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Vigipirate et guerre des perceptions - Le Centre de Doctrine d ...

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<strong>Vigipirate</strong> <strong>et</strong> <strong>guerre</strong><br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong><br />

armée <strong>de</strong> Terre participe au plan <strong>Vigipirate</strong> <strong>de</strong>puis 1991, apportant ainsi un concours irremplaçable aux différentes forces <strong>de</strong><br />

L’ police <strong>et</strong> <strong>de</strong> gendarmerie.<br />

L’intérêt majeur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contribution ne rési<strong>de</strong> pas dans la neutralisation ou la dissuasion d’éventuels attentats. En revanche, un<br />

tel engagement trouve tout son sens dans le cadre <strong>de</strong> la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> menée quotidiennement contre le terrorisme.<br />

En eff<strong>et</strong>, la forte visibilité <strong>et</strong> la spécificité affirmée <strong>de</strong> nos soldats marque sans relâche les esprits <strong>de</strong> nos concitoyens, perm<strong>et</strong>tant<br />

ainsi <strong>de</strong> contribuer à juguler les eff<strong>et</strong>s anxiogènes <strong>de</strong> la puissance immatérielle mise en œuvre par le phénomène terroriste.<br />

C<strong>et</strong>te spécificité <strong>de</strong> l’action militaire dans le cadre <strong>de</strong> <strong>Vigipirate</strong> doit absolument être comprise <strong>et</strong> intégrée dans la définition <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

missions confiées aux unités engagées.<br />

Commandant Pierre Fontaine, eCole <strong>de</strong> Guerre<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la neutralisation ou <strong>de</strong> la dissuasion<br />

d’éventuels attentats, <strong>Vigipirate</strong> trouve tout son<br />

sens dans le cadre <strong>de</strong> la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> menée<br />

quotidiennement contre le terrorisme. La forte<br />

visibilité <strong>de</strong> nos soldats perm<strong>et</strong> sans conteste <strong>de</strong><br />

contribuer à juguler les eff<strong>et</strong>s anxiogènes générés par<br />

le phénomène terroriste. C<strong>et</strong>te capacité <strong><strong>de</strong>s</strong> armées à<br />

contrer le sentiment d’insécurité ouvre ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> pistes<br />

<strong>de</strong> réflexion sur la perception <strong>de</strong> l’institution militaire<br />

par nos concitoyens.<br />

triBune liBre<br />

M ore Than scindy beutralizing or discouraging<br />

possible terrorist attacks. The vigipirate vigilance<br />

plan plays an essential role in the daily perception war<br />

conducted against terrorism. The high visibility of our<br />

soldiers is an unquestionable contribution in the<br />

curbing of anxi<strong>et</strong>y-creating effects produced by the<br />

terrorist phenomenon. The ability of the armed forces<br />

to mitigate the feeling of insecurity opens up new ways<br />

of thinking about the citizen’s perception of the<br />

military.<br />

Celles-ci ne pourront remplir convenablement leur mission qu’au prix d’un effort intellectuel <strong>et</strong> pédagogique non négligeable <strong>de</strong><br />

la part <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs vis-à-vis <strong>de</strong> chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> «caporaux stratégiques» patrouillant sans relâche dans nos rues <strong>et</strong> dans nos gares.<br />

Activé en septembre 1991 dans le but <strong>de</strong> répondre <strong>de</strong> manière cohérente à la menace terroriste, le dispositif du plan gouvernemental<br />

<strong>Vigipirate</strong> a <strong>de</strong>puis lors été maintenu 1 , adapté 2 <strong>et</strong> développé au point <strong>de</strong> constituer un élément clef <strong>de</strong> la posture permanente <strong>de</strong><br />

sécurité. Il implique l’interaction <strong>et</strong> la coopération <strong>de</strong> nombreux intervenants, parmi lesquels le ministère <strong>de</strong> la défense joue un rôle<br />

non négligeable.<br />

L’armée <strong>de</strong> Terre occupe une place essentielle dans le dispositif militaire 3 , pleinement justifiée par la maîtrise <strong><strong>de</strong>s</strong> MICAT 4 . Mises en<br />

œuvre dans <strong><strong>de</strong>s</strong> contextes variés (opérations extérieures ou intérieures), ces <strong>de</strong>rnières assurent aux unités <strong><strong>de</strong>s</strong> forces terrestres la<br />

compétence leur perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> jouer un rôle essentiel dans un vol<strong>et</strong> sensible <strong>de</strong> la défense du territoire.<br />

Pour autant, il est permis <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r dans quelle mesure l’emploi <strong>de</strong> la force armée est adapté à un déploiement sur le territoire<br />

national au sein <strong>de</strong> notre propre population. En eff<strong>et</strong>, les mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’action traditionnels liés aux différents cœurs <strong>de</strong> métier <strong><strong>de</strong>s</strong> unités<br />

1 A l’exception d’une interruption d’octobre à décembre 1996.<br />

2 <strong>Le</strong> plan actuellement en vigueur a été défini en mars 2003, suite à l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> enseignements tirés pendant sept ans.<br />

3 905 <strong><strong>de</strong>s</strong> 1 010 militaires engagés <strong>de</strong> manière permanente appartiennent à l’armée <strong>de</strong> Terre (situation du 13 septembre 2011, données CFT). <strong>Le</strong>s unités déployées sont<br />

systématiquement relevées au terme d’un cycle <strong>de</strong> trois semaines <strong>de</strong> mission.<br />

4 MICAT : missions communes <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Terre. Ces missions correspon<strong>de</strong>nt au socle <strong>de</strong> compétences tactiques commun à toutes les unités.<br />

DOCTRINE TACTIQUE N° 26<br />

69<br />

DÉCEMBRE 2012


<strong><strong>de</strong>s</strong> forces terrestres ainsi que l’armement utilisé peuvent sembler en décalage excessif avec la participation à un dispositif <strong>de</strong><br />

sécurité en milieu civil dans un pays en paix. Dans ce cadre, quels sont les atouts spécifiques <strong>et</strong> décisifs offerts par l’engagement<br />

<strong>de</strong> militaires <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Terre dans les opérations liées au plan <strong>Vigipirate</strong> ?<br />

Participant au quotidien à <strong><strong>de</strong>s</strong> missions <strong>de</strong> surveillance en coopération avec les forces <strong>de</strong> l’ordre déployées par le ministère <strong>de</strong><br />

l’intérieur, les unités <strong>de</strong> forces terrestres jouent un rôle essentiel <strong>et</strong> unique dans la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> engagée par les différents<br />

acteurs <strong>de</strong> la menace terroriste sur notre territoire. Frappant les esprits par l’affichage <strong>de</strong> leur force <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur détermination,<br />

exploitant le caractère décalé <strong>de</strong> leur engagement opérationnel au milieu <strong>de</strong> nos concitoyens, les militaires <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Terre<br />

s’opposent ainsi directement à la puissance immatérielle suggérée par la violence aveugle <strong><strong>de</strong>s</strong> attentats terroristes.<br />

C<strong>et</strong>te thèse appelle la bonne compréhension du mécanisme <strong>de</strong> l’action terroriste, qui repose sur la combinaison <strong><strong>de</strong>s</strong> eff<strong>et</strong>s<br />

immatériels <strong>et</strong> matériels <strong>de</strong> la puissance. Elle s’appuie sur une vision claire <strong>et</strong> globale <strong><strong>de</strong>s</strong> possibilités tactiques mais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

limites <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong> la force armée face à une telle menace. Elle perm<strong>et</strong> enfin d’avancer certaines propositions perm<strong>et</strong>tant<br />

d’envisager, pour les forces terrestres, une approche renouvelée du plan <strong>Vigipirate</strong>.<br />

la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong>, enjeu majeur du phénomène terroriste<br />

<strong>Le</strong> terrorisme peut se définir comme étant un ensemble d’actes<br />

violents <strong>et</strong> illégaux commis avec l’objectif <strong>de</strong> provoquer un<br />

climat <strong>de</strong> terreur au sein <strong>de</strong> l’opinion publique ou d’ébranler la<br />

force d’un gouvernement ou d’un groupe social. Dans ce but, les<br />

auteurs <strong>de</strong> ces actes combinent les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> la puissance<br />

matérielle avec ceux <strong>de</strong> la puissance immatérielle. Ainsi, les<br />

premiers perm<strong>et</strong>tent <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>tructions ponctuelles dont la<br />

brutalité entame directement la résilience <strong><strong>de</strong>s</strong> populations<br />

visées, tandis que les seconds exploitent l’eff<strong>et</strong> démoralisant <strong>de</strong><br />

ces actions en installant durablement dans les esprits une peur<br />

persistante <strong>et</strong> souvent irrationnelle.<br />

Dans ce cadre, la liberté d’action, la furtivité face aux forces <strong>de</strong><br />

l’ordre ainsi que l’entr<strong>et</strong>ien du sentiment d’insécurité<br />

perm<strong>et</strong>tent aux terroristes <strong>de</strong> conserver l’initiative, qui<br />

constitue la principale clé du succès <strong>de</strong> leur action. D’un point <strong>de</strong> vue tactique, les acteurs <strong>de</strong> la menace terroriste i<strong>de</strong>ntifient<br />

généralement comme centre <strong>de</strong> gravité ennemi (c’est dire la source <strong>de</strong> puissance, matérielle ou immatérielle, d’où l’adversaire tire<br />

sa liberté d’action, sa force physique <strong>et</strong> sa volonté <strong>de</strong> combattre 5 <strong>Vigipirate</strong> patrol in a train station in Paris<br />

) la solidité morale <strong><strong>de</strong>s</strong> individus composant les sociétés visées<br />

par leurs attaques. De la même manière, il paraît pertinent <strong>de</strong> désigner la capacité à se mouvoir <strong>et</strong> à agir en toute discrétion comme<br />

étant le propre centre <strong>de</strong> gravité générique <strong>de</strong> tout réseau terroriste.<br />

En réaction, les autorités <strong><strong>de</strong>s</strong> sociétés ou <strong><strong>de</strong>s</strong> états agressés doivent chercher en permanence à prendre ou reprendre l’initiative<br />

sur le terrain <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong> la puissance. L’initiative peut être définie comme la présence d’options perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> prendre le<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong>sus sur l’adversaire <strong>et</strong>, in fine, <strong>de</strong> remporter la victoire 6 . Elle est garantie par l’optimisation du dispositif engagé, l’anticipation<br />

parfaite <strong><strong>de</strong>s</strong> mouvements <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> intentions adverses ainsi que la prise <strong>de</strong> l’ascendant moral sur l’ennemi. Si les <strong>de</strong>ux premiers<br />

critères peuvent être associés à l’action combinée <strong><strong>de</strong>s</strong> forces <strong>de</strong> l’ordre <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> services <strong>de</strong> renseignement, le troisième caractérise<br />

en revanche la plus-value délivrée par le déploiement ostensible <strong>de</strong> la force militaire. Celle-ci peut donc jouer un rôle déterminant<br />

dans la bataille <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong>, à l’exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> unités engagées dans le dispositif <strong>de</strong> sécurité du plan <strong>Vigipirate</strong>.<br />

En eff<strong>et</strong>, faisant face à une menace terroriste <strong>de</strong> type islamiste <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses années, les autorités françaises ont choisi<br />

d’engager <strong>de</strong> manière permanente un volume important <strong>de</strong> forces armées aux côtés <strong><strong>de</strong>s</strong> unités <strong>de</strong> police <strong>et</strong> <strong>de</strong> gendarmerie<br />

engagées sur le terrain par le ministère <strong>de</strong> l’intérieur. Au cours d’un cycle <strong>de</strong> trois semaines, ces troupes participent au dispositif<br />

5 Pour reprendre la définition donnée par le général <strong>de</strong> division Yakovleff dans Tactique théorique, Economica, 2 ème édition, 2009.<br />

6 Définition développée par le général <strong>de</strong> division Yakovleff, ibid.<br />

DOCTRINE TACTIQUE N° 26<br />

70 DÉCEMBRE 2012<br />

Patrouille <strong>Vigipirate</strong> dans une gare parisienne<br />

© Armée <strong>de</strong> Terre


triBune liBre<br />

<strong>Vigipirate</strong> sur <strong><strong>de</strong>s</strong> sites civils (le plus souvent localisés en région parisienne) faisant souvent l’obj<strong>et</strong> d’une forte fréquentation <strong>de</strong><br />

nos concitoyens, tandis que d’autres unités, désignées selon le même rythme, constituent une réserve d’intervention susceptible<br />

d’être déployée sur très court préavis.<br />

<strong>Le</strong>s armées <strong>et</strong> plus particulièrement l’armée <strong>de</strong> Terre consentent donc <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens importants à c<strong>et</strong>te mission. Dans quel but ?<br />

le fer <strong>de</strong> lance <strong>de</strong> la puissance immatérielle<br />

Avant <strong>de</strong> déterminer en quoi le déploiement d’unités <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> Terre est indispensable dans le dispositif <strong>Vigipirate</strong>, il convient<br />

<strong>de</strong> distinguer les limites <strong>de</strong> leur emploi dans le contexte d’une opération <strong>de</strong> sécurité en milieu civil menée à l’intérieur <strong>de</strong> nos<br />

frontières.<br />

D’une part, les armées n’ont aucune prérogative dans le domaine judiciaire <strong>et</strong> ne sont pas autorisées à réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> missions <strong>de</strong><br />

contrôle <strong>de</strong> foule sur le territoire national, ce qui limite considérablement leur capacité d’action directe au sein <strong>de</strong> la population<br />

civile. La seule exception tolérée est l’appui aux forces <strong>de</strong> l’ordre dans l’appréhension <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its délinquants pris en flagrant délit,<br />

ce qui relève davantage du civisme que <strong>de</strong> l’antiterrorisme.<br />

D’autre part, l’utilisation <strong>de</strong> la force militaire dans le cadre <strong>de</strong> <strong>Vigipirate</strong> est fortement contrainte par le contexte d’engagement.<br />

Dotés d’un armement individuel puissant, formés pour réaliser si nécessaire <strong><strong>de</strong>s</strong> missions <strong>de</strong> combat <strong>de</strong> haute intensité, les<br />

soldats déployés ne peuvent, pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons évi<strong>de</strong>ntes, m<strong>et</strong>tre en œuvre la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-faire qui font leur spécificité. Ainsi,<br />

seules les missions communes <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> terre (MICAT), privilégiant les mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’action liés aux opérations <strong>de</strong> protection <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

surveillance, sont réalisées dans le cadre <strong>de</strong> <strong>Vigipirate</strong>.<br />

Malgré ces restrictions, la participation <strong><strong>de</strong>s</strong> armées à ces opérations représente un formidable atout pour l’efficacité <strong>et</strong> la<br />

cohérence du dispositif. En eff<strong>et</strong>, le décalage créé par le déploiement <strong>de</strong> la force militaire dans un pays en paix provoque un<br />

puissant eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> suggestion <strong>de</strong> la puissance, essentiel dans la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> menée contre le phénomène terroriste.<br />

Même si les unités alignées sur le terrain par le ministère <strong>de</strong> l’intérieur contribuent également à combattre le sentiment<br />

d’insécurité, la visibilité <strong>et</strong> l’affichage <strong>de</strong> la force militaire constituent pour les autorités françaises une indispensable source <strong>de</strong><br />

puissance immatérielle.<br />

En eff<strong>et</strong>, celle-ci repose sur la crédibilité accordée par l’opinion publique nationale à une armée qui fait désormais <strong>de</strong> nouveau la<br />

<strong>guerre</strong>, en Afghanistan notamment. La couverture médiatique <strong><strong>de</strong>s</strong> interventions menées dans le mon<strong>de</strong> entier <strong>et</strong> l’évocation<br />

douloureuse <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats français tombés au combat viennent presque chaque jour rappeler à nos concitoyens la réalité du métier<br />

militaire ainsi que son rapport tout particulier à l’utilisation <strong>de</strong> la force. Dans ces conditions, les troupes déployées au sein du<br />

dispositif <strong>Vigipirate</strong> soulignent par leur présence la gravité <strong>de</strong> la menace tout autant que la détermination <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs publics à y<br />

faire face.<br />

Mais l’aptitu<strong>de</strong> toute particulière <strong><strong>de</strong>s</strong> armées à participer à la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> provient aussi <strong>de</strong> la capacité intrinsèque <strong>de</strong><br />

tout militaire en uniforme à suggérer la force <strong>et</strong> la volonté <strong>de</strong> combattre, grâce à la visibilité <strong>de</strong> ses armes <strong>et</strong> au caractère martial<br />

<strong>et</strong> résolu <strong>de</strong> son attitu<strong>de</strong>. La tenue <strong>et</strong> la posture <strong>de</strong> chaque trinôme en patrouille sont ainsi essentielles pour la cohérence du<br />

dispositif <strong>Vigipirate</strong> dans son ensemble <strong>et</strong> surtout pour le gain du succès en termes <strong>de</strong> perception <strong>de</strong> la puissance.<br />

<strong>Le</strong>s troupes engagées dans le cadre du plan <strong>Vigipirate</strong> y jouent un rôle crucial, lié à la spécificité militaire. Elles doivent cependant<br />

comprendre la nature <strong>de</strong> la bataille <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> afin <strong>de</strong> garantir le succès <strong><strong>de</strong>s</strong> missions reçues.<br />

Comprendre l’esprit <strong>de</strong> la mission pour en valoriser les eff<strong>et</strong>s<br />

La mission reçue par les armées dans le cadre du plan <strong>Vigipirate</strong> est la suivante : «participer au renfort <strong>de</strong> la sécurité en effectuant<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> patrouilles dans les gares, les aéroports, les ports, ainsi qu’un certain nombre <strong>de</strong> points sensibles» 7 .<br />

7 Source : portail intern<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’état-major <strong><strong>de</strong>s</strong> armées (EMA).<br />

DOCTRINE TACTIQUE N° 26<br />

71<br />

DÉCEMBRE 2012


© Armée <strong>de</strong> Terre<br />

Ce libellé perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> déduire, pour l’emploi <strong><strong>de</strong>s</strong> forces terrestres, un certain nombre <strong>de</strong> missions (essentiellement «appuyer»,<br />

«surveiller» ou «interdire») pouvant être qualifiées <strong>de</strong> défensives <strong>et</strong> ne privilégiant pas, par définition, l’utilisation <strong>de</strong> la force.<br />

<strong>Le</strong>urs définitions respectives induisent la réalisation <strong>de</strong> tâches précises <strong>et</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong> procédés tactiques adaptés.<br />

En revanche, les termes <strong>de</strong> la mission dévolue aux armées dans le cadre du plan <strong>Vigipirate</strong> ne fournissent que bien peu d’éléments<br />

d’analyse relatifs à la <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> ainsi qu’à la notion <strong>de</strong> puissance immatérielle. Dans ce cadre, il semble donc difficile<br />

d’en déduire directement un « but à atteindre » exploitable.<br />

Il est pourtant essentiel que les ordres rédigés par les chefs tactiques prennent en compte, notamment dans leurs eff<strong>et</strong>s majeurs<br />

respectifs, la problématique <strong>de</strong> la suggestion <strong>de</strong> la puissance. Du niveau <strong>de</strong> l’EMIAZD 8 à celui <strong><strong>de</strong>s</strong> unités élémentaires<br />

(commandants d’unité <strong>et</strong> chefs <strong>de</strong> section), <strong><strong>de</strong>s</strong> consignes strictes, précises <strong>et</strong> parfaitement adaptées doivent être données pour<br />

que chaque soldat déployé ait conscience qu’il constitue un «caporal stratégique» dont l’action au sein <strong>de</strong> notre propre<br />

population est déterminante.<br />

Bien évi<strong>de</strong>mment, la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> ordres délivrés relatifs à l’utilisation <strong>de</strong> la force, au cadre juridique ainsi qu’aux règles<br />

d’engagement doit <strong>de</strong>meurer un souci permanent <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs commandant sur le terrain, afin <strong>de</strong> garantir la bonne exécution <strong>de</strong> la<br />

mission. Cependant, rien ne pourra remplacer les efforts <strong>de</strong> pédagogie nécessaires à la bonne compréhension par tous <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux<br />

induits par le plan <strong>Vigipirate</strong>. Un soin particulier doit être apporté aux ordres relatifs à la posture <strong>et</strong> à l’attitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> troupes<br />

engagées. Parfaitement comprises par l’armée française dans les phases <strong>de</strong> stabilisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> normalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> opérations<br />

extérieures menées ces <strong>de</strong>rnières années, ces notions doivent pouvoir être assimilées <strong>et</strong> appliquées sans difficulté dans le<br />

contexte du territoire national.<br />

8 EMIAZD : état-major interarmées <strong>de</strong> zone <strong>de</strong> défense. <strong>Le</strong>s EMIAZD sont notamment chargés du vol<strong>et</strong> militaire <strong>de</strong> <strong>Vigipirate</strong> dans leurs zones <strong>de</strong> responsabilité respectives <strong>et</strong><br />

rédigent les ordres d’opération <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés aux unités qui leur sont subordonnées pour la durée <strong><strong>de</strong>s</strong> missions correspondantes.<br />

DOCTRINE TACTIQUE N° 26<br />

72 DÉCEMBRE 2012<br />

Patrouille <strong>Vigipirate</strong> PARIS / <strong>Vigipirate</strong> Paris Patrol


© Armée <strong>de</strong> Terre<br />

Enfin, il ne saurait exister <strong>de</strong> <strong>guerre</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> sans implication <strong>de</strong> la fonction communication. Celle-ci doit agir en appui du<br />

dispositif engagé en le valorisant <strong>et</strong> en en démultipliant les eff<strong>et</strong>s, sur nos concitoyens comme sur nos adversaires. Délivrant leurs<br />

messages dans la durée (point <strong>de</strong> situation sur la mission plusieurs fois par année), en interne comme à l’extérieur <strong>de</strong> l’institution<br />

<strong>et</strong> utilisant aussi bien les médias nationaux que les médias régionaux, les communicants <strong><strong>de</strong>s</strong> armées doivent, à tous les niveaux,<br />

m<strong>et</strong>tre en lumière l’action <strong>de</strong> nos troupes <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tre qu’elle <strong>de</strong>meure remarquée sans <strong>de</strong>venir anxiogène pour nos concitoyens.<br />

Dans ce cadre, la communication opérationnelle (COMOPS) constitue un appui indispensable à notre action <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

démultiplier les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> notre puissance immatérielle. Démontrant si besoin aux militaires engagés le caractère hautement<br />

opérationnel <strong>de</strong> leur mission, elle peut ainsi favoriser la prise <strong>de</strong> l’ascendant moral sur l’ennemi, préparant ainsi le gain <strong>de</strong><br />

l’initiative puis du succès face au terrorisme.<br />

Pour conclure, il paraît indispensable <strong>de</strong> souligner à quel point la participation militaire aux missions définies par le plan <strong>Vigipirate</strong><br />

valorise considérablement le dispositif national mis en place face à la menace terroriste. Agissant indirectement contre un ennemi<br />

rarement décelé, les unités déployées constituent, par l’affichage <strong>de</strong> leur force <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur détermination, une source <strong>de</strong> puissance<br />

immatérielle pesant directement dans la bataille <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>perceptions</strong> induite par la menace terroriste. C<strong>et</strong>te certitu<strong>de</strong> doit absolument<br />

gui<strong>de</strong>r la réflexion puis l’action <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs aux différents niveaux concernés.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la plus-value apportée dans la conduite d’opérations sur le territoire national, la capacité <strong><strong>de</strong>s</strong> armées à contrer le<br />

sentiment d’insécurité ouvre <strong><strong>de</strong>s</strong> pistes <strong>de</strong> réflexions concernant la perception <strong><strong>de</strong>s</strong> institutions militaires par nos concitoyens.<br />

Réunissant dans la Cité les trois composantes <strong>de</strong> la trinité clausewitzienne 9 , le vol<strong>et</strong> militaire du plan <strong>Vigipirate</strong> présente<br />

d’intéressantes opportunités <strong>de</strong> développement du lien armée-nation, pour peu que ses acteurs en soient convaincus <strong>et</strong> que les<br />

efforts <strong>de</strong> pédagogie <strong>et</strong> <strong>de</strong> communication nécessaires puissent être menés.<br />

Ainsi, après le succès mitigé <strong><strong>de</strong>s</strong> opérations <strong>de</strong> relations publiques <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> multiples partenariats locaux lancés au moment <strong>de</strong> la<br />

professionnalisation <strong>et</strong> alors que la mort au combat <strong>de</strong> soldats français s’accompagne en France d’une relative indifférence, la<br />

participation active <strong>et</strong> visible <strong><strong>de</strong>s</strong> armées à la défense du territoire pourrait œuvrer concrètement en faveur du renforcement du<br />

lien armée-nation.<br />

Patrouille <strong>Vigipirate</strong> <strong>de</strong> nuit sous la Tour Eiffel / <strong>Vigipirate</strong> night patrol beneath the Eiffel Tower<br />

triBune liBre<br />

9 La «paradoxale trinité» est une <strong><strong>de</strong>s</strong> notions fondamentales définies par Carl von Clausewitz dans De la <strong>guerre</strong>. Ce système réunit le peuple, le gouvernement ainsi que les forces<br />

armées d’un même Etat. Il se caractérise par la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions inévitables entre ces trois ensembles.<br />

DOCTRINE TACTIQUE N° 26<br />

73<br />

DÉCEMBRE 2012

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