Le secours en montagne Obstination déraisonnable ... - Sfar
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DOSSIER<br />
L’anesthésie :<br />
un métier de la com’ ?<br />
L’anesthésie :<br />
un métier de la com’ ?<br />
L Y A 30 ans, certains affirmai<strong>en</strong>t avec méchanceté<br />
que l’anesthésie était une discipline médicale idéale<br />
pour ceux qui voulai<strong>en</strong>t éviter de parler aux pati<strong>en</strong>ts,<br />
qu’ils se hâtai<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>dormir. Des travaux des années<br />
1980 sur les traits de personnalité des anesthésistes<br />
v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t partiellem<strong>en</strong>t conforter ces assertions : si, par<br />
comparaison à des médecins généralistes, les anesthésistes<br />
se caractérisai<strong>en</strong>t comme étant plus curieux,<br />
sérieux, autonomes et dominants, ils étai<strong>en</strong>t effectivem<strong>en</strong>t<br />
plus introvertis et moins socialem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagés (1) I<br />
.<br />
Mais cette t<strong>en</strong>dance n’est-elle pas une donnée du passé ?<br />
<strong>Le</strong> quotidi<strong>en</strong> nous montre plutôt qu’<strong>en</strong> étant l’interface<br />
obligée de toutes les disciplines interv<strong>en</strong>tionnelles<br />
l’anesthésiste doit réaliser chaque jour des prouesses <strong>en</strong><br />
matière de communication, devant sans cesse discuter,<br />
négocier, arranger, adapter et trouver des solutions pour<br />
faciliter le bon fonctionnem<strong>en</strong>t du plateau technique. Tout<br />
anesthésiste est am<strong>en</strong>é à assumer régulièrem<strong>en</strong>t cette<br />
tâche, dans laquelle certains excell<strong>en</strong>t.<br />
Avec la complexité croissante des soins, ces capacités relationnelles<br />
des anesthésistes vont peut-être passer du statut<br />
actuel, celui d’une qualité optionnelle, à celui d’une<br />
exig<strong>en</strong>ce professionnelle. En effet, des données nouvelles<br />
démontr<strong>en</strong>t qu’une bonne communication améliore fortem<strong>en</strong>t<br />
les deux déterminants clés de la qualité des soins : la<br />
morbimortalité postopératoire d’une part, et la satisfaction<br />
des pati<strong>en</strong>ts d’autre part.<br />
COMMUNICATION AU SEIN DES ÉQUIPES :<br />
JE TE PARLE, TU ME PARLES,<br />
NOUS NOUS PARLONS…<br />
Il y a 10 ans, le rapport de l’Institut de Médecine américain<br />
« To err is human » avait alerté sur la fréqu<strong>en</strong>ce inacceptable<br />
des erreurs médicales, induites par la complexité<br />
croissante des soins médicaux (2) . <strong>Le</strong> monde médical<br />
pr<strong>en</strong>ait alors consci<strong>en</strong>ce de la nécessité de sécuriser les<br />
soins. En janvier 2009, l’Organisation Mondiale de la<br />
Santé (OMS), dans le cadre d’une campagne intitulée<br />
« Safe surgery saves lives », a souhaité placer la sécurisation<br />
des soins chirurgicaux comme une priorité mondiale<br />
<strong>en</strong> matière de santé publique. En effet, sur les 234 millions<br />
d’opérés chaque année dans le monde, 7 millions d’<strong>en</strong>tre<br />
eux ont des complications graves et un million <strong>en</strong> décèd<strong>en</strong>t<br />
(3) . L’OMS estime que la moitié de ces décès et complications<br />
pourrait être évitée par une optimisation des<br />
6 VIGILANCE N° 19 AVRIL 2010<br />
pratiques anesthésiques et chirurgicales, et notamm<strong>en</strong>t par<br />
une meilleure communication <strong>en</strong>tre les membres de<br />
l’équipe opératoire. Elle recommande l’utilisation d’une<br />
checklist de 19 critères simples qui impose aux acteurs<br />
cette communication à trois mom<strong>en</strong>ts-clés de l’acte opératoire<br />
: avant l’anesthésie, avant la chirurgie et à la fin de la<br />
chirurgie. En effet, une étude réalisée dans 8 hôpitaux de<br />
différ<strong>en</strong>tes régions du globe montrait que l’utilisation de<br />
cette checklist permettait d’obt<strong>en</strong>ir des résultats impressionnants<br />
: une chute de la mortalité des opérés de 47 %<br />
(taux moy<strong>en</strong> diminuant de 1,5 % à 0,8 % ; p < 0,003) et<br />
des complications postopératoires de 36 % (taux moy<strong>en</strong><br />
diminuant de 11,0 % à 7,0 % ; p < 0,001) (4) . Tous les<br />
c<strong>en</strong>tres, notamm<strong>en</strong>t ceux des pays développés, voyai<strong>en</strong>t<br />
leurs résultats s’améliorer.<br />
En réalité, cette étude confirmait d’autres travaux, ayant<br />
déjà id<strong>en</strong>tifié que les résultats des soins chirurgicaux ne<br />
dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t pas uniquem<strong>en</strong>t de l’habileté technique des<br />
chirurgi<strong>en</strong>s mais de nombreux autres facteurs liés aux<br />
conditions de travail et à la communication au sein des<br />
équipes (5,6) . Il était notamm<strong>en</strong>t observé que la qualité du<br />
travail <strong>en</strong> équipe, appréciée par des mesures des<br />
échanges et des comportem<strong>en</strong>ts au bloc opératoire,<br />
influ<strong>en</strong>çait la mortalité postopératoire : de bons scores du<br />
comportem<strong>en</strong>t et de la communication des équipes étai<strong>en</strong>t<br />
associés à une réduction du risque des décès postopératoires<br />
par un facteur de 4,82 (odds ratio), après ajustem<strong>en</strong>t<br />
du risque à la gravité des pati<strong>en</strong>ts (7) . <strong>Le</strong>s élém<strong>en</strong>ts<br />
influ<strong>en</strong>çant la réduction des risques étai<strong>en</strong>t : le partage de<br />
l’information, <strong>en</strong> per- et postopératoire immédiat, et<br />
l’exist<strong>en</strong>ce d’un débriefing postopératoire immédiat. <strong>Le</strong>s<br />
marqueurs du comportem<strong>en</strong>t étai<strong>en</strong>t 3 fois plus prédictifs<br />
des complications et des décès postopératoires que la<br />
classe ASA des pati<strong>en</strong>ts.<br />
Ainsi donc, se parler et échanger sur ce qu’on fait, <strong>en</strong>tre<br />
chirurgi<strong>en</strong>s et anesthésistes, est plus efficace pour le<br />
dev<strong>en</strong>ir des opérés que bi<strong>en</strong> d’autres thérapeutiques…<br />
Inversem<strong>en</strong>t, se faire opérer par des équipes qui communiqu<strong>en</strong>t<br />
mal <strong>en</strong>semble représ<strong>en</strong>te un risque périopératoire<br />
plus important que celui lié à sa maladie ! En « imposant »<br />
par la checklist cette communication, l’OMS vi<strong>en</strong>t rappeler<br />
aux membres de l’équipe opératoire l’importance de<br />
partager verbalem<strong>en</strong>t leurs préoccupations quant à l’acte<br />
qu’ils accompliss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble et de c<strong>en</strong>trer leur communication<br />
sur le pati<strong>en</strong>t.