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Les Nouvelles du TOP20 - Jean-Pierre Planque

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<strong>Les</strong> <strong>Nouvelles</strong> <strong>du</strong> <strong>TOP20</strong><br />

village <strong>du</strong> Var. Elle était déjà issue d’une famille de consanguins zoophiles mais elle<br />

s’occupait bien de son âne, car, bien sûr, elle n’en possédait qu’un. Personne ne<br />

voulait lui enlever son seul bonheur. Nul n’aurait accepté qu’elle s’occupât d’un<br />

troupeau. <strong>Les</strong> enfants hurlaient et les vieux se signaient à son approche. Ce n’était<br />

pas une mince affaire. Mais notre punk routier, tatoué, et maudit de tous les<br />

cultivateurs et des honnêtes gens de la région, s’était fait l’Anière.<br />

Fred savait à quoi tout servait ; mais il était juste un exécutant, car il n’avait<br />

guère d’instruction ni d’intelligence.<br />

Par contre, il s’avérait suffisamment méchant, frustré et cruel pour prendre son<br />

pied à ce qui faisait sa vie. Sa vie, il l’aimait. Il ne se posait pas de question d’ordre<br />

existentiel ou métaphysique. Pour lui, le culte d’Itram était une chose d’ordre<br />

matériel, politique, aussi tangible que l’in<strong>du</strong>strie ou la boucherie.<br />

L’air était humide et électrique. Un parfum de mousse et de vase mélangés<br />

donnait aux participants une frénésie irréelle et hystérique.<br />

Un immense cercle, une clairière, semblait remuer comme si elle attendait<br />

quelque chose à engloutir ou à mettre bas. Je n’avais jamais eu l’impression que<br />

l’écorce terrestre pût être semblable à un animal, mais de plus en plus, les<br />

breuvages et les substances ingurgitées ainsi que la musique mêlée aux litanies<br />

semblait avoir un effet sur elle.<br />

Une énorme cavité s’ouvrit comme une gueule édentée, bordée de branches ou<br />

de racines ramifiées qui auraient bien pu être autre chose. <strong>Les</strong> sacrificateurs<br />

chauves déposèrent leurs morbides fardeaux : une troupe entière de femmes de tous<br />

âges, vivantes, pieds et mains liés, droguées et énormes, aux yeux révulsés.<br />

Certaines étaient couvertes de poils sur diverses parties <strong>du</strong> corps ou de la face.<br />

<strong>Les</strong> chevelus, peints en blanc, portaient leur cuir noir brillant. Ils chantaient en<br />

psalmodiant des choses inaudibles, tout en agitant au dessus d’eux, torches et<br />

ramures.<br />

Johannsen, le médecin chef de la clinique <strong>du</strong> parc, était là. Il ne me reconnut<br />

pas. Bien heureusement. Mon visage était couvert d'un masque que Fred m’avait<br />

aidé à confectionner . masque qui symbolisait une certaine distinction dans les cultes<br />

barbares, dont celui d’Itram et autres forces primales et violentes de la nature.<br />

Oui, mesdames, je préfère, aujourd’hui, le béton, les égouts et les<br />

hydrocarbures, car je ne veux ni ne peux retourner d’où je viens. <strong>Les</strong> choses, une<br />

fois enclenchées, risquent bien de se rebiffer. Je crains fort une réversion soudaine à<br />

mon ennuyeuse et banale existence.<br />

La cavité qui reçut la cargaison de vivres, semblait posséder la vigueur et<br />

l’avidité d’un vagin géant, d’un animal en rut ; à l’appétit d’un lion affamé qui dévore<br />

des enfants.<br />

Le professeur Johannsen parlait et faisait des commentaires délirants, tant<br />

mystiques que fonctionnels, au sujet de la science et d’un « écosystème »<br />

sociologique. Cela sonnait autant réaliste que passéiste.<br />

Méfiez-vous des choses qui peuvent vous paraître démodées. La vie est faite<br />

de cycles et la magie a pour but d’activer ou de désactiver ceux-ci.<br />

Quelque chose, en bas, émettait un affreux bruit de succion que ne pouvaient<br />

couvrir les hurlements des victimes, les cors de chasse et le chant des sorciers.<br />

Fred me raconta alors l’étrange histoire <strong>du</strong> dieu de la chasse, ainsi que la<br />

cérémonie qui avait fait de lui son adepte. Cela correspondait, en tout point ou<br />

presque, aux détails effrayants que je lus dans la lettre de Thierry. Mon ami était<br />

hospitalisé à Paris pour dépression nerveuse ; il traversait une violente crise, à la fois<br />

mystique et existentielle.

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