Les Nouvelles du TOP20 - Jean-Pierre Planque
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<strong>Les</strong> <strong>Nouvelles</strong> <strong>du</strong> <strong>TOP20</strong><br />
Zénon blasphéma.<br />
Il venait de renverser un encrier.<br />
Mais comment contenir son trouble, sous l’averse de ces plaintes d’amants à la<br />
dérive sur la mer démontée <strong>du</strong> Tendre ?<br />
Le prêtre se leva, malaxant son érection par-dessus sa soutane poisseuse, et<br />
alla appuyer son front contre le miroir dans lequel il vit défiler les images d’une<br />
péripétie récente, qui aurait pu lui valoir le bûcher, à une époque où les Lumières<br />
étaient aussi exsangues qu’une aube d’hiver pluvieux.<br />
Église de Ville-Neuve. Échafaudages. Senteurs de chaux.<br />
Chairs douces écartées sur le marbre <strong>du</strong> maître-autel.<br />
Bougies disposées en pentacle, aussi noires que le calice où s’égouttait un flux<br />
de sang menstruel.<br />
Quelques heures plus tard, Gloria recevait un objet enrobé dans un gant dont la<br />
peau d’un écorché avait fait les frais et que les menstrues de la récipiendaire<br />
venaient de teindre : une main aux doigts repliés, desséchée et parcheminée.<br />
Une Main de gloire.<br />
Seuls les nécromanciens les plus experts savaient lui transmettre des pouvoirs<br />
occultes, tel celui de ressusciter, l’espace d’une nuit, les âmes damnées. À un niveau<br />
moins élevé, les paillards et les bandits pouvaient s’en servir comme charme<br />
d’amour ou d’engourdissement, afin de pouvoir figer les êtres à trousser ou à<br />
détrousser, le choix entre les deux buts n’étant pas obligatoire.<br />
Gloria in inferis Diabolo (Gloire au Diable, dans les enfers), avait psalmodié<br />
Zénon, remettant ce présent à son élue qui, totalement ignare des pouvoirs dont était<br />
gorgée l’amulette, l’honora d’une moue en équilibre précaire entre le dégoût et le rire.<br />
Un long baiser et une promesse de rendez-vous pour le lendemain avaient<br />
scellé la cérémonie.<br />
o<br />
En ce deuxième jour de l’An 1771<br />
Père très vénéré,<br />
Je suis au regret de vous dire que je suis contrainte d’écourter mon séjour,<br />
pourtant si agréable, dans cette ville aux beaux portails. Mais la Congrégation des<br />
Dames de Sainte Fosca, dont je suis la présidente, ne peut se passer de mes<br />
services : on vient d’organiser un gala, où mes modestes talents de violoncelliste<br />
sont requis, que vous avez eu la bonté d’apprécier.<br />
La recette sera versée au profit de nos œuvres qui, comme vous le savez – si<br />
vous ne l’avez pas oublié, en ces jours de liesse populaire – ont pour but de sauver<br />
de pauvres âmes per<strong>du</strong>es. Une, en particulier, me tient à cœur, dont je ne puis vous<br />
révéler le nom, pour des raisons compréhensibles.<br />
Comptant sur votre in<strong>du</strong>lgence, je vous prie d’excuser ma défection et de croire,<br />
Monsieur l’Abbé, à mon infinie gratitude pour vos bons offices et pour votre présent,<br />
si insolite.<br />
Humblement vôtre, au nom de la Divine Miséricorde<br />
Comtesse Domani