Les Nouvelles du TOP20 - Jean-Pierre Planque
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<strong>Les</strong> <strong>Nouvelles</strong> <strong>du</strong> <strong>TOP20</strong><br />
ils les contrôlent donc et ils nous octroient des rations que nous devons gagner en<br />
travaillant pour eux dans la forteresse de Kilimna.<br />
— Excuse-moi, Azag, coupa Simit, toujours plus nerveux. Mais qu’est-ce que<br />
tout cela a à voir avec Firias ?<br />
Azag contempla la ville éten<strong>du</strong>e comme une gigantesque tente sous ses pieds<br />
et dit, plus pour lui-même que pour Simit :<br />
— Qu’est-ce qui empêche cette immense toile d’attraper les morts ? Il n’y a pas<br />
de véritable réponse à la question de savoir qui nous sommes et ce que nous<br />
faisons, mais les gens de ma race veulent pouvoir s’interroger en toute liberté. Il y a<br />
un secret, peut-être une mystification autour de nos existences, et la Révolte qui<br />
couve sous cette ville veut en avoir le cœur net. Arracher le pouvoir aux<br />
Observateurs, c’est un début ; un autre, c’est d’apprendre à rêver.<br />
Simit observa le Gardien, et quelque chose lui rappela le discours que le père<br />
de Firias avait tenu au cours des obsèques. On n’avait jamais retrouvé le corps, mais<br />
là où il se trouvait Firias resterait assez longtemps pour entreprendre ou pour venir<br />
en aide. Sans doute Azag avait-il raison : Télaragna n’attrapait pas seulement des<br />
images.<br />
Azag se retourna pour regarder Simit, et sa seconde peau se fit plus brillante<br />
sous l’effet des lampes fixées sur les passerelles voisines.<br />
— Je vais te sortir d’ici, lui dit-il, bien qu’on prétende que personne ne sort de<br />
Télaragna.<br />
Ce fut un moment terrible. Simit n’avait jamais connu une pareille épreuve :<br />
sauter de seuil en seuil, de porte en porte, courir par les rues désertes de Télaragna.<br />
Chaque instant, les ombres semblaient les atteindre à travers un jeu de lumières et<br />
de ruelles, à tel point qu’ils n’avaient presque plus la force de leur échapper, mais<br />
une sorte de providence faisait qu’à chaque fois ils trouvaient une issue et<br />
s’éloignaient <strong>du</strong> danger imaginé. C’est ainsi qu’ils finirent par atteindre une espèce<br />
de petite porte devant laquelle Azag s’arrêta et qu’il ouvrit avec une clé tirée de sa<br />
seconde peau. Simit serrait la sacoche sur sa poitrine et respirait fortement, mais il<br />
restait solide sur ses pieds.<br />
— Franchis cette porte et tu déboucheras sur une partie de la falaise, sur le<br />
chemin principal. Là-bas, tu seras en sécurité, personne d’autre ne sort de<br />
Télaragna.<br />
Le facteur, qui avait la gorge nouée, regarda Azag. <strong>Les</strong> hommes comme lui<br />
avaient l’habitude des affaires difficiles et bizarres. N’avait-il pas un rôle de<br />
messager ? Mais la sensation d’irréalité était si flagrante, après ce qu’il avait vécu,<br />
qu’elle semblait s’intensifier encore, une fois le danger passé. Il prit appui sur le seuil<br />
de la porte que le Gardien avait ouverte et se disposait à s’enfuir quand Azag le<br />
retint :<br />
— Je m’excuse de te demander ça, Simit, mais ce sont les ordres de mes<br />
supérieurs. Quand tu sortiras sur le chemin, il y aura un Nurditù, une créature des<br />
profondeurs, qui attend ce message. S’il te plaît, remets-le lui et tu nous rendras un<br />
grand service. Le dernier que je te demande.<br />
Et, tout en parlant, il lui remit une petite enveloppe jaune.<br />
— Nous sommes là pour ça, dit Simit, sur un ton professionnel. Il avait un faible<br />
sourire, un sourire forcé. Tout en se demandant s’il devait embrasser Azag pour<br />
prendre congé, il saisit l’enveloppe, franchit vite la porte sans regarder derrière lui,<br />
comme s’il fuyait un mort.