeurs, autorités<br />
paritaires, est indispensable pour répondre<br />
à cette ambition. L’UTP en est un acteur<br />
essentiel et entend y jouer un rôle moteur.<br />
Quelles sont, selon vous, les mesures<br />
les plus importantes dans cet<br />
engagement national ?<br />
B. G. : Parmi les huit axes du plan, je<br />
retiendrai ceux touchant tout particulièrement<br />
l’infrastructure, comme la modernisation<br />
de la gestion des sillons, avec un traitement<br />
prioritaire du fret et la création d’un<br />
Réseau Orienté Fret. Car il ne faut pas<br />
oublier le rôle prépondérant de l’infrastructure<br />
dans le ferroviaire. C’est elle qui conditionne<br />
pour une large part l’efficacité de ce<br />
mode par rapport au mode routier. C’est la<br />
capacité et le professionnalisme de la gestion<br />
qui définissent l’offre de services possible.<br />
Pour permettre au fret ferroviaire de<br />
gagner des parts de marché, le fret doit<br />
être compétitif et à même de répondre aux<br />
exigences de fiabilité et de régularité attendues<br />
par les clients des entreprises ferroviaires.<br />
Ils attendent un service aussi<br />
performant et satisfaisant que le transport<br />
par route, à un moindre coût…<br />
Cet engagement donne un rôle important<br />
à <strong>RFF</strong>. Quelles sont, à cet égard,<br />
les attentes les plus fortes des<br />
entreprises ferroviaires ?<br />
B. G. : Les entreprises ferroviaires réunies<br />
au sein de l’UTP ont de fortes attentes visà-vis<br />
de <strong>RFF</strong>, qui fait des efforts importants<br />
pour y répondre. Le marché des marchandises<br />
étant très concurrentiel, les entreprises<br />
ferroviaires ont besoin de visibilité<br />
(contrats pluriannuels avec les chargeurs),<br />
de régularité (sillons garantis), de réactivité<br />
(propositions alternatives en cas de plage<br />
de travaux…) de la part de <strong>RFF</strong>. Il est indispensable<br />
que <strong>RFF</strong> adopte une posture plus<br />
commerciale pour permettre aux entreprises<br />
ferroviaires de développer leurs<br />
parts de marché. À ce titre, le document<br />
de référence du réseau (DRR) établi<br />
chaque année devrait s’apparenter à un<br />
véritable contrat entre <strong>RFF</strong> et les entreprises<br />
ferroviaires, avec une répartition<br />
plus équilibrée des droits et des obligations<br />
de chacune des parties.<br />
Quelles actions doivent mener les<br />
entreprises ferroviaires pour améliorer<br />
leur productivité et augmenter la part<br />
modale ?<br />
B. G. : L’amélioration de la productivité du<br />
transport ferroviaire passe par des actions<br />
combinées de <strong>RFF</strong>, de la SNCF – en tant<br />
que gestionnaire d’infrastructures délégué<br />
– et des entreprises ferroviaires. Aux entreprises<br />
ferroviaires reviennent l’organisation<br />
Bruno Gazeau,<br />
délégué général de l’Union<br />
des Transports Publics<br />
des services au niveau opérationnel et<br />
le management social. La fiabilité sociale<br />
est en partie liée à la mise en œuvre d’une<br />
convention collective spécifique. C’est un<br />
chantier important de l’UTP, mené en<br />
concertation avec les organisations syndicales<br />
depuis plusieurs années. Le bon<br />
déroulement des nombreu ses opérations,<br />
de la réception des marchandises à leur<br />
livraison, exige une organisation poussée<br />
(gestion des matériels roulants, des trains<br />
courts ou longs, des circulations…) dans<br />
le respect des règles de sécurité édictées<br />
par les pouvoirs publics.<br />
Que pensez-vous des réformes<br />
introduites par la loi relative à<br />
l’organisation et à la régulation<br />
des transports ferroviaires ?<br />
B. G. : Les entreprises ferroviaires<br />
approuvent la mise en place d’une autorité<br />
de régulation indépendante en France.<br />
Après trois ans d’ouverture à la concurrence<br />
du fret et celle récente des lignes<br />
internationales de voyageurs, cette autorité<br />
de la concurrence était très attendue<br />
par les entreprises ferroviaires. L’UTP se<br />
félicite que celle-ci puisse se prononcer<br />
sur d’éventuelles discriminations relatives<br />
à l’accès au marché, mais également sur<br />
la sécurité, la fixation des péages et le<br />
document de référence du réseau. Il s’agit<br />
toutefois d’une première pierre à l’édifice ;<br />
l’UTP restera attentive au fonctionnement<br />
effectif de cette autorité, ainsi qu’aux<br />
nombreux textes nécessaires à l’application<br />
de la loi qui l’a créée et au décret<br />
concernant les facilités essentielles<br />
en gare. L’UTP espère qu’en 2010 sera<br />
concrétisée la mise en œuvre d’un<br />
système ferroviaire qui permettra,<br />
à terme, un rééquilibrage du rail par<br />
rapport à la route. <br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 13
Partenaires<br />
par engagement<br />
14<br />
Relance du fret ferroviaire<br />
Une dynamique<br />
partenariale en marche<br />
Comment construire un système de transport de marchandises plus productif, sinon en<br />
concevant des services au plus près des besoins des clients? Car, au final, c’est bien le marché<br />
qui dira si les projets sont pertinents. D’où l’ardente obligation pour <strong>RFF</strong> d’établir des relations<br />
commerciales d’un nouveau type, afin de déployer ses forces là où les clients veulent aller.<br />
Le protocole de partenariat passé entre Lafarge et <strong>RFF</strong> permet une meilleure connaissance réciproque des contraintes<br />
et des attentes de chacun. Il vise à optimiser les actions mises en place dans un but de rentabilité.<br />
L<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
e nouveau<br />
paysage du fret<br />
ferroviaire s’est<br />
enrichi avec<br />
l’émergence<br />
d’acteurs plus nombreux,<br />
chacun avec son domaine<br />
de compétence : gestionnaire<br />
d’infrastructures, entreprises<br />
ferroviaires, chargeurs…<br />
À cela s’ajoutent les collectivités<br />
locales qui peuvent jouer un<br />
rôle, les grands ports maritimes<br />
qui continuent à faire<br />
évoluer leur modèle de gouvernance,<br />
les groupements<br />
professionnels de transporteurs<br />
ou de chargeurs qui<br />
lancent des interpellations.<br />
Le métier de gestionnaire des<br />
infrastructures nationales<br />
confère une responsabilité qui<br />
est celle du partage optimal<br />
des informations, de façon à<br />
ce que tous les acteurs puissent<br />
dialoguer ensemble avec<br />
un même niveau de connaissances<br />
sur les capacités du<br />
réseau. La Plate-forme commerciale<br />
répond à cet objectif<br />
de proximité avec les entreprises<br />
ferroviaires. En complé-<br />
ment, le développement du<br />
fret nécessite que soient élaborées<br />
de nouvelles solutions<br />
avec les clients et les partenaires,<br />
dans le cadre d’accords<br />
qui concrétisent les relations<br />
mutuelles et l’implication de<br />
chaque partie.<br />
Une articulation<br />
contractuelle entre<br />
les différents acteurs<br />
du fret<br />
Engagé dans ce mouvement<br />
de contractualisation, <strong>RFF</strong><br />
a commencé à signer des<br />
© Lafarge<br />
accords de coopération avec<br />
plusieurs grands ports maritimes<br />
afin de faciliter des projets<br />
communs: création d’opérateurs<br />
de proximité, création<br />
d’un nouveau terminal de<br />
transport combiné au Havre,<br />
amélioration de l’accès aux<br />
installations portuaires à<br />
Marseille et à La Rochelle, etc.<br />
Autre exemple de cette dynamique<br />
partenariale: <strong>RFF</strong> a<br />
signé en décembre 2009<br />
une convention avec le<br />
Groupement National des<br />
Transports Combinés en vue<br />
de développer la concertation<br />
sur des sujets communs tels<br />
que les programmes d’amélioration<br />
des plates-formes de<br />
<strong>RFF</strong>, la qualité des sillons, les<br />
trains longs et les autoroutes<br />
ferroviaires. Plus largement,<br />
l’enjeu est de bien comprendre<br />
ce que les trains transportent<br />
pour construire une offre<br />
au plus près des besoins des<br />
différents clients. Or, le fret<br />
ferroviaire est un marché peu<br />
dispersé, mais très expert,<br />
constitué de quelques filières<br />
qui ont chacune leurs<br />
contraintes prioritaires.<br />
Suivant le niveau de fiabilité<br />
horaire, de sécurité ou de<br />
flexibilité attendu, le client<br />
n’achète pas le même produit.
D’où l’importance des<br />
contacts directs avec les gros<br />
chargeurs. En novembre, c’est<br />
avec le groupe Lafarge que<br />
<strong>RFF</strong> a signé un protocole de<br />
partenariat en vue de doubler<br />
le transport de granulats sur<br />
voie ferrée. À cette occasion,<br />
les deux parties ont décidé<br />
de créer le premier opérateur<br />
ferroviaire de proximité en<br />
France, la Compagnie ferroviaire<br />
régionale. Cette initiative<br />
répond à un besoin fondamental<br />
des chargeurs, qui<br />
sont à la recherche d’entités<br />
assez flexibles et polyvalentes<br />
pour assurer la maintenance<br />
et l’exploitation des petites<br />
lignes, ainsi que le service<br />
en début et fin d’affrètement<br />
(manœuvres de stationnement,<br />
construction du train,<br />
chargement/déchargement<br />
des marchandises…).<br />
Conseiller et fédérer<br />
des marchés très<br />
experts<br />
Plus globalement, la proximité<br />
directe de <strong>RFF</strong> avec les partenaires<br />
locaux permet de faire<br />
vivre de façon optimale le<br />
réseau des petites lignes là où<br />
les perspectives de trafic existent.<br />
C’est le cas notamment<br />
pour les installations terminales<br />
embranchées (ITE).<br />
Ces bouts de lignes, qui font<br />
la jonction entre les sites des<br />
industriels (silos, carrières,<br />
usines…) et le réseau ferré<br />
national, représentent une<br />
vraie richesse pour les chargeurs,<br />
mais aussi un coût d’entretien<br />
qui nécessite parfois<br />
des solutions conjointes.<br />
Exemple : lorsque<br />
Kronenbourg a fait part de<br />
son projet de fermer l’une des<br />
ITE de son usine d’Obernai,<br />
les équipes <strong>RFF</strong> ont calculé<br />
qu’avec les prévisions d’augmentation<br />
du trafic TER et de<br />
gros travaux sur le réseau<br />
À SAVOIR<br />
De 9 milliards<br />
à 18 milliards<br />
de t/km : c’est<br />
pour répondre<br />
à cet objectif de<br />
croissance affiché<br />
par le Grenelle de<br />
l’environnement<br />
concernant le volume<br />
de marchandises des<br />
transports combinés<br />
que <strong>RFF</strong> et le<br />
Groupement National<br />
des Transports<br />
Combinés ont signé<br />
une convention le<br />
10 décembre 2009.<br />
régional, une seule ITE ne<br />
serait pas suffisante d’ici 2012.<br />
À l’issue de cette analyse, l’industriel<br />
a décidé de maintenir<br />
la seconde ITE en négociant<br />
les coûts, tandis que <strong>RFF</strong><br />
s’engage à l’informer chaque<br />
année des prévisions de trafic<br />
et de la planification des travaux.<br />
Autre préoccupation:<br />
le regroupement des trafics<br />
locaux en partenariat avec<br />
le tissu économique local.<br />
Collectivités locales, chambres<br />
du commerce, syndicats des<br />
chargeurs s’emploient à créer<br />
très en amont cette massification<br />
nécessaire des flux. <strong>RFF</strong>,<br />
qui a une vision d’ensemble<br />
des trafics locaux, entend<br />
jouer un rôle fédérateur.<br />
Dans la région Nord-Est de<br />
la France par exemple, <strong>RFF</strong> va<br />
associer le céréalier Soufflet<br />
– qui gère un trafic saisonnier<br />
très disséminé sur des petites<br />
lignes fret à faible trafic – à un<br />
flux régional plus important et<br />
plus régulier. Une solution qui<br />
assure un avenir à ce réseau<br />
capillaire local. <br />
Pour Lafarge, il s’agit d’éviter<br />
Lafarge<br />
60 000 livraisons de camions par an. ©<br />
Côté Cour<br />
Lafarge s’engage<br />
»<br />
à<br />
favoriser le transport<br />
par voie ferrée.<br />
Arnaud Colson,<br />
directeur des affaires publiques et développement<br />
durable, Lafarge Granulats Bétons<br />
En signant avec <strong>RFF</strong> un protocole de partenariat, Lafarge<br />
s’engage à augmenter de plus de 50 % le volume de<br />
granulats transportés par fer d’ici dix ans, soit l’équivalent<br />
de 60000 livraisons de camions évitées par an. Ce choix<br />
répond à des nécessités environnementales dans la<br />
droite ligne du Grenelle de l’environnement, mais<br />
également à des contraintes liées à l’évolution<br />
géographique des sites des carrières. L’acheminement<br />
s’effectuant depuis des carrières souvent enclavées, sur<br />
des distances de plus en plus longues, la mise au point<br />
d’un modèle économique conjointement avec <strong>RFF</strong><br />
visera à favoriser les investissements dans le transport<br />
des granulats par voie ferrée, en utilisant des voies<br />
parfois sous-employées, en créant les embranchements<br />
qui conviennent et en reliant ces lignes aux platesformes<br />
de transport combiné que nous gérons, en<br />
périphérie des grandes agglomérations. En retour,<br />
Lafarge s’engage à favoriser le transport par voie ferrée<br />
avec un tonnage déterminé pendant dix ans.<br />
« »<br />
La connaissance des<br />
projets des chargeurs<br />
nous permet d’être<br />
plus efficaces.<br />
Côté Jardin «<br />
Vincent Duguay,<br />
directeur commercial, <strong>RFF</strong><br />
La connaissance des projets des chargeurs permet<br />
à <strong>RFF</strong> de réaliser un renforcement du réseau capillaire<br />
aux endroits ad hoc, en ayant l’assurance que le trafic<br />
suivra. Dans cet esprit, le protocole de partenariat<br />
pour le développement des transports par voie ferrée<br />
signé avec Lafarge inaugure un mode de relation<br />
que <strong>RFF</strong> souhaite développer avec d’autres chargeurs.<br />
Il formalise les relations entre les deux parties à travers<br />
une organisation qui va nous permettre d’échanger<br />
en toute liberté et en toute confidentialité – sur les<br />
projets de planification des travaux pour <strong>RFF</strong> et les<br />
perspectives d’évolution des carrières pour Lafarge –,<br />
et donc d’être beaucoup plus efficaces plus rapidement.<br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 15
Responsables<br />
par conviction<br />
16<br />
Réduction des émissions de CO 2<br />
Quels scénarios<br />
pour le ferroviaire?<br />
Le secteur des transports est au cœur de la problématique des émissions de gaz à effet de serre. Un changement<br />
des usages est nécessaire pour atteindre les objectifs visant à diviser par quatre les émissions de CO 2 à horizon 2050.<br />
En France, la loi de programmation du Grenelle de l’environnement a été adoptée en<br />
octobre 2008, confirmant l’engagement national du Facteur 4, soit une baisse annuelle<br />
de 3 % des rejets de GES dans l’atmosphère. Dans le secteur des transports, cet engagement<br />
doit se traduire concrètement par un report modal et une augmentation du trafic ferroviaire.<br />
Il devrait également entraîner des mutations dans les comportements individuels<br />
et l’organisation de la société.<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
Alors qu’au niveau mondial,<br />
l’industrie arrive au<br />
premier rang des émetteurs<br />
des gaz à effet de<br />
serre (GES), en France,<br />
c’est le secteur des transports qui supplante<br />
les autres. Il représente ainsi pas<br />
moins de 26 % du total des émissions nationales<br />
de GES (+ 19 % entre 1990 et 2007).<br />
Il est en effet responsable de 141,4 millions<br />
© <strong>RFF</strong><br />
de tonnes équivalent CO 2, devant les secteurs<br />
de l’industrie, de l’agriculture/sylviculture<br />
ou encore du résidentiel tertiaire.<br />
Au sein même du secteur des transports,<br />
la route concentre presque à elle seule la<br />
globalité des émissions de GES (24 %) et<br />
contribue à hauteur de 14,1 % à leur évolution<br />
nationale. Cependant, après une<br />
année record en 2004, ces émissions ont<br />
amorcé leur recul. Elles ont diminué de
2,8 % entre 2004 et 2007 1 . Les raisons de ce<br />
ralentissement ? La hausse des prix des<br />
carburants, une réglementation plus restrictive<br />
en matière de vitesse et des progrès<br />
techniques qui permettent de renouveler<br />
le parc avec des modèles moins<br />
polluants. Mais ces efforts concentrés sur<br />
l’automobile sont loin d’être suffisants<br />
pour permettre d’atteindre à terme l’objectif<br />
du Facteur 4, soit une division par quatre<br />
des émissions de gaz à effet de serre à horizon<br />
2050. À la problématique des émissions<br />
de GES s’ajoute par ailleurs celle de<br />
l’épuisement des ressources des énergies<br />
fossiles. Car le transport est à 95 % dépendant<br />
du pétrole au niveau mondial 2 et la<br />
mobilité ne cesse d’augmenter.<br />
Projection à 2050<br />
Même si la mise en œuvre de mesures<br />
destinées à réduire les émissions de gaz à<br />
effet de serre ne sera pas facile, et le sommet<br />
de Copenhague a montré la difficulté<br />
de trouver un chemin, l’objectif du Facteur<br />
4 dans les pays industrialisés sera inévitable<br />
pour maintenir la planète dans des<br />
conditions de température acceptable.<br />
Face à cette situation, une étude LET-<br />
Enerdata a montré que les avancées technologiques<br />
permettront de réduire la moitié<br />
seulement des émissions de GES. Pour<br />
rencontrer l’objectif du Facteur 4 à horizon<br />
2050, les pouvoirs publics vont devoir<br />
mener des actions décisives en matière de<br />
gestion de la mobilité (inflexion de la<br />
demande, report modal). Ces mesures<br />
budgétaires et réglementaires se tradui-<br />
fondes dans les comportements individuels<br />
et l’organisation de la société (pratiques<br />
de déplacement, localisation des<br />
activités). L’étude LET-Enerdata a ainsi<br />
conçu trois familles de scénarios types qui<br />
présentent des politiques de transport différentes<br />
et permettent de se projeter dans<br />
la vie quotidienne telle qu’elle sera en<br />
2050. La première famille de scénarios,<br />
baptisée Pegase, envisage le prolongement<br />
de la tendance actuelle à l’accroissement<br />
de la mobilité. Pour limiter les<br />
émissions de GES, on privilégie les<br />
améliorations technologiques et les<br />
politiques publiques qui misent sur<br />
ront concrètement par des mutations pro- >>><br />
« Pour rencontrer l’objectif du Facteur 4<br />
à horizon 2050, les pouvoirs publics<br />
vont devoir mener des actions décisives<br />
en matière de gestion de la mobilité. »<br />
© Régis Faller<br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 17
Responsables<br />
par conviction<br />
18<br />
// lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8<br />
>>> « Un des engagements du Grenelle<br />
la réglementation et la tarification. À<br />
cela viennent s’ajouter des aides en<br />
matière de recherche et des investissements<br />
dans les infrastructures.<br />
Réduire la mobilité<br />
De son côté, la deuxième famille de scénarios<br />
Chronos fait l’hypothèse de politiques<br />
publiques plus contraignantes au niveau<br />
réglementaire comme tarifaire en parallèle<br />
de l’augmentation des prix des carburants.<br />
Ces mesures entraînent une forte pression<br />
sur les modes de vie des citoyens, notamment<br />
en augmentant le budget temps de<br />
transport et le budget monétaire pour les<br />
voyageurs et les marchandises. D’après<br />
les conclusions de l’étude, la famille de<br />
scénarios Chronos semblerait la plus efficace<br />
pour atteindre le Facteur 4. Enfin, la<br />
famille de scénarios Hestia propose de<br />
considérer comme des variables d’ajustement<br />
les modes de vie, les localisations de<br />
l’habitat, ainsi que l’organisation de la production<br />
et de la redistribution des marchandises.<br />
Dans le cadre d’Hestia, les politiques<br />
publiques durcissent encore les<br />
mesures, afin de réduire la mobilité. Par<br />
ailleurs, elles limitent les investissements<br />
dans les infrastructures de transport et<br />
© Gilles Rolle/Réa © Fabien Courtitara/Réa<br />
soutiennent plutôt les activités valorisant<br />
la proximité. En étudiant les différentes<br />
possibilités, il apparaît clairement que les<br />
scénarios Pégase ne permettent pas au<br />
secteur des transports d’atteindre l’objectif<br />
du Facteur 4. Une modification de la<br />
mobilité des personnes et des marchandises<br />
est donc nécessaire. Et selon les scénarios<br />
envisagés, la baisse du trafic routier<br />
implique une augmentation du trafic<br />
du train à grande vitesse de 4 à 5 % par an 3 .<br />
En effet, dans le secteur du transport, le<br />
rail, et plus particulièrement le TGV,<br />
représente un moyen efficace de lutter<br />
contre les émissions de GES. Car le déplacement<br />
d’un voyageur en TGV génère<br />
environ 10 fois moins de GES qu’un déplacement<br />
par la route et 20 à 25 fois moins<br />
qu’en avion 4 .<br />
Tous les modes de transport sont concernés par le Bilan CarboneTM Hanning/Réa<br />
. Un report modal vers des solutions de<br />
Ian<br />
transport massifié risque d’être indispensable pour limiter nos impacts sur l’environnement liés aux déplacements. ©<br />
de l’environnement prévoit de construire<br />
2000 km de lignes à grande vitesse<br />
d’ici à 2020 et d’étudier la possibilité<br />
de 2500 km supplémentaires. »<br />
© <strong>RFF</strong>/J.-J. d’Angelo<br />
Modifier les critères d’évaluation<br />
C’est pourquoi l’un des engagements du<br />
Grenelle de l’environnement prévoit de<br />
construire 2 000 km de <strong>Lignes</strong> à Grande<br />
Vitesse d’ici à 2020 et d’étudier la possibilité<br />
de 2 500 km supplémentaires. Ce programme<br />
de LGV devrait être accompagné<br />
d’un effort de l’État de 16 milliards d’euros.<br />
Autre engagement du Grenelle, l’augmentation<br />
de la part du fret ferroviaire de<br />
25 % d’ici à 2012 et le développement d’un<br />
réseau ferroviaire spécialisé ou à dominante<br />
fret à l’horizon 2025 5 . Mais l’efficacité<br />
énergétique des trains doit également<br />
être prise en compte. En effet, un TGV qui<br />
passerait de 320 à 360 km/h entraînerait<br />
une augmentation de 25 % de la consommation<br />
d’électricité 3 . « Dans la mesure où<br />
notre objectif est aujourd’hui d’atteindre le<br />
Facteur 4, il faut modifier les critères d’évaluation<br />
de la pertinence des projets, estime<br />
Véronique Wallon, directrice générale<br />
adjointe, responsable du pôle gouvernance<br />
et stratégie chez <strong>RFF</strong>. Ils ne doivent<br />
pas porter uniquement sur un rapport budget/temps<br />
de transport. Ils doivent également<br />
prendre en compte le report du fret,<br />
le maillage, la réduction du bruit ou encore<br />
le décongestionnement des agglomérations.<br />
» Pour répondre à ces question -<br />
nements, <strong>RFF</strong> a récemment lancé en partenariat<br />
avec le LET une étude qui vise à<br />
hiérarchiser les projets dans le cadre de<br />
l’objectif de Facteur 4. <br />
Sources :<br />
(1) : « Bilan des émissions de gaz à effet de serre<br />
de la France en 2007 », CITEPA, rapport CCNUCC,<br />
mars 2009.<br />
(2): « Comment satisfaire les objectifs internationaux de la<br />
France en terme d’émissions de gaz à effet de serre et de<br />
pollution transfrontalières? », Enerdata-LET, 5 février 2008.<br />
(3) : « Division par 4 des émissions de CO 2 : quelle place<br />
pour le transport ferroviaire sous contrainte<br />
économique ? », <strong>RFF</strong>, synthèse des actes du colloque,<br />
22 septembre 2009.<br />
(4) : « Efficacité énergétique et environnementale des<br />
modes de transport », ADEME-Deloitte, janvier 2008.<br />
(5) : Les engagements numérotés du Grenelle de<br />
l’environnement, 23 novembre 2007, modifié le 4 janvier<br />
2008, le 10 janvier 2008 et le 25 janvier 2008.
Entretien croisé<br />
Facteur 4 et transport ferroviaire<br />
Comment les différents acteurs du transport peuvent-ils contribuer à l’objectif du Facteur 4?<br />
Interview croisée entre Véronique Wallon, directrice générale adjointe, responsable du pôle<br />
gouvernance et stratégie chez <strong>RFF</strong>, et Yves Crozet, professeur à l’université de Lyon, membre<br />
du LET et président de l’Observatoire énergie environnement des transports.<br />
Que pensez-vous de l’état<br />
de prospective en France<br />
sur le sujet du Facteur 4?<br />
Yves Crozet : L’objectif du Facteur 4 a eu<br />
pour effet de présenter l’horizon 2050<br />
comme une référence pour divers travaux.<br />
Il y a d’abord eu en 2005 le travail du<br />
Conseil général des ponts et chaussées<br />
(CGPC). Les scénarios proposés, assez<br />
contrastés, n’avaient bien sûr pas tout<br />
prévu, mais ils résistent assez bien aux<br />
changements actuels liés à la crise. Par la<br />
suite, le LET et Enerdata ont produit pour<br />
le Predit des scénarios qui montrent que<br />
la technologie ne permettra, au mieux,<br />
que d’atteindre le Facteur 2. Ce qui est<br />
conforme aux résultats d’autres travaux,<br />
conduits par des spécialistes de l’économie<br />
de l’énergie (Cired à Paris, LEPII à<br />
Grenoble…) qui insistent sur la nécessité<br />
de la taxe carbone ou des permis négociables<br />
pour infléchir les comportements.<br />
Pourquoi <strong>RFF</strong> s’est intéressé<br />
à la question du Facteur 4?<br />
Véronique Wallon: Par nature, le transport<br />
ferroviaire contribue à la limitation des émissions<br />
de GES. Mais le transport ferroviaire<br />
n’est économe que s’il est utilisé de façon<br />
massive. C’est à cette condition uniquement<br />
qu’il peut remplir sa mission de contribution<br />
au Facteur 4. Désormais, quand on construit<br />
une nouvelle ligne, un bilan complet de<br />
l’émission des GES est nécessaire. Il nous<br />
faut en effet développer des projets pertinents<br />
qui présentent un équilibre entre<br />
les aspects économiques et écologiques.<br />
Le Bilan Carbone TM de la ligne Rhin-Rhône<br />
est le premier que nous ayons réalisé en<br />
partenariat avec l’Ademe et la SNCF depuis<br />
la conception de la ligne jusqu’à son exploitation<br />
commerciale au cours des 30 premières<br />
années après sa mise en service.<br />
« Le transport ferroviaire n’est<br />
économe que s’il est utilisé<br />
de façon massive. » Véronique Wallon<br />
Quels rôles doit jouer chacun<br />
des acteurs dans cette démarche<br />
qui vise le Facteur 4?<br />
Y. C. : Les experts spécialistes du climat<br />
ont sonné l’alarme, puis ont laissé la<br />
parole aux experts sectoriels spécialistes<br />
de l’agriculture, du transport ou de l’énergie.<br />
Ces derniers doivent montrer quelles<br />
sont les inflexions et les ruptures à envisager,<br />
afin que les pouvoirs publics prennent<br />
les bonnes orientations (taxe carbone,<br />
permis négociables, réglementation,<br />
tarification…).<br />
Et comment <strong>RFF</strong> s’inscrit dans<br />
cette démarche?<br />
V. W. : En tant qu’entreprise citoyenne, nous<br />
contribuons à cette démarche en améliorant<br />
nos performances dans nos différentes activités.<br />
Nous nous efforçons de concevoir des<br />
projets dont le Bilan Carbone TM est positif et<br />
qui répondent aux exigences du Facteur 4.<br />
Notre rôle est également d’offrir des conditions<br />
de transport sûres, efficaces et<br />
commodes, tant pour les voyageurs que<br />
pour les marchandises, afin de favoriser<br />
le développement du transport modal.<br />
« La tarification raisonnée des<br />
infrastructures est un moyen<br />
de maîtriser la mobilité. » Yves Crozet<br />
Y. C. : Le gestionnaire doit mettre au service<br />
de la collectivité ses infrastructures<br />
pour encourager les modes de transport<br />
les moins émetteurs de GES. Mais cela ne<br />
signifie pas la gratuité. Au contraire, la tarification<br />
raisonnée des infrastructures est<br />
un moyen de maîtriser la mobilité. De plus,<br />
cette tarification doit être mise au service<br />
du financement du réseau. Car rien n’est<br />
moins durable que la gratuité!<br />
Quels enseignements tirez-vous<br />
de l’étude LET-Enerdata?<br />
V. W. : Deux messages très forts ressortent<br />
de cette étude. On voit d’abord que la<br />
notion du budget/temps de transport fixe<br />
une limite au déplacement des personnes.<br />
L’hypermobilité ne doit pas être encouragée.<br />
Quant à la recherche de la plus<br />
grande vitesse, elle doit respecter l’efficacité<br />
énergétique du transport ferroviaire.<br />
Le second enseignement à tirer de l’étude<br />
du LET est que la technologie ne résoudra<br />
pas tout. Le mode de transport individuel,<br />
quelle que soit sa performance, ne<br />
permettra pas d’atteindre les exigences<br />
du Facteur 4. <br />
lignes d’avenir <strong>n°</strong> 8 // 19
© <strong>RFF</strong>/CAPA/Lionel Charrier<br />
© <strong>RFF</strong>/CAPA/Lionel Charrier<br />
<strong>RFF</strong> accueille<br />
un nouveau service<br />
de transport réfrigéré<br />
Un nouveau service international de transport de biens alimentaires périssables, composé de conteneurs<br />
à température contrôlée, a été présenté sur la base logistique de <strong>RFF</strong> à Valenton (94). Mis en place<br />
par la société Euro Cargo Rail, l’un des clients du réseau ferré national, en collaboration avec DB Schenker<br />
et Stobart Rail, ce service inédit permettra de transporter 30 conteneurs réfrigérés entre l’Espagne<br />
et le Royaume-Uni en moins de 60 heures. Avec, à la clé, 13,7 millions de km de route évités<br />
au profit du rail, réduisant ainsi les émissions de CO 2 de plus de 105 000 t d’ici la fin 2011.