Les fonctions opérationnelles terrestres - Le Centre de Doctrine d ...
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MAI 2008 9 DOCTRINE NUMÉRO SPÉCIAL<br />
La problématique<br />
<strong><strong>Le</strong>s</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong><br />
<strong>terrestres</strong> :<br />
une évolution nécessaire<br />
L’héritage du passé<br />
Jusqu’au début <strong>de</strong>s années 90, les forces <strong>terrestres</strong>, dans leur gran<strong>de</strong> majorité, se préparaient à mener un combat face à<br />
un adversaire parfaitement défini dans le cadre d’une manœuvre principalement défensive, prélu<strong>de</strong> au déclenchement<br />
du feu nucléaire. L’engagement <strong>de</strong> très nombreuses unités sur <strong>de</strong>s zones d’action réduites nécessitait une planification<br />
et une conduite <strong>de</strong>s opérations très rigoureuses, dans lesquelles la place et le rôle <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s armes étaient<br />
parfaitement i<strong>de</strong>ntifiés et <strong>de</strong> fait, justifiés sur le plan opérationnel.<br />
La fin <strong>de</strong> la guerre froi<strong>de</strong> a conduit à la rédaction d’un Livre blanc sur la défense en 1994. <strong><strong>Le</strong>s</strong> schémas<br />
traditionnels, sans disparaître totalement, laissaient une plus gran<strong>de</strong> place à la projection <strong>de</strong>s forces, sur <strong>de</strong>s<br />
terrains et dans <strong>de</strong>s milieux extrêmement variés, face à <strong>de</strong>s adversaires qualifiés alors <strong>de</strong> “protéiformes”. Cette<br />
nouvelle incertitu<strong>de</strong> sur les engagements, la difficulté à définir la typologie <strong>de</strong>s adversaires à affronter, la<br />
globalité <strong>de</strong> la préparation opérationnelle conduisirent alors l’armée <strong>de</strong> terre à dépasser progressivement les<br />
notions d’armes pour bâtir sa réflexion opérationnelle à partir <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong>.<br />
Ces <strong>de</strong>rnières furent définies comme “<strong>de</strong>s domaines d’activités spécifiques, dont la mise en œuvre coordonnée<br />
permet <strong>de</strong> mener à bien les opérations militaires” 1 . Elles visaient à être utilisées comme une grille <strong>de</strong> cohérence<br />
et d’analyse commune à l’ensemble <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> terre en vue d’instruire, <strong>de</strong> former, <strong>de</strong> préparer et <strong>de</strong><br />
constituer les ensembles <strong>de</strong> forces nécessaires à l’exécution <strong>de</strong> sa mission. Elles eurent pour corollaires<br />
immédiats le principe <strong>de</strong> modularité et la notion <strong>de</strong> réservoir <strong>de</strong> forces.<br />
PAR LE COLONEL LUDOVIC PERCHE DE LA DEO DU CDEF 2<br />
<strong><strong>Le</strong>s</strong> <strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong> <strong>terrestres</strong> (TTA 901 EMAT 1999)<br />
Fonctions universelles ou intégrantes<br />
Comman<strong>de</strong>ment<br />
Télématique<br />
Renseignement<br />
Logistique<br />
Fonctions d’engagement<br />
Contact<br />
Combat indirect<br />
Agencement <strong>de</strong> l’espace terrestre<br />
Défense antiaérienne<br />
Fonctions d’environnement<br />
Communication opérationnelle<br />
Affaires civilo-militaires
Alors que les <strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong> et les<br />
réservoirs <strong>de</strong> forces se mettaient progressivement<br />
en place, il fut décidé <strong>de</strong> professionnaliser l’armée<br />
<strong>de</strong> terre, ce qui eut pour conséquence immédiate <strong>de</strong><br />
réduire le nombre <strong>de</strong> ses unités. Cette diminution <strong>de</strong><br />
format fut réalisée dans le cadre du Livre blanc, en tenant<br />
compte <strong>de</strong>s enseignements tirés <strong>de</strong>s engagements plus<br />
ou moins récents. Cependant, elle fut relativement<br />
homothétique au regard <strong>de</strong>s équilibres capacitaires en<br />
vigueur dans les années 90. Au bilan, si le périmètre <strong>de</strong>s<br />
armes avait été considérablement réduit, le poids relatif<br />
<strong>de</strong> chacune d’elles au sein <strong>de</strong> l’armée <strong>de</strong> terre avait<br />
finalement peu évolué.<br />
<strong><strong>Le</strong>s</strong> principaux moteurs du changement<br />
Du fait <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s engagements<br />
et <strong>de</strong> leur caractère difficilement prédictible dans<br />
le temps, la parfaite adéquation “effets à<br />
obtenir/organisations disponibles” ne sera certainement<br />
jamais atteinte. En revanche, les écarts constatés<br />
sur les différents taux <strong>de</strong> projection traduisent bien un<br />
déséquilibre entre <strong>fonctions</strong>, que nous ne savons<br />
aujourd’hui corriger que par <strong>de</strong>s mesures structurelles<br />
visant à répondre aux besoins opérationnels. Ce constat<br />
et ces ajustements nécessaires ne concernent pas que la<br />
France : les Etats-Unis, impliqués dans une longue<br />
guerre, mais aussi le Royaume-Uni, l’Allemagne et bien<br />
d’autres pays ont engagé un processus d’adaptation <strong>de</strong><br />
leurs forces <strong>terrestres</strong>.<br />
Ces évolutions font suite à la rupture stratégique issue<br />
<strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> la guerre froi<strong>de</strong>. <strong><strong>Le</strong>s</strong> conflits dans lesquels<br />
nous intervenons aujourd’hui sont <strong>de</strong> moins en moins<br />
souvent interétatiques, ou lorsqu’ils le sont, les combats<br />
symétriques classiques sont <strong>de</strong> courte durée (le conflit<br />
irakien en est un parfait exemple). Ceci a <strong>de</strong>s<br />
conséquences majeures sur la constitution <strong>de</strong> nos<br />
forces car elles doivent être capables, dans un premier<br />
temps, <strong>de</strong> mener un combat très violent sur une pério<strong>de</strong><br />
relativement courte, en vue <strong>de</strong> “gagner la bataille 3”,<br />
puis dans un <strong>de</strong>uxième temps, être en mesure <strong>de</strong><br />
“conduire à la paix” dans la durée, face à un adversaire<br />
le plus souvent asymétrique. Cette dichotomie génère<br />
un besoin en capacités militaires très contrasté sur les<br />
plans qualitatifs et quantitatifs, en fonction <strong>de</strong> la phase<br />
dans laquelle se trouve le conflit (intervention,<br />
stabilisation ou normalisation).<br />
Par ailleurs, la résolution <strong>de</strong> crise dépasse aujourd’hui<br />
la seule action militaire (interarmées ou non ;<br />
DOCTRINE NUMÉRO SPÉCIAL 10 MAI 2008<br />
Cet héritage peu détaché du contexte <strong>de</strong> la guerre froi<strong>de</strong><br />
est encore assumé dans notre modèle d’armée actuel<br />
alors que nos engagements ont profondément évolué. <strong>Le</strong><br />
futur Livre blanc sur la défense et la sécurité en cours <strong>de</strong><br />
rédaction fixera bientôt le nouveau cadre dans lequel<br />
nous <strong>de</strong>vrons nous inscrire. Il n’est cependant pas trop<br />
tôt pour mener une réflexion sur l’adaptation <strong>de</strong>s forces<br />
<strong>terrestres</strong>. Pour s’en convaincre, il suffit <strong>de</strong> prendre en<br />
considération les taux <strong>de</strong> projections <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> la FAT<br />
ou <strong>de</strong> la FLT. On constate que certaines armes ou<br />
<strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong> subissent un taux d’activité<br />
opérationnelle très élevé tandis que d’autres sont plus<br />
rarement employées dans leur cœur <strong>de</strong> métier, voire<br />
rarement projetées.<br />
multinationale ou non) et les forces <strong>terrestres</strong> doivent<br />
désormais collaborer avec <strong>de</strong>s organismes civils (autres<br />
ministères, ONG...) pour atteindre l’effet final (politique)<br />
recherché. <strong><strong>Le</strong>s</strong> différents retours d’expérience nous<br />
montrent que nos forces sont culturellement et<br />
structurellement adaptées pour “gagner la bataille”. Il<br />
est maintenant impératif qu’elles prennent mieux en<br />
considération les évolutions qui leur permettront <strong>de</strong><br />
“conduire à la paix” dans <strong>de</strong> bonnes conditions.<br />
Enfin, la société française évolue. Si elle soutient les<br />
actions extérieures, elle ressent également une menace<br />
à la fois globale et diffuse sur le territoire national, qui<br />
génère une attente légitime vis-à-vis <strong>de</strong>s forces<br />
<strong>terrestres</strong>. L’armée <strong>de</strong> terre ayant parfaitement i<strong>de</strong>ntifié<br />
ce besoin et la nécessité <strong>de</strong> prendre en compte le<br />
caractère dual <strong>de</strong> son engagement au service du pays<br />
(missions intérieures - opérations extérieures), elle<br />
<strong>de</strong>vrait logiquement y répondre par la préparation d’une<br />
évolution <strong>de</strong> ses capacités et <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>scription.<br />
1 TTA 901 - Forces <strong>terrestres</strong> en opérations - avril 1999.<br />
2 Division emploi-organisation du CDEF.<br />
3 FT 01 - Gagner la bataille, conduire à la paix.
SIRPA Terre/CCH CHATARD<br />
Fruit d’une réflexion menée dans un contexte <strong>de</strong> transition entre la guerre froi<strong>de</strong> et<br />
les interventions mo<strong>de</strong>rnes, les <strong>fonctions</strong> <strong>opérationnelles</strong> <strong>terrestres</strong> sont aujourd’hui et<br />
à nouveau confrontées à un changement <strong>de</strong> contexte. L’armée <strong>de</strong> terre dispose <strong>de</strong>s<br />
informations qui lui permettent <strong>de</strong> faire un diagnostic sur les évolutions dans le domaine opérationnel<br />
et sur les capacités qu’elle doit maintenir, renforcer, faire évoluer... La mise en place <strong>de</strong>s <strong>fonctions</strong><br />
<strong>opérationnelles</strong> et du principe <strong>de</strong> modularité ayant jusqu’à présent donné satisfaction et n’étant pas<br />
remise en cause, il faut maintenant mener une réflexion approfondie sur leur adaptation aux<br />
formes <strong>de</strong>s crises futures probables et aux attentes qui seront décrites dans le prochain Livre blanc.<br />
MAI 2007 11 DOCTRINE NUMÉRO SPÉCIAL<br />
La problématique