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James Guillaume, L'internationale, Tome I - Éditions Entremonde

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6<br />

I/INTERNATIONALE<br />

auprès de mes voisins s'il y a dans l'assemblée quelque notabilité<br />

politique ou scicntilique : il n'y en a point, me dit-on; mais les<br />

travailleurs sauront bien faire leur besogne tout seuls ; et, en efl'et,<br />

la dignité de leur tenue et le sérieux de leur langage me font bien<br />

augurer de la réussite du Congrès.<br />

Après le diner, on se réunit dans la grande salle de la brasserie<br />

Ti'eiber (aux Eaux-Vives), qui est pavoisée de drapeaux. Les délégués<br />

sont au nombre de soixante environ : il y a là une demi-douzaine<br />

d'Anglais, qui sont les représentants de plus de vingt-cinq mille<br />

travailleurs, membres de l'Association ; une douzaine de délégués de<br />

; mais les délégués allemands, et suisses<br />

Paris, de Rouen et de Lyon *<br />

surtout, forment la majorité de l'assemblée. Au moment où l'on va<br />

entrer en séance, un incident se produit : quelques membres parisiens<br />

de l'Association internationale, non délégués, anciens étudiants et<br />

ouvriers, tous jeunes gens, sont venus à leurs frais pour assister ^u<br />

Congrès, et demandent à être admis à prendre part aux délibérations.<br />

Le droit de prendre la parole leur est accordé, non sans observations<br />

de la part de quelques formalistes ^ puis on élit un président, et on<br />

;<br />

fixe l'ordre du jour du lendemain.<br />

Gomme je suis curieux de savoir ce que pensent les étudiants parisiens<br />

sur les questions politiques et sociales, la séance levée, je<br />

m'approche d'eux ; entre jeunes gens, la connaissance est vite faite,<br />

et nous causons à cœur ouvert. Ces messieurs appartiennent au<br />

groupe qui a convoqué et dirigé le Congrès des étudiants de Liège,<br />

et qui a rédigé la Riçe gauche et Candide, courageux petits journaux<br />

promptement supprimés par la police bonapartiste. Ils ne connais-<br />

1. Il y en avait davantage, comme on le verra plus loin.<br />

2. J'ai retenu les noms de deux seulement de ces jeunes gens : Piotot, tout jeune<br />

avocat, qui fut en 1871 membre de la Commune, et Alphonse Humbert, plus tard<br />

l'un des rédacteurs du Père D^ichêne, et qui était alors commis pliarmacien chez<br />

Raspail. Fribourg (UAssociation internationale des travailleurs, Paris, 1871, p. 48)<br />

dit que les autres étaient Calavaz et Jeunesse, étudiants, et I.alourcet, menuisier ;<br />

Oscar Testut (L'Internationale, Paris, 1871, p. 12.5, note 1) ajoute le nom de Rey.<br />

Ils étaient venus principalement pour protester contre les délégués parisiens, auxquels<br />

ils reprochaient d'avoir des accointances, d'une part, avec le Palais Royal, d'autre<br />

part avec certains bourgeois républicains : on était allé, me dirent-ils dans mes<br />

entretiens avec eux, mendier de l'argent chez des hommes politiques, pour couvrir<br />

les frais de la délégation au Congrès ; ils me citèrent Jules Simon comme ayant<br />

donné vingt francs. Ce fut Protot qui prit la parole devant le Congrès, au nom de<br />

ses camarades; il parla avec une extrême volubilité, et les délégués non français ne<br />

se rendirent pas bien compte de la nature des griefs qu'il exposait. Les délégués<br />

parisiens. Murât, Fribourg, Tolain, voyaient en ces jeunes gens de simples politiciens,<br />

qui n'avaient pas compris le programme de rinternationale, et qui cherchaient à<br />

entraver le mouvement naissant, parce que ce mouvement, selon eux, détournait les<br />

ouvriers de la politique révolutionnaire. Tolain et ses collègues voulaient qu'on leur<br />

refusât le droit de prendre part aux travaux du Congrès, et qu'on les traitât en adversaires.<br />

Murât me dit que ces étudiants étainnt des bavards de café, qui ne savaient<br />

que (i caresser la grisette » (textuel), et ne comprenaient rien aux questions ouvrières.<br />

Je trouvai, en effet, en causant avec ces jeunes gens, qui se rattachaient au groupe<br />

blanquiste, que leurs Idées étaient passablement confuses Mais, tout en me rangeant<br />

du côté de ceux qui voulaient constituer une organisation ouvrière, je pensais qu'ils<br />

avaient tort de rejeter la collaboration de la jeunesse révolutionnaire. Après une très<br />

longue discussion, où les délégués suisses, en particulier, se montrèrent moins<br />

exclusifs que Tolain et ses amis, la majorité décida que Protot et ses compagnons,<br />

sans être admis avec voix délibérative, pourraient néanmoins obtenir la parole dans<br />

les débats du Congrès ; mais ils n'usèrent pas de cette tolérance, et se i-etirèrent.<br />

Ils revinrent dans la séance du jeudi après-midi (je n'étais plus à Genève) ; cette<br />

fois ils firent du tapage, et le Congrès les expulsa.

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