Les Nouvelles du TOP20 - Jean-Pierre Planque
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<strong>Les</strong> <strong>Nouvelles</strong> <strong>du</strong> <strong>TOP20</strong><br />
une information de plus. C’étaient ses propres limitations : manger, dormir, satisfaire<br />
ses besoins naturels qui finiraient par lui faire perdre la piste de l’éclopé. Ça n’avait<br />
pas de sens. Il poursuivait un fantôme. Il vaudrait mieux abandonner avant que<br />
l’obsession ne paralyse sa volonté.<br />
Cependant, il s’autorisa une dernière tentative. S’il interrompait la recherche,<br />
sachant maintenant qu’elle ne le mènerait à rien, et s’il trouvait, parmi les autres<br />
voyageurs, quelqu’un qui aurait remarqué l’étrange comportement <strong>du</strong> mendiant,<br />
peut-être obtiendrait-il une réponse satisfaisante sans aller plus loin. Cette possibilité<br />
l’encouragea à aborder la personne la plus proche.<br />
— Excusez-moi, dit-il à un jeune aux cheveux roux frisés qui avait passé tout le<br />
voyage à chercher une position adéquate pour son grand sac à dos. Avez-vous<br />
observé le mendiant qui est passé il y a un moment, le type qui bafouille, le gros qui<br />
répète des phrases décousues ?<br />
Le jeune le regarda, surpris, mais il ne paraissait pas choqué par la question.<br />
— Je le vois chaque fois que je voyage ; je n’y fais plus attention. Qu’est-ce qu’il<br />
a fait ?<br />
— Fait ? Il n’a rien fait de particulier. C’est difficile à expliquer. Tu vas sûrement<br />
penser que je suis fou ou que j’ai de drôles de préoccupations.<br />
Le jeune haussa les épaules :<br />
— J’ai enten<strong>du</strong> pire.<br />
— Ce que j’éprouve, c’est une sensation, comme en un éclair. J’ai vu quelque<br />
chose de très étrange quand il est passé près de moi, il y a un instant, et, depuis, je<br />
le poursuis.<br />
— Alors vous l’avez laissé partir, parce qu’il est trois voitures derrière.<br />
— Peu importe. Je sais où il est en ce moment ; ce n’est pas ça. Il manœuvre<br />
avec la régularité d’une machine.<br />
— Un robot mendiant ?<br />
Le jeune avait tout de suite saisi.<br />
— Ça paraît absurde.<br />
— Oui. Non ?<br />
Le train se remplissait à chaque station, et l’atmosphère devenait irrespirable. Il<br />
se demanda comment le mendiant ferait pour respecter son modèle : une voiture par<br />
trajet.<br />
— D’après mon calcul, reprit-il, à la huitième station la dernière voiture sera<br />
arrivée, ce qui l’obligera à prendre un train qui descend ou le prochain allant dans la<br />
même direction que celui-ci.<br />
— Vous êtes sûr de ce que vous dites ? Écoutez, vous, je ne vous connais pas.<br />
Vous pourriez être un de ces cinglés prêts à n’importe quoi. À moi le mendiant ne<br />
m’a rien fait ; est-ce que je dois choisir entre les deux ?<br />
— Bon, je te demande pardon.<br />
— Non. Ça va.<br />
Le jeune semblait comprendre qu’il avait été grossier et essayait de corriger sa<br />
con<strong>du</strong>ite. Il tendit la main et se présenta :<br />
— Je m’appelle Julian, je fais ce trajet tous les jours.<br />
Il sourit :<br />
— J’étudie dans le centre. <strong>Les</strong> sciences sociales.<br />
— Très bien ! Je suis Esteban Gandolfo. Comme tu le vois, je perds mon temps<br />
à des foutaises.<br />
— Vous avez l’intention de le suivre ?