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Dossier pédagogique Journal d'une femme de chambre

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DE LA CRISE À L’AFFAIRE DREYFUS<br />

Une première version a été publiée en feuilleton dans L'Écho <strong>de</strong> Paris, du 20 octobre<br />

1891 au 26 avril 1892 (voir Le <strong>Journal</strong> <strong>d'une</strong> <strong>femme</strong> <strong>de</strong> <strong>chambre</strong>), alors que le romancier<br />

traverse une grave crise morale et littéraire et néglige <strong>de</strong> peaufiner ses feuilletons pour<br />

les publier en volume. Une <strong>de</strong>uxième version, fortement remaniée, a paru dans<br />

la dreyfusar<strong>de</strong> Revue blanche au cours <strong>de</strong> l’hiver 1900.<br />

La forme du journal, qui permet la juxtaposition <strong>de</strong>s séquences, le passage constant du<br />

présent au passé au gré <strong>de</strong>s souvenirs, et le mélange <strong>de</strong>s tons et <strong>de</strong>s genres, contribue à<br />

rompre avec la linéarité du roman traditionnel, avec la priorité <strong>de</strong> l’intrigue et surtout<br />

avec la prétendue objectivité <strong>de</strong>s romans qui se veulent réalistes.<br />

LA POURRITURE DES NANTIS<br />

Mirbeau donne la parole à une soubrette, Célestine, ce qui est déjà subversif en soi, et, à<br />

travers son regard qui perçoit le mon<strong>de</strong> par le trou <strong>de</strong> la serrure, il nous fait découvrir les<br />

nauséabonds <strong>de</strong>ssous du beaumon<strong>de</strong>, les « bosses morales » <strong>de</strong>s classes dominantes et<br />

les turpitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la société bourgeoise qu’il pourfend. Échouée dans un bourg normand,<br />

chez les Lanlaire, au patronyme grotesque, qui doivent leur richesse injustifiable aux<br />

filouteries <strong>de</strong> leurs « honorables » parents respectifs, elle évoque, au fil <strong>de</strong> ses souvenirs,<br />

toutes les places qu’elle a faites <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années, dans les maisons les plus huppées,<br />

et en tire une conclusion que le lecteur est invité à faire sienne : « Si infâmes que soient<br />

les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. »<br />

L’ENFER SOCIAL<br />

Le récit, éminemment démystificateur, constitue une manière d’exploration <strong>pédagogique</strong><br />

<strong>de</strong> l’enfer social, où règne la loi du plus fort, à peine camouflée par les grimaces <strong>de</strong>s<br />

nantis. Forme mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> l’esclavage, la condition <strong>de</strong>s domestiques et gens <strong>de</strong> maison,<br />

comme on disait, est dénoncée par la chambrière, que le romancier dote d’une lucidité<br />

impitoyable : « On prétend qu’il n’y a plus d’esclavage… Ah ! Voilà une bonne blague, par<br />

exemple… Et les domestiques, que sont-ils donc, sinon <strong>de</strong>s esclaves ?… Esclaves <strong>de</strong> fait,<br />

avec tout ce que l’esclavage comporte <strong>de</strong> vileté morale, d’inévitable corruption, <strong>de</strong><br />

révolte engendreuse <strong>de</strong> haines. » Le domestique est un être « disparate », « un<br />

monstrueux hybri<strong>de</strong> humain », qui « n’est plus du peuple, d’où il sort », sans être pour<br />

autant « <strong>de</strong> la bourgeoisie où il vit et où il tend ». Si tous les serfs <strong>de</strong>s temps mo<strong>de</strong>rnes<br />

sont condamnés à l’instabilité, à la surexploitation et à <strong>de</strong> perpétuelles humiliations, les<br />

<strong>femme</strong>s <strong>de</strong> <strong>chambre</strong> sont <strong>de</strong> surcroît traitées comme <strong>de</strong>s travailleuses sexuelles à<br />

domicile, ce qui est souvent le premier pas vers la prostitution.<br />

Mais Mirbeau ne nourrit pour autant aucune illusion sur les capacités <strong>de</strong> révolte <strong>de</strong> la<br />

gent domestique, qui est aliénée idéologiquement et presque toujours corrompue par ses<br />

maîtres : après avoir refusé la place <strong>de</strong> servante-maîtresse que lui propose le<br />

grotesque capitaine Mauger, Célestine, malgré sa lucidité et son dégoût, finit par <strong>de</strong>venir<br />

maîtresse à son tour et par houspiller ses bonnes, dans « le petit café » <strong>de</strong> Cherbourg où<br />

elle a suivi le jardinier-cocher Joseph, antisémite et sadique, enrichi par le vol audacieux<br />

<strong>de</strong> l’argenterie <strong>de</strong>s Lanlaire, et dont elle s’est persuadée qu’il a violé et assassiné une<br />

petite fille…<br />

<strong>Dossier</strong> <strong>pédagogique</strong> - 7 – <strong>Journal</strong> d’une <strong>femme</strong> <strong>de</strong> <strong>chambre</strong>

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